La soirée s'était terminée à l'aube ne laissant que quelques heures de répit aux nouveaux mariés. Cassiopée avait dormi par intermittences, obsédée par la nouvelle mesure qu'elle avait mise en place et qui l'avait presque obligée à se marier à son wagen. Il n'y avait pas vraiment un lien de cause à effet mais ce mariage avait mis un peu de baume au cœur aux habitants, du moins c'est ce qu'elle espérait. La population survivante avait parfois du mal à s'accommoder des nouvelles mesures, alors pour contrecarrer, Zeka lui avait conseillé d'en appliquer une de l'Ancien Temps.

Suite à sa discussion avec Zeka, elle s'était promptement levée, parcourant les couloirs transparents à la recherche d'une salle spécifique. Quand elle avait poussé les deux battants en faux bois, Cassiopée avait eu la chaleureuse impression de se trouver dans une pièce qu'elle chérissait tant, autrefois. Parmi les dizaines d'étagères se profilait un homme à la tenue rouge sang et à la carrure carrée ; Gianni, Valentin et enfin la personne de sa convoitise.

 Tous les quatre étaient penchés sur une table où trônait une carte fraîchement dessinée ainsi que plusieurs autres feuillets. Le temps que la surprise disparaisse de leur faciès, Cassiopée s'était redressée, tentant de reprendre de l'assurance :

— Alex ?

L'intéressé s'était tenu droit, les bras croisés à l'appel de son nom 

— Oui ?

— T'es toujours partant pour qu'on se marie ?

Son sourire avait trahi le caractère comique qu'il affectait à cette question tandis que ses yeux renvoyaient une incompréhension totale, comme si la seule femme de la pièce avait perdu la tête. 

— Donc pendant des années, j'ai mis ma fierté de côté en te posant la question plusieurs fois, toi tu trouvais toujours une excuse et maintenant que j'ai arrêté, tu débarques comme une fleur avec une proposition qui n'est même pas décente !

Alex s'était avancé vers Cassiopée, tandis qu'elle croisait les bras :

— Il y a des filles qui tueraient pour m'épouser et qui s'endetteraient jusqu'au cou rien que pour me faire une belle demande en mariage, mais non. Avec toi, j'ai juste une phrase comme si tu me proposais d'aller manger.

Puis il s'était tourné vers les hommes qui l'accompagnaient. Cassiopée s'était autorisée à regarder sa montre le temps qu'il finisse de se plaindre.

— Vous avez vu ce que je dois me farcir comme wagen ? C'est pitoyable, moi je veux avoir autre chose. Et je veux quelqu'un qui m'idolâtre tant qu'à faire.

—Bon, l'interrompit-elle, tu as fini de pester ? 

Le seul blond de la pièce avait détaillé Cassiopée de la tête au pied avec un regard presque amer puis il avait fait claquer sa langue contre son palet. 

— Oui c'est bon.

— Bien, alors on se marie ou non ?

Alex avait enfin décroisé les bras, regardant aux alentours, peut-être qu'il cherchait le soutien des autres hommes de la pièce sans jamais le trouver.

— Ok.

— Ok, avait répété Cassiopée. Bon ben je vous laisse. A plus tard.

Bien évidemment, la jeune femme lui avait expliqué la raison de cette demande de mariage et ce matin encore, elle saurait enfin comment son mariage avait été accueilli par les habitants.

Après s'être habillée en silence pour ne pas réveiller Alex, elle se dirigea vers son bureau. Tous les matins lorsqu'elle s'y rendait, Cassiopée appréciait regarder à travers les parois transparentes de sa nouvelle demeure. Cela lui permettait de voir l'île, d'y déceler les moindres changements et d'y découvrir que la vie suivait son cours normalement.

