Chapitre 9 - Espérer 1/2
Darren et moi entendîmes des pas de course derrière nous. Nous accélérâmes la cadence, courant également, et nous nous prîmes la main pour ne pas nous perdre. Ma cheville recommençait à me brûler. Je m'empêchais de boiter malgré la douleur qui me parcourait à chaque pas.
Je jetai un œil en arrière. Deux hommes nous poursuivaient. Je reconnus le blond avec sa cicatrice sur la joue. Celui qui m'avait caressé la cuisse. Il s'agissait bien des larbins de DN !
« Poignards ! »
J'allais me débarrasser d'eux. Une punition pour m'avoir manqué de respect, mais j'espérais également avoir un peu de répit après en avoir fini avec eux. En fouillant dans le sac, Darren me tendit deux armes, et je le tirai brusquement derrière un tas de caisses.
« Cache-toi, je m'en occupe ! »
Il voulut rouspéter, mais je le poussai assez violemment pour le faire passer par-dessus une caisse et tomber au milieu de cagettes. Les deux hommes arrivèrent face à moi. Du coin de l'œil, j'observai vers Darren, inquiète qu'il ne se relève, mais il semblait avoir compris qu'il ne devait pas se montrer. Définitivement concentrée sur mes ennemis, je constatai qu'ils portaient tous les deux un long sabre sali de sang séché. Ils savaient sans doute se battre.
« Sale garce... tu croyais pouvoir te cacher combien de temps ? Hein ? lança le blond en s'avançant.
— Viens te battre au lieu de parler ! criai-je en m'avançant avec vivacité. »
Je parai son coup de sabre d'une dague et poignardai son épaule de l'autre. Le blond jura en pressant sa blessure et le brun m'attaqua, mais je me baissai à temps. Je m'écartai et relevai mes lames, prête à parer. Je les fixai avec sombreur. Les pirates échangèrent un regard hésitant. Je les provoquai :
« La donne est changée, hein ? La pauvre femme qui était attachée au mât va vous faire la peau ! »
Leurs lèvres se plissèrent et leurs doigts se resserrèrent sur leur arme. Ils s'avancèrent à pas fermes, brandissant leur sabre dans ma direction. Il serait compliqué de m'approcher à cause de la portée de mes poignards, je devais être rapide et efficace.
Je me concentrai sur le brun à la barbe mal taillée, croisant l'acier avec vivacité, tout en surveillant le blond qui s'approchait. Un pas sur le côté me permit de poignarder le bras du brun, lui arrachant un cri de douleur, et je m'écartai avant que le blond ne m'assaille. Ils soufflaient en me tuant du regard : aucun n'avait réussi à m'atteindre.
Le blond prit les devants, le regard noir. En reculant, mon pied buta contre un morceau de verre. Une bouteille d'alcool vide. Je la balançai en l'air d'un coup de pied adroit, l'attrapai et la jetai sur le blond qui hurla de douleur lorsqu'elle lui éclata au visage :
« Salope ! Je vais te massacrer, que DN le veuille ou non ! »
Me fonçant dessus, je m'écartai et le déséquilibrai avec un croche-pied. Il s'effondra sur le sol dans une injure, et je me retournai juste à temps pour éviter un coup de sabre qui avait frôlé ma joue si près que l'air l'avait caressée.
Sans réfléchir, je fonçai sur le brun, bloquant son sabre d'une lame et poignardant son torse de l'autre. Il tomba dans un gémissement en crachant du sang. Je me retournai dans une pirouette, relevai un poignard pour bloquer une offense du blond dont le visage parsemé de morceaux de verres sanguinolents était marqué par la rage et la douleur. Je lui donnai un coup de pied dans l'estomac pour le repousser et le faire s'effondrer.
Le brun se releva en soufflant avec force, le sang s'écoulant le long de son menton. Il tremblait en soulevant à nouveau son sabre dans ma direction. Son regard noir était teinté de folie et de fatigue. Le blond planta son épée dans le bois pour s'aider à se redresser. Leur visage était crispé de frustration. Il fallait que j'en termine, notre petit jeu durait depuis trop longtemps, mais ils faiblissaient, alors je n'en ferais qu'une bouchée. Je ne pus m'empêcher de leur sourire, narquoise :
« C'est tout ? »
Le blond souffla avec un rictus :
« Tu te bats bien. Sans doute mieux que ton second, a priori incapable de se défendre, et jeté à la mer comme un détritus... »
Les muscles de mon visage se crispèrent :
« Je vous souhaite d'être dévorés par Zanlya ! »
Je me jetai sur lui, poignard violemment planté dans le thorax. J'attrapai fermement son avant-bras pour l'empêcher d'abattre son sabre, tout en enfonçant ma lame plus profondément encore dans ses entrailles. Il tournait de l'œil, crachant des gerbes de sang au fur et à mesure que la vie le quittait. Il attrapa ma main droite pour tenter de se libérer de ma dague, en vain, ses forces s'amenuisaient.
