Chapitre 2
Les flammes crachent dans la cheminée. Je fixe Beren, les yeux écarquillés.
Que raconte-t-il ? S'il y avait eu menace de guerre, l'Union aurait fait des déclarations publiques ! Elle aurait entamé des négociations, elle aurait servi à quelque chose, elle...
« C'est une plaisanterie ?
À question stupide, réponse stupide.
— J'ai l'air de rigoler ? »
Non. Non, bien sûr qu'il ne rigole pas. Mais...
Mais si je ne me contentais pas de vagues rumeurs pour suivre la politique du Continent, les événements ne tomberaient sans doute pas du ciel.
J'inspire et redresse les épaules.
« Je t'écoute.
Beren me regarde, une ombre de sourire passe sur ses lèvres avant qu'il ne se tourne vers l'elfe.
— Je vais vous laisser le soin de lui exposer les faits, déclare-t-il d'un ton détaché.
Oh le...
— Depuis quelques temps, les conflits territoriaux et commerciaux se sont multipliés dans le Nord, annonce l'elfe d'une voix froide sans me laisser le temps d'ouvrir la bouche. L'assassinat récent du Dominant de la Meute du Nord par un elfe a précipité la menace de guerre. »
Le feu s'étouffe dans la cheminée, l'obscurité s'empare de la pièce. Je cherche mon souffle.
Par Tharsio Silvia... et il parle de "menace de guerre" ?! Si l'Union ne parvient pas à trouver un compromis, ce sera un véritable massacre ! Pourquoi les elfes ont-ils envoyé l'un des leurs tuer le Dominant du Nord ?! La hiérarchie est sacrée pour les loups, qu'est-ce qui a pu les pousser... Ah.
L'envoyé royal a parlé d'"un elfe". Un individu isolé. Où est passé le "représentant du peuple" octroyé d'ordinaire à toutes les Oreilles Pointues ?
« Laissez-moi deviner, lâché-je en croisant les bras, le dos droit. Il existe deux versions de l'histoire. La Meute du Nord a déclaré la guerre aux elfes à cause d'un crime qu'elle leur impute, et de leur côté, les elfes jurent par toutes leurs Fées qu'ils sont innocents. Je me trompe ?
Mon blasphème me vaut un regard réprobateur de la part de Beren.
— Félicitations, laisse tomber l'elfe d'un ton glacial.
Son accent lacère les mots.
— Vous avez résumé le conflit qui occupe l'Union depuis le 10 du mois de Temps.
J'ai l'impression de me prendre une gifle.
Le 10 du mois de Temps ? Et nous sommes... le 29 d'Artisanat ! Cinquante-quatre jours ! Cela fait cinquante-quatre jours que la guerre couve au Nord, sans même que je le sache !
Mes doigts caressent le manche de ma dague. Je redresse les épaules.
— Tu as enchaîné les missions ces derniers temps, déclare Beren, les mains jointes devant lui. Certains événements t'ont forcément échappé.
Il répond par un imperceptible hochement de tête à mon regard reconnaissant, puis poursuit, sans prêter attention à l'elfe :
— Les conflits territoriaux entre la Meute du Nord et le royaume de Fadren ont atteint dernièrement leur point culminant. Mais si les loups ont conclu une alliance militaire avec la Meute Blanche, les elfes peuvent compter sur le soutien des clans vampires de Noster.
Un léger sourire effleure mes lèvres. Toujours cette pointe de fierté dans la voix lorsqu'il parle des tribus nomades dont il est issu.
— Lorsque la querelle se limitait à des questions de frontières, aucun des deux partis n'avait donc intérêt à déclarer à la guerre à l'autre. Avec le meurtre du Dominant du Nord, toutefois, la prudence l'a brusquement cédé à la vengeance. Chacun s'est mis à aiguiser ses armes.
— Je m'en doute, mais cela n'explique pas sa présence, le coupé-je en désignant l'elfe d'un signe de tête. Ni pourquoi si peu de Neighians sont présents ce soir. Et l'Union a bien dû...
Le vampire lève une main.
— J'y viens, réplique-t-il avec calme. Le noeud du problème réside surtout dans les tensions qui s'exacerbent partout sur le Continent. Tu n'es pas sans savoir que les stygias de Pareh entretiennent des rapports... conflictuels avec la Meute Blanche. Lorsque celle-ci est entrée en guerre, ils ont sauté sur l'occasion et se sont rangés du côté des elfes.
Nouveau coup d'oeil reconnaissant. Si, j'étais sans savoir.
