Chapitre 4 : La proposition
Les paupières de Joyce se sont fermées depuis de longues minutes, à présent. Sa respiration est plus profonde, et semble plus sereine. J'aimerais la garder auprès de moi toute une vie, juste dans cette position, juste elle et moi.
Le temps s'arrête, la maladie et les soucis quotidiens n'existent plus. Seul son souffle lent et paisible rythme l'espace. Je pose ma tête sur la sienne, ferme les yeux et fais taire mes pensées. Je cale ma respiration sur la sienne, nous berçant légèrement toutes les deux.
Je laisse la somnolence me gagner, rejoignant la douceur des songes.
Mon téléphone se met brutalement à sonner, brisant l'atmosphère que j'avais réussi à créer. Joyce grogne sous le bruit strident de ma sonnerie, se dégageant de ses bras pour se tourner.
Je souffle d'agacement, maugréant déjà contre la personne qui nous a dérangés. Je repousse la couverture de mon corps, frissonnant sous la perte de chaleur.
La sonnerie s'arrête lorsque je tends la main vers ma veste pour en sortir mon téléphone.
De mieux en mieux.
Je souffle une deuxième fois, déverrouillant l'écran pour voir qui cherche à me joindre. Il me semble reconnaître le numéro de la rousse que j'ai tenté de joindre.
Au même moment, un texto du numéro arrive. Nerveusement, j'appuie dessus pour l'afficher.
D'Ariana :
« Salut, c'est Ariana. Est-ce que tu serais dispo ce soir ? Vers les 21h. Autant lier l'utile à l'agréable en allant boire un verre. Je t'expliquerai tout convenablement. »
– Qui est-ce ? chuchote Joyce en relevant péniblement sa tête.
– Oh, euh, rien d'important.
– Pourquoi tu fais cette tête, alors ?
– En fait, une fille aurait peut-être un job pour moi, mais je ne sais pas vraiment ce que c'est. Elle voulait qu'on se voie ce soir, mais je vais annuler.
– Pourquoi ?
Joyce se relève à l'aide de son bras, pour me regarder de ses yeux encore empreints de fatigue.
Je me rapproche d'elle et m'assois sur le lit.
– Je ne veux pas te laisser seule, surtout ce soir. C'est ta première nuit ici.
– Tu plaisantes ? Haylee, déconnes pas ! Je ne suis plus une enfant. Je peux rester seule, ne t'inquiète pas, tout va bien.
– Mais...
– Pas de « mais » qui tienne, me coupe-t-elle. Ne laisse pas filer l'opportunité. Au pire, si ce n'est pas bon, tu n'auras aucun regret.
Ses yeux sont déterminés. Je ne vais pas pouvoir rester à ses côtés ce soir. Elle ne veut clairement pas de moi, je crois bien.
– Elle t'a donné rendez-vous à quelle heure ?
– 21h.
– Qu'est-ce que tu fou encore là, dans ce cas ? Rentre à l'appart et va te changer. Oh ! Et n'oublie pas de lui répondre, tu serais capable d'oublier.
– Rappelle-moi qui est la grande sœur, ici ?
– Des fois, je me le demande ! ricane-t-elle.
Sous ses encouragements, je réponds à Ariana, me levant en même temps du lit.
À Ariana :
« Je serais là, dis-moi simplement où. »
J'attrape ma veste et dépose un baiser sur la joue de ma petite sœur. Je retarde mon départ un maximum, chose qu'elle remarque rapidement.
– Aller, file ! On se parle par message, si ça peut te rassurer.
– Je te rejoins dès que j'ai fini.
– Même pas en rêve. Tu rentres à l'appart. Il n'y a pas assez de place ici pour nous deux.
J'ouvre la bouche pour lui répondre, mais une nouvelle fois, elle ne me laisse pas le choix, braquant durement son regard dans le mien.
– Haylee. Ça va, je te le jure. Je sais que tu es inquiète, mais je vais bien. Je suis entre de bonnes mains. Et si vraiment, je ne me sens pas bien, je te promets de sonner les soignants et de te prévenir. On est ok ?