 En entrant dans son bureau, elle pouvait encore y sentir le stress qu'elle avait laissé la veille. Son trône en acier illuminait les autres sièges en bois surtout avec la lumière du jour qui se reflétait dans les moindres recoins. Bifurquant sur la gauche, Cassiopée entra dans la partie plus privée de la pièce, celle où un simple bureau en résine s'y trouvait ainsi que quelques sièges lui faisant face. Au fil du temps, elle avait collé des fiches, des rapports ou d'autres feuilles sur les murs, rendant la pièce un peu plus sombre qu'à la normale. Mais cela lui importait peu, c'était sa pièce, celle où elle travaillait en silence. 

Trois coups donnés sur la porte ne tardèrent pas à rompre le silence. Zeka et Gianni firent leur entrée sans même attendre de réponse.

— Il en va sans dire que ta robe de la veille a fait son petit effet, commenta Zeka, et pas que auprès d'Alex.

Le regard plein de sous-entendus de Zeka trahissait une certaine malice qui ne put réfréner un sourire chez Cassiopée. 

— C'est ce qui se passe quand ils n'ont pas l'habitude de la voir habillée comme une Reine, expliqua Gianni.

— De l'Ancien Temps, rectifia Cassiopée. Et puis c'était le deal, je porte leur artifice inutile communément appelé une couronne et en échange je ne suis pas obligée de m'embêter avec des grosses robes de princesse. Donc je mets des pantalon et ils me voient porter une couronne, tout le monde est content !

— D'ailleurs elle est où ?

— Ici.

La jeune femme leva sa main gauche exposant non seulement sa nouvelle alliance en or mais aussi une bague dorée parsemée de quelques points colorés. Elle la retira, la couvra de ses deux mains et lorsqu'elle les rouvrit un diadème doré sertis de pierres transparentes aux reflets bleus-vert gisait au creux de sa main gauche.

— J'en avais marre de la trimballer dans un coffre alors Fenyang, le garde personnel d'Alex, m'a proposé cette solution.

Fenyang portait la nationalité égyptienne dans l'Ancien Temps. Il travaillait déjà dans la sécurité, à l'époque, il se chargeait de la protection du Ministre Africain dédié aux Nilées. Malgré son physique de grosse brute, Fenyang avait le coeur sur la main et voulait toujours bien faire. Quant à son pouvoir, il était remarquablement utile pour protéger Alex. En effet, il était apte à modifier la taille de tout objet et son contenant sans répercussion sur ces derniers. Cela signifiait qu'il pouvait transporter Alex dans un avion tous les deux préalablement réduits sans douleur ni conséquences. 

Voyant le fardeau qu'était sa couronne, il s'était gentiment proposé pour utiliser sa faculté à bon escient.

— Bien vu. Bon, Mesdames, pouvons-nous passer aux nouvelles du jour ?

— Vous avez raison, Gianni.

Zeka s'éclaircit la gorge avant de lire l'un des papiers qu'elle tenait en main.

— Globalement, la population a accueilli votre mariage comme une nostalgie de l'Ancien Temps, leur rappelant les notions agréables d'union, de familles et d'enfants.

Cassiopée s'assit derrière son bureau, tandis que son Premier ministre fit de même, en s'installant en face d'elle.

— Ils ont aussi été très fiers d'être témoin d'un évènement aussi historique que l'alliance maritale des deux seuls wagens vivants sur Terre, et qu'ils attendaient avec impatience la naissance de vos enfants.

— Qu'ils attendent encore cinq ans et on en reparlera, la coupa Cassiopée.

Cette remarque décocha un sourire chez son amie qui poursuivit :

— Enfin, ils ont jugé votre mariage d'une sobriété noble de la part d'une Reine, sans artifice mais pourtant solennelle. Tout ceci fait que 94% de la population se dit favorable au respect de la nouvelle politique Duo Maxima, contre 58% il y a deux mois.

— Ce n'est pas que grâce au mariage, mais aussi grâce à notre campagne de sensibilisation à la surpopulation de l'Ancien Temps et des conséquences, se justifia Cassiopée.