La lame du brun scintilla au soleil lorsqu'il la dressa contre moi. Je me tournai pour éviter son coup lent et fatigué, entraînant avec moi le blond dont l'étreinte se desserrait peu à peu alors que son âme quittait ses prunelles.
Quand il déglutit, je retirai mon poignard de son corps ensanglanté qui s'effondra, las sur le bois. Je me tournai vers le brun aux yeux plissés de terreur. J'esquivai sa lame qu'il balançait latéralement avec une frénésie qui s'essoufflait au fur et à mesure, comme s'il espérait pouvoir me tenir éloignée. Il ne cherchait plus à m'abattre. Il savait qu'il était la proie, et moi la chasseuse.
Je m'élançai vers lui et glissai sur le sol pour esquiver son coup à nouveau horizontal, frappant ses chevilles de plein fouet à l'aide de mes pieds. Il perdit l'équilibre, et alors qu'il tombait en arrière, je me redressai pour planter mon poignard en plein cœur. Il mourut sur le coup.
Essoufflée, je lançai :
« Darren ! Vite ! On fuit ! »
En sortant la tête des caisses, il pâlit à la vue des cadavres ensanglantés autour de moi. De larges taches de sang s'élargissaient sur le quai en bois. Des citoyens avaient assisté à notre combat, des cris d'horreur s'élevaient dans le port et beaucoup fuyaient sans doute chercher des autorités. Pas maintenant !
« Dépêche ! criai-je cette fois en l'empoignant. »
Nous nous remîmes à courir dans le port. On s'attroupait déjà autour des corps. Les autres pirates allaient me retrouver avec tout ce vacarme !
« Tu vas bien ?
— En pleine forme ! m'exclamai-je. »
Je sautai de justesse par-dessus des cordages malgré ma cheville qui avait flanché pendant un instant, mais Darren s'étala sur le pont. Je fis machine arrière pour l'aider à se relever et je remarquai que des hommes nous couraient après. Armés. Les autres pirates. J'en comptais au moins sept.
« On va avoir des soucis ! soufflai-je en tirant Darren vers moi.
— On y est presque ! s'exclama-t-il en reprenant sa course. Tu vois le voilier, là ?
— Oui ? »
Il pointait un petit voilier blanc à quinze mètres, à peine.
« Vas-y, je vais les retenir !
— Les retenir ? Tu te fiches de moi ? Tu n'es pas armé ! Tu ne sais pas te battre ! On va te tuer ! Tu viens avec moi ! »
Je me souvins de la dernière fois. Il ne m'avait pas suivie, j'étais partie en larmes, bredouillante. Je pensai à ma sœur et à Malaury qui avaient violemment quitté ma vie. Pas un autre. Je l'empoignai fermement :
« Porte tes couilles et viens avec moi cette fois !
— Si je peux t'aider à fuir, alors j'estime que je porte mes couilles !
— Ne fais pas l'enfant ! Ils ont vu que tu étais de mon côté, tu vas te faire tuer ! Viens ! répétai-je en nous dirigeant vers le voilier.
— Mais Neven...
— C'est un ordre ! Je suis la capitaine et tu m'écoutes ! Tu ne rouspètes pas ! Allez ! »
Il essayait de se dégager de ma poigne, tirant en arrière. Je me retournai violemment pour agripper le col de sa chemise, l'œil enragé :
« Tu ne m'as pas suivie une fois... et ce sera la dernière ! Tu viens avec moi ! Tu n'as pas à discuter sinon je te jure que tu vas le regretter ! Viens là, bon sang ! Viens pour cette fois ! Pas comme la dernière fois ! criai-je en le tirant à moi. »
Il se laissa finalement entraîner en avant. Une fois devant le bateau, je balançai le sac dans le voilier, coupai la corde, poussai Darren dedans avant de sauter à l'intérieur. On pouvait y tenir à quatre, au moins. Je nous propulsai aussi fort que possible en donnant un coup de pied contre le ponton et le bateau commença à voguer vers le large. Je me dépêchai de hisser les voiles pour prendre les souffles du vent.
