Objectif Ian
Je vais me réveiller. C'est juste un mauvais rêve. Tu as simplement rêvé.
Nina s'éveilla aux aurores. Son réveil n'avait même pas encore sonné. 6h00. Kate dormait encore à poings fermés, couchée en chien de fusil dans son lit. Le jeune fille se leva sur la pointe des pieds et s'approcha de la fenêtre en écartant les rideaux. Dans la précipitation de la veille, ni elle ni Kate n'avaient fermés les rideaux. Elle songea à sa conversation de la nuit avec Mathys. Il avait paru aussi perdu qu'elle, même si il avait tout fait pour ne pas le montrer, mais elle n'était pas née de la dernière pluie.
Dehors, le ciel était encombré de nuages blanc-gris si bas qu'ils semblaient toucher les champs en contrebas. Les pics montagneux disparaissaient derrière un épais brouillard qui enveloppait le manoir comme une couverture de coton. Deux corbeaux voletaient entre les bas nuages en croassant.
Un grognement tira la jeune fille de sa rêverie.
- Nina ? encore debout ? tu as décidé de te lever aussi tôt tous les matins ?
- Encore eu du mal à dormir, éluda la jeune file sans quitter son poste d'observation.
Ce matin, pas un brin de soleil. Un vrai temps de Septembre. Kate s'étira comme un chat de long en large en bâillant puis se redressa dans son lit, le visage encore endormi. Elle semblait avoir déjà oublié les incidents de la veille, contrairement à son amie qui n'avait dormi que deux heures cette nuit à cause de cette sinistre affaire. Et elle n'avait toujours pas de réponse à ses nombreuses questions qui lui foraient le crâne comme autant de perceuses.
- Six heures quinze ? bon dieu Nina ! s'exclama Kate en découvrant l'heure sur le réveil digital de son amie.
- J'ai encore mal dormi cette nuit.
- Oh ma pauvre. C'est cette histoire qui t'a tourneboulé la tête hein ? c'est vrai que tu étais aux premières loges...
- Hum, acquiesça distraitement Nina.
- Je ne comprends toujours pas ce qui a pu se passer. On en sauras plus aujourd'hui je pense, Chasal n'est pas du genre à laisser de telles choses en suspens.
- Tu crois ?
- C'est sûr.
Face à la morosité maladive de Nina, Kate la rejoignit et contempla le sinistre paysage qui s'étalait sous leurs yeux et tentant de changer de sujet :
- Il ne fait pas très beau aujourd'hui.
- Hum.
- Vu l'heure, je ne pense pas qu'ils aient déjà servi le petit déjeuner.
- Hum.
- Oh, Nina ! s'exclama de nouveau Kate, les sourcils froncés. Tu ne vas pas faire la tête toute la journée non ?
- Non, t'as raison, dit Nina juste pour avoir la paix.
Satisfaite, Kate fila enfiler ses lunettes qu'elle chaussa sur son nez, ses cheveux blonds en bataille encadrant son visage ovale.
- En revanche, dit-elle, on peut tout à fait aller se préparer !
Elle débordait d'énergie. Peu convaincue, lasse et perturbée, Nina la suivit d'un pas traînant jusqu'à la salle de bains commune.
Mathys se leva assez tard dans la matinée. Il traina au lit, encore choqué de l'incident de la veille au soir. Sans compter sa discussion avec Nina.
- Dis, Ian, tu peux...
Il allait dire « ouvrir les volets » avant de réaliser que le lit d'en face était froid et vide. Déprimé, Mathys se leva et exécuta lui-même la tâche. Il était neuf heures : heureusement qu'ils n'avaient pas cours aujourd'hui. Il leur restait encore un jour avant la reprise.
Il se leva d'un pas traînant et fila dans la salle de bains, vide évidemment : tout le monde était déjà sur le pied-de-guerre depuis un bon bout de temps, mais il n'avait aucun courage ce matin. Rien que l'idée de réviser... lui donnait des nausées.