— D'un autre côté, les vampires du Tertre ont vu là une occasion de se venger de ceux de Noster et ont assuré les loups de leur soutien.
Un poids désagréable pèse sur mes entrailles.
Si la guerre explose, c'est tout le Continent qui se retrouve impliqué.
— Et Carnaïm s'est empressé de les imiter, conclut le vampire. J'ai besoin d'ajouter quelque chose ?
Mes épaules se raidissent. Dans l'âtre, le feu s'épanche un bref instant.
— Non, assuré-je avec un temps de retard. Le royaume le plus puissant du Continent qui prend parti, je vois ce que cela donne.
Beaucoup, beaucoup de sang. Et des négociations perdues d'avance pour les elfes. La voix de Carnaïm a force de loi à l'Union, depuis... depuis longtemps déjà.
Beren, les mains jointes sur son bureau, ne me quitte pas des yeux. Des yeux au fond desquels danse une lueur inhabituelle. Je fronce les sourcils. Cet éclat dans ses iris bleus, on dirait... de la nostalgie. Presque de la tristesse.
Que lui arrive-t-il ?
— Le Conseil de l'Union a entamé les négociations ? finis-je par interroger pour mettre un terme à cet examen.
Deux secondes. Puis le vampire relâche son attention pour la porter sur l'elfe, toujours assis dans son fauteuil.
— Le 21 de Temps, déclare celui-ci sans tourner la tête.
« Et vous devriez le savoir ! » hurle le dédain de sa voix.
Dans la cheminée, le feu gronde de plus belle. Mes doigts fourmillent.
Abreshk !
— Nous n'avons pas tous le loisir d'attendre derrière nos frontières que les événements se produisent, lâché-je entre mes dents.
Les mâchoires de l'elfe se crispent un bref instant.
— Heltia !
Penché par-dessus son bureau, Beren me lance un regard dur.
— Ce n'est pas le moment, déclare-t-il en dévoilant ses canines. Il y a en cours des affaires plus importantes que celle de ton ressentiment. Est-ce clair ?
Que mon ressentiment ?! Comme si lui-même leur pardonnait, comme si...
Chiasse de troll !
Les doigts sur le manche de ma dague, je défie quelques secondes le vampire avant de hocher la tête d'un geste raide. Beren maintient le contact visuel un instant encore, pour s'assurer que je tienne parole, puis se laisse aller contre le dossier de son siège en exhalant un vague soupir.
— Les négociations ont bien débuté, explique-t-il. La pacification du Nord a été confiée aux Neighians, d'où leur nombre restreint, et, jusqu'au 27 d'Artisanat, soit il y a deux jours, les délégations des loups et des elfes plaidaient leur cause devant l'Union. Comme tu l'as dit, la Meute du Nord affirme qu'il s'agit d'un attentat ordonné par le roi Leictor pour la déstabiliser tandis que les elfes certifient que le meurtrier était un Perverti et qu'il a agi seul. Et avant que tu protestes, ajoute-t-il en haussant le ton alors que j'ouvre la bouche, laisse-moi te rappeler que le Conseil a officiellement reconnu l'existence des Pervertis.
Je referme la bouche. Le feu ricane.
Ah tiens. L'Union aussi a fini par se cacher les yeux ?
Par Tharsio Silvia, c'est pathétique !
Quelqu'un a tué, vite, mettons le meurtre sur le dos d'une Ombre délétère qui transforme les êtres en monstres assoiffés de sang ! Jetons un voile de peur mystique sur le cadavre, en espérant qu'il ne s'imbibera pas de sang !
Encore des mensonges.
— Je croyais qu'on ne comptait pas d'elfes dans les rangs des pillards, lâché-je en appuyant sur mon dernier mot.
Beren ferme les yeux.
— Vous êtes mal informée, réplique l'envoyé royal. Plusieurs représentants de notre peuple ont récemment rejoint les Pervertis. »
Des étincelles s'égarent sur le sol de pierre dans un crépitement.
Sa manière de prononcer les mots, cette tension... lui n'y voit qu'une tache dans l'Histoire des Oreilles Pointues. Une désertion impardonnable.
Qu'en est-il de la catastrophe que cela représente pour le Continent ?!
Les Neighians peinent déjà à maintenir un semblant de paix depuis près de trois quart de siècle que les pillards ravagent le monde ! Toujours plus nombreux, toujours mieux armés, si les pouvoirs psychiques des elfes viennent s'ajouter à leurs troupes, la balance risque de s'effondrer pour de bon.
