Chapitre 9 - Pour Neven 1/2
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Mora
Neven éternua une nouvelle fois. Je me précipitai vers elle pour lui donner des mouchoirs.
« Ça va pas mieux ? bredouillai-je en m'installant à ses côtés, sur le lit. »
Elle se moucha, puis secoua la tête et murmura d'une voix nasillarde :
« Non, j'ai mal à la tête et à la gorge, et je suis fatiguée... »
Elle toussa. Je posai ma main sur son front qui brûlait. Je glissai sur le sol et courus de son côté pour prendre une serviette, l'humidifier dans un seau d'eau, et la poser sur son front.
« Merci, t'es gentille... toussota-t-elle en fermant les yeux. »
Cela faisait deux jours qu'elle était clouée au lit. Je faisais tout mon possible pour la soulager, mais j'avais l'impression de ne servir à rien.
« Je reviens, prévins-je. Repose-toi, rajoutai-je avec un sourire en caressant ses cheveux. »
Je sortis et me rendis dans la cuisine dallée. Maman, habillée d'un tablier blanc, était concentrée sur un bouillon qu'elle remuait. Je tirai sur sa jupe :
« Maman ?
— Oui, ma chérie ?
— Neven est toujours malade... »
Elle posa sa louche sur le plan de travail et se tourna vers moi. Accroupie, elle prit délicatement mes épaules :
« Je t'assure que ça va passer, ne t'en fais pas.
— Mais imagine c'est pire que ce que tu crois ?
— Mais non, ça va passer. Si ça ne va pas mieux demain, j'irai chercher le docteur, d'accord ? sourit-elle.
— Pourquoi pas aujourd'hui ?
— Car ça ne fait que deux jours, c'est normal d'être très fatigué au début d'une maladie...
— Mais elle va pas bien... c'est de pire en pire j'ai l'impression... »
Je gonflai mes joues.
« On ira demain si ça ne va pas mieux... »
Je grommelai et repartis à grands pas dans notre chambre. Rassise sur notre lit, je l'interpellai :
« Neven ? Tu veux que je te raconte des histoires ?
— Comme tu veux... »
Elle éternua encore. Sa maladie m'inquiétait vraiment. Pourquoi maman semblait si confiante ? Elle n'était pas docteure ! Peut-être que Neven avait pire que ce qu'elle croyait !
Peut-être que je devais prendre les choses en main et aller voir le docteur du village ? Mais je devais le payer...
Je me ruai vers notre coffre caché sous notre bureau. Je l'ouvris et attrapai une boîte en acier, à mon nom « Mora ». Je la posai à la lumière de la fenêtre, en pleine réflexion face à mes dix pièces d'or. Est-ce que ce serait assez ? Hm... Neven, elle utilisait toujours tout son or pour des bonbons, je ne voulais pas le lui emprunter...
Mais si c'était insuffisant et que le docteur refusait ? Je devais emmener d'autres choses. J'attrapai un sac en toile et y posai ma tirelire, ainsi que d'autres objets pour espérer le convaincre de venir.
Je fronçai les sourcils en me tournant vers la porte : maman ne me laisserait jamais aller au village toute seule. Ce n'était pas très loin, mais elle refusait toujours qu'on sorte seules. Neven et moi, on lui disait qu'on savait courir très, très, très vite si on nous embêtait, mais elle nous répétait qu'à six ans, c'était trop dangereux pour nous.
Puis, ce n'était peut-être pas pour rien que maman nous disait ça. Peut-être que c'était vraiment dangereux de sortir seules...
Neven toussa.
Tant pis, je devais trouver le docteur. Neven n'allait vraiment pas bien.
Comment j'allais sortir ? Maman laissait toujours la clef sur la porte, mais elle allait m'entendre déverrouiller.
« Mora ? Tu fais quoi ? souffla ma jumelle.
— Je vais chercher le docteur. Tu dis rien à maman, hein ? »
Ma sœur se releva, la serviette glissa et tomba sur ses jambes :
« Tu vas sortir ?
— Oui, donc ne dis rien, s'il te plaît. Si maman te demande, tu dis que je suis à la salle de bains ou aux toilettes, d'accord ? »
Elle acquiesça, les sourcils froncés. Elle finit par pencher la tête sur le côté :
« Mais tu es sûre de pouvoir y aller toute seule ?
— Oui, le chemin est facile, il faut aller tout droit avec la mer toujours à gauche de nous.
— Mais si on t'embête ?
— Je vais me débrouiller, je suis grande, maintenant ! souris-je pour la rassurer. »
J'espérais que j'avais raison.
Neven tendit les bras vers moi. Je la rejoignis et elle m'enlaça avec force :
« T'es pas obligée, toussota-t-elle. Je veux pas que tu aies des problèmes... j'ai peur que tu partes comme ça, toute seule...
— Mais non, ça va aller. Je veux que tu sois guérie ! T'en fais pas, souris-je. »
Ma sœur fronçait les sourcils tandis que j'enfilais mes souliers en cuir : c'étaient mes chaussures pour courir vite, très vite ! Je me vêtis ensuite d'un short pour ne pas être gênée si le vent soulevait ma robe.
« Tu es sûre ? répéta-t-elle.
— Oui, t'en fais pas, je vais le trouver et le ramener ! Tu verras ! »
Je la serrai très fort contre moi, puis je portai mon sac à une épaule.
« Tu peux appeler maman et lui dire que tu as besoin d'un truc ? Comme ça je peux sortir, quémandai-je.
— D'accord, tu te caches où ?
— Euh, je verrai. »
J'ouvris notre porte tout doucement. Personne.
