Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

Chapitre 13 : Vacances d'un pirate

3 janvier 2200

Latitude : secrète,

Longitude : secrète,

Base navale d'habitation


Ne suis-je pas censé partir ? Jeter l'ancre au bout du ciel et m'éloigner sans un regard de cette vie que je ne pourrais jamais faire qu'effleurer. Je devrais m'y résoudre. Pourtant, le confort est saisissant. Dans un moment de faiblesse, il vous retient sur place et vous fait ralentir le pas, renoncer. Ce fauteuil de velours pourpre a quelque chose d'hypnotique qui vous emprisonne. Tout comme l'encens qui appesantit l'atmosphère et charge l'air d'une note mystique et camphrée. La pénombre enveloppe le cabinet. À travers les persiennes, quelques éclats de clarté pétillent et font apparaître les particules en suspension. Poussière-cendre et patientes volutes qui ondulent parmi la patine des temps perdus.

Et pour un peu, j'apprécierai presque ce spectacle d'objets délaissés par leur époque. Ce vieux poste de radio incapable de capter autre chose que des crachotements lointains. Cet encombrant poste de télévision dont le câble électrique tombe en lambeau. Et cette petite console où repose une lampe à pétrole. Celle-là, elle fonctionne au moins ! Comme ailleurs, ici aussi, la solitude a repeint les murs de mon pied-à-terre. Le silence est maître des lieux. Un souffle vague provient pourtant de la futaie voisine. C'est la bise qui gémit et s'agite. Elle ramène jusqu'à moi la complainte des créatures qui survivent au loin. En effet, mon logement n'est pas si distant de celui des autres. Et cet endroit, ce n'est pas seulement mon havre de paix, c'est aussi le repaire d'une poignée de pauvres hères qui me doivent la vie.

Le plus souvent, il s'agit d'anciens monstres du régime-père. Des espèces de silhouettes parapluies qui ploient sous leur existence. Et d'autres, florilèges de pardessus en révolte, droits comme des i ; au moindre mouvement, immobiles, parés à l'affrontement. Tous ne sont plus que des êtres désincarnés, des choses déchirées. Des objets de chair qui ont perdu leur vécu, dissipé leurs souvenirs et avalé leur âme. Leur apparence, pour certains, rappelle l'humain qu'ils étaient jadis, mais leur esprit trébuche. Et, peut-être, ne suis-je pas si différent ?

Se remémorent-ils leur arrivée à la base navale ? De l'errance et des malheurs qu'ils ont connus lorsqu'ils luttaient, chaque jour, dans le No Man's Land, pour leur survie ? Parvenir à trapper les monstres peuplant ces zones reculées n'est pas aisé. Je les ai bien souvent appâtés à l'aide de quelque nourriture, pour mieux les trainer, ensuite, jusqu'à mon vaisseau puis mon antre. Ils y trouvent alors repos, souper et réparations. Mieux encore, ils font société. Si bien sûr, dans mon échantillon, certains stagnent, régressent ou se complaisent dans la fange ignorance, d'autres paraissent posséder une ferveur d'âme damnée. À genoux, parmi la lie et les débris, ils se relèvent pourtant. Chancelants, ils ne s'avouent pas vaincus. Et chaque parcelle de leur être lutte pour survivre à leur chute. Ils ne savent pas ce qu'humanité veut dire et ne l'ont jamais su. Comment est-il possible, alors, que de leur silhouette chagrine, s'échappent des raies d'ardente lumière ? Leur resterait-il quelques fragments d'espoir logés sous leurs entraves ?

Ils ne seront jamais libres ! Jamais non plus ils ne connaîtront la saveur ni la valeur de l'humanité ! C'est ce que j'ai toujours pensé, m'assurant de les maintenir menottés du soir au matin pour leur propre bien et celui de leurs voisins. Et si j'avais tort ? Comment pourraient-ils comprendre mon discours et ma morale quand moi-même je ne les entends plus ? Hélas, aujourd'hui, il est bien trop tard pour me prétendre un homme. Quelques lambeaux de vieux souvenirs, de tissus rapiécés et d'histoires lointaines, voilà tout ce que j'ai à vous offrir. Alors, lecteur, laisse-moi ce privilège. Et permets-moi de reprendre le fil de mon récit.

Avec Cory, nous avions scellé un accord. On se connaissait à peine. Nous ne parlions même pas la même langue. Pourtant la survie était à ce prix. Coûte que coûte, il nous fallait nous comprendre et nous serrer les coudes. Moi qui avais toujours détesté l'anglais universel, je me retrouvais désormais attablé pendant des heures en compagnie de bouquins et de dictionnaires. Ce n'était pas une sensation agréable de réviser dans de pareilles conditions, le ventre creux, et les vêtements poisseux. Heureusement, je comprenais de mieux en mieux ma complice. Suffisamment pour l'accompagner à la chasse et qu'elle m'enseigne ses méthodes. Ses armes étaient rudimentaires : un harpon et des flèches, mais pas moins redoutables. Pour la première fois depuis des semaines, je mangeais à ma faim sans être malade. Nous avions de la viande de lièvre, de renard et parfois même de lion de mer. Débusquer le gibier à deux était nettement plus efficace. Et la peau des animaux dépecés nous était d'un grand secours pour nous constituer des rechanges de vêtements.