– Ok, m'entends-je dire malgré moi.
Je lui donne un dernier baiser avec de sortir de la chambre, un poids sur le cœur. Elle ne veut pas que je m'inquiète, mais elle oublie que je l'ai retrouvé il y a seulement quelques heures au sol, presque sans vie.
Elle ne se rend pas compte de l'image et de l'angoisse que je garde.
Proche ou loin d'elle, je serais toujours sur mes gardes. Je comprends néanmoins qu'elle fait ça pour moi, pour que je souffle un peu de toutes ces pressions.
Je ne pense pas pouvoir me détendre, mais je vais tout de même aller à ce rendez-vous. Écouter ce qu'Ariana a à me dire ne me fera pas de mal, après tout.
Je reçois un nouveau message me donnant l'adresse d'un bar dans le centre-ville. Je rentre rapidement à l'appartement, prends une rapide douche avant d'ouvrir ma commode. Dans une parfaite symbiose, Ariana m'envoie un nouveau message me demandant de mettre une robe, chose apparemment importante pour son offre. Je fronce les sourcils d'incompréhension.
Devrais-je porter tout le temps une robe pour son travail ?
Je ne suis pas la plus féminine des femmes... Je n'ai surtout jamais vraiment pris soin de moi. Elle a dû le remarquer dès notre première rencontre, d'ailleurs.
Je sors une robe noire simple de ma penderie et l'enfile. Je pars mettre un coup de mascara, ne voulant pas négliger mon apparence pour ce pseudo rendez-vous professionnel, si l'on peut vraiment le qualifier ainsi.
***
Le bar est bondé. Les gens affluent vers le bar, un verre à la main. Je regarde l'heure sur mon téléphone, remarquant mon léger retard de quelques minutes. Je la cherchant du regard parmi la foule. Je m'engouffre à travers le monde déjà présent, retenant le regard de certains hommes sur moi.
Je me sens mal à l'aise.
Les regards sont appuyés, et ciblés sur des zones précises de mon corps. Habituellement, je n'y fais pas vraiment attention. Les hommes ne font pas partie de mes centres d'intérêt. Je n'ai pas le temps de m'intéresser à eux. Et puis, ce n'est pas les quelques expériences que j'ai eues qui m'ont donné envie d'en découvrir plus.
Une jolie jeune femme à la chevelure flamboyante se dessine au fond de la salle, dans un coin reculé du bar. Elle ne semble pas m'avoir vu. Je m'approche vers elle et m'assois face à elle.
– Salut.
– Hey, mais qui voilà ! dit-elle en s'exclamant, se levant pour me faire une accolade.
– Désolé pour le retard.
– Aucun souci, laisser du suspense, c'est tout aussi bien, ajoute-t-elle en m'envoyant un clin d'œil, une fois assise à sa place. Elle intercepte le serveur et nous commande deux Margarita. Rapidement, il revient avec sa commande et nous pose chacun un verre. Elle lui tend un billet, toujours aussi souriante et magnétisante.
Je la fixe, déstabilisée par son enthousiasme. Son sourire éclatant illumine son visage. Les hommes la bouffent littéralement du regard, et j'en viendrais presque à faire de même. Son magnétisme est impressionnant. Elle dégage quelques choses... d'attirant.
– Tu as un job pour moi, si j'ai bien compris ?
– Effectivement ! Disons que... C'est peu commun, que ça ne convient pas à tout le monde et que c'est loin d'être facile.
– C'est censé me donner envie ? la taquiné-je en souriant.
Le sien s'agrandit, appréciant ma répartie. Elle m'analyse de haut en bas, regardant ma robe et mes formes mises en valeur.
– Je ne vais pas te mentir, ce n'est pas un boulot ordinaire. Mais quand tu galères à payer ton loyer, c'est une solution qu'on ne peut pas mettre de côté.
Elle touche ma curiosité, forcément. Elle semble le savoir, d'ailleurs. Elle ne me lâche pas du regard et appuie sur les mots qui me parlent.
– Dis-m'en plus.