— Le mariage y est pour beaucoup, Cassiopée, rétorqua Gianni. De vous voir unis a redonné un semblant de motivation et d'espoir aux locaux. Ils savent que n'avoir que deux enfants maximum par foyer est nécessaire. C'est un équilibre entre la survie et la restriction pour éviter des...débordements. Votre mariage est un petit pas vers l'acceptation de la fondation d'une famille un minimum cadrée. D'abord le mariage, puis les enfants.

Cassiopée se contenta d'opiner du chef. Tout ceci l'avait dérangé : le mariage, la manipulation de l'opinion publique, le paraître, les contraintes du Duo Maxima...mais tout avait été nécessaire pour bien vivre ensemble. Quand il avait été question de restreindre les naissances à deux par foyer, la moitié des habitants avait été contre. En leur donnant un peu de rêve avec un mariage, leur avis avait changé. Cassiopée s'était simplement alignée sur la stratégie de la famille royale anglais et cela avait marché... Se re concentrant, l'illusionniste demanda :

— On en est où concernant les orphelins ?

— Les chiffres de ce matin annonçait qu'il n'y en avait plus à rattacher à une famille, déclara Gianni.

A chaque fois qu'ils abordaient ce sujet, Cassiopée se sentait mal à l'aise, comme si on parlait des enfants comme de la vulgaire marchandise.

— Mais...poursuivit Gianni gêné, nos Légendaires en NOÉ nous signalent l'arrivage d'un bateau rempli de mineurs clandestins. Il devrait arriver ce soir ou demain. Nous devrions discuter de tout cela avec Alex, il s'y connaît mieux sur ce sujet.

— Allez me le chercher dans ce cas.

Après la Bataille de la Renaissance, Valentin et Alex avaient découvert que des lopins de terre avaient survécu à la Grande Vague notamment grâce à des nilées se trouvant sur place. Ainsi la région nord de la Norvège , la ville de Houston au Texas et une petite portion du Nord de la France avaient survécu au cataclysme. Tout le reste y compris les cités aquatiques sous-souterraines, avait péri dans la Grande Vague. Depuis, les trois îles s'étaient associées pour former la Nouvelle Organisation des États.


Face à ce traumatisme et à toutes leurs pertes, NOÉ s'est construit de façon assez prévisible. Il semblerait qu'à partir des dons de nilées, les trois îles se seraient rapprochées physiquement parlant. Par la suite, les anciens USA se sont considérés comme des élus, ayant survécu à l'apocalypse et ils se sont donc érigés en tant que leader de NOÉ. Fort heureusement, les survivants des Etats-Unis, de la France et de la Norvège, dans leur majorité, possédaient la même manière de penser. Alors pour se prévenir de toute menace extérieure, la première chose qu'ils ont faite fut de construire un mur englobant les trois morceaux de terre.

C'est à ce moment qu'Alex a proposé d'envoyer des nilées, surnommés les Légendaires, en mission de reconnaissance. En communiquant par divers moyens dont sa télépathie renforcée, Alex pouvait leur soutirer des informations. Cela a permis à Cassiopée et ses collaborateurs de découvrir que les terrestres avaient manipulé tous les nilées qui s'étaient mis à nu. Ils s'étaient servis d'eux pour reconstruire un semblant de nouvelle ville, et une fois faite, le président de NOÉ et les trois chefs de régions les avaient condamné à mort. Par la suite ils purent appliquer leurs lois d'une stricte rigourosité digne des partis conservateurs de l'Ancien Temps. Bien évidemment certains n'acceptaient pas ce régime, l'accusant de recréer une idéologie totalitarisme ou tyrannique. Alors certains avaient pris la décision de fuir.

À cette même époque, Cassiopée avait voulu accueillir ces terrestres à bras ouverts mais la situation était complexe : leurs semblables avaient tué des nilées et la société qu'avait créée Cassiopée et Alex avait du mal à les accepter. Cela n'empêchait pas certains bateaux d'accoster sur leur île.

Cassiopée réalisa qu'elle s'était perdue dans ses pensées lorsqu'une voix familière la questionna :

— Ma Reine m'a demandé ?

