Préparation
Merci de frapper avant d'entrer
- Dos Santos est vraiment un fumier, lâcha June dans un grondement sourd de colère. Je ne connais pas grand monde au Manoir qui a eu une "séance privée" avec le proviseur.
- Ah bon ?
- Non, c'est McCullough qui gère d'habitude.
- En gros, tu ne sais pas à quoi t'attendre ?
- Exactement, grommela son amie. Bon, tu frappes ?
Nina obtempéra en sentant son moral lui retomber dans les chaussettes. Elle, un nouveau loup-garou, qui craignait un rendez-vous avec son proviseur ? Impossible, et pourtant...
Elle retint sa respiration avant qu'un son rauque retentisse, leur signifiant d'entrer. Elles franchirent le seuil d'un pas saccadé.
Nina découvrit une grande pièce carrée, munie d'un bureau avec un ordinateur qui se rapprochait le plus de quelque chose de moderne que tout ce qu'elle avait pu apercevoir au Manoir, une grande table ronde de réunion encadrée de chaise noires glissantes grâce à des roulettes, et des cadres entourant des peintures à l'huile représentant des prédécesseurs de Renaud.
Et évidemment, derrière le bureau, se tenait un fauteuil noir dans lequel se tenait un petit homme chauve aux yeux bleus pétillants. Il les dévisagea d'un air surpris, baissant un sourcil de manière comique, et coupa ce qu'il était en train de faire sur son ordinateur.
- Bonjour... que puis-je faire pour vous ?
Intimidée, Nina s'approcha et lui tendit le papier sans répondre. Sans se départir de ses lunettes rondes à montures fines, il plissa les yeux pour déchiffrer l'écriture tortueuse du professeur. Quand il releva la tête, la jeune fille put déchiffrer un air déçu.
- Asseyez-vous, dit-il en désignant deux chaises devant son bureau.
Les deux filles s'installèrent sans répondre, dans l'attente de ce qui allait suivre.
- Je suis extrêmement surpris - et déçu, par la même occasion - par votre comportement. Votre professeur d'histoire me signale que vous avez séché les cours, et c'est inadmissible dans mon établissement, commença-t-il d'une voix basse.
- Quoi ? Mais non ! l'interrompit brutalement June en se redressant dans son siège. Ce n'est pas ce qui s'est passé !
Elle réalisa qu'elle avait dépassé les bornes en croisant le regard stupéfait du proviseur. Nina roula des yeux en se recroquevillant un peu plus.
- Je suis désolée...
- Non ! expliquez-moi votre version des faits, proposa calmement Mr Renaud.
Nina était focalisée sur ses yeux extraordinaires. Ils étaient d'un bleu éclatant, pour son âge... ils ravivaient son teint et allaient bien avec ses quelques cheveux blancs. Mais ce bleu...
Trop bleu pour être naturel, songea-t-elle alors que June répétait leur excuse avec force de gesticulations désespérées.
C'est alors qu'elle comprit. Au regard intéressé que le proviseur posait sur elle, à certaines de es questions, à son maintien, à la force qu'il dégageait, et surtout, à ses yeux...
C'est aussi un loup-garou ! réalisa-t-elle brusquement.
Elle eut envie de s'enfuir brusquement, mais ni ses jambes ni ses cordes vocales ne semblaient répondre. Elle resta immobile dans son fauteuil, sans saisir un traître mot de la discussion qui se tramait pour les sortir d'affaire elle et June.
Attends... arrête d'être parano ! Il peut seulement avoir des yeux bleus...
- Bon, fit Mr Renaud en leur jetant un coup d'oeil sévère. Etant donné que je n'ai aucune preuve, ni témoignage de l'infirmière, je ne peux réfuter ou accepter votre excuse. Vous serez donc collées toutes les deux avec moi. Je fixerai la date et madame Chasal viendra vous prévenir. Maintenant, retournez en cours. Et pas d'escapades, compris ?
- Compris ! S'écria June avec enthousiasme, heureuse de s'en tirer à si bon compte.
Le directeur adressa un dernier regard suspicieux à Nina avant de les congédier d'un geste, se replongeant immédiatement dans ses occupations informatiques. Encore sonnée par ce qu'elle pensait avoir découvert, Nina se laissa entraîner dehors par le "tourbillon June".
- Ouf ! Je ne pensais pas qu'on écoperait de seulement une heure de colle ! Nina ? Tu m'entends ?
