Chapitre 27
Cassiopée s'était assurée que chacun avait eu une tâche selon son plan et maintenant il fallait qu'elle se venge. Elle en avait assez d'avoir un train de retard, elle était désormais seule. Alex l'avait abandonnée avec leur enfant et ils étaient introuvables. Alors aujourd'hui, en cette nuit tardive, il n'y avait plus que la rage et la vengeance qui l'habitaient. Malgré son état de santé incertain, Selena avait accepté de l'accompagner. Ensemble, elles s'étaient téléportées jusqu'à Noé et plus précisément jusqu'au palais présidentiel.
Cela faisait deux heures qu'elles se cachaient dans une impasse du quartier le temps que Selena se sente mieux. Pendant tout ce temps, Cassiopée avait ressassé les derniers évènements. Comment en était-elle arrivée là ? Elle qui avait tout pour elle se retrouvait désormais seule. Au plus profond d'elle, Cassiopée espérait qu'Alex reviendrait et qu'il lui pardonnait, elle espérait qu'il comprendrait la raison de son geste et qu'il la laisserait poursuivre...sa séparation avec Eurydice.
En attendant il fallait qu'elle avance et qu'elle mette son plan à exécution. Pendant des années, en tant que Reine, elle avait laissé faire, agissant uniquement en tant que témoin , désormais ce temps était révolu.
— C'est bon, on peut y aller.
— Tu es sure ? Je ne veux pas que tu t'évanouisses comme-
— Cassie, ça va le faire je te dis.
Du temps ou elle était Légendaire, Selena et les autres avaient eu accès aux plans du palais présidentiel. Tous les espions avaient rassemblé leur connaissance sur le lieu et cela avait été suffisant pour établir une représentation convenable de la résidence. C'est donc grâce à la mémoire de Selena qu'elles réussirent à se téléporter.
— J'ai l'impression que tu t'es améliorée non ?
— On va dire que les circonstances ont faites que je n'ai pas eu le choix que de mieux maîtriser mon don pour me teleporter dans des lieux cartographiés.
Elles chuchotaient à voix basse car elles se tenaient dans l'un des cagibi attenant au bureau du président. Encore fallait-il qu'il soit là à une heure aussi tardive mais Cassiopée n'en doutait pas. Il devait sûrement être en train de savourer sa victoire du jour ou d'analyser son propre discours. Peu importe, les filles n'avaient de toute manière pas d'autres choix. Selena lui serra la main, signe qu'elle était prête pour une dernière teleportation et lorsqu'elle ouvrit à nouveau les yeux, Cassiopée découvrit la réplique exacte du bureau ovale de l'Ancien Temps.
Il n'y avait que deux gardes, dont elle se débarrassa facilement : en attrapant plusieurs cordes qui les tuèrent sur le coup. Tous deux ayant peur de mourir abattus d'une balle, le problème fut vite réglé. Maintenant il n'y avait plus que le président assis derrière son bureau. Son veston noir était impeccable malgré les quelques pellicules tombées sur ses épaules et sa fine moustache était parfaitement entretenu. Certes, il avait été surpris par l'arrivée des deux jeunes femmes mais ne fit absolument rien, presque comme s'il s'attendait à les voir un jour.
— Mademoiselle Cassiopée. Quelle honneur de vous recevoir chez moi. En plus vous venez accompagnée de l'une de mes prisonnières !
Son rire mesquin était à faire saigner les oreilles. Cassiopée avait la rage qui montait de plus en plus en elle, il fallait presque qu'elle se retienne de tirer sur les fils qui pendaient autour de l'abject personnage.
— J'ai tout perdu à cause de vous.
— Moi ? feignit-il.
— Vous avez causé la perte de centaines de personnes uniquement pour votre fille.
— Il n'y avait pas que ma fille espèce d'idiote. C'est mon peuple que vous avez volé.
Ignorant ses remarques, aveuglée par la colère, Cassiopée poursuivit :
— Et c'est le mien que vous avez pris !
Œil pour œil, dent pour dent, repensa-t-elle.
— Mais enfin arrêtez, rigola-t-il. Je n'ai fait que vous débarrasser de la vermine et des malfrats qui ont quitté mon pays.
— Vous avez créé le chaos chez moi.
— Quelle drama queen vous faites ! plaisanta Rader.
Cassiopée en avait plus qu'assez de ses remarques cinglantes qui ne faisait qu'augmenter sa rage et sa folie :
— J'ai tué mes enfants à cause de vous !!
Elle avait de plus en plus de mal à retenir ses larmes pour la énième fois dans la soirée.Elle se sentait peu à peu vriller tant les émotions fortes se mélangeaient en elle.
