L'ouragan
Nina remontait le long du couloir, s'efforçant de ne pas se faire remarquer. Ses deux sandwichs à la main plus une salade économique, elle se dépêchait dans l'escalier qui menait à l'étage des garçons. Elle était encore transie de peur, et chaque bruit la faisait sursauter. Même le son de ses propres pas. Comment être sereine après une telle épreuve ? Elle chassa de sa tête les images de Ian figé, torturé, puis ensanglanté. Une chance qu'ils soient arrivés à temps.
Et une chance qu'ils aient trouvés Clay pour les ramener jusqu'au Manoir. Et une chance que personne n'ait remarqué sa disparition. Une journée de « chances », n'est-ce pas.
Elle poussa la porte des garçons, les interrompant en pleine discussion. Deux paires d'yeux, aussi étonnantes l'une que l'autre, se tournèrent pour la fixer.
- C'est moi, dit-elle d'une petite voix en refermant la porte.
Ils étaient chacun sur leur lit. Même si elle les connaissait un peu mieux, Nina préféra s'installer à même le sol, le plus loin possible de leurs corps et de leurs esprits tortueux. Elle leur jeta leurs sandwichs et déballa sa salade noyée de sauce dans un concert de crissements. Qu'est-ce qu'elle avait faim ! Sauter un repas ne lui avait jamais réussi. Son ventre approuva d'un grognement sonore.
- Vous parliez de quoi ? demanda-t-elle sur un ton qu'elle espérait innocent.
- Sandwich à la dinde ! s'exclama Ian avec un sourire moqueur, tu sais que je ne supporte pas ça...
Nina comprit qu'il détournait le sujet de conversation. Il paraissait bien trop enjoué pour un rescapé tout frais. Elle baissa le regard pour ne pas avoir à observer ses iris turquoise bien trop profonds et expressifs. Ian se tut et jeta un regard lourd de sens à Mathys.
- Bon, écoute, on parlait de ce qu'il s'est passé, commença Mathys.
- Hum ?
Nina s'efforçait de prendre un air détaché mais elle ne parvenait à se fixer sur rien hormis le son exceptionnel de sa voix. Alors elle stoppa ce qu'elle était en train de faire et leva les yeux vers les deux loups. Assise en tailleur, elle se sentait bien vulnérable. Son pouls battait contre ses tempes face à ces regards insondables.
- Je m'en doutais, fit Nina. Et vous en êtes parvenus à quelle conclusion ?
- Que tu étais en danger.
Nina s'étouffa avec sa dernière bouchée de tomate.
- Moi ? pourquoi ?
- On t'a déjà dit que tu étais spéciale pour les loups, répondit Ian.
- Hum. Mais je suis spéciale à ce point ?
- Ton aura. Ton odeur...
Nina ne voulut pas approfondir en voyant l'expression bestiale qui brillait dans ses prunelles et qui la faisaient frissonner malgré elle. Face à elle se tenaient l'ange et le démon.
- J'ai saisi l'idée. Mais pourquoi ?
- Aucune idée, reconnut Mathys le visage toujours aussi anxieux.
- Lycaon n'est pas capable de vous aider ?
- Il faut croire que non, siffla Ian.
Soudain, son expression s'assombrit. Il se leva d'un coup, monté sur ressorts, dans une posture très théâtrale.
- Ian ? s'inquiéta Mathys, ça va ?
- Ouais, grogna-t-il.
Nina le regarda se déplacer rapidement près du bureau et ouvrir tous les tiroirs, balancer les papiers au sol. Il foullait dans les tiroirs à une vitesse fulgurante.
- Euh, t'es sur ?
Nina vit Mathys se relever et l'imita. Ian venait de dénicher un papier et un crayon de papier HB. Il traça des lettres bâtons sur la feuille blanche :
CLAYTON
- Eh ben ? s'exclama Mathys sans quitter des yeux les lettres grisâtres qui semblaient danser dans cet océan immaculé.
