47 Tournée des bars
Je me réveillai, lorsque le bercement monotone du train s'arrêta. Je remarquai alors Sang en train de s'affairer, retirant nos sacs du porte bagage, alors que l'allée du TGV s'engorgeait rapidement de gens pressés d'atteindre la sortie. Je baillai ostensiblement, puis la rejoint pour l'aider.
-Bien dormi? Me demanda-t-elle, moqueuse.
-Ça va. Mon téléphone a pas arrêté de vibrer d'appels de ma mère, au début.
-Tu lui as dit ce qu'on allait faire?
-Ouais, comme tu m'as demandé. Grognais-je.
-C'est mieux ainsi. M'assura-t-elle.
Sang avait bataillé pour me faire envoyer un SMS à ma mère, lui disant que j'avais trouvé le nom de mon père et que je partais à sa recherche avec une amie. Selon elle, il fallait tout de même qu'elle sache où je me trouvais.
Nous avions pris le train le lendemain, premier dimanche des vacances, pour Paris. Sang avait payé le voyage; je lui en étais reconnaissante. J'avais sous estimé les prix du voyage en train, si j'avais été seule, il m'aurait fallu faire demi tour à la gare en voyant le coût. Ce n'était clairement pas dans les moyens d'une lycéenne qui ne gagnait encore que de l'argent de poche. Et pas beaucoup.
Nous descendîmes du train, et nous dirigeâmes vers la sortie de la gare.
-Bon! On va où, maintenant? Me demanda-t-elle en jetant un oeil aux alentours.
-Je pense qu'il faut aller dans le quartier où vivait ma mère pendant qu'elle était à Paris. Supposais-je. J'ai même l'adresse grâce à de vieux courriers, c'est d'ailleurs la seule piste que j'avais au départ.
-Alors en route.
Paris n'avait décidément rien à voir avec Lyon. Tout était tellement plus grand et labyrinthique que j'en avait la tête qui tournait. J'avais l'impression de faire un randonnée en montagne alors que nous ne faisions que de marcher entre nos différentes rames de transports en communs pour nous diriger vers notre destination. C'était si grand que ça en était presque... impersonnel. C'était l'impression que j'avais en voyant cette ville. Elle ne me procurait pas la sensation de confort et de sécurité que j'avais en me promenant dans les petites ruelles du vieux lyon ou sur la presqu'île. Je ne détestais pas la ville pour autant! Je supposais juste qu'il aurait fallu y vivre toute sa vie pour s'y sentir parfaitement à l'aise.
Après un long voyage en transport entrecoupé par quelques erreurs de directions qui causèrent de légères engueulades entre Sang et moi, nous arrivâmes enfin à destination. Le quartier était miteux et vieillot. Je n'avais bizarrement aucun mal à imaginer ma mère grandir dans un tel environnement au vu de son caractère, et la remerciais chaleureusement en pensée de m'avoir élevée ailleurs.
-On y est. Dis je, constatant à voix haute ce qui était déjà une évidence. On fait quoi maintenant?
C'était moi qui posait la question, cette fois. Sang eu un sourire carnassier.
-On enquête. Et le meilleur endroit pour enquêter, c'est les bars.
-Evidemment... soupirais-je.
À quoi m'étais-je attendue, en même temps. Elle avait sans doute autre chose à faire que simplement m'aider, elle pouvait bien se détendre un peu; après tout, elle aussi avait posé ses vacances. On commença alors la tournée des bars du coin. La première chose qui me frappa, c'était qu'ils étaient tous aussi miteux que le quartier.
La deuxième, c'était que presque tout le monde semblait connaître Sang.
-Tu as vécu ici? Demandai-je, curieuse.
-À un moment, j'ai vécu à Paris, oui. Je suppose que j'ai pas mal écumé les bars à cette époque. Sourit-elle.
Un élément de plus sur le passé de Sang! Je me réjouis à cette idée; son passé était un tel mystère! Je savais juste qu'elle avait travaillé une fois dans un restaurant, et maintenant qu'elle avait vécu à Paris. C'était peu, mais bon il faut bien commencer quelque part.
