Chapitre 31 - Cachotteries 1/2
Que pourrait-on leur dire ? Rien, ils avaient des yeux, ils avaient bien vu ce qu'ils avaient vu. Au moins, Malaury et moi n'aurions plus à nous cacher. Il fallait espérer que personne ne le jalouse ou ne croie qu'il avait des avantages grâce à notre relation. Il fallait aussi que cela ne sorte pas du navire, sinon il serait en danger. Finalement, peut-être qu'il faudrait encore nous cacher. Je soupirai :
« Bon, j'ai parlé trop vite, tout à l'heure. »
Mon second glissa un baiser chaud sur ma joue :
« Allez, ne sois pas inquiète. Ce sera comme d'habitude, tu verras. »
Je ris sèchement :
« Ils vont bavarder, ne t'en fais pas... et ça te met en danger... Pff, on ne pourra jamais passer une foutue nuit ensemble sur ce navire sans avoir de problèmes au réveil...
— Mais si... allez, ce sera même plus simple. Je pourrai te serrer contre moi quand je veux.
— Non. »
Il fronça les sourcils.
« Je suis Neven l'Écarlate, leur capitaine, pas une romantique. Et toi, tu es mon second. Il ne faut pas qu'ils l'oublient. S'ils nous voient tout mous, tout tendres... on perd en crédibilité et en respect, tu comprends ? Donc évite d'être comme ça devant eux. »
En nous imaginant enlacés, même en dînant, je fronçai les sourcils :
« Et puis, ils vont te voir comme le conquérant, et moi, comme la conquête... rah... mon image que j'ai mis tant de temps à construire... glapis-je en me prenant la tête. »
Pourquoi ne pouvais-je pas aimer Malaury sans que cela ne brise tout ce que j'avais bâti ?
« Ce n'est pas si terrible, ma chérie...
— Ah, ne m'appelle plus comme ça, ce n'est plus mignon du tout, soupirai-je en me redressant pour m'asseoir. »
Il glissa ses bras autour de mon ventre, toujours couché :
« Tu ne veux plus de câlins ?
— On ne va plus me prendre sérieux... Toi, tu vas être une sorte de mâle dominant... donc moi, à côté, je suis le truc que tu as réussi à séduire. Ce n'est pas bon du tout. »
Il s'installa à mes côtés, toujours en m'enlaçant :
« Ce n'est pas vraiment faux, que j'aie réussi à te séduire... »
Je le regardai de travers.
« Oui, bon, pour une femme, capitaine pirate, ça peut être compris comme un signe de faiblesse.
— Je ne sais pas quoi faire. J'ai toujours voulu me montrer forte et indépendante... et là, ils me retrouvent dans les bras d'un homme. Je n'avais jamais pensé à cet aspect de notre relation. Je suis perturbée.
— Neven, ma chérie, reprit-il en me serrant fermement contre lui. Je t'assure que chacun des membres de l'équipage t'estime pour qui tu es. Notre relation n'y changera rien.
— Mais imagine ! Si tu vois ta capitaine amoureuse, ce n'est plus la même chose ! »
Ses arguments qui étaient bons, moi qui cherchais à avoir raison d'une façon ou d'une autre.
« Je ne comprends pas pourquoi tu t'inquiètes autant. »
Je sentais un certain agacement dans sa voix.
« Ce n'est pas toi qui es capitaine, grognai-je en quittant les draps. »
Il me rattrapa et me serra contre lui :
« Tu ne passes pas autant de temps que moi avec les hommes, mais ils se doutent depuis un moment qu'il y a quelque chose entre nous, et ils aiment me charrier avec ça... et pourtant, ils n'ont jamais changé leur comportement vis-à-vis de toi. Alors arrête de t'inquiéter, ça va aller. Ce sera comme d'habitude, je t'assure. »
Il baisotait mes mâchoires.
« Tu es sûr ? soufflai-je en caressant sa joue.
— Certain.
— Bon... je te fais confiance, concédai-je en me nichant contre lui. »
Après un long baiser, nous décidâmes qu'il était temps de nous lever. Je fronçai les sourcils :
« Je n'ai rien pour m'habiller...
— Tu veux que je te ramène des vêtements de ta cabine ? »
J'imaginai Malaury se balader avec mes affaires dans les bras, avant de m'imaginer marcher en petite chemise, sans rien en-dessous. Je hochai vivement la tête et je lui précisai ce que je souhaitais.
Cinq minutes plus tard, il revint avec mes vêtements. Tandis que je m'habillais, il m'expliquait :
« C'est Mora qui m'a tout donné, elle était encore dans ta cabine, j'ai bien fait de toquer.
— Et les hommes ?
— On sera taquinés, ils ont bien compris qu'on s'aimait... mais ne t'en fais pas, personne n'a l'air mécontent par la nouvelle ou ne se moque de toi. »
Alors que je terminais de boutonner ma chemise, Malaury m'attira contre lui et m'embrassa du bout des lèvres :
« Tout va bien aller. On pourrait même faire une annonce pour mettre les choses au...
