-T'es douée pour ça, tu sais.

-Hein?

-Pour aider les gens.

-Ah... fis-je, évitant le regard de Sang. On me l'a déjà dit mais... j'en doute beaucoup.

-Tu rigole? T'as fais en à peine quelques semaines ce que j'échoue à réaliser depuis que je connais Melody!

On était dans le couloir. De l'autre côté de la porte, s'élevait la voix de Melody, en grande discussion téléphonique. Sa voix était tremblante au début, puis elle avait pris de l'assurance, et avait commencé à assassiner verbalement la destinataire de l'appel. Sang et moi étions sorties discrètement: elle n'avait plus besoin de nous, et devait faire cela toute seule, désormais. Nous attendions donc dans le couloir la fin de l'appel.

-Bah... je fais rien de particulier. Dis-je en haussant les épaules.

-Et Jill... désolée d'avoir fait ça avec toi l'autre soir. Je suppose que tu voulais réserver ta première pour Melody. Je ne sais pas ce qui m'a pris.

Cette phrase m'énerva... fort.

-Arrête tes conneries, Sang. Comment peux tu dire ça? J'ai... adoré la moindre des choses que tu m'as faite, et franchement ça m'en coute de dire un truc pareil à voix haute. Et oui je t'en veux, mais pas pour ça. Je t'en veux pour ce que tu as fait après. Tu m'as fuie, tu m'as ignorée, au lieu de simplement venir me dire "ça n'ira pas plus loin" ou "je suis désolée je ne voulais pas". Je pensais que... tu me comprenais. Que t'arrivais à lire en moi.

-T'es assez facile à lire, en général. Mais là... j'étais plus sûre de rien. Je sais pas trop pourquoi.

-Sang.. je... je dois te dire un truc, sérieusement.

Il fallait que je lui dise. Peu importe si elle avait choisi de ne pas s'attacher, où si je donnais raison à sa maxime du "ne pas baiser les vierges, elles s'attachent trop vite". Mais je ne pouvais pas lui cacher ce que je ressentais pour elle. Pas après avoir enfin réussi à aider Melody. J'avais peur que, maintenant que cela était accompli, elle s'éloigne de moi pour me laisser le champ libre avec la belle blonde. J'aimais beaucoup Melody, c'était sûr. C'était mon amour secret de jeunesse. Mais avec Sang, c'était différent. Tout était plus fort, plus intense, plus... fou.

-Je crois que je tombe amoureuse de toi, Sang. Dis-je dans un souffle, la fixant dans les yeux, mes mains sur ses bras.

Elle sembla légèrement prise de court, et très ennuyée.

-Jill, je t'ai déjà expliqué... je ne m'attache pas, je fais juste l'amour sans attaches, sans prise de tête. Je ne suis pas faite pour les relations. Et puis... Melody a besoin de toi. Ne crois pas que parce qu'elle a fait un pas en avant, elle ne peut pas s'effondrer à nouveau. Ce serait trop bête.

Je baissais les yeux. C'était un rejet, clair et net. Mais au moins je savais à quoi m'attendre.

-Tu aimes Melody, n'est ce pas? T'as dit que tu l'aimais depuis la 6e.

-Ouais... fis-je. Attends, t'as écouté toute notre discussion?

-Mmmm une bonne partie... fit-elle avec un sourire amusé. J'ignorais que cette histoire de père te touchait autant.

-Qu'est ce.... rhaaaa t'es pas possible!

-Mais tu adores ça.

-Mmm c'est vrai. Mais tu n'échapperas pas à ta punition pour écouter aux portes.

-Ah ouais?

-Parfaitement.

D'un geste prompt, j'arrachais son éternelle casquette de sa tête et la tendis le plus loin possible d'elle, faisant rempart avec mon corps.

-Hey, rends moi ça! J'y tiens!

-Tetete, tu dois d'abord dire "je n'écouterais plus aux portes".

Elle se jetait de toute ses forces contre moi, tendant son bras pour tenter d'attraper son précieux couvre chef, un sourire amusé aux lèvres. Je souris également. Notre complicité n'était peut être pas si envolée.

La porte s'ouvrit sur une Melody un peu tremblante mais heureuse. Qui regarda notre manège d'un drôle d'oeil, avant de sourire.

-Il y a de l'amour dans l'air, fit elle remarquer.

-Hein? Fis-je.

-Quoi? Continua Sang, en récupérant sa casquette sans difficulté - il fallait dire qu'elle me dominait d'une bonne tête. Oui, de l'amour entre vous deux, tu veux dire. Se reprit-elle. Allez va!

Elle s'éloigna dans le couloir en remettant sa casquette, tout en me donnant une petite tape sur les fesses pour me pousser vers Melody.