Il s'habilla quand même, le ventre grondant curieusement. Mathys descendit d'un étage pour arriver dans le self. Tout était à sa place, sauf une ou deux chaises encore collés contre les murs. Toutes les tables étaient vides, ou quasi vide, car deux ou trois élèves petit-déjeunaient encore. Que des lycéens, bien sûr, parce que les collégiens et les primaires avaient encore cours eux. Mathys se servit une tranche de bacon sur lit d'œufs brouillés informe amassés en bouillie jaunâtre sur le coin de son assiette.
Il s'installa seul à une table de quatre, le regard vitreux, perdu dans ses pensées. Les quelques élèves finirent leurs plateaux et filèrent hors de la salle. Dehors, le temps était brumeux exactement comme l'avait prédit Ian : la brume s'enroulait autour des sommets montagneux.
Une lumière bleue intense attira son attention, de l'autre côté de la salle. Un instant ébloui par sa violence, il s'adapta rapidement et reconnut Nina. Elle venait juste de le voir et le rejoignit d'un pas furtif. Elle s'assit face à lui, en silence, et se mit à mâchonner consciencieusement ses tartines au miel.
- Bonne nuit ? demanda Mathys, pour faire la conversation.
Elle releva enfin la tête pour le fixer, les yeux plongés dans les siens. Il en éprouva la chair de poule.
- Atroce, dit-elle enfin. Et toi ?
Il haussa les épaules pour toute réponse. Nina reposa sa cuillère sur le bord de son plateau dans un tintement métallique et sans le quitter des yeux, chuchota après avoir vérifié que la salle était complètement vide :
- J'ai réfléchi, commença Nina avec une voix incertaine tranchant avec son attitude assurée, et nous devrions en parler à... Lycaon.
Elle avait chuchoté ce nom encore plus bas. Mathys mit un moment à réaliser de qui elle parlait. Il ouvrit de grands yeux, stupéfait de ne pas y avoir pensé lui-même. Après tout, il avait déjà eu recours au loup virtuel pour répondre à ses questions, pourquoi pas maintenant ?
- Enfin, j'ai pensé que tu n'avais pas de réponses alors..., bafouilla-t-elle.
- T'as raison ! s'exclama Mathys.
- C'est vrai ?
Le regard de Nina s'était subitement illuminé, éclairant son beau visage. Il détourna les yeux, sentant ses entrailles se retourner dangereusement et son ventre gronder encore plus. Pour contenter son estomac, il avala une nouvelle tranche de bacon.
- Ouais ! on y va après manger ? dit-il avec emphase.
- C'est d'accord, répliqua Nina, beaucoup moins enthousiaste.
- On se retrouve dans l'endroit habituel ?
Nina hocha la tête, comprenant aussitôt d'où il parlait. Elle termina son pot de yaourt et quitta la salle sans un regard, sans un mot de plus. Elle vida son plateau et s'enfuit dans les couloirs.
Nina attendait depuis une bonne demi-heure à l'entrée du placard, croisant systématiquement des élèves de première qui ne lui adressaient même pas la parole. Elle jeta un coup d'œil rageur à sa montre. 10h00. Il avait dit après manger mais cela faisait déjà plus de trente minutes qu'il avait dit cela.
Shirley passa dans le couloir accompagnée de la blonde peroxydée et l'ignora royalement. Nina sentit son moral tomber encore plus bas qu'avant.
Et enfin, quelques instants plus tard, Mathys et ses cheveux noirs corbeaux firent irruption dans le couloir. Il lui adressa un regard ambré chargé de... sentiments ambigus et remit machinalement sa mèche en place. Elle retomba sur son front, emmêlée.
- On y va ? demanda Mathys une fois arrivé à sa hauteur.
Nina contempla son visage, le rouge aux joues, le cœur battant la chamade.
Calme-toi, s'ordonna-t-elle.
- Ouais.
Ils gravirent les escaliers quatre à quatre pour terminer devant la porte de la bibliothèque. Mathys la poussa et ils pénétrèrent dans les combles. La bibliothécaire était assise devant son écran d'ordinateur, lunettes posées sur le nez, visiblement absorbée. Elle releva la tête et leur sourit, des cheveux gris s'échappant de son chignon. Nina traversa les quatre allées de livres poussiéreux et mal entretenus qui les séparaient des ordinateurs. Il ne devait vraiment pas y avoir énormément de visite par ici.
