Chapitre 21
L'enclos principal était destiné à accueillir des lions comme le prouvaient les quatre fauves . Ces derniers tournaient en rond autour d'une très grande scène circulaire centrale. Par mesure de sécurité, une couche de plexiglas entourait l'estrade, la protégeant ainsi des quatre bestiaux. La place était suffisamment large pour y accueillir quatre cages transparentes de tailles différentes. La plus en retrait, au fond, semblait taillée sur-mesure pour le corps qu'elle contenait. Allongée ainsi, Selena ressemblait à Blanche-Neige dans son cercueil de verre. Un fil semblait relier son bras à une machine extérieure à sa cage, comme pour la contrôler. Cassiopée, choquée par sa vision, s'apprêtait à crier mais le bras d'Alex sur sa taille la retint :
— Ne t'en fais pas, elle va bien. Ils la maintiennent inconsciente.
Légèrement rassurée, elle s'attarda sur la seconde boite carrée en retrait : deux hommes s'y trouvaient et tournaient en rond. Il n'y avait aucun meuble, aucune denrée, rien, seulement ces deux personnes en piteux état. La jeune femme reconnut immédiatement le terrestre Alban, qui croisa également son regard. Elle aurait voulu y trouver l'éclat dans l'émeraude qu'elle avait tant contemplé à Paris, mais ce ne fut pas le cas : un regard assombri accompagné le sourire triste qu'il lui donnait.
À ses côtés se tenait un homme à la carrure imposante et aux muscles saillants. Sa peau bronzée était couverte de tatouages et son crâne rasé lui rappela immédiatement la photo qu'elle avait accrochée sur la partie de son mur destiné aux Légendaires. Il s'agissait de Léo, le militaire capable de modifier la trajectoire des objets. Cela lui avait servi sur le terrain et peut-être que c'était pour cela qu'il avait été repéré par Alex.
Son attention se dirigea ensuite sur la troisième cage de verre, cette fois-ci au-devant de la scène. Elle ressemblait à celle que les magiciens utilisaient pour se libérer de leurs chaînes sous l'eau sauf que cette fois-ci s'y trouvait un homme à son aise. Il dégageait un certain charisme même sous l'eau qui avait rempli entièrement la boite, et il ne semblait pas manquait d'air, au contraire, il paraissait étrangement serein. Ses yeux bridés fixaient un point invisible dans la foule pendant que son torse se soulevait au gré de ses respirations. En découvrant cela, Cassiopée sut qu'il s'agissait de Bret, le Légendaire influenceur dont les poumons s'adaptaient à n'importe quel environnement. Quelques terrestres étaient ébahis par sa performance, mais presque tous regardaient avec appréhension la dernière prison en plexiglas.
À l'intérieur, un jeune gringalet, aux genoux cagneux et aux épaules étroites était recroquevillé sur lui-même. Même s'il avait les yeux fermés, Cassiopée le reconnut immédiatement comme étant Anton, le troisième nilées, affecté au poste de journaliste par le programme Destiny. Allongé ainsi, il semblait crispé de douleur et lorsque l'animateur, en tenue beige donna un coup de poing sur le haut de la cage pour l'inciter à se relever, Cassiopée découvrit avec horreur l'épais collier qu'il portait. Et derrière lui une sorte de laisse le reliait à la télécommande que tenait l'employé du zoo. On aurait dit qu'Anton n'était qu'un vulgaire animal en laisse. Mais Cassiopée n'eut pas le temps de dire quoique ce soit, que le terrestre s'adressa à la foule :
— Alors les enfants ? Que voulez-vous ?
Les plus petits scandèrent des centaines de mots, mais elle fut si abasourdie par le spectacle que Cassiopée n'y fit pas attention. Tout ce qu'elle voyait c'était des êtres humains dans des enclos.
— Fais-le, ordonna l'employé.
Anton dirigea ses yeux marron vers lui pour le défier. Comme s'il avait l'habitude, le terrestre pressa sur sa télécommande provoquant une décharge électrique sur le corps du nilée. Pendant qu'il se recroquevillait sous la douleur, Cassiopée fit un pas un avant mais fut retenu par Alex. Le temps qu'elle pose son regard sur son wagen, la foule s'extasia l'incitant à reporter son regard sur Anton.
Au lieu d'y trouver le jeune blondinet, Cassiopée fut stupéfaite d'y découvrir un immense gorille toujours tenu en laisse. Avec un animal aussi imposant, la caisse de plexiglas parut bien plus petite. Les lions extérieurs à la scène rugirent et s'agitèrent violemment à la vue du primate et l'employé dut parler plus fort dans son micro :
— Sachez que les nilées ne valent pas mieux que les macaques. Penser et avoir des émotions ne font pas d'eux des être humains. Ce sont des animaux, des monstres qui massacrent les hommes et les femmes.
Les visiteurs réagissaient au spectacle et au discours de l'animateur mais pour Cassiopée s'en était trop. Fort heureusement, Alex lui exposa une partie de leur plan :
— Place-toi à côté de Berry, et quand je te le dirai, tu devras maîtriser les lions.