Beren m'adresse un regard sombre.
« Enfin, tu n'as pas tout à fait tort, déclare-t-il. Puisque jusqu'à un temps récent, Fadren était en effet épargné par l'Ombre, les loups refusent de croire au fait que le meurtrier ait été un Perverti.
Surprenant.
— Au vu de l'enjeu, et comme il s'agissait d'une parole contre une autre, le Conseil de l'Union a décidé que seule la vérité pourrait désamorcer la situation.
— Une résolution qui promet de faire avancer les choses, ironisé-je. Que projette-il ? De rester inefficace si l'une des deux parties ne cesse pas de mentir ?
— Il compte envoyer une délégation pour demander l'assistance des sirènes. »
Le feu s'étrangle.
Quoi ?!
Je me tourne vers l'elfe. Il plaisante ! Il plaisante forcément, il... il me renvoie mon regard avec un calme glacé.
Non. Non, c'est impossible. Les sirènes et la Forêt qui entoure leur Lac font l'objet de superstitions depuis que les peuples savent écrire ! L'Union ne remettrait jamais entre leurs mains le sort du Continent ! À moins... À moins de s'être affaiblie au point de n'avoir plus d'autre recours.
Je redresse les épaules.
« Une délégation formée de qui ?
Qui le Conseil pourrait-il charger de...
Par Tharsio Silvia !
— L'Union souhaite éviter que le bruit de cette mission se répande, répond Beren avec un regard perçant dans ma direction. Le nombre des négociateurs ne doit donc pas attirer l'attention. Il a été convenu qu'un elfe et un Neighian voyageront jusqu'au Lac.
Nouveau regard appuyé. Les flammes crachotent dans la cheminée. Je redresse les épaules.
— Les loups ont donc choisi de se fier à la parole de leurs honorables adversaires ? Comme c'est noble de leur part !
Beren pince les lèvres. Touché.
— La Meute du Nord n'a pas apprécié la proposition de l'Union... commence-t-il d'un ton las. Ses représentants ont quitté Cytari dans la nuit du 27. D'après nos informateurs, ils ont l'intention de retrouver directement l'elfe coupable du meurtre de leur Dominant pour le faire parler.
Et lui faire dire ce qu'ils souhaitent.
Donc en plus des pillards, en plus des sirènes, il faut défier le temps. Atteindre le Lac avant que les loups n'aient mis la main sur le meurtrier. Témoigner avant qu'ils ne fassent parler leur haine.
L'atmosphère du bureau s'épaissit. Je jette un regard à la carte, où la masse sombre de la Forêt du Lac reflète la lueur du feu. On dirait une tache de sang.
— Et tu voudrais que je m'en charge... murmuré-je.
Du coin de l'oeil, je vois mon chef échanger un bref regard avec l'elfe, puis hocher la tête.
— Oui. Il me faut un Neighian qui puisse garantir l'impartialité du jugement.
Je réprime un rictus.
Un Neighian qui puisse résister aux pressions extérieures, oui ! Et comme lesdites pressions se résument à la présence d'un elfe... j'étais la plus indiquée, n'est-ce pas, Beren ?
Mes doigts effleurent le manche de ma dague.
Si cette mission échoue, le Continent tout entier, déjà exsangue, se retrouvera plongé dans le chaos. Et il veut me mettre cela sur les épaules.
Une fontaine aux eaux rougies se dessine dans mon esprit.
Je ne peux pas.
— Rien ne vous oblige à accepter si vous ne vous en sentez pas capable.
Les flammes mugissent, je pivote vers l'elfe, assis dans son fauteuil, les mains posés sur les accoudoirs.La douleur s'est lovée dans mes avant-bras..
Comment ose-t-il, cet abreshk ?!
— Pas capable de quoi ? sifflé-je tandis que des ombres orangées partent à l'assaut des murs. De traverser le Continent ? De faire face aux pillards ? D'assumer mes responsabilités ?! Prenez garde à ne pas inverser les rôles !
Je n'attends pas qu'il ait répliqué pour me tourner vers Beren.
— Tu m'indiques l'itinéraire ?
Une expression de soulagement passe sur les traits du vampire, et un sourire dévoile ses canines. D'un mouvement souple, il repousse son fauteuil, déplie sa silhouette moulée de noir. Malgré les centimètres qu'il me rend, l'espace de la pièce semble se réduire tandis qu'il contourne son bureau pour s'approcher de la carte.