Mathys s'installa sur un poste, et Nina déplaça une chaise pour le rejoindre. Le jeune homme nota qu'elle avait laissé un espace large entre eux, suffiShirleyment pour qu'il n'y ait aucun contact physique. Il décida de ne pas en prendre compte et entra sur sa session. Nina ne le regarda même pas.
Mathys fila sur son historique et cliqua sur le site de loups-garous, le dernier à avoir été consulté : HISTOIRE ET LOUPS GAROUS. Aucun nouvel article n'avait été ajouté par Lycaon et Mathys se dirigea vers le Chat en ligne. Nina était très concentrée.
- J'espère qu'il va vite répondre.
- Moi, aussi, avoua Mathys qui n'avait aucune envie de passer les prochains jours dans la salle à attendre un message de l'administrateur du site.
Il se connecta sous le pseudo Moon déjà utilisé précédemment.
Moon : Bonjour LYCA0N. Désolé de vous déranger mais j'ai une nouvelle question à vous poser.
Attente. Aucune réponse. Nina et Mathys eurent bau prier, aucun petit point ne s'afficha sur l'écran.
- Rien, soupira Mathys, il n'est pas là.
- Si ! regarde !
LYCA0N : LYCA0N est en train d'écrire...
LYCAON : bonjour Moon, heureux d'avoir de vos nouvelles. Avant toute chose : autre sensation ?
- Qu'est-ce qu'il te demande, là ? questionna Nina, les yeux plissés.
- Il veut savoir si c'est bien moi et pas un imposteur.
- Difficile puisqu'il ne t'a jamais vu en vrai, nota la jeune fille, sceptique, en rajustant sa queue de cheval brune.
- C'est une sorte de code caché, expliqua Mathys en tapant frénétiquement sur le clavier.
Moon : Muscles horriblement douloureux. Faim intense.
LYCA0N : merci. Allez-y.
Moon : cette nuit, un de mes amis a fait une étrange crise. Il s'est tordu au sol en criant et juste avant, il était en sorte de transe.
LYCA0N : Intéressant. Quelle heure était-il ?
Moon : Environ 20h00.
LYCA0N : j'ai le regret de vous annoncer, cher Moon, que votre ami a été récemment possédé. Je sais que vous ne croyez pas cela possible et seuls les premiers loups-garous peuvent effectuer un tel concentré de pouvoirs. Je suis désolé, mais vous devez réagir vite : votre ami est en danger. Vous êtes ciblé par un des premiers loups-garous.
Nina plaqua sa main contre sa bouche en lisant les dernières phrases, et Mathys jura. Il tapa une dernière question :
Moon : vous êtes sûrs de vous ?
LYCA0N : LYCA0N est en train d'écrire...
Nina oublia momentanément où elle était et avec qui et se serra contre Mathys. Il dut lutter contre la boule d'énergie qui envahissait son ventre, se concentrant sur la réponse qui tardait à arriver. Il fixait si forts les trois points mobiles que quand il ferma les paupières, il les vit encore danser devant ses yeux. Quand il les rouvrit, une réponse était affichée en gros caractères.
LYCA0N : ABSOLUMENT
Mathys repoussa violemment le clavier. Nina poussa un hoquet de stupeur.
- Ian est en danger ? s'écria-t-elle en relisant les dernières lettres en caractères gras.
Mathys était déjà debout, session éteinte et fonçait à travers les rayonnages. Nina se mit à courir pour le rattraper. Ils passèrent au pas de course devant la bibliothécaire qui les dévisagea d'un air stupéfait. Nina remarqua que Mathys était tout tremblant et en sueur, visiblement paniqué. Il fallait agir au plus vite.
- Tu sais dans quel hôpital ils l'ont emmené ?
- Aucune idée, dit Mathys, allons voir Chasal. Vite !
