Chapitre 17 - Isalys
Lorsque je me réveille le lendemain matin, ma première réaction est de me demander à qui appartient ce bras en travers de ma taille. Je ne me souviens de ma soirée de la veille uniquement quand je tourne la tête vers Blake. Allongé à côté de moi, Blake finit tranquillement sa nuit. Après avoir quitté le bal, nous sommes retournés dans la mer et avons nagé jusqu'à l'endroit où nous nous retrouvions avant, une cabane abandonnée au beau milieu de la Grotte aux Merveilles. Il n'y a que les membres de la famille royale qui y ont accès et c'est le seul endroit où ma mère n'a jamais réussi à nous retrouver. Je souris devant sa mine endormie et essaie de me dégager de son étreinte et des draps en soie sans le réveiller. J'enroule mon corps à peine couvert dans une couverture qui est tombée par terre pendant nos ébats cette nuit et sort de la petite cabane en bois.
Le sable vient à la rencontre de mes pieds nus dès lors que je franchis le pas de la porte et je m'approche de la mer pour essayer de déterminer l'heure qu'il est actuellement. Au fil du temps passé ici, j'ai réussi à pouvoir trouver l'heure qu'il est grâce à la chaleur de l'eau. Sur le chemin, je lève les yeux vers le plafond de la grotte. Une lueur bleue est omniprésente dans la caverne grâce aux nombreux joyaux de la couronne qui se trouvent ici. La plupart sont bleus, semblables à des saphirs puisque normalement, c'est ici qu'est cachée ma gemme de prospérité lorsqu'elle n'est pas accrochée à ma bague. Elle est appelée Grotte aux Merveilles puisque c'est la seule grotte sous-marines de la planète à avoir une poche d'elle, et donc la seule à pouvoir conserver les trésors de ma famille.
Arrivée au bord de l'eau, je m'accroupie pour plonger ma main dans l'eau. Selon mes estimations profondément scientifiques, le soleil ne devrait pas tarder à se lever. Il va falloir que je retourne vite au palais sinon ma mère ne va finir par se douter de quelque chose. Si ce n'est pas déjà le cas. Soupirant, je me redresse et me perds dans mes pensées en fixant la mer. J'ai fait croire à tout le monde que je ne me sentais pas bien pour pouvoir rejoindre Blake et je suis presque certaine que dès que je mettrai les pieds dans les couloirs du palais, les serviteurs me tomberont dessus pour m'emmener voir les médecins. Ou alors ma mère devinera directement où je suis passée et elle va me détruire. Vivement que je devienne Diamante. Je n'aurais plus besoin de faire attention à elle quand je voudrais aller voir Blake. Qui sait, je pourrais peut-être même ne plus être obligée de me cacher. Enfin, quand les mentalités auront évoluées.
Je suis sortie de mes pensées par des mains puissantes qui se posent sur mes épaules et par un souffle sur ma nuque. Prise par surprise, je sursaute avant de me souvenir que nous ne sommes que deux dans cette grotte.
— Je t'ai fait peur ? demande-t-il en rigolant.
— Non, j'étais simplement pensive, je réponds en souriant. Je vais devoir y aller. Ma femme de chambre en devrait pas tarder à aller me réveiller. Ma mère va me tuer si elle découvre que j'ai dormi dehors. Et toi aussi par la même occasion.
— Elle ne me fait pas peur.
Levant les yeux au ciel, je me tourne vers lui en passant mes bras autour de son cou. Si sa mère n'était pas aussi connue dans le système planétaire, il serait déjà mort. Il a déjà eu du mal à s'en sortir la seule et unique fois où elle nous a surpris ensemble. Enfin bon, elle m'avait entendu lui dire que je l'aimais et j'ai eu la mauvaise idée de lui répondre que j'étais sincère quand elle m'a demandé si je me fichais de lui. C'est un peu de ma faute aussi.
— Pourtant tu devrais avoir peur d'elle. Même moi j'essaie de ne pas la mettre en colère.
— Et c'est exactement pour cette raison que tu te trouves ici avec moi alors qu'elle t'as formellement interdit de me revoir.