- Quoi ? Oh, euh oui..., dit distraitement la jeune fille les yeux dans le vague.
- Bon, on retourne en cours ?
- On dirait presque que ça te réjouit...
- Presque ! Après ces frayeurs..., sourit June.
Nina sourit faiblement et hocha de la tête, tout en sachant que peut-être, le directeur épiait mine de rien leur conversation depuis son bureau, malgré la lourde porte close qui les séparaient. Avec un frisson, Nina suivit son amie qui dévalait déjà les escaliers avec entrain.
Les cours se déroulèrent sans autre incident. Quand elles arrivèrent dans la salle, les deux garçons étaient déjà rentrés de leur "mission" mais Ian étant le chouchou du professeur d'histoire, il avait été accepté sans broncher. Dos Santos releva un léger sourcil en voyant les jeunes filles entrer avec un petit sourire mais ne dit rien. Nina fila vers sa place, évitant tant bien que mal les regards malgré le vidéoprojecteur qui éclairait toute sa personne.
Quand la cloche sonna enfin le dernier cours - de français - , elle attrapa vivement son sac et y fourra ses affaires afin de quitter au plus vite cette atmosphère étouffante.
Elle sauta sur son lit qui grinça fortement et soupira. Le Manoir était donc vraiment empli de loups-garous ?
Dont moi...
Qu'est-ce qui pouvait bien pousser les jeunes loups à se retrouver ici ? est-ce que c'était une sorte de tradition ? Mathys lui avait avoué que les loups-mordus devenaient de plus en plus rare de leurs jours... ce qui signifiait sans doute que lui, Ian, Matt et Addison étaient nés loups. Donc, peut-être que les parents loups envoyaient leurs enfants dans cette école... peut-être que ce n'était pas la seule ?
- Mais combien ils peuvent bien être ? gémit-elle à haute voix.
- Qui ça ? fit une voix féminine en même temps qu'un grincement de porte.
Nina ouvrit de grands yeux surpris et se tourna vers l'entrée de la chambre. Kate se tenait dans l'encadrement, un sourire pétillant aux lèvres.
- Oh ! personne...
- Tant mieux. Bon, qu'est-ce qu'il s'est passé chez Renaud ? demanda son amie en se laissant tomber à ses côtés.
- Rien de bien spécial. Il nous a mis une heure de colle...
- Seulement ? s'étonna Kate. Enfin, je veux dire, je m'attendais à pire, se reprit-elle en voyant le regard froncé de Nina.
La jeune fille hocha de la tête.
- Tu sais, demain, on aura notre premier cours de sport.
- En Novembre ? s'exclama Nina. Dehors ?
- Normalement, on ira au Gymnase du lycée... mais il se pourrait qu'on fasse de la course dehors, ou du javelot, ça dépend.
- Super..., ironisa la jeune louve. Au moins, à Boston, on attendait le printemps qu'il fasse beau au moins un minimum !
- On est pas à Boston, sourit Kate. D'ailleurs, il y a une femme qui va venir nous donner nos uniformes de sport... il faut qu'on soit tous dans notre chambre à dix-sept heures tapantes ! si tu veux, on peux descendre au foyer en attendant.
Nina n'avait pas spécialement envie de voir du monde... et encore moins au foyer, et en hiver : il devait être bondé. Mais en même temps, elle ne pouvait pas rester cloîtrer indéfiniment...
- Ouais, O.K.
Kate sourit et fit le signe de « V » pour montrer sa victoire contre l'adversité et Nina l'imita. Elles descendirent donc au rez –de –chaussée et bifurquèrent à droite.
Nina avait vu juste. Dès qu'elle pénétra dans la pièce, elle fut frappée par un tas de cris, de bruits et d'odeurs différentes qui faillirent lui faire perdre la tête. Comment pouvait-on vivre au quotidien avec ça ? comment Mathys avait-il fait pendant ses années de scolarité dans New York ?
Kate s'avança jusqu'à un canapé en cuir vide – le seul disponible dans toute la pièce, à vrai dire – et s'installa. Nina fit de même en tentant de dissocier cette foule d'information qui entrait par ses yeux, ses oreilles, ses narines. Ce qu'elle entendait n'était plus qu'un amas de sons insupportables qui lui déchiraient les tympans, elle ne savait plus où donner de la tête. Kate la ramena à la réalité et lui prenant le coude en en secouant son bras.