À pas de loup, je m'avançai vers le salon qui avait vue sur la cuisine. Maman était dos à moi. Je courus en silence et me cachai derrière un grand fauteuil en cuir.
« Maman ! cria Neven d'une voix cassée. Tu peux venir ?
— J'arrive ! »
Elle se précipita dans notre chambre.
Je me ruai vers la porte d'entrée, déverrouillai, et posai le pied à l'extérieur. Je fronçai les sourcils lorsque le soleil du début d'après-midi m'éclata les yeux. Je fermai doucement derrière moi, sortis de notre jardin, puis me mis en position de départ pour prendre de l'élan. Le village était visible de là où on habitait.
Je débutai ma course, surveillant les bois obscurs à ma droite qui me faisaient frémir. Dans les histoires que maman nous lisait, les enfants, parfois, ils se perdaient dans les bois. Et pire encore, maman nous a raconté un jour qu'il existait des méchants animaux qui emmenaient les enfants qui n'écoutaient pas leurs parents. Heureusement, il y avait toujours un gentil nange qui les sauvait, mais moi, je n'avais jamais senti de goutte d'eau dans mon cou, donc personne ne pourrait m'aider si on m'emmenait ou si je me perdais.
Je jetai un regard vers la mer : là aussi, maman nous disait de faire attention. Normalement, il n'y avait pas de sirènes aussi près des plages, mais il fallait éviter de se baigner quand l'eau n'était pas assez claire, au cas où. Puis, bon, de toute façon, elles ne pouvaient pas marcher, donc je ne risquais rien.
Trois minutes plus tard, je ralentis, essoufflée, le visage tout rouge et ruisselant. Je haletais jusqu'à m'arrêter pour reprendre ma respiration, mains sur les genoux. Je n'avais fait qu'un quart du trajet... pourquoi j'étais si faible ?
En pensant à Neven qui devait sans doute avoir encore mal à la gorge et à la tête, je me remis à courir malgré mes jambes qui commençaient déjà à brûler. Cinq minutes plus tard, les barrières en bois du village étaient plus près encore, mais j'avais à peine fait la moitié du chemin. À bout de souffle, je marchais de travers en appuyant sur un point de côté.
Des oiseaux s'élevèrent en groupe d'un point dans la forêt. Mon ventre se serra. Je repartis au pas de course.
Et si c'était un méchant animal qui voulait m'emmener car je n'écoutais pas maman ? Vite, vite, vite !
Cinq minutes plus tard, je dépassai enfin les barrières du village ! Je m'autorisai à reprendre mon souffle. Mon cœur tambourinait si fort sous ma peau qu'il résonnait dans mes oreilles. Haletante, je regrettais de ne pas avoir emporté de gourde avec moi.
Bon, trouver le docteur !
J'avançais dans les rues terreuses, et en posant mon regard sur les écriteaux, je constatai que je ne savais pas lire.
Zut.
J'écarquillai les yeux et serrai le poing.
J'allais devoir demander mon chemin à des gens ?
Je me retournai, comme si j'espérais voir maman ou Neven pour leur demander de parler pour moi, mais j'étais toute seule. Pas le choix.
Je plantai mes ongles dans ma peau.
Pour Neven. Allez, pour Neven.
Je me rendis dans l'épicerie du village qui se trouvait directement à ma droite. Lorsque je poussai la porte avec difficulté, les carillons tintèrent dans des accords doux et mélodieux.
« Bonjour ! Vous avez be-... Oh, mais c'est la petite Neven ! s'exclama une jeune femme aux grands yeux bleus.
— Euh... non, moi, c'est Mora, bredouillai-je avec un sourire timide.
— Ah, oui, pardon ! Je vous confonds tout le temps, mais toi, tu as une frange ! sourit-elle. »
Mes joues rosissaient de plus ne plus. Oh, là, là ! Je n'aimais pas parler aux gens ! Surtout les adultes, ils étaient si grands ! J'avais toujours peur de dire des bêtises !
« Tu vas bien ? On dirait que t'as pris un coup de chaud ! Attends ! »
Quelques instants plus tard, elle me tendit un grand verre d'eau. Je le bus d'une traite, et elle m'en servit un nouveau.
« Tu vas mieux ? quémanda-t-elle en se penchant vers moi. »
Je hochai vivement la tête et la remerciai d'une petite voix.
« Qu'est-ce qui t'amène ici ? Ta maman t'a envoyée faire des courses ?
— Euh, non... je cherche le docteur. Neven va pas bien, donc je veux qu'elle soit guérie, parvins-je à articuler sans trembler. »
La blonde fronça les sourcils :
« Ta maman sait que tu es là ?
— Oui, oui ! »
Je détestais mentir !
Elle me jaugeait avec suspicion.
« Bon, admettons que tu dises la vérité... De ma boutique, tu continues tout droit, tu passeras devant une ferme. Plus loin encore, à un angle, tu verras une petite maison avec des toits noirs. La porte est bleu foncé. C'est là-bas que le docteur travaille. »
Je mémorisai les informations avec sérieux.
« Tu vas te retrouver ?
— Oui, oui, merci !
— Passe le bonjour à ta maman et fais attention à toi, petite choupette ! »
Je la saluai et ressortis. Les joues gonflées, les poings serrés, j'avançais tout droit, les yeux sérieux fixés sur l'horizon, ignorant les regards intrigués des adultes. Normalement, je ne risquais rien, mais c'était la première fois que j'étais toute seule. Et les mots de notre mère qui nous interdisait de sortir seules m'inquiétaient de plus en plus.
« Eh ! Reviens ici ! »
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