« C'est bon, ils ne nous suivent pas ! déclara Darren avec un grand sourire. »
Je jetai un œil derrière moi. Les pirates nous huaient depuis le ponton. Je ne pus m'empêcher de leur faire un signe de main en riant :
« Bon, super, on leur a échappé ! »
Alors que Darren commençait à baisser sa capuche, je la ramenai :
« On n'est pas encore hors de vue. Quand tu retourneras à Britanger, il ne faudra pas qu'on sache que tu es un allié. »
À cinquante mètres du port, je soupirai :
« Malheureusement, ce n'est pas encore fini. Ils risquent de nous poursuivre avec leur bateau qui sera certainement plus rapide que le nôtre... On est mal.
— Mais au moins, tu vas bien ? Tu es blessée ?
— Je vais bien. Et toi ?
— Très bien. Grâce à toi.
— Tu voulais faire le héros et te sacrifier pour moi, pas vrai ? On n'est pas dans un roman. J'ai perdu assez de personnes importantes dans ma vie... alors pour une fois que je peux en sauver une...
— Je voulais te protéger, oui... mais ça n'aurait sûrement servi à rien, soupira-t-il. Je t'avoue que je ne comptais pas prendre la mer avec toi... je suis un peu déboussolé... »
Je haussai un sourcil :
« Hier, tu disais vouloir me suivre... tu changes de décision comme une saute de vent.
— Bah... j'ai bien compris que tu avais refait ta vie sans moi, je n'ai plus vraiment de place à tes côtés... »
Ce n'était pas faux. Je me déconcentrai un instant de la barre pour jeter un œil vers lui. Il était pâle. Je glissai ma main sur son front :
« Mal de mer ? Tu as des nausées ?
— Je crois... je ne me sens pas très bien...
— Déjà ? Eh bien, tu vas finir par t'amariner, ne t'en fais pas... Reste au milieu, bois un peu d'eau. Et fais attention à la voile quand je change de cap. »
Je sortis ma longue-vue. J'observai derrière nous. Le bateau noir semblait en pleine préparation pour prendre la mer. On nous cherchait. Je me tournai vers les côtes :
« Tu sais s'il y a des grottes dans les parages ? Je sais qu'on en a trouvées, mais je ne me souviens plus du tout d'où... Tu sais, quand tu m'emmenais récupérer des coquillages et voir des crabes ?
— Oui, je m'en souviens. »
Il sourit. Collectionner des coquillages était une activité que je n'avais toujours réalisée qu'avec ma sœur. Nous pouvions passer des heures, voire des journées entières à scruter le sable ou à nager pour en récupérer. À la suite de sa disparition, je n'étais plus allée en chercher : trop de souvenirs avec elle qui me rendaient morne. Quand j'en avais parlé à Darren, il m'avait empoignée pour m'emmener sur la plage chercher des coquillages avec lui. J'avais été un peu hésitante, puis je m'étais laissée entraîner par son enthousiasme.
« Il me semble qu'il y a des grottes vers la falaise où se trouve l'ancien phare. Tu sais, le cassé où je t'avais emmenée, une fois ?
— Avec les araignées, oui... »
Il pinça ma taille. Je sursautai :
« Bachi-bouzouk ! Pas pendant que je navigue ! Bon, me repris-je, espérons que tu as raison... »
Je regardais régulièrement derrière moi, le bateau n'avait a priori pas encore quitté le port. Je passai très près des rochers pour contourner, nous ne devrions pas être visibles. Nous dépassâmes la plage par laquelle j'étais arrivée cette nuit, et nous avancions vers une falaise où un vieux phare en débris surplombait la mer.
« Par-là, alors ?
— Normalement, oui. »
Je scrutai les écueils... rien pour l'instant. Sourcils froncés, nous continuâmes d'avancer.
« Là ! Neven ! »
La grotte était dissimulée derrière de gros et grands rochers. Il fallait emprunter un passage sinueux pour y accéder, si le bateau sombre restait à distance, il y avait des chances pour que cet endroit passe inaperçu.
« Allez, on y va vite ! »
Un grand merci à Beorn17 qui a eu la gentillesse de lire la scène de combat en amont pour me donner son avis ^-^ !
La suite mercredi ! Merci pour votre lecture :)
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