Nina obtempéra même si elle ne voyait pas comment convaincre Chasal qu'Ian était en danger, mais elle faisait confiance à Mathys. Ils longèrent les couloirs des professeurs, celui des surveillants puis arrivèrent devant le bureau de Chasal. Ils déboulèrent dans la pièce, complètements essoufflés. Chasal leva les yeux de son écran d'ordinateur, les lèvres pincées et ses sourcils formant une barre au dessus de ses yeux. Nina reprit difficilement son souffle mais Mathys était déjà accoudé au bureau, sans efforts apparents.
- Personne ne vous a appris à frapp..., commença Chasal en se redressant.
- Madame ! nous avons besoin d'une information urgente, la coupa Mathys.
Chasal rougit violemment sous l'effet de la colère.
- Ecoutez moi bien, jeunes gens, quoi que vous vouliez, ce ne sont pas des manières !
Sans perdre son légendaire sang froid, Mathys approcha son visage à quelques centimètres de celui de la surveillante en chef. Nina le vit avec horreur son cou et ses joues se marbrer de sillons rouges sang, ses dents étinceler, blanchir subitement. Son visage lui-même vira au gris souris. Nina poussa un cri de stupeur, et Chasal se recula en cirant. Mais Mathys, de sa rapidité surnaturelle, enjamba le bureau dans un mouvement de prédateur agile et rapide et lui enserra la gorge de ses doigts pour la tenir immobile. Il darda sur la surveillante un regard à vous glacer le sang. Nina vit celui de Chasal devenir vitreux quelques instants plus tard.
- Qu'est-ce que tu as fait ? balbutia Nina, choquée.
Elle avait toujours cru que Mathys était le contraire d'Ian, le genre de personne calme et paisible malgré son « petit » défaut. Elle recula précipitamment en arrière mais son visage était redevenu humain. Plus d'affreuse lumière jaune brillant au fond de ses yeux, plus de veines bordeaux qui courraient sur sa peau blanche.
- Je l'ai juste endormie. Elle va répondre à toutes nos questions.
Peu rassurée, Nina resta à distance respectable su jeune loup qui s'approchait de Chasal, debout et immobile derrière son bureau comme en transe. Nina eut aussitôt une horrible impression de déjà vu. Chasal se balançait machinalement d'un pied sur l'autre en fixant un pont loin derrière eux, ailleurs. Nina se sentit frémir.
- J-je croyais que vous étiez incapables d'hypnotiser ? balbutia-t-elle.
Elle avait l'impression de balbutier à chaque moment de la journée. Chaque fois qu'elle apprenait une chose nouvelle sur les loups-garous, et à chaque fois ce n'était pas une bonne nouvelle. Le visage fermé, Mathys répliqua.
- Entre nous, non, mais avec les humains... si.
Nina réalisa ce qu'il venait de dire. Il pouvait décider, lui ou Ian, ou un autre, de l'hypnotiser à chaque instant. Elle ou n'importe quel autre élève de l'établissement. Par instinct, Nina recula. De toute manière, Mathys était déjà derrière le bureau en train de farfouiller dans les dossiers d'élèves. Il les tria d'une main, experte, agile, rapide. Nina faisait l guet, très mal à l'aise, la boule au ventre et les entrailles nouées. Ce n'était pas le moment de se dégonfler...
- Je l'ai ! s'écria triomphalement Mathys.
Il la rejoignit en deux enjambées magistrales ultrarapides et atterrit juste à ses côtés, leurs coudes se frôlaient. Malgré l'urgence de la situation et la peur que lui inspirait cet...individu, Nina rougit jusqu'aux oreilles. Elle l'oublia et se pencha sur le dossier.
Ian Dicker 17 ans
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Alooors ? Qu'est-ce que vous en pensez jusque là ?
Désolée de cette fin sadique mais sinon le chapitre serait trop long... là, 2500 mots c'est bien je trouve.
Qu'est-ce que vous pensez de la manière dont Mathys a hypnotisé Chasal ? Bon, je reconnais que dans cette partie l'action est minime mais c'est pour mieux repartir ! C'est un peu comme un épisode de transition, don't worry.
on se retrouve demain pour trois nouveaux chapitre ! Gros bisous et merci d'avoir lu jusqu'ici ! N'hésitez pas à voter / commenter si vous avez aimé !
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