CLAYTON
LYCAON
Nina relut les mots. Ça collait parfaitement. La lettre T n'étant présente uniquement pour faire diversion. Malin.
- Il avait fermé son esprit. C'est obligatoirement un loup garou. Peut être un mordu ? dis Ian.
- Attends, c'est peut-être une coïncidence...
- Non, je crois pas. J'ai tenté de le sonder mais il était protégé.
Nina leur jeta un regard inquisiteur mais ils étaient aux prises avec leur logique implacable :
- Il faut qu'on le retrouve...
- Comment tu veux qu'on fasse ça ?
- LES GARS ! cria Nina.
Grand silence. Les poings sur les hanches, Nina les dévisagea tour à tour. Le silence retomba dans la pièce exigüe ou l'excitation était presque palpable.
- On se calme, d'accord ? l'important ce n'est pas de découvrir qui est Lycaon, mais qui nous persécute !
- Elle a raison, reconnut Mathys, honteux.
Nina fut satisfaite de son effet. Elle se rassit, et termina sa salade en quelques bouchées.
- La question c'est pourquoi est-ce que le « mordu » s'en prendrait à moi ? Ça n'a pas de sens, dit-elle encore.
Sa vie avait toujours été un exemple de normalité, pourquoi diable avait-elle été envoyée dans un manoir de loups-garous ? Elle était persuadé qu'aucun de ses parents ne pouvaient en être un, bien trop absorbés par leur argent et leur vie tranquille.
- Ça reste à découvrir, reconnut Mathys.
Sans quitter son sempiternel visage guindé. Nina jeta son emballage dans la poubelle, d'un geste digne d'un grand basketteur et le plastique entouré de cellophane fit un rebond avant de terminer au fond de la corbeille. Nina se retint d'exulter comme une gamine et se tourna vers les deux loups.
Soudain, une sonnerie de cloche résonna dans la chambre. Prenant la mesure de ce qui se passait, Nina se redressa, affolée, et observa les alentours.
- Couvre-feu ! remarqua-t-elle.
- Ne t'inquiète pas, l'apaisa Ian, je vais te raccompagner.
Nina eut un mouvement d'hesitation, peu convaincue
Elle n'eut qu'à plonger son regard dans le sien et lut aussitôt tout ce qu'elle avait déjà pu y lire. Elle déclina l'invitation.
- Non merci, c'est bon. J'espère juste ne pas tomber sur Mc Cullough.
- Aucun risque, elle ne vient jamais à cet étage, contra Mathys, et puis elle est toujours enfermée dans son bureau.
Nina repensa à ce visage détendu encadré de mèches emmêlées, ce regard absent de la surveillante. Elle frissonna. Mathys n'était pas si « gentil » et « raisonnable » que ce que tous pouvaient penser. Il demeurait un prédateur.
- Encore ? libère-là dès que tu peux..., supplia Nina.
- Pas de souci, dès que tu es dans ta chambre.
- Et comment tu le sauras ?
- On sait tout, répondit à sa place Ian avec un sourire éclatant.
Nina percuta quelqu'un de plein fouet alors qu'elle essayait de remonter discrètement dans sa chambre dans la nuit noire, à tâtons. Elle poussa un petit cri de surprise et l'autre fit de même. Elle s'étala dans le couloir de tout son long.
- Eh ! fais attention ! s'indigna-t-elle.
- C'est toi qui ma foncé dedans !
- En même temps, dans le noir...
Un petit rire étouffé résonna dans le couloir. Nina se releva et tendit sa main dans le noir pour tenter d'aider sa « camarade ». Dans la nuit, elle ne voyait rien, mais était persuadée qu'elle avait affaire à une fille : rien qu'à l'odeur, la voix et aux manières.
- Bon, désolée de t'avoir percutée, admit l'autre, de bonne guerre.
- Moi aussi. Tu allais où ?
- A la cafètéria. On se fait une soirée entre copine dans la 45b.
- Même après le couvre feu ? Et Mc Cullough qui fait ses rondes ? s'exclama Nina avant de se rappeler que ce soir là, la sous-directrice n'était plus vraiment en état de faire quoi que ce soit.
- Ecoute, on a la classe ou on l'as pas. Tu t'appelles... ?
- Nina.
- Ah oui, la nouvelle !
Nina sentit son dos se contracter. Elle détestait ce surnom : « la nouvelle ». En plus, elle n'était pas la seule à être arrivée cette année !
- Hum. Et toi, c'est comment ?
- Addison, mais appelle-moi Addie plutôt, je préfère.
- O.K. A plus Addie !
La jeune fille ne se fit pas prier et disparut discrètement dans les couloirs qui menaient au self du Manoir, laissant Nina seule dans les ténèbres. Si elle s'était attendue à une telle rencontre ! Nina se dépêcha de filer dans sa chambre, croyant apercevoir la lumière familière d'une lampe torche mais se rappela : Mc Cullough est coincée dans son bureau...
Lorsque la jeune fille entra dans sa chambre, il faisait un peu moins sombre que dans les couloirs car les volets étaient tirés à moitiés, laissant passer la lueur de la lune et des étoiles. Nina fut soulagée que Kate dorme déjà à poings fermés, apparemment d'un sommeil agité mais pas angoissé. Nina ne prit même pas le temps d'aller se brosser les dents où quoi que ce soit mais elle enfila un jogging informe à motifs irlandais et se coucha. Pour une fois, le marchand de sable vint la chercher rapidement.
Ce matin-ci, ce ne fut pas le soleil ni le chant des oiseaux qui la tira du lit – le ciel était toujours aussi hivernal – mais plutôt une furie humaine, les yeux injectés de sang et les cheveux en bataille entourant un visage ovale chaussé de lunettes. Kate la secouait par l'épaule, et Nina s'éveilla en sueur. Encore ce maudit cauchemar, ces yeux tapis dans l'ombre... elle reprit contact avec la réalité, avisa le visage totalement éveillé de son amie penché au-dessus d'elle dans une posture menaçante. Aussitôt, Nina se redressa et fixa son amie sans comprendre.
- Qu'est-ce que...
- NINA ! hurla Kate ; J'ESPERE QUE TU TE RENDS COMPTE DE LA FROUSSE QUE TU M'AS FAIT !
- Que... oh.
- OH ? OH ! TU NE TROUVES RIEN DE MIEUX À DIRE ? ON T'A CHERCHEE PARTOUT HIER !
Nina se mit en position de self-défense sous sa couette : Kate semblait vraiment furieuse. Sous ses gros cernes s'étalaient des joues rouges tomates de colère, et elle ne cessait d'agiter les mains. Nina se demanda comment la calmer, mais elle ne pouvait pas lui expliquer... elle s'en voulait de cacher ainsi des choses à son amie mais elle n'avait pas le choix.
- Ecoute, Kate...
- Quoi ? on vous a cherché partout !
On a remarqué notre absence apparemment... ça ce n'est pas bon, Songea Nina en se passant machinalement les mains dans les cheveux.
- « On » ? « Vous » ? répéta Nina pour éviter une déferlante de remontrances en détournant la conversation.
- Toi et Mathys ! même Shirley a fait un semblant de recherche ! ou vous étiez ? s'exclama Kate.
- Moi et... Oooh.
Bien sûr. Elle ne savait pas pour Ian, ni pour tout le reste d'ailleurs. Nina reprit contenance : ses années de théâtres passées allaient enfin lui servir. Elle se composa un visage mutin et malicieux et lui chuchota sur un ton de confidence :
- Bah tu sais quoi... un garçon et une fille...
Les yeux de Kate s'agrandirent comme des soucoupes, et elle resta un instant sans voix la bouche ouverte comme un poisson hors de l'eau, les mains en l'air. Puis un pâle sourire se forma sur sa bouche et apaisée elle s'assit sur le lit. Elle faisait une tête incrédule, comme si elle peinait à la croire. Nina s'auto-félicita, même si elle savait qu'il allait falloir mettre Mathys au courant de toute cette histoire...
- C'est vrai ? vous sortez ensemble ? s'étonna-t-elle sur un ton beaucoup plus serein. Mais pourquoi tu ne m'as rien dit ?
Elle la fixa droit dans les yeux sans la lâcher, la sondant du regard. Nina sentit les mensonges couler hors de sa bouche naturellement :
- Bon, O.K., on a fugué, avoua-t-elle devant la mine réjouie de son amie.
Visiblement, Kate faisait des efforts pour se composer un visage toujours en colère mais l'excitation se lisait dans ses yeux.
- Mais c'était parce qu'on avait envie d'être un peu tranquilles, tu vois, ajouta-t-elle. Et puis on est rentrés, c'est tout ce qui compte non ?
- C'est sûr... vous êtes allés où ? demanda une nouvelle fois Kate, bouillonnant de questions.
Elle ne lui laissa même pas le temps de répondre, la coupant une nouvelle fois sous l'agitation du scoop :
- Tu te rends compte que tu sors avec Mathys Brown ! N'importe quelle fille du Manoir ferait n'importe quoi pour être avec lui !
Surtout une Shirley..., Songea de nouveau Nina avec amertume.
- Peut-être mais je ne suis pas sûre de mes sentiments, dit Nina, il ne faut pas ébruiter l'affaire. Je pense que je vais casser aujourd'hui.
- Ça ne s'est pas bien passé ? s'étonna Kate, les joues reprenant peu à peu une couleur naturelle.
- Si, bien sur ! tout a été parfait mais... il ne me convient pas, avança Nina à tout hasard, essayant vainement de reproduire sa conversation avec Sophie quand elle avait rompu avec le « légendaire » Gavin Johnson.
- Je comprends. Mais quand même... Mathys Brown...
Nina la regarda se relever et vaquer à ses occupations sans plus d'interrogatoire. Pour elle, le simple fait d'être avec un garçon avait servi d'imparable alibi à Nina. En serait-il de même pour le reste des habitants du Manoir ? Nina se doutait que cette journée ne serait pas simple. Au moins Chasal ne se souvenait de rien... le directeur était-il au courant ? Elle paniqua à cette idée.
- Dépêche-toi ! la pressa Kate, déjà en uniforme bien rangé, vêtue d'une jupe plissée bleue couverte par un pull blanc orné d'un écusson de la même couleur.
Nina jeta un coup d'œil rapide à son réveil et se leva d'un bond : déjà sept heures moins dix ! Il ne lui restait plus qu'à espérer ne pas arriver en retard au déjeuner. Sinon Chasal et ses sbires lui tomberaient sur le dos.
Sans perdre une minute, elle retrouva bien vite la routine du matin : coiffure, maquillage, habillage en quatrième vitesse. Elle fourra ses affaires d'école pêle-mêle dans son sac tandis que Kate l'attendait devant la porte. Heureusement, Kate était Kate et personne d'autre, et bien qu'extraordinairement impulsive, elle savait également se montrer patiente. Ses sourcils arqués se froncèrent en la voyant débouler sur le seuil, légèrement échevelée, le sac de travers.
Elles se dirigèrent vers le couloir au rebord transparent et passèrent en quatrième vitesse devant le placard à balai préféré de Nina. Elle l'observa un instant puis les deux filles déboulèrent dans le self. Comme il était assez tard, les élèves n'étaient déjà plus là sauf les quelques retardataires qui grignotaient leurs pains au chocolat le nez dans leur bol de céréales. Nina sentit aussitôt un regard se poser sur elle. Elle n'eut pas à chercher bien loin.
Mathys..., se dit-elle en apercevant les cheveux corbeaux du jeune homme.
Il ne la lâchait pas du regard. Etonnement, Ian n'était pas présent. Nina lui rendit son imperceptible geste et se tourna vers Kate, qui n'avait pas perdu une miette de la scène mais pencha subitement la tête vers le sol, mine de rien.
- Je pense que je vais aller lui parler, lui dit Nina, coupable de mentir encore une fois à la jeune fille.
- Qui ? Aah, Mathys ?! bien sûr ! s'empressa de répliquer son amie.
Elle lui adressa un clin d'œil et fila s'installer vers une autre table vers une fille à blazer bleu marine. Nina fila s'asseoir en face du jeune homme. Elle croqua dans sa pomme et remarqua les cernes sombres sous ses yeux. Il était si mystérieux, distant, son incroyable regard ambré perdu au loin caché par sa mèche soyeuse.
- Mauvaise nuit ? s'enquit la jeune fille en dévorant la chair autour du trognon.
- Quoi ? demanda Mathys semblant sortir de sa rêverie. Oh... on peut dire ça.
- Ian n'est pas là ?
Elle remarqua une légère tension dans le cou et les bras de Mathys à l'évocation du nom du loup. Il haussa les épaules et déclara :
- Non, je ne sais pas où il est. Sûrement en tain de reconquérir les filles qu'il n'a pas pu inviter à la soirée.
Nina se crispa également face à cette supposition et n'insista pas. Elle termina son verre de lait et relança la conversation, consciente que Kate devait les épier d'où elle était. Elle reposa l'objet en verre bien plat sur son plateau et fixa son regard dans celui du loup. Ils tressaillirent tous les deux mais Nina ne lâcha pas l'affaire. Mathys baissa les yeux en premier, faisant mine d'observer le reste de son kiwi.
- Ecoute, à propos d'hier, beaucoup de monde se pose des questions, chuchota-t-elle en vérifiant que les places voisines étaient belles et bien vides.
- Je m'en doute, répliqua Mathys. Où veux-tu en venir ?
- Ce que je veux dire, c'est que Kate m'a posé des questions. Elle m'a dit qu'ils nous avaient cherchés dans tous le Manoir.
- « Ils » ? releva Mathys, contrarié.
Ses sourcils se rejoignirent en se fronçant ; il était terriblement sexy comme ça. Nina frissonna et se reconnecta en se sermonnant mentalement.
- L'ensemble des élèves. Apparemment, comme on n'avait pas cours, aucun représentant adulte n'est au courant sauf si un délégué as fait passer l'info dans ce cas... ils auraient sans doute appelé la police non ?
- Sûrement..., admit le jeune homme sans défroncer le regard.
- Et comme Kate m'a posé des questions sur ce qu'on est allés faire tous les deux...
- Tu lui as dit qu'on sortait ensemble, devina immédiatement Mathys.
Il ne semblait pas en colère, plutôt surpris – Nina se serait même risqué à ajouter l'adjectif « agréablement » si elle n'avait pas immédiatement baissé la tête en rougissant jusqu'à la racine des cheveux, hochant piteusement la tête.
- Je vois... on est censés faire quoi maintenant ?
- Oh, ne t'inquiète pas ! s'exclama Nina. Je lui aie dit que ça ne marchait pas entre nous. Que je devais rompre aujourd'hui.
- On s'en tient à cette version, approuva Mathys, soulagé. "rupture à l'amiable".
- Exact !
La sonnerie les tira de leur embarras mutuel. Ils se levèrent d'un même mouvement et Nina se laissa distancer, aussitôt attrapée par le bras par une Kate surexcitée.
- Alors ? je vous ai regardé pendant tout le long, Judy a dû me prendre pour une folle de premier degré.
- On a rompu, déclara solennellement Nina.
Dur écho avec le passé, sauf qu'à la place de Sophie se tenait Kate. Et qu'elle ne sortait pas avec Mathys, contrairement à avec Gavin.
- Ooh..., compatit Kate en lui prenant la main. T'inquiète pas, ça va aller !
- Rupture à l'amiable.
Nina faillit sourire en ressortant cette expression « Mathiesque » toute crachée. Mais en plein drame sentimental, le moment n'était pas aux fous rires. Kate hocha la tête tandis qu'elles se dirigeaient vers les porte-sacs qui les attendaient au bout du couloir. Celui-ci commençait à se remplir de rires et d'éclats de voix. Elles plaquèrent leurs sacs sur l'épaule et se dirigèrent vers leurs salles de cours, au rez de chaussée, bien rangés par deux. Nina surprit le regard d'Ian posé sur son visage mais se détourna de manière à ce qu'il ne voie que son profil. Shirley aussi était là. Nina repensa à Addie, la fille d'hier soir. Il n'y avait pas d'Addison, dans sa classe, si... ?
Mme Chiron fit irruption dans le couloir dallé, ce qui fit taire les étudiants. Elle avait les traits tirés, le teint pâle, la démarche claudiquant. Personne ne posa de questions mais tous se regardèrent interloqués. Qu'était-il arrivé à la gaie Mme Chiron ? Elle portait son éternel chignon de danseuse mais aujourd'hui, il durcissait son teint et atténuait l'éclat de ses yeux. Nina passa devant elle et rejoignit sa place, perturbée.
Aussitôt, une odeur virile lui emplit les narines. Mathys vient de s'asseoir, devina-t-elle pensivement. Tout le monde était calme. Mme Chiron commença l'appel, sa voix aussi froide que la pierre du Hall du Manoir.
- Qu'est-ce qu'il lui est arrivé, à ton avis ? chuchota Nina à son voisin de table.
- Aucune idée, mais ce n'est pas joli-joli.
La professeure portait une longue écharpe – grise – qui lui tombait devant le buste et cachait son cou, ses bras. Quelques chuchotis légers et inquiets troublaient le silence tendu. Nina tenta de se concentrer, inscrivit le titre de la leçon du jour au tableau sans piper mot. Elle inscrivit la date puis laissa son esprit vagabonder. Elle se mit à griffonner distraitement, allongea les courbes, épaissit les ombrages. Quand son œuvre fut terminée, elle leva la tête et observa.
Un croc de loup était dessiné sur son cahier. Un croc blanchi au crayon de couleur, les bords grisonnants et ombragés le faisant ressortir en relief sur le papier à carreau. Nina frissonna et saisit sa gomme, ne laissant aucune trace. Mais trop tard : Mathys avait louché sur son cahier, et le dessin semblait danser dans ses yeux. Il ne posa aucune question.
Nina passa en revue les élèves : ils étaient absorbés dans leurs discussions ou leurs ornements de cahiers beaucoup plus que sur Mme Chiron qui énonçait son cours d'un ton morne. De plus en plus étrange, d'ailleurs...
Elle tenta de se rappeler des prénoms de chacun : là, le brun athlétique... Lucas. La blonde sur le côté ! Hanaé Sempey. Inès. Shirley. Judy. Kate. Scott. Ludo.
Aucune « Addie ».
Nina se tourna vers Mathys, curieuse ; il devait bien la connaître, depuis le temps qu'il était là !
- Mathys ?
- Hum ? répondit le jeune homme.
Il tourna la tête pour mieux l'observer. Elle plongea ses yeux dans les siens puis retourna à sa feuille, rosissant.
- Est-ce que tu connaîtrais par hasard une Addison dans le Manoir ?
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Hello les lecteurs favoris !
300 vues, c'est juste un truc de fou ! Merci beaucoup à vous tous, d'avoir voté, plus principalement merci à mes premières lectrices : WhiteCloud90 , clemquidam, Ellie_L6...
Et surtout, un grand grand merci à @Florinebooks pour ses corrections, et ses nombreux commentaires. Ça fait vraiment plaisir ! ;) ♥
Donc j'espère que vous avez aimé cette partie, la suite arrive bientôt !
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