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Chapitre 10 : 25 décembre 2199


– Ira

Le réveillon de Noël s'achève bientôt. Une heure à peine. Dehors, le blizzard a redoublé d'intensité. Sa complainte sinistre fait craquer la charpente et s'entrechoquer les volets. Peu à peu, la musique s'est tue. Dans l'âtre, un grand feu crépite et tient le froid à distance. Le repas a pris fin et les langues se délient. Le défilé a été une fois de plus un succès. C'est une fierté pour nous de pouvoir danser et virevolter dans les vêtements que nous avons dessinés et conçus grâce aux talents de nos complices. Et pourtant, malgré la chaleur du foyer et des plats fumants, il règne une sensation de malaise. Magdeleine frissonne. Son expression est indéchiffrable.

La rumeur s'est répandue. Le Styrrman aurait frappé à notre porte. Il se serait entretenu avec Lara et Magdeleine. Et malgré la colère de cette dernière, Lara s'est empressée de retranscrire sur le papier le moment vécu. C'est avec l'aval de Magdeleine que je reprends ce journal. Et pour être honnête, ce ne sont pas les égarements scripturaux de Lara qui m'inquiètent le plus, mais plutôt la mine sombre des convives. Nous aimerions toutes que cette fin de siècle soit synonyme de changement. Hélas, les visages sont fermées et les traits tirés. Des années de lutte à espérer l'impossible, un sursaut, une envie de vivre, de soulever cette chape de plomb qui nous écrase. Mais nous sommes lasses de notre combat de pacotilles. Épuisées de chercher en vain la lumière qui révèlerait nos existences. La nuit se repait avidement des jours sombres de fin décembre. Nos lustres et nos lampions ne suffisent pas à entrevoir la clarté. La venue du Styrrman à notre porte semble avoir répandu un poison sournois. Le venin s'est insinué avec lenteur dans nos veines, nous saisissant insidieusement sans que nous comprenions comment y faire face.

L'angoisse se consume doucement au fond de nos yeux fardés. Les discussions qui animaient la veillée sont parties en fumée avec les bûches flambant dans l'âtre. Les paroles se font murmures. Nos corps fatigués se raidissent. Sans doute, nous n'avions jamais envisagé que cette chimère pirate puisse se trouver aussi près de nous. Magdeleine nous a affirmé que l'heure de la revanche contre le régime approchait. Que nous allions prendre les armes et combattre au grand jour les injustices qui nous accablent. Une nouvelle recrue, autrefois baptisée Solia, doit nous rejoindre prochainement dans cette lutte. Pour nous, elle s'appellera désormais Marianne. Elle fera partie de l'opération nourrisson menée par Magdeleine, au nez et à la barbe des autorités, qui l'imaginent fidèle et dévouée à son poste de redresseuse. Et malgré mes doutes face à l'identité de notre future alliée, ce n'est pas ce qui me chagrine. Le Styrrman l'a confirmé, cette jeune femme, que Magdeleine entend intégrer dans nos rangs, était proche de lui. Suffisamment proche pour que le pirate daigne sortir de l'ombre et ose venir en personne jusqu'à nous. N'est-ce pas un risque démesuré à prendre que d'accueillir Marianne parmi nous ? Magdeleine nous a soutenu que le Styrrman acceptait de convenir d'une trêve et qu'il avait donné son accord pour que Marianne nous rejoigne. Mais qu'arrivera-t-il s'il change d'avis et que sa fureur s'abat sur nous ?

Se donner pour objectif d'affronter le régime est une décision lourde de sens, mais que se passera-t-il si un ennemi de plus se présente ? Plus furtif et plus déterminé que les notables endormis du régime. Cet homme n'est pas digne de confiance. C'est Magdeleine elle-même qui l'a affirmé. Nos consœurs de l'Atelier ont peur. Elles sont livides et elles frissonnent malgré elles sous l'éclat des guirlandes de Noël. Nombreuses sont celles qui ont élu domicile à l'Atelier, car elles n'ont nulle part où aller. N'étant pas conforme à l'emploi ou au statut social leur ayant été attribué : d'humeur trop instable, de constitution fragile ou ne satisfaisant pas les critères esthétiques du régime. Il y a assez de naissances pour ne pas s'embarrasser des erreurs qui ne manquent pas de se produire. Pour certaines d'entre nous, l'Atelier représente tout ce qu'elles possèdent. Elles y sont hébergées, nourries, instruites.

Pour elles, c'est inimaginable de savoir l'ennemi aux portes de l'Atelier. Ne leur avait-on pas promis qu'elles seraient en sécurité, loin des chiens damnés de la milice ? Elles n'avaient pas échappé à la famine du no man's land pour se retrouver à discuter avec un pirate supposé centenaire. Hélas, ce genre de décisions ne me revient pas et j'ai plus d'une fois répété ce que j'avais à dire en la matière. Il est presque minuit et les yeux sont usés. Les échanges de regards deviennent laiteux. Celles qui vont quitter l'Atelier agitent leur montre. Les autres rêvent déjà de leur lit. Et pourtant si elles savaient...

Un battement de cil plus tard, surgissant d'on ne sait où, un grondement sourd déferla sur notre refuge provoquant la panique parmi les convives. L'onde de choc ébranla les fondations. Les couverts frémirent et sautillèrent sur la grande table. Plusieurs verres encore pleins s'écrasèrent sur le sol. Puis, le silence revint et par les fenêtres, on aperçut une épaisse fumée, noire de suie et de gravats. Elle s'élevait à pas de loup, dissimulée par le manteau de la nuit. Pourtant, elle arrivait sur nous.