Il lui déposa un baiser sur la joue et se faufila dans la file en direction des gardiens de sécurité posté sur l'un des côtés de la grille. Elle avait été si obnubilée par le spectacle qu'elle ne les avait pas vu auparavant. En scrutant les alentours, elle découvrit également que Fenyang et Jelani avaient disparu et que Berry et S. s'étaient postés au plus près des barreaux, pile au milieu. Sans plus attendre, elle fendit la foule du mieux qu'elle put pour se poser à côté du jeune homme aux cheveux bleus. Il semblait tendu, tout comme S. En baissant les yeux vers les mains de Berry, Cassiopée découvrit deux minuscules figurines qui se mouvaient dans le creux de la main : c'étaient Fenyang et Jelani en version réduite.
Alors, la Reine comprit le plan. Pendant que Berry déposa les deux entre les barreaux, Cassiopée activa son don. Pour éviter d'être tentée, elle tourna le dos à la foule, se concentrant exclusivement sur les lions. Malgré tout, elle sentait toutes ces peurs, par centaines, qui l'appelaient, qui l'incitaient à se retourner. Ne cédant pas à la tentation, elle se focalisa sur les mouvements des fauves et les cordelettes qui oscillaient autour d'eux. L'illusionniste sourit lorsqu'elle aperçut quelques fils se promener jusqu'à se placer devant l'unique porte de la scène circulaire : même en étant réduits à quelques centimètres, Jelani et Fenyang n'échappaient pas à leurs peurs.
Berry lui donna un coup de coude tout en lui murmurant :
— Vas-y Cassie !
Obéissant aux ordres, cette dernière tira sur un seul fil, dont la couleur était commune aux quatre animaux. Des coups de feu jaillirent de nul part, effrayant les félins qui se réfugièrent au plus près de l'une des passerelles qui leur étaient destinées. Une illusion de peur pouvait toucher plusieurs personnes, c'est donc tout naturellement que des dizaines de cris fendirent l'air. Mais étonnement, ils lui parurent comme éloignés. En se retournant, Cassiopée ne vit qu'un épais mur d'eau.
C'était Berry, qui grâce à la duplication de S. avait été en mesure de rassembler toute l'eau aux alentours et de leur créer une barrière opaque. L'eau couleur boue se mouvait dans toutes les directions tout en restant contenue dans un mur transparent. Elle ne voyait rien, pas même les fils de peur que pouvaient offrir les touristes, à son plus grand déplaisir. Heureusement que les lions suffisaient à nourrir sa soif de torture. Ils avaient beau être les rois de la savane, ils étaient remplis de terreur.
Pendant ce temps, Alex occupé à maîtriser les gardes, jeta un objet métallique à l'encontre de Fenyang et Jelani, qui avaient repris leur taille normale. Cassiopée devina qu'il s'agissait d'un trousseau de clés lorsque ce dernier ouvrit la barrière entre l'enclos et l'estrade. L'illusionniste comprit avant le duo que l'employé du zoo s'apprêtait à appeler des renforts. Alors sans ménagement, elle attrapa deux fils de couleur beige et jaune qui tournoyaient autour de lui.
Soudain, l'animateur eut les yeux exorbités et se tint la gorge : il était en train de mourir étouffé, comme il le craignait mais sa terreur monta d'un cran lorsqu'il perdit la vue, sa seconde peur. L'homme ne savait plus ou donner de la tête, tellement il était affolé, ce qui ravissait Cassiopée. Elle en voulait plus mais il n'y avait pas de matières supplémentaires, alors elle tira plus fortement sur les deux illusions du jeune homme, qui ne résista pas bien longtemps avant de s'écrouler lourdement sur le sol. Désormais, seule la mélodie des armes à feu et les rugissements la remplissaient de joie.
Cassiopée avait été si distraite par son avidité qu'elle n'avait pas vu Fenyang et Jelani libérer les cages. Ils attaquaient la dernière, celle de Bret plongé dans la cuve d'eau, pendant qu'Alban détachait l'intraveineuse de Selena. Léo, le militaire, souleva son amie avec une facilité déconcertante et lorsqu'ils sortirent tous de la scène, Cassiopée comprit qu'ils n'en avaient pas pour longtemps. Elle renforça sa prise sur les lions, créant de nouveaux coups de feu pour s'assurer qu'ils resteraient de leur côté de l'enclos.
Pendant ce temps, Fenyang miniaturisa tout le monde et ils passèrent les barreaux de la grille sans encombre. L'illusionniste se défit de ses fils et au moment où elle s'apprêtait à enlacer les légendaires, Berry fit retomber sa muraille d'eau, qui agit telle une vague, se répercutant contre tout ce qu'elle croisait. Alex se défit des gardes qui désormais gisaient à même le sol avant de se diriger vers le petit groupe :
— Il faut y aller, tout de suite.
— Et comment fait-on pour rejoindre notre embarcation qui est à 45 minutes d'ici? Interrogea S.
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