Chapitre 16
Comme s'il avait regretté ses mots, Alex se frotta le front. Cassiopée prit alors toute la mesure de ce qu'il venait de lui balancer. C'en était tellement insensé qu'elle explosa de rire.
— Tu n'as pas trouvé meilleure excuse, O'Connor ? Tu ne crois pas que si j'étais enceinte, j'en serai la première informée ?
Pour seule réponse, son wagen passa une main sur son visage, les yeux rivés sur le sol.
— Et puis si j'étais enceinte, qu'est-ce que cela changerait ? Nous serions quand même dans le respect des deux enfants par foyer.
— Ah oui ?
Le Alex cinglant était de retour.
— Et quand une femme attend des jumeaux et qu'elle fait un caprice pour adopter une terrestre, cela respecte le Duo Maxima ?
L'animosité de sa voix l'énerva bien plus que ce qu'il venait de dire.
— Arrête O'Connor. Je ne suis pas enceinte et encore moins de jumeaux. Tu n'en sais rien du tout.
— Combien de fois vais-je devoir t'expliquer en quoi consiste ma faculté ?
— Mais...
— Ce sont des fœtus ? Oui et alors ? Ils ont un cerveau capable de penser. Certes ce ne sont pas des pensées compréhensibles mais j'entends clairement que dans ton ventre il y a deux esprits qui cogitent !
Cassiopée regarda à droite et à gauche, comme si elle s'attendait à trouver des caméras pour une blague de mauvais goût. Pour ne pas montrer sa confusion, elle croisa ses bras et le questionna :
— Très drôle O'Connor, vraiment ! Ton excuse ne tient pas la route. De un, je le saurais si j'étais enceinte, ça se verrait même. De deux, me dire ça comme par hasard au moment où je te parle d'adoption ?
Elle pouffa de rire :
— S'il te plait, O'Connor. À d'autres !
Il semblait plus qu'agacé et l'énergie qu'il mit à claquer la porte le lui prouva.
— Très bien. Avant cette...mini humaine, est-ce que tu voulais des enfants ?
— Bien sûr que non et tu le sais.
— Tu n'en as jamais voulu ? Tu refusais l'idée d'enfanter n'est-ce pas ?
— Mais qu'est-ce que tu racontes O'Connor ? Tu le sais que c'est le cas, ce n'est pas le bon moment pour avoir des enfants. Aujourd'hui, il n'y a pas de place pour nos enfants.
— Voilà.
Il posa les mains devant lui comme s'il accueillait une personne.
— C'est cette façon de penser qui t'a conduit à avoir un déni de grossesse.
— O'Connor, ça suffit maintenant.
Cassiopée commençait à être agacée par les paroles insensées de son mari.
— Tu n'as jamais eu de migraines ? De nausées ? De mal de dos ? Tu n'as pas eu l'impression d'avoir plus envie de vomir ces huit derniers mois que le reste du temps ?
— Si mais-
— Mais à chaque fois il y avait une explication n'est-ce pas ?
A y réfléchir, Cassiopée réalisa qu'effectivement cela faisait plusieurs mois qu'elle se plaignait de douleurs dans le bas du dos. Elle avait mis cela sur le coup de sa posture. Et ses nausées ? La dernière remontait au soir où ils avaient accueilli le bateau de fugitif qui contenait Homam. Pourquoi avait-elle eu des nausées ? Elle n'en avait pas l'explication. Quant aux migraines...tout le monde avait des migraines. C'est vrai qu'elle en avait eu plus qu'à l'accoutumée mais elle avait mis ça sur le compte du stress. Tout ça...
— Tout ça n'a pas de sens, balbutia-t-elle.
— Et pourtant c'est vrai, Cassiopée. Ton père et moi pouvons te le confirmer.
Cassiopée était certaine qu'elle ne pensait à rien et pourtant elle sentait son cerveau réfléchit à vive allure. Ce dernier tentait de prouver qu'il avait tort mais un dysfonctionnement se produisait à chaque fois, comme si ses raisons ne tenaient pas la route face à la révélation d'Alex. C'était comme s'il venait de lui apprendre le savoir absolu de l'Univers. Son pigeon s'approcha doucement d'elle, prêt à l'enlacer :
— L'esprit humain a un système de défense primitif pour oblitérer des faits trop stressants que le cerveau ne saurait gérer.
Bien qu'elle fixait le sol, Alex passa sa main sur sa joue pour l'inciter à le regarder.
— Cela s'appelle le déni, Cassiopée. Tu ne voulais pas d'enfants alors ton cerveau t'a caché ta grossesse.
