—Que va-t-on faire de ces enfants ?

Cassiopée ne savait pas si Gianni s'était adressé à elle spécifiquement ou à tout leur groupe.

— Ce sont des mineurs, on ne peut pas les emmener dans la Forêt, commenta-t-elle.

—En parlant de la Forêt, commença Gianni, il faudrait renvoyer nos architectes, Aelyne et Marceli. Les fugitifs nous ont fait part de leur manque de logements pour accueillir les nouveaux arrivants.

Depuis son bureau, Cassiopée n'avait aucun aperçu de la Forêt. C'était délibéré. À l'époque, la petite Aelyne lui avait expliqué que l'immense forêt occupant un quart de l'île devait rester vierge, au cas où ils aient besoin de la faune ou de la flore ou d'espace pour de futures constructions. 

Mais ce labyrinthe d'arbres avait trouvé son utilité il y a un an, quand les premières embarcations de fortune avaient accosté en pleine nuit. Les premiers terrestres abîmés par le temps, la météo et la dictature venaient chercher refuge. Mais ils étaient arrivés au mauvais moment, celui où les habitants avaient découvert le triste sort de leurs compères en NOÉ. Les fuyards avaient alors été rejetés par la société, par la peur de l'autre, de ce qu'il était capable de faire mais Cassiopée se refusait à les abandonner. 

À la place, de connivence avec ses plus proches fidèles, ils avaient créé la Forêt. Un mirage pour ses concitoyens, un abri de fortune pour ces illégaux. Depuis, elle essayait de concilier les deux comme elle le pouvait.

— Faites envoyer Aelyne alors. Ont-ils suffisamment de vivres ?

— Ils se débrouillent, éluda Gianni.

— Et les gamins ? lui rappela Zeka. Ils ne seront jamais adoptés et tu le sais...

La Reine se frotta le front, tiraillée par le problème.

— Soit ils rejoignent la Forêt, soit ils se font adopter.

— Mais Cassiopée, préconisa Zeka.

Elle détestait sincèrement considérer les enfants comme de la marchandise mais elle n'y voyait aucun autre choix :

—La première solution est inenvisageable, nous n'avons pas appris de nos erreurs concernant le placement des enfants terrestres dans la Forêt, alors...

Pendant qu'elle choisissait les mots adéquats pour formuler sa proposition, Alex prit la parole :

— Je ne sais pas à quoi tu penses, mais je sens que c'est la bonne solution.

L'air grave qui lui lançait rassura étonnement Cassiopée.

— Que doit-on faire ? questionna Gianni.

— On en reparle ce soir. Alex, je veux que tu me donnes une heure d'arrivée de ce bateau dès que possible, ordonna Cassiopée. Il faut les faire accoster à l'abri du regard des habitants.

Alex acquiesça puis quitta la pièce tandis que sa wagen se tournait vers ses conseillers :

— Y a-t-il d'autres nouvelles importantes ?

— Importantes non mais nous avons beaucoup à faire, répondit Gianni.

— Bien, nous verrons cela cet après-midi dans ce cas.

Zeka et Gianni quittèrent le bureau la laissant seule face à son paysage rassurant.
Parfois, Cassiopée avait des pensées qui l'horrifiaient et ce qu'elle avait en tête en ce moment en faisait partie. Sa mère avait mis en place un plan pour que tous les continents s'engouffrent dans le néant excepté cette île. 

Malheureusement des pans de la Terre avaient résisté et quand elle voyait ce qu'ils étaient devenus, Cassiopée aurait préféré qu'ils se noient comme le reste de l'humanité. Parce que, ce qui se passait là-bas, à NOÉ, n'était pas digne des êtres humains méritant de survivre. Mais après tout ? Qui était-elle pour juger de la vie d'un autre ?

Depuis que les Légendaires avaient été envoyés par Alex en NOÉ, toutes les choses qu'ils lui avaient rapportées n'étaient que terreur.

Le président Rader, d'origine américaine, faisait parti des pro-armes et en avait fait un accessoire aussi commun qu'une voiture dans l'Ancien Temps. Il avait rassuré tous les habitants en leur expliquant qu'il n'y avait pas plus sûr que d'être armé. Bien sûr, ils les avaient obtenus à la base grâce à toutes les nombreuses armes disponibles au Texas, et par la suite, en avait fait construire par les Nilées soumis et aujourd'hui décédés.

Le président de NOÉ s'était aussi appuyé sur la proposition du chef de région France pour proposer un système d'organisation nouveau. Désormais, NOÉ était régi par un système novateur et efficace, du moins, c'est ce que l'Etat-monde faisait croire. En survivant à la Grande Vague, ils ont non seulement préservé les armes mais aussi la technologie, à laquelle les noétiens sont devenus bien plus accros. Il leur a fallu trois ans pour mettre en place une nouvelle politique qui s'applique à travers un programme technologique appelé Destiny.

Par curiosité, Cassiopée retourna dans son petit bureau et se dirigea vers l'un de ses murs couvert d'informations. Elle trouva immédiatement le résultat Destiny de trois des Légendaires. Sur le premier, en grosses lettres rouges était écrit "AFFECTATION : INFLUENCEUR" tandis que sur le second prônait une autre affectation "SOLDAT" et le dernier "MEDIA".