- Eh oh ! ça va ?
- O... ouais... balbutia Nina en se concentrant sur le visage de poupée encadré de cheveux blonds bouclés.
Elle détailla la pièce des yeux : elle était assez grande, de forme ovale, avec deux ouvertures sur les côtés. Elle était munie de deux baby-foot rustiques à la peinture écaillée, de différents portraits qui semblaient littéralement collés au mur, d'une demi-douzaine de canapés en cuir éventrés mais si confortables, et de poufs autour d'une table de jeu. Juste à côté se trouvait le coin télévision où se battaient les garçons de terminale pour le choix de la chaîne, et une étagère qui portait l'ensemble des jeux de société du Manoir. Nina soupira, et déconnecta son cerveau de tout ce qui se passait alentour. Kate revenait de l'étagère avec une boîte minuscule décorée de petits sigles colorés.
- Qu'est-ce que c'est ? demanda Nina en pointant du doigt le jeu.
Kate lui jeta un air outré et répondit :
- Un jeu de cartes, pour la bataille. C'est très simple, tu verras... tu ne jouais jamais à Boston ?
- Euh, non, pas vraiment..., avoua Nina en repensant au multiples fêtes, galas de charité, soirées piscines, cours, virées shopping...
- Bon, alors, je partage le paquet en deux..., commença la lycéenne en faisant de grands geste théâtraux, comme si c'était la mission d'une vie.
Bientôt, l'heure fatidique arriva. Nina s'était bien prise au jeu et avait appris, en plus de la bataille classique, la bataille belge, et le solitaire. Elle fut presque déçue de voir l'endroit si charmant maintenant se vider tandis que les élèves remontaient dans leurs chambres. Kate ramassa les cartes, les mélangea et les rangea dans le petit paquet. Nina avait la tête pleine de dames, rois et valets quand elle monta dans sa chambre.
Elles s'assirent sur le même lit (celui de Kate), laissant la porte grande ouverte. Chasal passa justement le couloir en moulinant l'air de ses bras :
- O.K les filles ! Mademoiselle Adanova, rentrez-dans votre dortoir je vous prie... Bon ! cria la sous-directrice avec des petits yeux étrécis et en faisant des allers-retours dans le couloir. Comme vous le savez probablement, demain la plupart d'entre-vous auront leurs premiers cours de sport. Or, une styliste va venir au Manoir pour vous confectionner vos tenues.
Au même moment, Nina sentit une nouvelle présence dans le petit espace : elle tendit le cou et se redressa sur sa couette pur apercevoir à travers sa porte ouverte une grande femme, sèche, la taille marquée par une grosse ceinture en faux cuir, passer à petits pas rapides secouant ses cheveux blonds. Nina remarqua son teint blafard et ses lèvres pincées, ainsi qu'un grand panier à laquelle elle semblait accrochée comme à une bouée de sauvetage.
- La voilà..., chuchota la jeune fille.
- Ouais... c'était déjà elle l'an dernier...
- Ah ?
- Certaines la connaissent déjà, d'autre non : je vous présente miss Carpenter qui s'occupera de vos tenues..., reprit McCullough en serrant la main de la nouvelle venue.
- Elle a maigri, remarqua Kate.
En effet, elle ressemblait presque à un squelette ambulant.
- Je vous prie de vous tenir bien sage, et d'attendre votre tour ! conclut la sous-directrice avant de quitter le couloir, ses talons rouge claquant sur les carreaux récurés.
- Pas de chance, on est dans les dernières, soupira Kate.
- Ouais. Tu veux lire un magazine ? proposa Nina.
Son amie hésita, puis sourit en tendant la main vers la paperasse que lui proposait Nina. Elle-même attendait fébrilement son tour, oubliant presque quasiment ses problèmes du matin. Elle se demandait surtout comment est-ce qu'elle allait faire, demain, avec ses pouvoirs... si elle courrait plus vite, ou si elle sautait plus haut que les autres, les élèves s'en apercevraient forcément, non ?
Elle se mordit la lèvre et au même instant, une tête aux traits fatigués fit son apparition dans la chambre. C'était Miss Carpenter qui posa son sac sur le lit en retenant à grand-peine un soupir. Nina ne put s'empêcher de détailler ses épaules squelettiques où perçaient ses omoplates et ses petits bras décharnés. Pourtant, elle aurait pu être belle avec sa grande taille et ses cheveux blonds cendrés. Comment avait-elle pu se laisser tomber dans un tel désespoir ?