— Non, ce n'est pas possible. Ce n'est pas vrai.
Cassiopée hocha frénétiquement la tête de droite à gauche. C'était impossible. Elle n'en voulait pas mais elle l'aurait senti. Elle aurait senti la croissance de deux fœtus dans son corps. Ces choses-là se ressentent.
— C'est exactement ce que tu es en train de faire, déclara-t-il.
Son wagen l'enlaça pour la rassurer mais elle se détacha promptement de lui, comme si le moindre contact avec lui allait faire d'elle une femme enceinte.
— Non tu mens.
— Cassiopée, souffla-t-il.
— O'Connor, tu mens.
Tandis qu'il s'approchait à nouveau d'elle, elle recula de quelques pas et s'énerva contre lui :
— Et si tu le savais, si mon père était au courant, pourquoi vous ne m'avez rien dit ? Tu voulais garder ça pour toi ? Tu avais peur que j'avorte c'est ça ? Et moi tu t'en fous ?
Cassiopée effectuait les cent pas dans la pièce pestant toujours contre lui :
— Que je veuille de ces gosses ou non, ça t'es égal parce que tout ce qui compte c'est ta petite personne et tes désirs. Chacun doit se plier à toi et donc si tu veux des enfants je n'ai pas mon mot à dire.
Elle ne lui laissait même pas le temps d'en placer une, et elle n'en avait que faire, préférant déverser sa colère contre lui. Toutefois, elle ne savait plus vraiment quoi dire et cela expliquait pourquoi elle ne faisait que ressortir les arguments d'Alex, lors de leur dispute quelques minutes auparavant. Malheureusement son cerveau n'était plus capable de sortir la moindre pique, tout ce qui l'obsédait actuellement c'était cette grossesse. Sans qu'elle ne le veuille, les larmes remontèrent à la surface. Elle n'arrivait plus à réfléchir et déballa tout ce qu'elle avait en tête, sans filtre, lasse de tenter d'y mettre un ordre :
— En neuf mois, une femme a le temps de se créer un lien avec son futur garçon ou sa future fille. Elle a le temps de l'imaginer, de se faire à l'idée mais non. Toi tu me l'annonces huit mois plus tard, comme si tu me disais ce que tu avais mangé à midi. Tu es le pire égoïste de tous les nilées. Tu ne mérites même pas d'être père.
C'est lorsqu'elle lâcha cette dernière remarque qu'elle comprit qu'elle l'avait vraiment touché avec ses mots. Et pourtant il n'en démontra rien. Au lieu de cela, il tenta de l'apaiser :
— On ne t'a rien dit pour plusieurs raisons. Tu risquais de faire une fausse-couche, de rejeter l'enfant.
— Parce que tu crois que maintenant je ne vais pas rejeter l'idée d'avoir des mômes ?! s'énerva-t-elle.
Avec ses mains, O'connor effectua un geste d'apaisement mais au contraire cela redoubla la colère de sa conjointe.
— Cassiopée, comprends-nous. Tu ne voulais pas d'eux et tu avais d'autres préoccupations en tant que Reine. Avec ton père nous avons pris la décision d'attendre le bon moment pour t'en parler.
— Vous vouliez surtout me mettre devant le fait accompli oui !
Essoufflée, l'illusionniste s'arrêta enfin dans sa ronde.
— Et bien sûr le bon moment était ce soir, celui où je te disais vouloir adopter !
— Cassiopée...
Il lui attrapa le bras mais se dégagea aussitôt.
— Je veux voir Will.
Vissant ses yeux sur ceux de son wagen, elle insista :
— Je veux voir celui qui se définit comme mon père et n'ose pas me dire que je suis enceinte. Je veux avoir la preuve de ce que vous avancez.
Il n'en fallut pas plus pour qu'ils se rendent sur les lieux. Bien évidemment, le père Wilson ne dormait pas, toujours confiné dans son laboratoire sous terrain. Alors qu'il s'avançait pour embrasser sa fille, cette dernière posa les mains sur les hanches et le confronta :
— Alors comme ça je cache deux fœtus dans mon corps depuis huit mois et vous n'avez pas pris la peine de m'en parler ?
Cela stoppa net son père qui porta son regard sur Alex.
— Non non non, pas de wifi. Dites tout haut tout ce que vous m'avez tu pendant ces derniers mois.
Will souffla puis frotta son front :
— Cela ne fait pas des mois qu'on le sait, ma chérie. En réalité, nous l'avons appris quand tu t'es évanouie il y a trois jours. Comme tu étais inconsciente, il fallait qu'on s'assure que tu n'avais rien et là nous avons découvert ta grossesse.