Tous les Légendaires avaient passé le test et l'eurent ensuite transféré à Alex. D'après les paroles rapportées des agents, le Destiny consistait en deux tests : l'un sur le physique de la personne, et l'autre sur les capacités mentales. Par la suite, Destiny était capable de prévoir le futur d'une personne et ainsi donc de déclarer quel serait le travail le mieux adapté à sa personne.

C'est pourquoi, une personne au physique charismatique et facilement manipulable devenait un influenceur : une personne dédiée à répandre les idées de NOÉ à travers les réseaux sociaux. Il s'agissait clairement de propagande et heureusement pour Cassiopée, l'un des Légendaires avait faussé son test pour entrer dans la très sélecte secte des influenceurs. Quant au second, il était plus qu'évident que seul son physique avait permis de trancher sur son affectation de militaire. Enfin, le dernier avait réussi à pénétrer dans l'enceinte des journalistes, qui bien évidemment n'était pas libres. L'unique journal du pays était maîtrisé et surveillé par NOÉ et ses employés se devaient d'écrire ce que l'Etat voulait.

Ainsi donc NOÉ régnait par classe professionnelle. L'Etat contrôlait tout, même la presse et l'avenir de ses habitants. Aucune liberté n'était donnée et aucun écart n'était toléré.

Bien évidemment, il arrivait que Destiny présage un futur néfaste pour certains : des criminels, des sans-emploi, des addicts et bien d'autres. Ces derniers étaient considérés comme des rejetons de la société, et le président Rader n'en voulait pas. Alors, la solution était de les envoyer au Sval.

Si NOÉ a réussi à s'en sortir aussi bien c'est également grâce au Sval. À l'époque, il s'agissait de l'arche de Noé végétale que possédait la Norvège. Cela consistait en une réserve mondiale de graines, dans laquelle tous les pays avaient investi et qui servirait en cas de catastrophe. À l'époque elle s'appelait la réserve mondiale de Svalbard et elle congelait à -18 degrés Celsius les semences. Après la Grande Vague, toutes les espèces conservées avaient été utilisées pour repeupler les terres de NOÉ en végétation.

 L'immense bâtiment vide qu'était devenu Svalbard devait alors se trouver une utilité dans ce nouveau monde. C'est ainsi que le chef de région Norvège eut proposé de s'en servir comme débarras de tous les déchets de la terre, à savoir les êtres humains non désirés. Et c'est comme cela que naquit le Sval : servant à la fois de prison, où les détenus résidaient dans des cellules où la température oscillait entre 0°C et 10°C mais aussi servant de peine de mort, dans les salles où le thermostat descendait jusqu'à -18°C.

En voyant le test Destiny de ces trois Légendaires, approuvé par le gouvernement de NOÉ, Cassiopée se disait que parfois le hasard faisait bien les choses. Les Etats-Unis avaient apporté leur lobby d'armement dans leur nouvel état ainsi qu'un gouvernement, le Nord de la France avait amené une nouvelle politique d'organisation et la technologie adéquate et la Norvège avait contribué grâce à son arche de Noé végétale et ses nouveaux camps.

En observant un minuscule rayon de soleil se refléter sur les feuilles accrochées, Cassiopée réalisa à quel point la construction d'un nouveau monde pouvait complètement différer. Certes, le sien n'était pas parfait, mais il était certainement plus agréable que NOÉ. Quand Rader s'imposa comme président, Cassiopée se faisait élire par la majorité des habitants, pendant qu'il convainquait les noétiens d'acheter une arme, Cassiopée mettait en place ses premières mesures.

—Cassiopée ?

— Oui Gianni ?

Ce dernier se tenait dans l'embrasure de la porte, la poignée de celle-ci dans la main.

— C'est bientôt l'heure du repas alors je voulais savoir si...

— Ne m'attendez pas, je ne mange pas avec vous, déclara Cassiopée.

Remarquant qu'elle se tenait devant les tests Destiny des Légendaires, Gianni l'interrogea du regard auquel elle fit part de ses pensées :

—Je me demandais comment NOÉ en avait pu arriver à un tel mode de vie avec le Destiny et autre. Ce qui m'a fait penser à l'époque où nous avions annoncé le bannissement du plastique.

— Oh, je m'en souviens. Quand je t'avais expliqué qu'il ne fallait pas que les pailles en plastiques fassent partie de notre héritage, tu m'avais ri au nez !

— En même temps, avoue que c'était plutôt inattendu, s'esclaffa Cassiopée.

— Peut-être mais c'était nécéssaire. Utiliser des pailles est bien plus dangereux que ce que l'on pense. 

— Je sais, tu me l'as déjà expliqué : les pailles obstruent les organes des animaux marins, les empêchant de respirer et ils s'étouffent.

— D'autant plus que nous pouvions très bien nous y passer ! Boire à même le verre n'est pas si mauvais, continua Gianni.

— Oui oui je sais et je suis très contente que tu aies voulu en faire une mesure du passé, confessa Cassiopée.

