Nouvelle N°4
L'âme errante de l'hiver
L'hiver étire avec mollesse son long manteau, les arbres et le rebord des fenêtres se parent de carillons de cristal, le blanc domine et recouvre tout sur son passage. Sa chevelure de glace s'étend sur les lacs, fleuves et rivières, même le rivage des côtes ne peut s'en soustraire. Tout semble mort, ou endormi, comment le savoir ? La nature ne se compte plus, pas une fleur, pas un insecte, ni même un oiseau ; le froid les a emportés loin dans les contrées éternelles d'une nuit sans étoile et sans rêve. Tout est calme, tout est engourdi, même la Terre semble s'être assoupie. Il n'y a que la mélancolieuse solitude qui règne sur un désert de glace obscure. Les étoiles se sont voilées dans leur nappes de brume et l'astre d'ivoire s'est blotti dans de hauts nuages d'argent ; au loin, une tristesse se dévoile entre les troncs humides d'une forêt sombre.
Seule, elle marche sur des sentiers de brouillard, comptant des pierres gravées aux noms oubliés. Cette inconnue que l'on suppose un fantasme de la nébulosité nocturne, avance doucement entre les racines d'arbre vénérable de ses bois oubliés des hommes. Pâle apparition des limbes, où vas-tu en cette noirceur infinie ? Des larmes d'opale coulent sur tes joues, le vent hurle dans ta chevelure de jais ; comme tu te sens seule, pauvre petite qui ne peut sortir qu'à la tombée du jour. Pour qui pleures-tu en cette nuit honteuse ? Et si personne tu ne pleures, quelle peine anime alors les perles qui roulent lourdement jusqu'à terre ? Même ta petite boite à musique ne peut calmer ta peine, et pourtant, la douceur de sa mélodie est si enivrante, que tous s'arrêteraient dans leur labeur pour l'écouter.
Minuit sonne au cœur de la nuit, le balancier de la pendule accompagne le tic-tac que font le coulissement des rouages ; qui remonte le ressort de la sauteuse. Une seconde passe, l'obscurité se fait encore plus sombre. Une autre, et les ombres se muent en d'obscurs présages. Pas une lueur, pas un rayon de lune ni même une étoile, seulement le noir oppressant d'une nuit trop calme. Sur la table, on entend tomber un pétale ; celui d'une rose qui meurt doucement. La fleur qui s'épanouit sans soleil ne peut donc prétendre à la couronne du lys. Où sont donc passées ses couleurs, son éclat et son parfum ? Discrète et fade, dénuée de charme sans pour autant en manquer, elle est quelconque cette petite fleur qui grandit à l'ombre des marronniers. Et pourtant personne ne semble jamais la voir, quel dommage. Elle est si belle... Et c'est toi pauvrette, créature nocturne qui bat les sentiers de la forêt enneigée.
C'est une touffe de perce-neiges qui rompit l'attente du jour. Fraîchement sortie de terre, leurs petites clochettes teintent doucement dans la nuit mourante ; et semblent appeler au sommeil la douce âme qui erre en cette sylve que la vie a abonnée. Et déjà sonne l'aube, il est temps de mettre un terme à la souffrance vénale ; car d'elle, naît une vengeance certaine qui trouble alors la raison. Rendors-toi petite fleur, laisse-toi sombrer dans le monde onirique si apaisant, si envoûtant de ses charmes fantastiques ; il n'y a que là-bas que tu es en paix. Tandis que l'encre du ciel s'efface devant l'azur, sur un duvet moussu qui fait craquer le corset impur de la neige noire, elle s'allonge et s'endort jusqu'à la nuit nouvelle qui naîtra de l'hiver. Le soleil parait à l'horizon, irradiant jusque dans la forêt profonde, une tombe ; recouverte de mousse et de sonnailles.
[Fin]
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