Son corps se penche en avant, sa tête se rapproche de la mienne dans un semblant d'intimité.
– Je réalise les fantasmes.
Je me recule en moins d'une seconde, mes yeux sortant presque de mes orbites.
– Je te demande pardon ?
– Tu m'as comprise. J'aide les hommes, principalement, à réaliser leurs fantasmes.
– Mais... non, je ne pourrai jamais faire ça. Je ne te juge pas, mais c'est impossible de mon côté de vendre mon corps.
Elle me sourit gentiment, n'étant pas étonnée de ma réaction. Elle s'installe plus confortablement dans sa chaise.
– Ce que nous faisons n'est pas sale, continue-t-elle. Nous discutons beaucoup avec les clients avant toute mise en scène. Nous pouvons même nous permettre une certaine sélection. Plus le fantasme est osé, plus il peut te rapporter. Bien entendu, personne ne te force à prendre tel ou tel client. Tu es libre de choisir, de dire oui ou non. C'est toi qui mènes la danse.
– Je... Je ne sais pas. Je ne m'attendais pas du tout à ça. Je suis complètement chamboulé.
– Ce n'est pas une proposition ordinaire, je te l'avais dit.
– Pourquoi me le proposer ? À moi ?
– Parce que j'ai cru me voir à travers toi. Tu sais, j'ai eu aussi une période très dure, où je n'avais aucun toit. Ce job, il m'a aidé à vivre. J'ai maintenant un super appartement, une garde-robe et le temps pour prendre soin de moi.
– Mais tu vends ton corps... ?
– Je préfère dire que j'aide les hommes à réaliser leurs fantasmes. C'est ce qu'on fait. Parfois, il n'y a aucune pénétration. Certaines femmes sortent s'amuser et prennent du bon temps, sans grande répartie. C'est souvent de grande déception, si tu veux mon avis. Là, je choisis qui. Je choisis où. Je choisis quand. Je choisis tout, en accord avec le client.
– Je n'arrive pas à me projeter dans... ça.
– Parce que tu ne sais pas encore ce que c'est. Il faut que tu le voies de tes propres yeux.
– Comment ?
Son regard s'intensifie, un sourire malicieux intensifiant la flamme qui brille en elle.
– Dans trois jours, vendredi soir. Il y a une soirée d'organisée par l'agence avec laquelle nous passons. Nous devons seulement nous inscrire et signer à notre arrivée.
– C'est quel genre de soirée, au juste ?
– Le genre qui te donne chaud dès les premières secondes. N'aie pas peur ! ajoute-t-elle quand mes yeux s'écarquillent. Ces soirées sont aussi là pour permettre de prendre ses marques. Tu peux seulement regarder.
– Parce que je suis censé participer ?
– Si l'envie te prend, bien sûr. Ça reste du sexe, Haylee. Tout le monde est clean, d'ailleurs faudra que tu fasses une prise de sang pour vérifier que tu n'as aucune maladie transmissible.
– Je n'ai rien.
– Je te crois, mais l'agence doit en avoir la preuve. Je te donnerai les coordonnées du médecin référent auquel on doit passer pour ce genre de chose, ainsi que le site internet qu'on utilise.
Suis-je vraiment en train de me renseigner sur ce travail ?
J'ai du mal à me dire que je vais faire ça. J'aimerais trouver quelque chose de plus convenable, mais il faut aussi que je sois réaliste. Personne ne veut de moi, et bientôt la banque me tombera dessus.
– J'ai besoin d'y réfléchir.
– Pas de soucis, ma belle. Je te laisse réfléchir tranquillement. Tu m'envoies un message si tu as des questions, d'accord ?
– Je ferais ça.
Elle se lève de sa chaise et m'embrasse une dernière fois. En un clin d'œil, je suis seule à la table, le téléphone vibrant d'un nouveau message. Ariana vient de m'envoyer les coordonnées du médecin et le site internet. Je déglutis difficilement, ayant une bouffée de chaleur devant le nom. Mes cuisses se serrent d'appréhension... et d'excitation.
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