Acte 2
" Putain mais tu vas la fermer ta gueule, le blond ! Tu me les brises à geindre comme une vache boiteuse !"
Je ne savais même pas que les vaches boiteuses pouvaient geindre de cette manière. Vous avez forcément deviné qui vient de me crier ça à l'autre bout de la bibliothèque, soit disant parce que je l'insupporte : Thomas. Bien sûr. Qui d'autre ?
Notre relation n'est basée que sur des insultes, rythmées par des piques lancés dans les couloirs, au self, quand ce n'est pas sa sale gueule que j'éclate dans son assiette de purée.
Il est vrai que je me morfonds, Thomas n'a pas tord là-dessus. Je cherche à tout prix a ne pas partir pour ce maudit concours de peinture. Imaginez ma souffrance une demi-seconde et vous verrez que j'ai totalement raison. De toute manière, j'avais raison dès le début en disant que ce voyage virait au cauchemar pour moi. Je vis Minho débouler comme un diable sort de sa boîte dans la bibliothèque, s'arrêtant de justesse à la table de Thomas et se laissait tomber essoufflé en face de lui. Le brun détourna les yeux de ma personne, qu'il fixait avec des envies de meurtre depuis qu'il avait prononcé sa vulgarité et se concentra sur Minho. L'asiatique semblait chamboulé au plus haut point. Il chuchota plusieurs mots à son acolyte et je décidais de ne pas me mêler de ce qui ne me regardait pas. De toute manière, ce n'est pas comme si la vie de Minho était palpitante. Il passe ses journées de cours le menton appuyé dans sa paume de mains, les yeux rivés sur Sonya.
On se retrouvait une bonne demi-heure plus tard en cours d'histoire, je mâchouillais frénétiquement mon crayon, impatient que le prof entame sa partie sur l'émergence des mouvements de protestation en Allemagne de l'Est. Cette utopie socialiste de RDA me fascine depuis longtemps. Il y a surtout cette jeunesse, dans le tout début des années 90, exaltée et désorientée qui se heurte au destin chaotique de cette génération perdue. La directrice entra, toute pimpante, le sourire aux lèvres, un bloc de feuilles dans les bras, les yeux pétillants, sa jupe-crayon rouge carmin remontait légèrement plus sur le côté de sa jambe droite, trahissant sans doute qu'elle croisait les jambes en position assise. Je soupirais fortement, arrachant un petit rire amusé à Sonya à mes côtés.
" Bien, demain, c'est le grand départ pour vous, je suis donc venue vous faire un petit bilan." Commença-t-elle à déblatérer à une vitesse hallucinante. Je sentais l'excitation de la classe, presque palpable, ces sourires trop grands accrochés à tous sur leurs visages. Et il y a moi, bien sûr. Le seul mec de cette classe à maudire notre proviseure, lui souhaitant une mycose vaginale ou un ongle incarné pour la punir. La punir de nous avoir inscrit à ce foutu concours. (Je l'aimais bien avant, la directrice, mais maintenant, je la classe dans mon top 5 des gens que je déteste. L'ordre étant établi selon une échelle de 1 à 10 en niveau de détestation, et attention, je parle de personnes ici : Echelle de 10, remportant la première place du classement, attention, *roulement de tambour* Thomas Edison, suivant après avec un 9,5 ; Adolf Hitler ex-aequo avec Donald Trump, en troisième position se place, contre toute attente, avec un 8, honorable : Ava Page, la concierge de mon immeuble, une vraie garce. En quatrième, avec un 7, Janson, le prof de sciences naturelles, un vrai con et ensuite, vient ma chère directrice de Lycée, avec un 5,5 pour ce voyage cauchemardesque qu'elle m'impose.) Sonya passa sa main le long de ma cuisse avant de la poser sur mon genou et d'y enfoncer ses doigts, ne résistant pas à l'attente, elle avait sans doute besoin de se faire les griffes...
" Vous serez par chambre de 6, dans l'auberge de jeunesse, pendant ces dix jours. Vous fonctionnerez en binôme sur le terrain, toujours.
- Quitte à en perdre un, on en perd un deuxième, ironisa mon prof d'histoire en remontant ses petits lunettes rondes d'un coup sec. La directrice pinça ses lèvres et reprit face à nous, son sourire bien trop présent sur sa face. Je la déteste. Mais je ne pensais pas la détester encore plus.