Le climat de ce bout du monde était si glacial qu'il transformait n'importe quelle tâche physique ou intellectuelle en épreuve. La journée, nous survivions en accumulant les couches d'habits et de fourrures que nous possédions. Mais le soir venu, seuls, immobiles, sous nos couvertures, nous étions démunis. La température qui régnait à l'intérieur du Styrr était certes moins épouvantable qu'à l'extérieur, mais la morsure du froid n'en restait pas moins présente. Et toutes les nuits, elle nous saisissait et nous tourmentait jusqu'au matin, rendant notre sommeil chaotique et bien peu réparateur. Ainsi, après des jours à faire chambre à part, nous prîmes la décision de partager le couchage et le peu de chaleur humaine dont nous disposions.

Cory me retrouva dans mes quartiers de capitaine, enfin si l'on peut dire, ayant pour unique équipage des spectres et des chimères. La pièce disposait d'un grand lit, qui serait largement suffisant pour nous deux. À condition d'accepter la proximité un peu étouffante d'une personne étrangère qui vous souffle dessus la nuit. Nous avions empilé sur le matelas l'ensemble des plaids et des couvertures que nous possédions. Épuisés, nous n'avions pas tardé à rejoindre le lit, espérant un repos paisible. Il me semble en effet que le sommeil ne tarda pas. Hélas, mon répit fut de courte durée. Une douleur dans les côtes m'extirpa de ma torpeur. Agacé, je grognais quelque chose à l'intention de ma voisine indélicate. En guise de réponse, elle me fit face en se pinçant le nez et en beuglant quelque chose du genre :

— Tu schlingues !

— What ?

Je pestais à mon tour : comme si elle avait le luxe de s'en sortir mieux que moi. Et je lui rappelais amèrement qu'elle aussi respirait plus la saleté que l'eau de rose. Ma répartie parut faire mouche, car elle n'osa plus se plaindre et se roula en boule à l'extrémité du matelas. Je n'avais pas imaginé qu'un simple partage de literie serait si problématique. Après un moment à supporter l'agitation de Cory, qui peinait à se rendormir, je sombrais moi-même dans un néant soporifique. Et je cessai de me préoccuper de ce genre d'incidents jusqu'au lendemain. Il faut croire que le froid acheva de régler nos différends pendant la nuit, puisqu'au réveil, je me rendis compte que je dormais blotti contre le flanc de la jeune femme. Oui, pour une fois, au moins, je n'étais pas transi de froid. Cory, elle-même, reconnut qu'elle avait été moins congelée que lorsqu'elle s'endormait toute seule. Malgré l'expérience peu glorieuse, nous fûmes d'accord pour continuer à partager nos draps.

Réussir à récupérer correctement nuit après nuit nous serait précieux si nous espérions modifier le générateur d'électricité et pouvoir ainsi quitter un jour ce désert de glace. Grâce à nos séances de chasse plutôt fructueuses, nous étions parvenus à mettre des provisions de côté. Le froid avait pour avantage de permettre une conservation facilitée de nos aliments. Nous avions plus de temps libre pour espérer trouver des matériaux utiles pour l'aménagement du Styrr. Être deux était également un atout pour ramener jusqu'au vaisseau de lourdes plaques métalliques qui pourraient faire office de blindage. Nous aurions aussi besoin de cuves à eau supplémentaires pour réaliser des expérimentations. Peu à peu, à mesure que le printemps avançait et que la belle saison s'installait, il semblait que la roue tournait. La carlingue du Styrr avait changé et les dommages avaient été consolidés. Quant au système à énergie hydraulique, c'était bien sûr le plus critique à mettre en place. Et je me démenais pour trouver les composants nécessaires à son déploiement.

Alors que nos aménagements se concrétisaient, un nouvel incident fit pourtant son apparition. Depuis plusieurs jours, j'avais remarqué que Cory grimaçait à l'heure des repas. Elle, qui mangeait d'ordinaire avec appétit, se massait la mâchoire en mastiquant avec peine ses aliments. Mais c'était à l'heure du dîner qu'elle avait rendu les armes et qu'elle avait laissé échapper un glapissement de douleur. Elle avait recraché sa bouchée accompagnée de quelque chose de dur : un morceau de dent. C'était vrai, en y repensant, que depuis ma fuite dans les bas-fonds avec la puce technologique, je n'avais jamais eu de maux de dents. Effectivement, c'était plutôt surprenant. J'eus d'autres occasions, par la suite, de constater les effets de la fameuse puce.

Parmi les problèmes générés par l'absence de carburant ou de source d'énergie convenable, nous étions privés de chauffage et d'eau chaude. Ce qui était bien entendu un frein pour la toilette. Avoir une hygiène correcte n'était pas possible. Je m'en étais toujours bien tiré jusqu'à présent. Mais Cory paraissait à la peine et mon inquiétude grandissait. Son mal de dents semblait maintenant sous contrôle, à grand renfort de glaçons et de bains de bouche salés. Malgré tout, Cory n'avait pas l'air de récupérer. Au contraire, elle était de plus en plus diminuée. Et je finis par en connaître la raison : elle souffrait de cet état de dénuement extrême et cherchait par tous les moyens à retrouver un semblant de dignité. Elle avait cru y parvenir en trouvant refuge auprès du Styrr. Hélas, je n'avais ni confort ni soins à lui prodiguer.

Ma chère Cory, je le regrette aujourd'hui, d'avoir noyé tes espoirs. De ne pas t'avoir, à toi non plus, offert ce qui te manquait cruellement. Je suis désolé, il est trop tard pour me rattraper. Cory, je ne t'en veux pas. Tu avais cette conscience vive, cet esprit libre, comme le souffle de la houle.

Au moins, tu n'es plus enchainée maintenant. 

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro