Chapitre 1: La belle Hélène
Nimona déambulait dans les ruelles animées de la ville, son sourire narquois plaqué sur le visage, tandis que la foule passait autour d'elle. Ses cheveux courts, colorés d'un rose frappant, balayaient légèrement son front au rythme de ses pas. Elle était tout sauf discrète, et elle le savait. Après tout, pourquoi devrait-elle l'être ? Elle était unique, et le monde pouvait bien s'y habituer ou s'effacer. Les femmes qu'elle croisait lui lançaient des regards curieux, parfois intéressés, mais Nimona ne leur prêtait qu'un intérêt temporaire. Elle ne se mêlait jamais profondément aux autres. Elle aimait les plaisirs de la compagnie éphémère, l'adrénaline des rencontres intenses mais brèves, sans jamais s'attacher.
À sa main, une bombe de peinture. Elle hurla "BOUH !" au chat sur une poubelle, prenant sa place dans un saut agile. Puis, face au mur, elle tagua en grosses lettres "A ÇA IRA, LES ARISTOKRAT ON LES PENDRA". Elle explosa de rire, super fière d'elle-même.
- Sympa, les fautes d'orthographes, fit une voix féminine derrière elle.
La jeune femme se retourna, montrant les dents comme un chien (elle avait visiblement oublié de se transformer avant de le faire, elle avait juste l'air hystérique ainsi). Une femme était nonchalamment posée contre le mur d'en face dans la ruelle. Elle avait une cigarette aux lèvres et un regard qui plût à Nimona.
- C'est quoi ton nom, déjà ? demanda la rouge en sentant ses joues rougir.
- Héléna. Tu ne te rappelles jamais de mon nom, c'est agaçant. Ce n'est pas la première fois que tu viens dans mon lit en plus.
- Ouais, cool. On se fait ça ce soir, okay ? J'ai une idée de tag à faire urgente.
La femme rit, amusée par les gamineries de la femme qui était parfois sa compagne, et haussa les épaules en expirant de la fumée, tapotant contre un mur son mégot.
Nimona traversa la rue bondée, son regard acéré se posant sur un groupe de femmes élégantes discutant entre elles. Leur beauté polie et leur grâce calculée lui donnaient envie de rire, mais au fond, une part d'elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une légère jalousie. Elles avaient une simplicité dans leur humanité que Nimona ne connaîtrait jamais. Son pouvoir de métamorphe la distinguait des autres, mais c'était une distinction qui la laissait toujours en marge, toujours un peu à part.
Cette nuit-là, cependant, elle avait trouvé quelqu'un pour l'héberger. Héléna n'était pas que magnifique, aux cheveux noirs et aux yeux envoûtants, dont le sourire promettait bien plus qu'une simple conversation. Elle était aussi fougueuse, et ses envies s'alliaient généralement avec celles de la métamorphe. Nimona n'avait pas perdu de temps. En quelques échanges rapides et des sous-entendus mordants, elles avaient fini dans un lit confortable, les draps froissés et les rires étouffés par la nuit.
La lumière tamisée de la chambre créait des ombres dansantes sur les murs, et Nimona, allongée sur le dos, fixait le plafond d'un air absent. La femme à côté d'elle se tourna sur le côté, jouant doucement avec une mèche de cheveux de Nimona, avant de murmurer d'une voix langoureuse :
- Tu viens de moins en moins souvent par ici.
- J'sais. J'étais occupée à aller me frotter les écailles dans les rivières.
Héléna rit, et déposa un chaste baiser sur ses lèvres:
- Je préférais quand tu prenais soin de mes clients. Maintenant, c'est dangereux. Tu sais que le dernier a essayé de...
- Te kidnapper pour te découper avec un couteau ?
- Comment tu sais ça ? déclara la femme en posant une main sur coeur, choquée.
- C'est ce qu'il pleurait quand je lui enlevais les doigts de pieds, dit elle en serrant les dents, son regard prenant des teintes rouges qui n'effrayèrent pas la femme avec qui elle partageait son lit.
- Merci beaucoup, murmura la femme aux cheveux noir d'encre, très touchée, et un peu dérangée.
Il y eut un silence durant lequel Nimona se releva un peu, la chaine à son cou cliquetant dans la chaleur du soir et le silence plaisant de la pièce. Elles s'embrassèrent avec douceur, Héléna retenant les cheveux de la jeune femme qui avaient tendance à aller un peu partout.
- Tu sais, on raconte des histoires dans la ville. À propos d'un artefact légendaire qui peut exaucer n'importe quel vœu.
Nimona haussa un sourcil, à moitié intéressée. Elle tourna la tête vers la femme, son expression sceptique.
- Ah oui ? Et pourquoi ça m'intéresserait, ton conte de fées ?
-Parce que c'est vrai, répondit la femme avec un sourire mystérieux. Apparemment, cet artefact s'appelle "Le Cœur du Voile". On dit qu'il a le pouvoir de réaliser un seul souhait pour celui ou celle qui le trouve. N'importe quel souhait.
Le regard de Nimona changea légèrement, une étincelle d'intérêt perçant son masque d'indifférence.
- N'importe quel souhait ?
- Oui. Tu pourrais devenir n'importe quoi... ou n'importe qui.
Ces mots résonnèrent en elle, plus profondément qu'elle ne l'avait anticipé. Devenir quelqu'un d'autre. Ne plus être la métamorphe que tout le monde craignait. Devenir... humaine. Elle essaya de ne pas montrer l'impact que cette révélation avait sur elle, mais son cœur accéléra malgré tout.
Elle se redressa légèrement, son sourire sarcastique toujours en place.
- Et où est-ce que je trouve ce "Cœur du Voile" ? Dans ta penderie ?
La femme haussa les épaules, son doigt traçant un cercle paresseux sur la poitrine de Nimona.
- Apparemment, il y a des cartes au trésor à la bibliothèque nationale.
Nimona réfléchit un instant. Ce genre de quête semblait trop parfait, trop irréel. À vrai-dire, cela ressemblait surtout à un stratagème de la fille de joie pour laisser Nimona rester un peu plus dans cette ville à ses cotés. Mais l'idée de devenir humaine, de s'intégrer enfin, avait un attrait qu'elle ne pouvait ignorer. Elle n'en laissa rien paraître, préférant jouer son rôle habituel.
- Intéressant, »dit-elle, se levant du lit avec une aisance nonchalante. J'aime bien l'idée de chasser des mythes. Qui sait, peut-être que je me ferai une collection de trésors inutiles.
La femme la regarda avec curiosité, mais Nimona ne s'attarda pas. Elle attrapa ses vêtements éparpillés et s'habilla rapidement. Ses pensées tourbillonnaient, mais elle affichait toujours ce masque sarcastique. Alors qu'elle attachait sa veste, elle jeta un dernier regard à la femme encore allongée dans le lit.
- C'était amusant, mais j'ai des affaires à régler. On se verra plus tard ?
- Quand tu veux, chérie, répondit Héléna en la fixant, amusée.
Sans attendre de réponse, elle quitta la chambre, laissant derrière elle l'atmosphère lourde de la nuit. À l'extérieur, la ville continuait de vivre dans un tourbillon de lumières et de sons. Mais Nimona ne faisait plus attention. Une nouvelle quête venait de s'ouvrir devant elle, et cette fois-ci, l'objectif n'était pas simplement de se divertir.Elle marchait d'un pas déterminé à travers les rues animées, ses pensées entièrement concentrées sur cet artefact. Le Cœur du Voile... s'il existait vraiment, elle devait le trouver. Elle ne pouvait plus supporter cette existence entre deux mondes, ni l'idée d'être différente à jamais.
Son esprit était fixé, son cœur battait plus fort à mesure qu'elle se lançait dans cette nouvelle aventure. Le Cœur du Voile était peut-être la clé de sa rédemption, ou de sa destruction. Quoi qu'il en soit, Nimona était prête à tout risquer pour sortir de l'ennui de sa vie.
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