— Ah ! Mais je ne vous ai rien demandé, fit Rader.
— Insolent ! J'ai tout perdu à cause de vous !
Il fallait qu'elle se rapproche de lui et qu'elle le fasse souffrir comme elle souffrait en ce moment. Il devait ressentir ce qu'elle ressentait.
— Pas encore ! argua le président
Cassiopée aurait dû se méfier de son sourire énigmatique mais se fut trop tard. Lorsqu'il alluma la télévision, des images en noir et blanc apparurent. Il fallut un temps à Cassiopée pour reconnaître qu'il s'agissait des images prises depuis un avion qui survolait...son île.
— Je ne fais que vous rendre la monnaie de votre pièce. Vous avez fait périr notre planète il y a cinq ans. Vous ne méritez pas de vivre.
Il appuya sur un bouton derrière son bureau et l'image réagit en conséquence. Quand elle vit de miniscules cylindres descendre vers la terre, Cassiopée accourut vers l'écran comme si elle pouvait les en empêcher. Mais non. Lorsque les missiles touchèrent Cassiander, ils explosèrent en masse et sous ses yeux tout son monde s'écroula : les immeubles partirent en mille morceaux, les maisons dépérirent sous les explosions et l'île s'effondra dans un nuage chaotique. Il ne manquait plus que les cris de douleur.
Cassiopée assistait au pire spectacle, elle vivait sa propre peur : celle de son monde entier qui s'écroulait, tout ce qu'elle avait bâti était en train de disparaître en même temps que tous les êtres qui lui était le plus cher : Robert, son père, ses amis mais surtout Alex et Eurydice, cachés dans l'ile. Tout était en train de partir en cendres, sous ses yeux et une fois de plus elle n'était pas sur place pour contrer l'attaque. Elle n'avait plus les mots, la rage l'aveuglait tout comme ses larmes.
Alors elle se tourna vivement vers Rader et attrapa tous les fils. Il devait y en avoir une douzaine alors elle fit du mieux qu'elle put et avant même qu'il ne dise quoi que ce soit, Cassiopée tira de toutes ses forces dessus. La Reine pensait n'avoir jamais tiré avec autant de ferveur et de rage. Elle voulait qu'il souffre autant qu'il l'avait fait souffrir mais sa rage était telle que l'homme succomba immédiatement sous la douleur de ses peurs irrationnelles : celle d'un homme impuissant, celle d'un homme oublié, d'un homme abandonné et celle d'un homme mort, conditionnant à jamais son corps à ce dernier statut.
Malgré la mort de son ennemi, malgré toutes ses pertes et toutes ses fautes, Cassiopée ne ressentait plus rien, elle se sentait vide et inutile. À ses côtés, Selena la regardait ne sachant quoi faire. Cassiopée était tellement perdue mais maintenant elle n'avait plus aucune raison de vivre. Elle était morte à l'intérieure.
Lentement, sous le regard de son amie, l'illusionniste se pencha vers le cadavre d'un des deux gardes. Elle attrapa l'une des armes et la tendit vers son amie :
— Tue-moi.
— Cassiopée.
Son amie refusait l'arme et préféra raisonner la Reine :
— Cassie, tu es sous le choc, ça se comprend mais-
— Fais-le pour Taylor.
Mais Selena n'était pas de cet avis :
— Taylor ne voudrait pas de ça. Pense à Alex, à Eurydice.
À cette idée, l'illusionniste sentit son cœur se serrer et si elle avait encore des larmes, elle serait en train de pleurer. Mais non, Cassiopée n'avait vraiment plus aucune raison de vivre, elle avait tout perdu et tout était de sa faute.
Cassiopée n'avait jamais autant regretté son don qu'à cet instant. Elle aurait tout donné pour en avoir un autre, un qui lui permettrait de revenir dans le passé et de changer les choses. Un qui puisse effacer l'Histoire pour que jamais elle n'est à vivre tout ceci et à être responsable de tous ces morts.
Cassiopée repensa à tout ce qu'elle avait vécu : des moments heureux comme Senner, comme ses voyages et ses amis, Selena, Robert, Zeka, Gianni, mais maintenant ils étaient tous morts. Elle sourit à ses souvenirs liés à Taylor : sa découverte, leur complicité, leurs moments partagés et puis sa mort. Elle revit son premier contact avec Alex et tout ce qu'elle avait pu ressentir pour lui, et leurs enfants, inattendus et pourtant tant aimés. Tous morts, eux aussi. Ils l'avaient abandonnée. Et il ne manquait plus qu'elle. Alors, Cassiopée retourna l'arme contre elle et tira.
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