- Bonsoir, mesdemoiselles, dit-elle en sortant un mètre, du tissu et des ciseaux. Laquelle veut commencer ?
Kate se proposa. Nina regarda la femme épuisée prendre ses mesures : sa taille, ses bras, ses jambes et... ses mensurations. Nina se demanda comment Kate pouvait être aussi calme alors qu'une inconnue lui passait un mètre autour de la poitrine pour en mesurer le tour.
Miss Carpenter notait tout sur son petit carnet à spirales puis tourna son regard éteint vers Nina. Ses yeux étaient d'un brun clair tout à fait banal.
- A vous !
Nina déglutit et se leva. Elle sentit les mains froides de la femme entourer ses épaules, et le mètre glisser jusqu'à ses poignets. Puis la mesure de la cuisse et des mollets eu lieu, et enfin le moment tant redouté : Nina faillit se faire une entaille dans la lèvre tant elle serrait fort les dents quand la fine bande jaune entoura sa poitrine.
Mais c'était tout. Comme l'attente traumatisante avant une minuscule piqure qui se révèle indolore. Soulagée, Nina vit Miss Carpenter gribouiller sur son calepin et se diriger vers la porte en rangeant ses minces affaires. Malgré elle, Nina ressentait de l'empathie pour cette pauvre femme brisée par la vie. Elle la salua poliment, tenta un petit sourire qui ne lui fut pas rendu, et la frêle silhouette diaphane disparut dans l'encadrement.
- Pfiou ! j'aime pas du tout ces moments là ! s'écria Kate en refermant la porte comme si de rien n'était.
- Ils vont avoir le temps de créer toutes nos tenues d'ici demain ? mais... comment ?
- C'est une grande boîte qui s'en occupe, mais l'avantage c'est que ce n'est pas loin d'ici. On aura sport demain après-midi donc ils vont en confectionner ce soir et demain matin, et les enverront vers onze heures demain au plus tard.
- Ah...
Le reste de la soirée passa très vite. Bientôt, ce fut l'heure de manger et comme à leur habitude, les deux filles restèrent manger dans la chambre. Nina avait bien envie d'échanger ses impressions sur Miss Carpenter – et le directeur ! avec Ian et Mathys mais c'était impossible ce soir... et puis leur poser des questions sur le cours de sport... bon, elle aurait tout le temps demain.
Nina termina rapidement sa part de pizza, posa son assiette sur sa table de chevet et s'étira comme un chat. Kate bailla fort.
- Tu es fatiguée ? demanda Nina.
- Crevée..., confirma Kate. Et toi ?
- Bah non...
Elle se sentait même en pleine forme. Prête à courir des kilomètres... elle débordait d'énergie positive !
Mais en même temps, la nuit tombait... et elle constata qu'avec cette histoire de vêtements, puis le repas, il était bientôt dix-neuf heures. Elle sourit et décida de s'attabler devant la pile de devoirs qui s'amoncelait depuis la veille dans un coin. Nina saisit son agenda, et consulta la page du lendemain.
- Mince ! on doit faire une rédaction en français pour demain ? s'exclama-t-elle, elle qui n'avait jamais été douée pour écrire des histoires ou des poèmes.
- Oui ! cria Kate en s'étouffant de rire avec sa pizza chorizo. Me dis pas que t'a pas encore commencé !
Vexée, Nina se retourna vers la feuille, et en prit une autre, double et à carreaux, pour écrire. Elle se munit d'un stylo dont elle mordilla machinalement le bout en réfléchissant. Elle lut le thème à respecter :
Vous devrez décrire une situation romantique se déroulant dans l'endroit de votre choix. N'oubliez pas de respecter les procédures nécessaires à une nouvelle (péripéties, etc...) et trouver une idée originale de déclaration (respectant le thème imposé et vu en classe). Vous pouvez insérer dialogue et poèmes (de votre composition, ou non).
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Hello everybody ! Comment ça va ? Vous vous portez bien ?
Alors, ce chapitre ? La rencontre avec le proviseur ? Des suppositions ? Et à votre avis comment va se passer le cours de sport ? Bon, je ne vous spoile pas, mais ça commence à devenir de plus en plus dark !
Sinon encore merci pour vos vues, vos commentaires, vos votes, n'hésitez pas à continuer sur cette lancée ! Kiss !
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