— En parlant plastique, nous allons devoir en discuter cet après-midi.

— Cet après-midi, reprit la brune, pas maintenant. Il faut d'abord aller manger. Je vous retrouve ici tout à l'heure, d'accord ?

Gianni opina du chef avant de refermer la porte derrière lui tandis que Cassiopée resta un instant pantoise jusqu'à ce qu'elle se décide à sortir du château. Elle marchait à vive allure, ce qui n'empêchait pas Jelani, sa garde du corps, de la suivre sans difficulté. Ce qui était bien avec elle, c'est que Jelani ne posait jamais de question et savait garder des secrets. 

Elles arpentèrent en silence les rues de la ville. Même si elle ne sentait pas leur présence, Cassiopée savait que d'autres gardes en tenue rouge l'accompagnaient. La jeune Reine aurait pu utiliser un des moyens de locomotion modernes mais arpenter l'île de cette façon lui était bien plus agréable.

Une fois arrivée sur le lieu souhaité, Cassiopée se risqua à lever les yeux face au bâtiment qui s'érigeait devant elle. La vue des deux tours vertigineuses qui s'enlaçaient lui donna le tournis pendant quelques instants, le temps que les portes en verre s'ouvrent. Le hall circulaire aux couleurs chaudes était vide à cette heure-ci. Seul le secrétaire s'y trouvait et la salua. À son regard, elle comprit que quelque chose clochait.

— Votre couronne, Majesté, lui murmura Jelani.

— Oh, oui.

Pendant qu'elles se dirigeaient vers l'un des quatre ascenseurs, Cassiopée retira sa bague, qu'elle encercla de ses deux mains, avant de la placer sur sa tête, une fois sa taille normale retrouvée. La montée des étages se fit en silence et elle savait qu'elle devait une nouvelle fois cette prouesse à Aelyne et son équipe d'architectes ayant travaillé sur la conception des ascenseurs. 

Lorsque les portes s'ouvrirent, l'illusionniste ne put s'empêcher de rire. La pièce était fidèle à ses souvenirs : entièrement construite dans du faux bois, les murs contrastaient tristement avec les masques africains datant de l'Ancien Temps. Trois bureaux formant un U trônaient au centre, mais il semblait ne pas y avoir suffisamment de place pour tous les papiers en désordre qui s'y trouvaient.

— Oh, ma chérie ! Excuse-moi pour la pagaille.

— Ne t'inquiète pas, papa, je suis ravie de te voir. Comment se déroule le travail ?

Naturellement, Will s'était proposé pour gérer le programme de recherche scientifique de leur nouvelle île et bien sûr, Cassiopée avait accepté sous certaines conditions. Les travaux de son père avant la Grande Vague concernant les gènes transformables étaient sur la bonne voie. Mais Cassiopée ne voulait pas qu'il poursuive ses recherches sur la fabrication de nilées en laboratoire. Non seulement parce que les survivants n'en avaient pas besoin mais aussi parce qu'il s'agissait d'un héritage pouvant s'apparenter à l'EGN. 

Au lieu de cela, Cassiopée avait préféré qu'il travaille sur la PMA. Son expérience en Ethiopie lui avait ouvert les yeux sur les moyens d'avoir un enfant. Bien sûr l'adoption avait été facilitée dans leur nouveau pays mais cela n'empêchait pas les couples de passer par la génétique dans de rares cas.

— La fabrique à bébés s'en sort pas mal, même si nous avons peu de donneurs.

Une partie du laboratoire génétique était dédiée aux dons de gamètes et aux moyens de contraception, en respectant les lois érigées en collaboration avec les habitants.

— Oui je vois. Il faudrait que j'en touche un mot à Zeka pour lancer une nouvelle campagne de communication, suggéra Cassiopée.

— Ca serait bien oui. Quant au combat des maladies, cela avance lentement mais sûrement, du moins je l'espère. On va dire qu'on fait pas mal d'avancées sur le cancer actuellement.

L'autre section du laboratoire était consacrée à la recherche sur les maladies. Tous les scientifiques et nilées liés de près ou de loin à ce domaine travaillaient pour combattre les maladies en tout genre. Les nilées avaient peut-être survécu mais ils restaient des êtres humains souffrant des maux parfois incurables, pour l'instant.

— C'est super, commenta Cassiopée. En tout cas, je suis vraiment ravie de te voir.

Cassiopée enlaça avec tendresse son père désormais directeur du laboratoire scientifique. À cause de leurs métiers respectifs, ils ne se voyaient guère et chaque moment était à chérir.

— Que me vaut l'honneur de ta visite ? 

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JE SUIS TELLEMENT DESOLEE ! 

Veuillez m'excuser de ne pas avoir publié pendant deux semaines, j'ai terminé mes exams la semaine dernière et là je suis en "formation" donc hier hyper crevée. Bref, pour la peine je vous sors deux chapitres ce soir, et comme c'était mon anniversaire dimanche, je vous sortirai un troisième chapitre dans la soirée (assez tard je pense) !

Aller je vous retrouve au chapitre suivant pour en apprendre plus sur NOÉ, le retour de papa Will dans l'histoire et de bien d'autres choses ;)