— Vous devez vous rendre à Tonoka avant de gagner le Lac, déclare-t-il en posant un doigt calleux sur le parchemin. Un guide vous y attendra, qui vous aidera à traverser la Forêt.
J'esquisse un rictus.
Ben voyons !
— Un Dernier Visage ? L'Union s'est mise en frais !
Le vampire secoue la tête, sans quitter la carte des yeux.
— J'ai employé le mot guide à dessein, Heltia. Il affirme n'avoir jamais conduit personne jusqu'au Lac, bien qu'il s'en soit approché plusieurs fois, et exige de surcroît une rétribution modeste.
Dans ce cas, vu les rumeurs qui courent sur la Forêt, il est soit sourd, soit idiot.
— Vous passerez par la plaine des Bastides pour atteindre Tonoka, poursuit Beren en faisant glisser son doigt sur la carte. À partir de là, ce sera au guide de vous choisir le meilleur chemin jusqu'au Lac.
Et de rattraper le temps qu'il nous aura fait perdre en allant le rejoindre.
— Et les sirènes ? interrogé-je. Je suppose que le Conseil a quelque chose à offrir en échange de leur coopération.
Cette fois, Beren daigne se tourner vers moi, la mine grave. Une lueur de non-dit trouble son regard pâle.
— L'Union... a rassemblé des objets d'orfèvrerie qui sont pour l'instant conservés au sein du Conseil, déclare-t-il avec lenteur.
Et... ?
Le regard de Beren reste fixé sur moi, comme s'il espérait me faire comprendre quelque chose qu'il ne pouvait dire à haute voix. Je hausse un sourcil, un infime soupir soulève la poitrine du vampire. Il tourne la tête vers l'elfe, dont les yeux voyagent entre mon visage et celui de mon chef. Dans ce regard, plus trace de désintérêt. À la place, une attention fixe, implacable. Tranchante.
Je me force à ne pas ciller.
— Vous partez demain à six heures, déclare Beren à l'adresse de l'elfe. Votre rendez-vous est fixé sur la Place aux Stries. Je vous suggère d'aller récupérer vos forces, messire.
On pourrait croire que ledit sire n'a pas entendu, tant son visage reste figé. Pas un tressaillement, pas une crispation. Seuls deux iris, deux tourbillons de feuilles mortes qui vont et viennent avec intensité. Puis, Oreilles Pointues récupère ses bras posés sur les accoudoirs et se lève. Je marque un temps.
Quelques centimètres au-dessus des miennes, des épaules larges, surmontées d'une cape blanche aux bordures de fourrure noire, dominent un torse compact. Les muscles des jambes se devinent sous le tissu amidonné du pantalon. Carrure de combattant.
Depuis quand les elfes s'entraînent-ils à l'affrontement physique ?
— Soyez à l'heure, lance Oreilles Pointues sans m'accorder un regard. »
Et, avant que j'aie pu rétorquer, il nous tourne le dos pour se diriger vers la porte d'un pas maîtrisé. Le battant s'est refermé derrière lui depuis plusieurs secondes déjà lorsque la cheminée cesse de cracher des étincelles. Un rictus tord mes lèvres alors que je lance un regard à Beren.
« J'ai rêvé, ou tu lui as donné du "messire" ?
Le vampire ne se détourne pas assez vite pour masquer son sourire.
— Je vais te surprendre, répond-il en s'avançant vers la fenêtre, les mains derrière le dos, mais certaines personnes respectent encore les conventions...
Je balaye la remarque d'un geste de la main.
— C'est un elfe.
— C'est ton compagnon, rectifie mon chef sans se retourner. Et un envoyé royal, de surcroît. Inutile de préciser que, par les temps qui courent, l'Union se passerait volontiers d'un incident diplomatique.
La mâchoire m'en tombe.
Se fout-il de moi ?!
— Alors pourquoi me confier la mission ?! lancé-je en contournant le bureau. Si tu désires vraiment la bonne entente, il y a plus indiqué que moi et tu le sais ! Pourquoi tu...
— Parce que j'ai confiance en toi.
Les yeux de Beren agrippent les miens. Sincères. Troublés mais sincères. À la frontière de mon esprit, les flammes s'agitent. La fontaine et son écume pourpre surgissent dans mon esprit. Je détourne le regard.
— Dis surtout que tu souhaites te débarrasser de moi !
— Aussi.
Je jette un coup d'oeil à mon chef. Mains derrière le dos, il contemple la nuit et la flaque de clarté que jette le feu de la Tour aux Effluves avec un air soucieux.