— Eh, oh, faut pas abuser, ronchonnai-je. »
Je m'écartai :
« Je voulais prendre mon temps avec toi, et tout se précipite de tous les côtés... donc, allons-y au moins un peu doucement pour ça, d'accord ? »
Et il n'était même pas encore au courant de ce qui grandissait peut-être dans mon ventre. Je ne savais comment aborder le sujet. Plus j'y pensais, plus je craignais qu'il ait peur. Et qu'il m'abandonne. Je comprendrais que cette potentialité – qui s'ancrait de plus en plus dans la réalité au fil des jours – l'effraie. En revanche, je ne supporterais pas qu'il s'éloigne à cause de cela.
Dois-je seulement lui en parler, après tout ? D'autant plus si je ne le garde pas...
Tout de même, si je suis enceinte, il est le père.
Il doit savoir.
Mais j'ai si peur qu'il m'abandonne...
Que, comme Darren, il ne suive pas...
La main de Malaury caressa ma tête, ébouriffant mes cheveux, et sa voix douce signée d'un sourire termina de me ramener à la réalité :
« On prendra le temps. »
Remontés sur le pont, on nous observait avec amusement en parlant à voix basse. Je partis directement dans ma cabine pour enfiler le reste de ma tenue, mais aussi pour voir ma sœur.
« Alors comme ça, on a été trouvée dans les bras de Malaury, ce matin ?
— Oh, tu ne vas pas t'y mettre ! grognai-je. »
La silhouette emmitouflée dans la couverture éclata de rire.
« Bon, toi qui as sans doute entendu ce qui se raconte... dis-moi tout. »
Je m'accroupis auprès de ma sœur qui baillait en s'étirant, le visage plutôt tiré.
« Ils trouvent que Malaury est bien chanceux, et ils supposent que la nuit n'a pas été de tout repos... »
Je levai l'œil au ciel.
« Ils ont tort ?
— Totalement, notre soirée a été des plus innocentes. »
Bien que mon désir ait pointé le bout de son nez...
« Sinon, beaucoup avaient hâte que vous sautiez le pas. Selon eux, ce n'était qu'une question de temps. Et du peu que j'ai entendu... ahah, le pauvre Malaury, tout le monde veut le questionner... »
Elle bâilla longuement et nicha son visage dans l'oreiller.
« Tu es fatiguée ? supposai-je.
— J'ai un peu trop bu, hier, avoua-t-elle. Je n'ai pas l'habitude, alors quatre verres de rhum... j'ai eu mal à la tête, j'ai mis du temps à m'endormir.
— Repose-toi aujourd'hui, d'accord ? souris-je tendrement. Je ne veux pas te voir travailler. »
Je lui ferais apporter le remède miracle contre la gueule de bois concocté par Mathurin.
« Neven, m'interpella-t-elle d'une voix pâteuse, reste un peu, s'il te plaît. Un petit moment. »
Je m'installai auprès d'elle. Elle me prit la main, la serrant avec précaution entre ses doigts.
« Tu vas continuer la piraterie, alors ? »
Je haussai un sourcil :
« Bien sûr. Je sais que la mer est dangereuse... mais j'y tiens trop pour m'en tenir éloignée. »
Ses yeux chocolat brillèrent. Ils étincelèrent tellement qu'un diamant coula le long de sa joue. Je le rattrapai et le séchai tendrement, caressant sa peau si douce par rapport à la mienne :
« Je ferai attention. Maintenant que je t'ai retrouvée, je ne te...
— Mais Neven, bredouilla-t-elle. J'ai tellement besoin de t'avoir près de moi... au moins une pause, supplia-t-elle, les larmes aux yeux. »
Je me laissai tomber à ses côtés et je l'enlaçai :
« Eh... calme-toi, soufflai-je à son oreille. Je vais faire attention. Là, tout de suite, la pause n'est pas possible.
— Mais j'ai peur... »
Ses mots me déchirèrent la poitrine. Je la serrai plus fort contre moi. Sur le point de la rassurer, elle développa :
« Je ne veux pas te perdre... pas encore... »
J'entendais, mais :
« Je ne peux pas faire de pause pour l'instant. Là, on est sur les traces de la couronne. Ça me permettrait de m'assurer la place de Souverain des Pirates, et...
— Et après, tu me diras que tu dois rester sur les mers le temps d'avoir le titre. Et dans six mois, tu me diras que tu viens d'avoir le titre, alors que tu dois montrer à tout le monde que tu es maître de Manéran. Et quelques mois plus tard, tu me diras qu'il y a un nouveau trésor à rechercher... et ça n'en finira jamais ! »
Elle me connaissait trop bien. J'en voulais toujours plus.
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