- Vu que vous n'êtes que 8 garçons dans la classe, deux d'entre vous seront avec 4 autres élèves d'un autre lycée, dans une autre chambre.
Je surpris le regard complice que se lançait Minho et Thomas et je priais pour que ces deux-là soient séparés, rien que pour leur faire les pieds. A croire que la directrice avait vu la même chose que moi et qu'elle comptait aussi remonter sa côte de popularité dans mon palmarès.
- Non Monsieur Edison et Monsieur Urasawa (Minho), vous ne serez pas ensemble, étant donné que Minho a tenté de noyer un seconde dans les toilettes des WC avec votre aide, Thomas, il était clair que vous partiez en voyage à une seule condition : vous tenir à carreaux. ( Je la bénis, un sourire énorme se traça sur mes lèvres, ce qui surprit Sonya avant qu'elle ne constate que c'était simplement ma joie de voir Thomas se faire engueuler, je suis sadique, je sais.) Je crois que je peux désormais sortir la directrice de mon Top 5 des gens que je déteste et la déclasser au rang n°20 des gens que je déteste. N'oubliez pas qu'elle nous impose, enfin surtout à moi (tous des moutons dans ma classe) un voyage de l'horreur (vous vous rappelez du sable là ?) alors elle reste dans les gens que je n'apprécie guère. D'ailleurs, reprit-elle avec un regard complaisant pour Thomas, je vous ai mis en binôme avec Alby, Minho, comme ça je suis sûre que vous ne serez pas tenter de le noyer, à moins que vous ne souhaitiez vous retrouvez la tête sous l'eau. Mais c'est qu'elle est marrante en plus de ça ! La classe entière explosa de rire, Sonya, à mes côtés se bidonnait comme une baleine, Minho la fixa un instant, avant de virer au cramoisi et de fixer sa feuille blanche devant lui. Quand à vous, Thomas, déclara-t-elle en reprenant son sérieux, tout le monde ayant repris son calme, je vous met dans la chambre de deux, avec les quatre élèves d'un autre lycée. Le brun hocha la tête, comprenant bien qu'il n'avait aucune chance d'être avec son meilleur ami. Je me surpris à sourire cyniquement. Pauvre petit Thomas... Avec Newt Isaacton.
Un silence se fit. Mon visage vira au pâle, au blême et ma mâchoire se décrocha de ma mandibule. Tout le monde retenait son souffle. Je posais mes yeux sur Thomas qui était aussi pâle qu'un mort, même état de choc que moi.
" Mais madame je le déteste ! Cria Thomas. Et j'hochais la tête frénétiquement en fixant la directrice pour soutenir les dires de Thomas. Non ? Je n'allais pas me retrouver avec ce... ce... cette chose ! NON ! Mais là, je ne peux que la détester et la haïr jusqu'à la fin des temps. Qu'elle aille en enfer, cette vieille sorcière. D'un, je déteste le sable, je déteste Thomas et là, on m'annonce que je dois partager ma chambre avec Thomas, être en binôme avec Thomas. Elle veut ma mort ! Elle va l'avoir sur la conscience, celle-ci ! Toute sa foutue misérable vie.
- C'est dans la tête ça Thomas. De toute manière, c'est trop tard. Mesdemoiselles, je vais vous donnez vos attributions de binôme et de chambres désormais." Conclu-t-elle en détournant le sujet. Dans la tête ? DANS LA TËTE ?!
"Et Hitler, il a assassiné des millions de juifs, de communistes, d'homosexuels, d'opposant politiques, parce qu'il les détestait, il vous aurait dit <<c'est dans la tête>>, vous lui auriez donné la légion d'honneur ?!" Tempêta Thomas, en virant sa table. La directrice fit volte face, choquée. Mais pour une fois j'étais d'accord avec Thomas. c'était du foutage de gueule, elle savait très bien que Thomas et moi ne pouvions pas nous saquer, combien de fois elle nous avait eu dans son bureau parce qu'on se tapait dessus.