— Bon, crache le morceau.
Les yeux toujours perdus dans l'obscurité, mon chef étouffe un léger rire.
— Quand as-tu appris à me connaître aussi bien ? murmure-t-il.
Il esquisse un bref sourire, secoue la tête puis se tourne vers moi.
— Tu dois savoir que, si l'Union a effectivement rassemblé les plus beaux bijoux et ornements qu'elle ait pu trouver dans l'espoir de contenter les sirènes, l'Oublié qui représente ces dernières au Conseil a refusé d'indiquer quels présents convaincraient à coup sûr ses maîtresses de parler. En d'autres termes, nous n'avons aucune garantie que les offrandes qui vous sont données suffisent.
Une main de fer se referme sur mes entrailles. Dans la cheminée, les flammes consument ce qu'il leur reste de bois dans un grondement.
"Mais le récit, d'orgueil et de mensonges empli,
Les dames du Lac ni leur savoir ne satisfit.
Et l'on vit sous les reflets changeants disparaître
Le conteur aux grandes épopées, jadis maître
De son destin, désormais servant et oublié,
Aux obscures eaux du Lac à jamais enchaîné."
Les derniers vers du Conteur aux pas d'étoile, surgis de ma mémoire, résonnent comme une condamnation. Mes doigts effleurent le pommeau de ma dague.
— La perspective d'un séjour éternel au fond d'une mare... J'avais déjà accepté la mission, tu sais ? Inutile de lui trouver encore des arguments "pour".
Mon ironie glisse comme de l'eau sur l'expression grave du vampire.
— Rien ne nous permet d'affirmer que les sirènes refuseront ce que vous leur offrirez, poursuit-il, mais le cas échéant...
Il marque un temps. J'inspire.
Le cas échéant, les dames du Lac entraîneront celui ou celle qui a requis leur savoir sous les eaux du Lac.
— ...le cas échéant, je te demande de ne pas oublier que tu es la seule personne indispensable à cette mission.
Je tourne la tête vers Beren. Il me dévisage avec gravité, mais sans regret. Sacrifier la vie d'un elfe pour payer une réponse qui préservera le Continent de la guerre. Au vu de sa longévité, le prix doit lui paraître bien léger. Et moi...
Je redresse les épaules.
— Je ferai ce qui doit être fait.
Beren hoche la tête sans me quitter du regard, et j'ai de nouveau l'impression qu'il voudrait m'en dire plus.
— Je sais.
Un instant, il hésite, puis :
— Alors ouvre l'oeil. Quoi que tu en penses, les Pervertis se multiplient, et la peur des peuples se change en panique. Ces tensions, cette guerre qui menace d'éclater... Il se passe quelque chose de grave.
Il jette un rapide coup d'oeil à la porte.
— Reste toujours sur tes gardes et ne fais confiance à personne. Personne.
Le feu s'agite, mes doigts effleurent ma dague, j'ouvre la bouche.
Que veut-il dire ? Que...
Il ne me laisse pas le temps de formuler la moindre question et tire un tiroir de son bureau.
— Afin de couvrir les frais du voyage, dit-il en me tendant une bourse rebondie.
— Beren...
— Et ton ordre de mission.
Il me glisse le réticule dans la main, et le rouleau de parchemin d'où pend le sceau neighian. Envolée, la tension qu'avait trahie sa voix. Ne restent que ses traits marqués par l'expérience, que cette impression d'immuable. Peut-être l'ai-je imaginée.
Une main à mon coeur, l'autre à ma tempe en réponse à son salut, et je me dirige vers la porte.
— Heltia.
Les doigts sur la poignée, je tourne la tête. Debout derrière son bureau, sa silhouette découpée sur l'obscurité de la fenêtre, Beren me dévisage avec intensité.
— Fais attention à toi. »
Ses cheveux blond pâle qui lui tombent sur le front, le pli sous sa lèvre, et cette cicatrice, sur son sourcil droit.
Je voudrais lui sourire, lui dire que tout ira bien. À la place, je hoche la tête et tourne la poignée.
Le feu meurt dans l'âtre lorsque je referme la porte.
Hey,
Ça promet pour la suite de l'aventure, n'est-ce pas ? La collaboration risque d'être compliquée.
J'espère que ce chapitre vous a plu et je vous dis à bientôt, enfin plus tôt que d'habitude, pour un texte intercalaire :) En attendant,
Une santé de licorne et un sourire de cochon d'Inde
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