— Jamais je n'avais pensé à écouter les voix inaudibles qui t'entouraient, ajoute Alex. Ce n'est, il y a quelques jours que j'ai compris qu'il s'agissait des jumeaux.
— On voulait vraiment te le dire, ma fille. Mais disons que la situation n'était pour l'instant pas idéale.
Avoir un père capable de détecter les maladies pouvaient parfois avoir son avantage mais aussi des inconvénients. Et aujourd'hui c'était le cas. La grossesse est un événement intime, et de savoir que son père l'a su avant elle mais surtout qu'il le lui a caché depuis son réveil, il y a quelques heures....
— Ah donc tu as vu que je n'avais pas un mais deux virus qui grossissaient dans mon corps et tu t'es dit : « mmh vaut mieux pas lui dire » ?
— Tu as repris conscience il y a peu, ce n'était pas le moment de t'assommer avec une telle bonne nouvelle derechef. Et puis qu'aurais-tu fait si tu l'avais su tout de suite ?
— Je n'ai pas le droit de décider si je le garde ou non ? La décision m'appartient non ?
Cassiopée était toujours remontée contre eux, mais bizarrement elle commença à réaliser qu'elle n'avait pas d'autre choix que d'accepter que désormais elle était enceinte. À plus de huit mois de grossesse, elle devait prendre conscience de son nouvel état. Mais il y avait toujours une solution, surtout dans leur monde niléen.
— Je n'en veux pas. Je ne veux pas de ces deux...trucs.
— Cassiopée, intervint O'Connor.
— Non, j'ai pris ma décision. Papa, tu fais des miracles alors...fais-moi avorter.
La jeune femme savait qu'il existait des exceptions pour avorter au-delà des trois mois. Peut-être que c'était son cas.
— Ma chérie, tu es bientôt à terme, on ne peut pas s'en débarrasser comme ça.
— Je m'en fiche des moyens utilisés, il y a forcément une manière de les faire sortir de mon corps.
Elle ne se sentait pas bien, pas maître de son corps. À cet instant, elle réalisa que deux inconnus avaient élu domicile chez elle, et cela l'écoeurait. Son père se posa contre sa table et souffla de dépit.
— Fais-le papa, fais-les sortir de moi et tu auras tout ce que tu veux. Toutes les autorisations, tu pourras mener toutes les expériences que tu veux.
Cassiopée était si désespérée qu'elle fit tout pour le convaincre. Malgré ses tremblements et ses larmes, elle renchérit :
— Papa je t'en supplie, je ne les supporterai pas. Tu travailleras sur ce que tu voudras, tu ne seras même plus obligé de travailler si tu le souhaites.
— Ma chérie.
Il la stoppa de sa main.
— Ça ne sert à rien de négocier. Tu es à huit mois et demi, il n'y a rien à faire. Il se fait tard et la nouvelle est très dure pour toi, je peux le comprendre. Il faut que tu dormes car demain sera difficile.
— Plus difficile qu'aujourd'hui c'est possible ? ironisa-t-elle.
— Ce soir tu as appris que tu étais enceinte, ce qui signifie que demain ton ventre prendra sa taille normale, celle d'une femme enceinte de presque neuf mois de jumeaux. Et ça, je peux te l'assurer, ce sera plus dur que cette soirée.
Cassiopée avait été si secouée par la soirée et par ses découvertes que son cerveau éclipsa le chemin du retour. Désormais elle se tenait dans son lit tournant le dos à Alex. Seule la lumière du chevet du blondinet été allumée. Comme un dernier espoir de contredire tout ce qu'elle avait appris, elle porta une main sur son ventre. Celui-ci n'avait rien de particulier et surtout il n'avait l'air de renfermé deux...
Elle ne savait plus quoi penser ni quoi faire. Les enfants n'avaient jamais été sa priorité et maintenant elle se trouvait devant le fait accompli. Mais après tout, peut-être qu'elle devait se réjouir d'un tel événement, seulement elle n'y arrivait pas. Tout ce que Cassiopée pouvait faire c'était de se demander ce qu'il allait advenir d'eux ? Pour l'instant ils n'étaient que de purs étrangers qui avaient pris possession de son corps. Un frisson la parcourut, tout comme l'envie de pleurer, sauf qu'apparemment elle avait épuisé tout son stock ce soir.
— Je n'en veux pas, souffla-t-elle.