La classe était sous le choc, l'insolence de Thomas a l'égard des adultes n'était pas chose commune, ça restait un garçon poli, courtois et souriant. Mais là, il faut dire qu'elle avait carrément franchi les bornes. Il se tourna vers moi, me foudroyant du regard avant de me lancer "Et toi ? Tu dis rien ?!" ça sonnait comme un reproche mais la seule chose que je réussis à faire c'est me jeter sur le côté, tombant de ma chaise, mon corps heurtant violemment le vieux parquet ciré de la salle de cours. J'entendis le cri de panique de la plupart des filles de la classe. Dont celui de ma chère directrice qui venait de me pousser au suicide (bon, ok, du haut de ma chaise, c'est pas grand-chose, mais j'ai fait mine de m'évanouir). Sonya, qui est la seule qui n'ait pas perdu son sang froid, avec le prof aussi, mais lui, s'en foutait un peu, il voulait juste continuer son cours, me releva et m'assit contre elle.
" Newt, ça va aller." Je portais ma main à mon front et constatais que j'avais quand même réussi à m'ouvrir le crâne.
La directrice s'approcha et me demandait si ça allait.
- Demandez plutôt à une poule de vous dire si elle a des dents, vous avez sans doute plus de chance qu'elle vous répondre positivement. Je crachais en me relevant, attrapant ma veste et sortis de cours totalement hors de moi.
Je ne pensais pas un jour avoir un tel ramassis de merde me tombant sur le coin de la gueule. J'entendis la porte claquer une nouvelle fois après mon passage et constatais que c'était Thomas. Il arrivait vers moi, furax. Je haïssais ce mec, au plus haut point. rien que sa présence me rendait aigri, me donnait envie de lui faire bouffer chaque centimètre de sa peau parfaite, de lui écraser les yeux avec les pouces, dans un POK sonore, de lui entailler chaque veine et qu'il crève à petit feu, se vidant sans pouvoir stopper l'hémorragie.
" Je te jure que si tu me cherches la moindre noise, Isaacton, je te refais le portrait ! Cracha-t-il, les poings serrés le long de son corps. Sauf que j'étais sur ressors tellement l'envie était forte de lui défoncer la gueule.
Je l'ai poussé violemment contre les casiers et je l'ai approché (pas trop non plus, je voudrais pas qu'il me contamine avec sa stupidité). Il a sursauté avant de me fixer dans les yeux. Vous savez, ce genre de regard de défi que vous lancez aux personnes que vous détestez au plus haut point, un regard intense, brûlant, plein de haine et de colère. C'était presque des meurtres en série qu'on commettait à travers notre regard tellement nos yeux envoyaient des éclairs.
" Je vais te détruire si tu oses me faire chier, rien qu'un millième de seconde !" Siffla-t-il, ne quittant pas mon regard. J'ai enfoncé mon poing dans les casiers, pas dans Thomas, violemment. Tellement fort que j'en ai grimacé. (Je lui aurais bien refait le portrait à ce merdeux mais je faisais pas vraiment le poids et j'en avais conscience. Je suis un poids plume par rapport à lui, et je crois pas qu'il veuille une nouvelle dentition pour Noël, de la même manière que je ne souhaite pas un fauteuil roulant pour le restant de mes jours). Il a sursauté encore une fois et son regard à changer, ses pupilles se sont dilatées, ses iris ambrés se sont rétrécis, créant seulement un cercle doré autour du noir de sa pupille. J'ai retenu mon souffle, bizarrement, comme si l'éclat qui brillait dans ses yeux avait chamboulé quelque chose en moi.
- Je te propose un deal, j'ai fini par dire, conscient de notre soudaine proximité, mon poing douloureux encore enfoncé dans la ferraille du casier rouge, juste à côté de son visage, si parfait, si commun et pourtant si attirant. (137, le numéro du casier) On travaille ensemble, mais c'est tout, pas besoin de s'adresser la parole autrement. Il hocha la tête, le faisant cligner un instant des yeux et j'enlevais mon poing ( quel crétin, ça fait mal). Il releva son regard vers moi et leva une main vers mon visage, replaçant une mèche de mes cheveux sur mon front, vu qu'elle me tombait devant les yeux. Il se rendit compte de son geste, se stoppa et me fixa. J'étais doublement choqué. Totalement ! (Ce mec a un grain, c'est moi qui vous le dit !) Et il se tira, comme ça, me plantant là. Je me suis laissé glissé contre le casier et j'ai soupiré fortement. Il venait de se passer quoi là ? Vous avez vu ? vous pouvez m'expliquer pourquoi ce tocard a fait ça ?