— O'Connor !

Cela l'énervait au plus au point quand il l'appelait ainsi et Alex le savait pertinemment. Son sourire en coin avait accompagné le jeune homme dans le bureau. Pour tenter de se calmer elle balança le sujet sans attendre :

— Tu dois le savoir, Alex, un autre bateau devrait accoster d'ici ce soir.

— Oui et il est rempli de mioches !

Le blondinet attrapa une chaise avant de la déplacer pile entre Gianni et Zeka pendant que Cassiopée se retenait de lever les yeux au ciel.

—On ne peut pas les refuser, souffla Cassiopée. Ce sont des enfants et ils n'ont rien demandé.

— Enfants ou non, ils restent des terrestres et vous savez comment ils seront perçus par nos habitants, soupira Gianni.

C'est vrai qu'en tant que seul terrestre de l'île présent lors de la Bataille de la Renaissance, Gianni avait dû se justifier pour des raisons futiles de rejet de la part de certains nilées. Cela étant, il avait été plus facile de le faire accepter dans la communauté que les fugitifs de NOÉ.

— Mais on n'arrête pas de leur dire qu'il faut apprendre des erreurs de notre passé, s'exclama Cassiopée.

— Ça ils l'ont assimilé, certifia Zeka, mais quand ils voient que les noétiens ont massacré le peu de nilées présents, qu'ils ont érigé un mur entre nous et qu'ils appliquent des mesures drastiques, la plupart se disent qu'ils ne veulent pas de terrestres sur notre terre.

—Mais tous ne pensent pas pareil ! s'emporta Cassiopée.

Cassiopée s'emportait à chaque fois que le sujet était évoqué, et une fois de plus elle tournait en rond dans la pièce.

— On le sait, Cassiopée, et on est d'accord avec toi, concéda Alex. Mais comment faire quand il y a un rejet de la majorité de notre communauté ?

— Les noétiens refusent la différence, et nous qu'est-ce qu'on fait ? On fait pareil, on ne veut pas des être humains différents de nous, décrets Cassiopée. On retourne aux idéaux de l'EGN.

— Oui mais là il n'y a plus de prophétie, commenta Zeka.

— C'est normal, nous l'avons réalisé avec Cassiopée.

Cette dernière leur tournait dès à présent le dos faisant face au pan d'un de ses murs consacré à NOÉ. Cela l'aidait d'avoir des feuilles accrochés ainsi mais là l'utilité était inexistante. Elle avait besoin de voir le paysage, alors elle se dirigea vers la partie publique de son bureau pour faire à nouveau face aux maisons colorées et aux bâtiments divers : le huit de l'école Rolyat, le cocon qu'était l'hôpital et les hélices que formaient le laboratoire génétique.

—Que va-t-on faire de ces enfants clandestins ?

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Alors que va-t-on faire de ces enfants ? On va les manger ! (Je rigole... ou pas)

Comment allez-vous ?

Déjà je m'excuse d'être moins présente sur Wattpad, mais je pense que c'est un peu le cas de tout le monde avec la fin d'année scolaire ^^'

Aujourd'hui vous découvrez enfin la raison du mariage et vous faites la connaissance de NOÉ, autre région du monde qui a survécu ! Bon vous me connaissez, je n'ai pas choisi ces trois régions au hasard, alors est-ce que vous saurez trouvé les raisons avant qu'elles ne vous soient révélées ? ;)

Allez, sur ce, je vous dis à lundi prochain !

(D'ailleurs, je me rends compte qu'un chapitre par semaine me fait...bizarre, j'ai du mal à me remettre à la relecture à chaque fois, je sais pas si ça vous le fait aussi ? Ça me fait pensé à ces livres qui sortent un chapitre tous les 3 000 ans et en tant que lecteur on ne sait plus où on en est...[je ne vise personne :P] BREF, dès que ma situation se sera stabilisée avec les cours, je repasserai surement à 2 chap par semaine !)

BREF, bisous !