Elle entendit Alex souffler et se glisser à ses côtés pour la réconforter, excepté qu'à cet instant le bain de son contact avec son wagen ne lui faisait ni chaud ni froid. Tout ce qu'elle voulait c'était s'en débarrasser, parce qu'elle ne les avait jamais voulus, mais aussi parce qu'elle savait au fond d'elle qu'elle ferait une mauvaise mère, comme la sienne. Était-ce héréditaire ? Cassiopée en était persuadée.
— Est-ce que ça t'es déjà arrivé de penser ne pas avoir besoin de quelque chose...Par exemple...Une voiture, commença Alex.
Elle se ressaisit, le temps d'écouter ce qu'il avait à dire :
— Tu te dis que marcher te suffit pour te déplacer, cela te fait prendre l'air, tu fais du sport, tu ne pollues pas etc. Tu trouves toujours des excuses et puis, un jour on te fait monter dans un véhicule et là, toutes tes bonnes raisons de marcher s'évapore parce que tu te complais dans le fait d'être à l'aise, dans un engin qui te déplace d'un point à un autre sans effort. Et tu te rends compte que tu ne peux plus te passer de la voiture, même si tu peux marcher. Ce que je veux dire c'est que tu es bien sans voiture mais une fois que tu en as une, tu ne peux plus t'en passer, peu importe tes convictions. Est-ce que tu vois de quoi je parle ?
Cassiopée resta stoïque un moment puis se tourna pour lui faire face, pour s'assurer d'avoir bien compris ce qu'il lui disait :
— Est-ce que tu es sérieusement en train de comparer deux mioches à une voiture ?
— Vois au-delà de la métaphore, Cassiopée.
Il roula des yeux ce qui par automatisme provoqua un sourire chez sa wagen, malgré la situation. Alors elle obéit et repensa à son exemple. Il avait raison : parfois on ne se rend pas compte que l'on a besoin de quelque chose jusqu'à ce qu'on l'est, ou jusqu'à ce qu'on le perde. Elle n'avait pas besoin d'enfants, mais lui oui. Et parfois, être en couple signifiait faire des sacrifices pour l'autre. Seulement pour l'instant, elle n'était pas prête à accepter ces deux inconnus.
— Sauf que je ne suis pas sûre d'avoir besoin d'une voiture...
— Tu ne peux pas le savoir tant que tu n'as pas essayé, sourit-il.
Agacée, elle rétorqua sur le qui-vive :
— O'Connor. La voiture si elle ne me plaît pas, je peux m'en débarrasser. Pas eux.
Il se tenait sur un coude pour mieux la voir mais lorsqu'elle avait répliqué, son sourire avait disparu et il se renfonça dans son lit. En fixant ainsi le plafond, Cassiopée s'autorisa à le regarder. Il n'avait pas changé d'un poil depuis leur rencontre : ses cheveux avaient toujours d'une longueur suffisante pour cacher un peu ses oreilles décollées, et de cette position son nez aquilin ressortait bien plus. La seule différence avec le Alex d'il y a cinq ans était qu'il semblait avoir plus de grain de beauté entre la base de son cou et ses yeux. Ce fut un murmure de sa part qui l'interrompit dans sa contemplation.
— Il y a toujours quelqu'un qui aura besoin d'une voiture dans ce monde.
Il l'avait dit si bas qu'elle pensait même l'avoir rêvé. Mais lorsqu'il se retourna de son côté et qu'il éteignit la lumière, Cassiopée comprit qu'elle avait bien entendue ce qu'il lui avait soufflé, et cela lui brisa le cœur. Pour rien au monde elle ne vendrait une voiture qui lui était destinée.
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Hello mes nilées !
J'espère que vous allez bien ! Bon vous l'aurez deviné, la grossesse de Cassiopée a été découverte pendant qu'elle était inconsciente. J'ai tenté de respecter les cinq étapes de la peine (qui s'applique dans plein dans domaines, dont la politique ;) ) : le déni, la colère, la négociation, la dépression et l'acceptation.
Bien évidemment, cela peut prendre une soirée comme des mois pour passer par toutes ses étapes, tout dépend des gens :)
Sinon personnellement, je ne suis pas très fière de ce chapitre, pas mal de répétitions et de formulations à revoir, mais bon, j'avais quand même envie de le publier ^^'
Sinon que pensez-vous de la décision de Will et Alex ? Auraient-ils dû lui dire, tout de suite après son réveil ou attendre un peu ?
Sur ce, je vous laisse réfléchir et je vous dis à mardi prochain ! (pas lundi, car je ne serai pas disponible ^^')
Bisous !
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