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Chapitre 2 : 15 décembre 2199


– Magdeleine

Les jours filent et chaque soir, ils nous engloutissent un pan de clarté. Peu à peu, la nuit fait son nid. Je n'ai pas eu le temps d'achever les actions de novembre que déjà il faut préparer les suivantes pour l'Atelier. Mon emploi au sein du régime ne m'offre pas plus de répit. La fin de l'année est proche et les commandes affluent de toutes parts. Les hauts dirigeants ne tolèreront pas le moindre impair pour leur grand gala de Noël et je dois mettre toute mon énergie à satisfaire leurs caprices. Et pourtant, ils ont mon estime, car ils ont la lourde responsabilité de se montrer dignes en toutes circonstances. Alors, personne ne les envie, puisque ces hommes et ces femmes sont usés par les dissensions et les nuits passées à assurer la cohésion du peuple mondial. Que ferions-nous sans eux ? Je ne crois pas que nous pourrions vivre autrement.

Cette année encore, je me demande ce que les festivités nous réservent. À l'image de mes complices, j'espère chaque fois le meilleur tout en redoutant le pire. Et je suis si occupée, que j'ai pensé confier à Ira la rédaction de cette entrée du journal. Il y a bien d'autres plumes talentueuses qui peuvent me soutenir, heureusement. Mais je suis la seule femme de l'Atelier à prendre part aux réunions de rééducations organisées à la prison militaire de Kiev. Ces entrevues sont strictement réservées aux redresseurs et formateurs dûment reconnus par le régime. Le sujet est en effet des plus sensibles. Les redresseurs ont pour mission de procéder à la rééducation des criminels ayant subi la peine capitale : l'oubli. Le nom de cette peine mise en place dans les dernières années du XXIe siècle suffit à faire trembler les esprits. Elle consiste à interrompre toutes les fonctions cérébrales du condamné pendant une durée d'une semaine. Ce coma profond fait perdre tous souvenirs et compétences acquises. De sorte que l'on nomme nourrissons les infortunés qui ont essuyé cette épreuve. Ils doivent alors réapprendre à marcher, à parler, à agir en société. Il serait fort dommage de se débarrasser des citoyens renégats quand un dispositif aussi simple permet de faire taire les opinions divergentes.

C'est qu'on ne devient pas insurgé en un jour, le processus est long et sinueux. Nous avons tous été éduqués par le régime. Il en va de même pour mes consœurs et moi. Toutes, nous avons cru en leurs discours. Et pourtant, par secousses successives, des failles sont nées dans nos convictions. Doutes et interrogations ont lézardé peu à peu nos certitudes. Et puis un jour, tout vola en éclat. Alors, nous avons quitté l'idéologie mondiale que le régime nous imposait. Notre liberté dérobée, nos attributs de femmes escamotés, nous sommes partis sur les traces de nos rêves oubliés. Nous avons tenté une fois de plus de tordre le cou au vieux système patriarcal qui nous oppresse encore, à l'aube de ce XXIIIe siècle.

Il y a longtemps pourtant que l'égalité entre les sexes est inscrite dans notre législation. Les femmes ont désormais accès aux métiers et activités dont elles étaient autrefois exclues. Ne disposent-elles pas de droits identiques à ceux des hommes alors même que nos hauts dirigeants comptent un quart de femmes dans leurs rangs ?

Que représentons-nous, aujourd'hui ? Nous voulions devenir l'égale de l'homme et nous avons réussi. La génoéthique, disciple scientifique visant à mettre au monde une progéniture saine et sans tares génétiques, a entendu nos prières. Elle a fait naître une nouvelle génération d'enfants, qui, bien que garçons ou filles, ont grandi en adultes indifférenciés. Devenus hommes ou femmes, aucune différence physique ne les caractérise. Même corpulence, même démarche. La génoéthique a accouché de messieurs imberbes et de dames au torse vide. Nous nous sommes transformés en êtres androgynes et stériles. Il aurait été possible de nous distinguer, vestimentairement. Pourtant c'est l'habit masculin qui fut adopté. Partout, le même devint roi. On nous refusa la fantaisie de nous vêtir au gré de nos envies, au prétexte que nous serions alors des instruments de séduction. Au nom d'une prétendue l'égalité, on nous a condamnées à devenir une pâle copie du masculin. Objets de convoitise, les jolies filles ne survivent plus à présent que dans les magazines technologiques.

Les hommes ne sont pas épargnés pour autant. Leur seule différence se révèle peut-être justement dans leur incapacité à discerner les barreaux de cette prison. Combien demeurent esclaves des stéréotypes de virilité qu'on leur a inculqués ? Victimes d'une évolution qu'ils n'ont pas choisie, mais qui ne les a pas mutilés, comme nous, au plus profond de notre chair. Il est devenu bien rare d'apercevoir un original de nos jours, tant ils sont stigmatisés. Il faut dire que dès que l'on parle d'extravagance, le régime se fait une joie d'évoquer cette figure de hors-la-loi qui court toujours. Cette image du Styrrman que l'on accable d'avance avant même de juger ses crimes. Nous ne savons pas qui il est. S'il est véritablement un individu ou bien une identité symbolique adoptée par un regroupement de rebelles anonymes ? Ce n'est pas le régime qui le dira, lui qui a mis plusieurs heures pour toiletter le nuage de cette prose poisseuse de pirate. Au milieu de la paralysie et du désordre, les quidams scrutèrent sans mot dire les écrits intrusifs du Styrrman. Le nuage lessivé, l'indifférence ordinaire refit surface. Pourtant, hier encore, la parole déliée du flibustier fit son retour sur les dispositifs nuageux du régime. Et des heures durant, les autorités s'escrimèrent à astiquer de leur réseau technologique la suite du récit pirate. Le régime m'a l'air furieux et j'ignore ce qu'il annoncera.

C'est pourquoi, à l'Atelier, nous avons choisi de conserver ses missives. Insolence ou bouteille à la mer, nous prenons le risque de les consigner par écrit. C'est que notre première action approche. Les gorges se nouent et les tensions agitent les langues. Lara, notre artiste peintre nous a promis des représentations numériques. Nous espérons en effet troquer une cargaison de posters technologiques créés sous contrôle du régime contre ceux réalisés par Lara. Non pas que ces icônes soient à proprement parler de la propagande, ce sont des images vintage. Elles mettent en scène de jeunes femmes du XXe et XXIe siècle. Cette esthétique est effectivement très populaire.

Mais que faire de cette quête impossible de nostalgie sinon y mettre un terme ? À quoi bon, perdre la tête à vouloir vénérer ces dessins de créatures de fictions ? Nous n'avons plus la silhouette ou la figure de nos aïeules. Or, malgré tout, tous rêvent d'une jeune gazelle souple et pleine de courbes et de ces canons de beauté devenus impossibles. Nous refusons d'être encore reluquées comme des effigies de séduction. Nous voulons que l'être humain moderne s'observe tel qu'il est et tel qu'il peut être puisque nous ne saurions faire machine arrière. L'arrivée de la génoéthique à la fin du XXIe siècle a chamboulé nos vies. S'apitoyer sur notre sort d'être bercées, éduquées et placées sur l'échelle sociale grâce aux rouages du régime ne sert à rien. Nous voudrions seulement vous offrir un avenir plus digne d'être vécu.

Et d'ici là qui sait ce qui se produira.

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