– Vite ! Calfeutrez les portes et les fenêtres ! s'écria Aliénor, dans un sursaut de lucidité. Dans l'armoire, prenez tous les tissus que vous trouverez ! Obscurcissez les aérations ! Ne la laissez pas entrer !

Nous avons prêté main-forte à Aliénor et bouclé les issues. L'initiative de notre amie tailleuse s'avéra efficace. Nous avions les yeux larmoyants de suie et la gorge desséchée par les fumées, mais l'essentiel du nuage ne s'était pas arrêté, il gardait sa trajectoire et filait désormais dans une direction qui nous était inconnue. L'agitation et l'affolement diminuèrent et peu à peu le calme refit surface à l'Atelier.

Minuit avait sonné. Et nous ignorions toutes ce qui venait de se produire. Comme à son habitude, pour les grandes occasions, Magdeleine avait préparé un discours censé nous unir et nous offrir à toutes la force nécessaire afin de continuer à assurer nos fonctions. Alors, fidèle à ses principes, elle esquisse les premiers pas et s'avance sur l'estrade où nous venions de défiler. Elle se racle la gorge et d'un geste de la main elle nous intime de nous taire. Le bruit ambiant devient murmure, puis, enfin, sa voix retentit dans la grande salle :

– Mes consœurs, les dés sont jetés et notre sort à toutes en est dicté. Mes complices, il est l'heure d'accepter votre destin et de reconnaître la devise de l'Atelier : Sans un cri vous naîtrez, enfants entre vos mains se tient la coupe de vos espérances, adulte à genou vous gouterez le verre de la délivrance... La saveur est aussi divine qu'elle en est fatale... Nous rejoindre implique d'offrir votre existence et d'hypothéquer votre âme. En vous inscrivant parmi nos partisanes vous porterez sur vos épaules ce fardeau de bâtir un avenir plus juste, puissiez-vous n'en voir les effets qu'à votre dernier souffle. Vous embrasserez vos espoirs déçus et déposerez votre fardeau aux pieds de votre descendance. Alors, seulement, vous pourrez fermer les yeux et connaître la paix ! Alors, plus personne n'osera vous croire démente ! car votre suivante lavera votre honneur et dans sa mémoire jaillira longtemps le cri de votre lutte !

Assemblées autour de Magdeleine, nous acclamons son discours. À nouveau, sa main se lève pour demander le silence. Elle reprend :

– Telle est notre destinée et notre fatalité. Lorsque le couperet tombe, le trépas n'est jamais loin... Il se morfond dans les dédales des tombeaux dont nous ne parvenons plus à nous souvenir des inscriptions ou du nom de leurs occupants... Et ce soir, une fois encore, il a frappé... Il emporte son dû avec lui... Nous ignorons tout des circonstances... Néanmoins, l'identité de notre faucheur de têtes ne se fait pas attendre. Il y a quelques heures, le Styrrman était à notre porte... Sans doute n'aurait-il pas fait tout ce chemin jusqu'à nous s'il n'avait pas eu une sinistre raison pour le faire ?

Dans le public, les chuchotements reprennent et des frissons parcourent l'assemblée. Quelqu'un s'écrit :

– C'est abominable ! Imaginez s'il ameute la milice jusqu'ici !

– C'en est finit ! glapit quelqu'un.

– Il faut fuir, s'établir ailleurs ! hèle une autre.

Le vacarme sonore devient difficilement compréhensible. Magdeleine peine à se faire de nouveau entendre. Laborieusement, elle essaie de rassurer nos troupes. C'est à ce moment que j'aperçois Lara qui se fraie un passage jusqu'à l'estrade. Elle n'a pas l'air bien. Elle tremble et son teint est cireux. Entre ses mains, elle tient un bout de simili carton. D'ici je n'arrive pas déchiffrer l'inscription, mais ce n'est pas nécessaire. Lara lit la note à haute voix :

– 300, dit-elle. C'est tout ce qu'il y a d'écrit dans le message qu'il nous a laissé il y a un jour à peine.

Elle sort alors de sa poche un autre fragment, qu'elle déplie et lit à son tour :

– Merci pour l'accueil. Joyeux Noël.

Une vingtaine de paires d'yeux effarés se tournent vers elle. Magdeleine la fusille du regard.

– Quand... ? Où l'as-tu trouvé cette fois ?

– Sur... sur le rebord de fenêtre de notre bibliothèque, répond Lara.

Magdeleine fulmine. On pourrait presque voir la fumée qui lui sort par les oreilles. Elle qui a tenu bon jusqu'à la fin de son discours, je la vois qui se tord les mains et qui réajuste son chignon factice. En face d'elle, Lara a blêmi. Presque involontairement, elle fait quelques pas en arrière. Magdeleine aussi a pâli, malgré la poudre de riz qui habille ses joues. Elle remue les lèvres et semble marmonner quelque chose. Mais nous n'entendons rien. Lara s'éclipse de la scène improvisée. Elle traverse l'auditoire. Je l'observe un instant. Elle est blanche comme un linge. Ses yeux sont roses et humides. Elle fait un salut de la main et quitte la grande salle.

Peut-être avais-je tort à son sujet ? Je m'imaginais qu'il ne s'agissait que de broutilles sans importance. À quoi ose-t-elle penser pour afficher une mine aussi bouleversée ? Le Styrrman est un tueur et un dangereux hacker. Il serait insensé de croire s'en faire un allié.

Sur ces conseils, il est temps pour moi de vous laisser. J'ai une demeure à rejoindre et pour cela, il me faut disparaitre dans la nuit et traverser le no man's land de Kiev.

Mes consœurs, à bientôt ! 

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