Chapitre 1 : Le début de la fin ?
La transpiration perle sur mon front. Je trime comme une dingue depuis maintenant cinq heures. Je suis serveuse en extra dans un bar non loin de chez moi. C'est le seul endroit qui a bien voulu de moi, n'ayant aucun diplôme ni expérience. Dieu sait que cet emploi, même imparfait, m'aide. Nous aide, Joyce, ma petite sœur, et moi.
Je bosse chez eux depuis mes dix-huit ans, soit maintenant sept ans. J'ai l'impression que c'était encore hier que ma grand-mère nous préparait ses bons petits plats en rentrant du lycée, et que ma sœur pouvait encore courir sans craindre de perdre son souffle.
Tout s'est enchaîné trop rapidement.
Nous n'avions pas ce qu'une famille lambda avait. Nous avions déjà perdu nos parents jeunes dans un accident de la voie publique, mais nous nous contentions de Nonna, ma grand-mère. Elle était notre repère, notre seconde maman. Malheureusement, à seulement soixante-treize ans, un cancer pulmonaire l'a touchée. C'était le début de la fin.
À mes dix-sept ans, je devais devenir adulte et gérer bien trop de choses : les soins de Nonna, les tâches ménagères, l'éducation de Joyce qui n'avait que neuf ans, sans oublier mes études.
La maladie l'a emporté vite. Bien trop vite.
Son cancer était déjà métastasé à sa découverte. Il ne lui restait pas longtemps, nous le savions toutes les trois. Nous essayions de ne pas en parler, mais nos regards ne trompaient personne.
Trois mois.
Elle est partie trois mois après, nous laissant Joyce et moi, sans repère, sans savoir quoi faire.
Ayant mes dix-huit ans le mois suivant, nous n'avons pas eu le temps d'être placées.
Nous avons tenté de vivre le plus normalement possible, toutes les deux, vivant notre deuil ensemble.
Je travaillais à côté de mes études, tous les soirs, pour payer le loyer et les factures du mieux que je pouvais. Mais quand la maladie a pointé à nouveau le bout de son nez, mon monde s'est écroulé.
C'était au tour de Joyce.
Ma sœur était malade à son tour.
Leucémie.
Elle était devenue, vers ses dix ans, plus faible. Elle était souvent très fatiguée, sans faire de grands efforts. Et puis, il y avait sa peau... Elle était affreusement blanche, presque transparente. À chaque petit accroc, elle prenait un bleu, nous faisant suivre par une assistante sociale pour suspicion de maltraitance.
Son appétit avait grandement diminué, en plus du reste. La regarder me brisait le cœur.
Alors, un jour, nous sommes allés aux urgences. Joyce refusait au début, elle avait conscience que nous n'avions pas les moyens de payer des soins, peu importe lesquels.
Étant profondément inquiète, j'ai réussi à la persuadée, un lundi soir. Quand le verdict est tombé, j'ai cru m'effondrer en même temps.
Je ne pouvais pas croire que ma sœur risquait de partir à son tour.
Je ne pouvais pas le croire. Je ne voulais pas le croire.
Pour payer ses soins, nécessaires à sa survie, j'ai laissé mes études pour trouver un emploi à temps complet.
J'ai passé des jours dans les rues, à faire du porte-à-porte afin de trouver un job. Jusqu'à ce que ce bar me prenne en extra.
Les horaires n'étaient pas pratiques puisqu'ils étaient sur les plages horaires des visites autorisées. Mais je n'avais pas le choix.
Ses frais médicaux n'étaient pas pris en charge. Étant en extra – donc payé au black – je n'avais aucun avantage concernant ces frais-là. Je faisais toutes les heures supplémentaires qu'il fallait pour toucher le plus d'argent possible afin de rembourser les frais d'hôpital.
Cette période a été une des plus dures, face à toutes les autres. Pendant quatre ans, elle a fait des allers-retours vers l'hôpital, alternant avec les chimiothérapies – tout aussi coûteuses – pour tenter de dire au revoir à la maladie.
Depuis maintenant trois ans, Joyce va mieux. La maladie est toujours là, d'après les médecins. Mais elle dort. C'est comme ça qu'ils nous l'ont expliqué. Disons que Joyce a un semblant de normalité : elle se fatigue vite et garde des dérangements de la maladie, mais peut rester à la maison.
Elle a même repris ses cours à domicile. Je la pousse et l'aide un maximum. Si elle peut réussir, alors j'aurais tout gagné.
Comme tous vendredis soirs, c'est le rush. Les clients affluents.
Je ne sens plus mes jambes et je meurs de chaud. J'essuie mon front avec mon avant-bras et souffle un bon coup avant de pousser les portes battantes pour retourner dans la grande salle. Je marche rapidement vers le bar, arrivant rapidement vers Joshua qui pose le dernier verre sur mon plateau.
– Table 9, ma belle.
– Ça marche !
Je place le plateau sur ma main et avance rapidement vers la table en question. Faisant l'angle de la pièce, trois femmes rient à gorge déployée ensemble.
Elles sont aussi sexy les unes que les autres. Deux blondes et une rousse. Maquillées à la perfection, sapées comme des déesses, elles arriveraient à faire tomber n'importe quel homme.
J'en serais presque jalouse !
Je suis bien loin de faire le poids face à elles. Je ne suis jamais maquillée, et mes vêtements viennent d'une friperie du coin. Mon apparence n'est pas ma priorité, disons.
Affichant un sourire de circonstance, je pose mon plateau sur leur table et leur sers leurs boissons.