Je haïssais la terre entière. Mais j'ai haïs encore plus l'existence de Thomas Edison lorsque qu'il a remit cette foutue mèche en place (Je vais la couper, si ça continue, elle a été touché par le démon). Vade retro satanas ! Beurk beurk beurk. Je vais mourir. Je veux mourir.
***
Qu'est-ce qu'il y a de plus horrible que de se retrouver dans la même chambre que votre pire ennemi et de constater avec dégoût qu'il n'y a que des lits doubles ? Trois lits doubles séparés par des paravents en papier. Les quatre mecs avec qui nous étions, Thomas et moi me portait à croire que je préférais dix milles fois dormir avec Thomas que avec un autre (chose que j'avais envisagé une demi-seconde). Le brun de ma classe se tourna vers moi, les yeux exorbités.
- Je te jure, si tu me dis que tu vas demander à un de ses mecs de dormir avec toi, je te noie dans les WC.
J'ai rigolé. Il avait pensé exactement la même chose que moi. Un léger sourire s'est dessiné sur ses lèvres et je me suis penché.
- Quitte à dormir avec mon pire cauchemar, je préfère encore que ça soit toi, parce que je sais que tu te laves au moins une fois par jour...
On a tous les deux soupirer avant de s'asseoir côte à côte sur le lit double qu'il nous restait. Nos compagnons de chambre se composait d'une bande de joyeux lurons hétéroclite au possible. Un espèce de gorille grand comme une armoire à glace, poilu comme un singe, un petit rouquin avec de la morve qui coulait, un espèce de grand haricot vert coincé, avec un balai dans le cul et les cheveux gras, et le dernier était un petit gros avec une pluie de postillons quand il parlait. J'étais dégoûté, je fis une horrible grimace et entendis le rire de Thomas qui me fixait.
- Quoi ?! Je lui répondais en lui jetant un regard noir.
- Rien, je me dis juste qu'il y a toujours un coin de ciel bleu dans la grisaille de la vie.
- Thomas Edison, grand poète devant l'éternel ! J'ironisais.
Il me balança un oreiller dans la tête en riant. Qu'est-ce qu'il se passait sérieusement, dans sa tête à celui-ci.
Le dernière sonnerie retentit, nous disant de nous mettre au lit. On vit un prof vérifier que tout le monde était couché et éteindre la lumière. Je tournais le dos à Thomas, me coinçant au bord du lit. Demain, notre concours commença, il allait falloir peindre, dessiner, créer, et pour ça, j'avais besoin de toutes mes facultés intellectuelles et manuelles, donc une bonne nuit de sommeil en perceptive. (NB : le lit était confortable, quoique qu'un peu étroit pour deux personnes qui ne peuvent pas se saquer mais le matelas était comme un nuage).
J'allais sombrer doucement dans les bras de Morphée lorsqu'un énorme ronflement se fit entendre. Vous voyez le son d'une tronçonneuse ? Bah ça, mais en dix fois pire.
Après une demi-heure à maudire le gorille, je commençais à élaborer un plan dans ma tête pour assassiner ce mec qui m'empêchait de dormir, assassiner la directrice de mon lycée aussi, mais aussi les créateurs de ce concours bidon, assassiner Thomas dans son sommeil. J'allais sans doute devenir le plus grand tueur en série de mon époque. Newt l'égorgeur !
"Newt, tu dors ?
Il est con lui ? Ah oui, c'est vrai, Thomas Edison est un imbécile fini, mais ça on le savait déjà.
- Non, comment veux-tu que je dorme alors que j'ai l'impression d'avoir une tronçonneuse en état de marche à côté de mon oreille. "
Thomas étouffa un rire et je le sentis se redresser au dessus de moi. Je n'avais aucune idée de ce qu'il allait faire mais j'entendis un objet voler et s'écraser sur le gros gorille, ne le réveillant pas, mais l'arrêtant cependant de ronfler.
- Merci. Je murmurais.
Put-être, finalement, que Thomas avait encore un soupçon d'intelligence dans sa caboche.
- Bonne nuit. " Me souffla-t-il.
Love, Ali.
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