-Hey! Pas touche! Lui criais-je, alors qu'elle s'éloignait.

Je me retournais vers Melody, un peu gênée qu'elle m'ai vu agir aussi puérilement.

-Ça s'est bien passé?

Question stupide de ma part. Je doutais franchement qu'une discussion avec son ancienne agresseure pouvait bien se passer.

-Oui. Enfin, non, ça ne s'est pas très bien passé, mais ça m'a fait du bien et j'espère qu'elle a compris le message. Je crois qu'elle n'avait jamais réalisé a quel point elle m'avait réellement blessée, et qu'elle imaginait que c'était juste mes parents qui voulaient nous éloigner. Mais maintenant elle cherche à tout prix à s'excuser et à que je lui pardonne.

Elle soupira un grand coup.

-Mais bref! J'ai bloqué son numéro. C'est fini. Merci de ton aide, franchement, Jill.

-Oh j'ai pas fait grand chose.

-Arrête avec ça. Tu sais très bien que ce n'est pas vrai. Tu ne vas pas rejoindre ton mec?

-Ooh on est... plus ensemble. Dis-je. Ça marchais vraiment pas, comme je t'ai dit, alors...

Ses yeux s'illuminèrent.

-Mais c'est génial! Tu vas pouvoir te mettre avec Sang!

-Je doute que ce soit possible... et puis je n'en ai pas très envie, Melo.

-Mais pourquoi? Ça creve les yeux que...

-Melo... ne dis rien s'il te plait.

Elle me regarda un instant. Je tentais de retenir mes larmes. Je m'étais faite jeter. Encore. Je ne voulais pas me montrer faible comme ça... des mains se posèrent sur mes joues, et l'odeur douce et envoûtante de Melody emplit mes narines.

-Puisqu'elle veut faire son enfant... elle ne verra aucun inconvénient à ce que je te vole à elle...

Nos lèvres se rencontrèrent pour la troisième fois de ma vie. Ce fut tout aussi magique que les fois précédente. Ses lèvres charnues et sucrées m'attiraient avec douceur et volupté. C'était un baiser doux et passionné, très différent des embrassades violentes et érotiques que j'avais eu avec Sang. J'acceptais son baiser. J'avais besoin de réconfort, à mon tour. Je le trouvais dans les bras de celle que j'avais aimé pendant tant d'année, et dont je venais seulement de commencer à comprendre le fonctionnement. Son comportements, ses reculs, ses peurs... beaucoup de cela avait source dans l'horrible agression qu'elle avait subit. Allais-je être à la hauteur? Étais-je capable de lui redonner confiance? D'être le pilier sur lequel elle allait s'appuyer pour se relever? N'allais-je pas simplement... la blesser encore plus?

-Pourquoi hésite tu? Me demanda-t-elle en chuchotant.

Sa voix quasi silencieuse ne recelait plus aucune trace de doute. Oui... Melody était forte. Elle avait subit cela, mais avait continué de vivre avec ce fardeau sans jamais se plaindre. Ce que j'avais vécu était ridicule comparé à elle et pourtant je passais ma vie à le ressasser. J'étais faible. C'était elle qui m'aidait, et pas l'inverse.

-Je... je ne sais pas si je serais à la hauteur. Lui avouais-je.

-Tu l'es... et tu le seras toujours. Jill... souviens toi bien cela. Quoi que tu fasses, quelles que soit nos querelles, nos séparations, nos embrouilles... tu auras toujours une place dans mon coeur. Tu veux bien... marcher à mes côtés, au moins durant un moment?

-Par marcher à tes côtés, tu veux dire... sortir avec toi?

-Oui, mais tu casse tout le romantisme en l'expliquant. Râla-t-elle.

Je souris. Je n'étais pas vraiment du type romantique. Mais c'était une demande, et j'allais y répondre correctement.

-Alors ma réponse est oui, Melo. On prendra notre temps, tu verras. Et de toute façon, je n'y connais rien du tout en relation de couple, je suis une catastrophe, il suffit de demander à Sam.

-Évoquer ton ex est quand même la dernière chose à faire quand tu viens de répondre oui à quelqu'un qui te demande ça. Fit elle remarquer, amusée.

-Ah. Pas faux.

Ses lèvres scellèrent les miennes à nouveau en un doux baiser. Mais mains osèrent s'aventurer sur ses hanches. Je sentis un frisson la parcourir au contact; évidemment, il allait falloir du temps avant que tout ça lui redevienne naturel, après ce qu'elle avait vécu. Mais je voulais prendre mon temps.

J'avais toute la vie pour m'occuper d'elle, après tout...