– Alors, j'ai un Mojito.
– C'est pour Ash, ça, me dit la rousse en me pointant la blonde aux cheveux frisés.
– Et les deux margaritas, je suppose que c'est pour vous deux.
Je pose les deux verres devant les deux autres femmes. Quand ma main passe devant la jeune femme rousse, elle me l'attrape.
Sa main caresse le dessus, un brin malicieux, me mettant immédiatement mal à l'aise.
Il est fréquent de se faire toucher ou taquiner, dans un bar. Je n'ai encore jamais eu cette expérience avec une femme, en revanche.
– La vache, t'as les mains super douces ! Elles feraient de magnifiques branlettes à coups sûrs !
Elle glisse une dernière caresse avant que je ne retire ma main d'un geste sec. Ses amies affirment bruyamment.
– Carrément ! Les hommes aiment les mains raffinées et élégantes comme les tiennes, surtout quand ça concerne leurs entrejambes, ajoute la deuxième blonde.
Elle pose son menton sur sa main et me fixe gentiment, m'adressant un sourire. Ses longs cheveux tombent devant ses épaules, cachant son décolleté ravageur.
Ok, je suis méga gênée.
Mes joues se colorent immédiatement, et ma température corporelle augmente.
Je ne sais même pas quoi leur répondre. Je me mords la lèvre inférieure, me raclant la gorge en même temps.
– Et puis cette bouche, mon dieu ! Tu dois tous les faire tomber, c'est certain, ajoute la rousse en me fixant de son regard troublant.
Je ricane nerveusement, baissant le regard vers mon plateau que j'ai repris entre mes mains.
– J'en sais rien. Enfin, je m'inquiète plus de payer mon loyer que ça, réponds-je sans savoir pourquoi je leur confie ça. Excusez-moi, les autres clients attendent leurs commandes.
Je leur tourne le dos d'un geste rapide. Mais pourquoi est-ce que je leur ai confié ça ? Elles s'en foutent complètement.
Elles sont déjà bien éméchées.
Je retourne au bar et prends la commande suivante. J'en enchaîne plusieurs, sans vraiment faire attention aux gens autour de moi.
J'aimerais tellement être comme ces trois femmes. Belle. Amusante. Libre.
Mais j'ai d'autres obligations. Je préfère encore m'occuper de ma petite sœur, plutôt que de m'amuser.
Je sais que je loupe tout ce qu'une femme de mon âge ferait : sortir, se faire des amis, aller au cinéma... Profiter en toute insouciance.
Mais ce n'est pas possible pour moi, et même si parfois ces idées me traversent l'esprit, je préfère encore trimer pour payer les factures et avoir ma sœur avec moi.
***
Les aller-retour se terminent. Je pose ma dernière commande et file vers les vestiaires pour quitter mon tablier.
– Haylee !
Joshua m'appelle derrière la porte. Je prends rapidement mon sac et pars le trouver.
– Je suis là, Josh.
Il se retourne vers moi. Son regard me perturbe immédiatement. Mes jambes s'arrêtent et je le fixe les sourcils froncés.
– Le patron veut te voir... Je crois que ça ne sent pas bon.
Ma respiration se coupe brusquement. J'ai du mal à avaler ma salive. Mon cœur redouble de battement. Je stresse. J'espère que Josh se trompe.
Je le laisse en plan pour filer vers le bureau du patron au fond du couloir assombri. Je frappe fébrilement à la porte et entends la vieille voix du patron résonner un « entrez ».
J'actionne la poignée et m'avance dans ce petit espace sombre où seul un bureau en bois clair illumine la pièce. Mon patron me fixe, un air peiné s'affiche et mon estomac se retourne.
– Je suis désolé, Haylee. Pour des raisons financières, je vais devoir me passer de toi.
– Quoi ? Non, vous ne pouvez pas ! dis-je en m'approchant. J'ai besoin de ce travail, vous le savez !
– Je sais, Haylee. Je sais... Je n'ai pas pris cette décision sur un coup de tête. Je ne peux plus me permettre de t'avoir, et comme tu es en extra et sans contrat...
– Forcément, ajouté-je amèrement.
– Voilà ta dernière paye.
– Bien.
Sans un mot, je lui tourne le dos après avoir pris la maigre enveloppe et referme la porte. Je cours presque jusqu'à la sortie avant d'éclater en sanglots.
Je m'appuie contre le mur de la bâtisse et me repli sur moi, tentant d'étouffer mes larmes et bruits.
– Hey, la brune !
Une voix hurle dans la rue déserte. Je réfrène mes sanglots pour ne pas me faire remarquer. J'essuie mes joues mouillées et relève le regard.
La jeune femme rousse de la table neuf court vers moi. Elle arrive essoufflée, mais un sourire toujours aussi éblouissant plaqué sur ses lèvres pulpeuses.
– Tiens, me dit-elle en metendant une carte avec un numéro de téléphone. C'est mon numéro. J'ai quelquechose qui pourrait te plaire pour payer bien plus facilement ton loyer.Appelle-moi.
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Voilà le premier chapitre de Nightfall ! Avez déjà des avis ?
Qui est vraiment cette mystérieuse rousse pétillante ? Est-ce qu'elle va aider Haylee et rendre son quotidien plus serein ?
Ou à l'inverse, va-t-elle mettre une dose de chaos ?
Merci d'avoir lu ce premier chapitre.
Suivez-moi sur instagram : morganeperrin_auteure
Je vous embrasse,
Morgane.
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