Après quelques heures de bars, je commençais à en avoir un peu marre. Sang ne restait pas longtemps dans chacun, buvant juste un verre, donnant son avis dessus au patron ou au bartender, et posait des questions sur mon père. Cette routine ne donnait rien jusqu'à maintenant. Il était peut être parti, ou alors il ne fréquentait pas les bars. Ou peut être même qu'il n'avait jamais vécu dans le coin. Après tout, ma mère avait vécu dans le quartier plus de dix-sept ans auparavant. Je soupirais. Je me tenais à l'extérieur d'un énième bar dans lequel Sang tentait d'obtenir des informations. Comme la plupart du temps, j'étais considérée trop jeune pour y entrer, et attendais donc sur le trottoir. Un léger mouvement attira mon attention depuis le trottoir opposé. Quelque chose bougeait, mais il faisait trop sombre et j'avais du mal à distinguer. C'était petit et rapide. Il semblait même y en avoir plusieurs. Je poussais une légère exclamation de dégoût en comprenant de quoi il s'agissait.
Des rats.
Génial. Un point d'insalubrité en plus pour le quartier. Je soupirais une nouvelle fois en observant le ballet acharné des petites bêtes qui semblaient se battre pour un morceau de nourriture, dont je n'aurait pu déterminer la nature précise. La porte s'ouvrit derrière moi.
-Jill, commença Sang, je crois que j'ai trouvAAAAAAAAAAAAH!
Son cri soudain me fit sursauter et fit détaler la colonie du trottoir en face par la même occasion.
-Sang! Ça va pas de gueuler comme ça? Tu vas me faire faire une crise cardiaque!
-Pardon, pardon... s'excusa-t-elle.
Elle était un peu pâle et tremblante. Son regard naviguait dans toutes les directions, à la recherche d'un ennemi invisible. J'eu un déclic.
-Ne me dis pas... que tu as peur des rats.
Elle eut un air outré, et je sus que j'avais raison. Je me levais et la prenais dans mes bras en une accolade moqueuse.
-La, la, c'est fini mon enfant, les petites bêtes sont parties, tu n'as plus rien à craindre. Dis-je, sarcastique.
Elle fit la moue, visiblement vexée d'avoir été vue dans un tel état.
-Ces trucs sont répugnants... marmonna-t-elle. Avec leur longue queue, là...
-Mais oui... remarque, je ne vais pas te juger, moi j'ai peur des profondeurs.
-C'est moins ridicule que le peur de petites bêtes... soupira-t-elle.
-Même si je coule dès que je ne peux plus voir le fond? Dis-je.
Elle me regarda un instant, jaugeant si je me moquais d'elle ou non.
-Sérieux? Finit elle par dire.
-Ouais. Dis-je, un peu gênée. C'est assez pathétique mais je panique dès que je ne peux plus voir le fond. Et pourtant d'un autre côté ça me fascine.
-Les rats ne me fascinent pas. Fit elle avec une moue de dégout. Mais je vois ce que tu veux dire. Satan a un truc du même genre.
Je levais un sourcil interrogateur, l'incitant à continuer.
-Elle n'aimerait pas que j'en parle, mais Bah! Elle l'a cherché avec tout ce qu'elle a manigancé dans notre dos. Satan... a peur du feu.
-Du... feu? Les flammes? Sérieusement? Une démone qui a peur du feu? C'est pas un peu problématique?
Sang éclata de rire.
-Ya pas mal de vieux clichés sur les démons. Répondit elle. Ils vivent pas dans une sorte de gouffre enflammé, tu sais! Mais du coup, avec le cliché du démon avec le feu et l'enfer, la phobie de Satan est assez marrante.
J'éclatai de rire. En effet, ce n'était pas une peur très commune.
-J'ai trouvé quelque chose. Finit elle par dire, une fois notre hilarité retombée. Le patron a parlé d'un mec qui s'appelait Christian Morn et qui était un habitué il y a maintenant... plus d'une dizaine d'années. Il sait pas ce qu'il est devenu...
-Merde!
-... mais il sait où est son compagnon de beuverie de l'époque. Et ce compagnon pourra peut être nous donner des indications sur où est parti ton père.
Ça me semblait être un bon plan. De toute façon, on en avait pas vraiment d'autre.
-Eh bien, allons-y! Répondis-je simplement, avec la sensation que chaque pas nous rapprochait du but.
Mais qu'allais-je y trouver?
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