L'étincelle rieuse que je perçois dans son regard m'exaspère. Il n'est pourtant pas idiot, il sait très bien ce qu'il va lui arriver si ma mère se rend compte qu'on ne lui a pas obéit. Puis je réalise que je suis aussi fautive que lui. C'est peut-être lui qui est à l'initiative de nos quelques rendez-vous secrets mais c'est moi qui les acceptent à chaque fois. Je le mets autant en danger qu'il ne s'y met lui-même même si je continue à coucher avec d'autres pour ne pas éveiller les soupçons de ma mère. Je grimace à cette idée. Je déteste ça.
— Je plaisante, ne fais pas cette tête Isa. Même si tu es mignonne quand tu boudes, je préfère quand tu souris.
— Je ne boude pas, levé-je les yeux au ciel. Je dois y aller.
— On se revoit avant que tu retournes sur la plante artificielle ?
Non, c'est trop dangereux. Comme s'il comprenait le schéma de pensées qui vient de me traverser l'esprit, il soupire avant de se pencher vers moi pour m'embrasser. Sachant que ça ne sert à rien qu'il ajoute quelque chose, il me laisse retourner à la cabine pour que je puisse m'habiller. Quand je me suis éloignée de quelques pas, je me retourne pour le voir fixer le même point que moi il y a quelques minutes.
— Quand je serai revenue de l'Ambassade et devenue Diamante, on pourra se voir plus souvent.
— Non, tu seras bien trop occupée avec tes devoirs de dirigeante pour pouvoir m'accorder du temps. Ne me regarde pas comme ça, je savais à quoi je m'engageais en sortant avec toi Isalys.
Dans ses yeux, je peux voir des éclats de tristesse qui me font mal au cœur.
— Non, quand je serai Diamante, tout sera différent. Je te le promets.
***
Nageant à travers la cité royale, je fais le tour de la ville en saluant les sirènes que je croise au passage. J'entre dans quelques boutiques, comme si c'était le jour de ma visite annuelle. J'ai renoncé à rentrer en douce au palais terrestre quand j'ai vu que le soleil était déjà levé et que je n'arriverais pas à passer inaperçue. J'ai tout juste eu le temps de passer dans le palais sous-marins pour changer de vêtements avant que la cité ne se réveille. Cette situation m'arrange tout de même un minimum. Blake doit être de retour chez sa mère et de nombreuses sirènes pourront dire que j'étais en ville de bonne heure, elle ne se doutera jamais de la personne avec qui j'ai passé la nuit. Alors que je sors d'une petite épicerie où je me suis acheté une brioche à la farine de corail, une escorte entière de garde s'avance vers moi, venant de la surface. Ma mère a envoyé la cavalerie on dirait. J'agite ma queue de sirène pour les rejoindre, pensant savoir ce qu'il vont me dire. Que je n'ai pas le droit de me promener seule et sans escorte surtout si je n'ai prévenu personne de ma sortie, d'autant plus que je suis censée être malade depuis la veille.
— Cristalia Isalys, m'interpelle une soldate. Nous vous cherchions. Vous devez nous suivre, et vite.
Il s'agit de la seule sirène qui me regarde. Toutes les autres soldates regardent autour de nous comme si elles avaient un kraken aux trousses. Certaines vont rejoindre le quartier résidentiel et je peux les voir parler aux habitantes, qui rentrent chez elles dès qu'elles ont fini leur discussion. J'ai vaguement l'impression que le problème n'est pas seulement ma petite sortie improvisée. Je dois mettre les choses au clair.
— Vous ne trouvez pas que tout ceci est légèrement exagéré ? demandé-je. Je suis juste sortie aux aurores, pourquoi ordonner un confinement aux sirènes de la haute société ? Vous êtes dans l'abus mesdemoiselles.
Je vois qu'elle hésite à me répondre et après un signe de tête d'une de ses camarades et un coup d'œil pour vérifier que personne ne peut nous entendre, elle se décide enfin à me répondre.
— La Sucesseur Freya et son fiancé Iagan ont disparu lors du bal d'hier soir. Ils sont introuvables depuis et notre Diamante, votre mère, nous a ordonné de venir vous chercher pour vous ramener au palais terrestre.
A la mention de la disparition des deux iclyens, je manque de m'étouffer avec ma brioche. Il fallait vraiment que ça arrive sur ma planète ? Ils auraient quand même pu attendre la prochaine visite pour faire une escapade en amoureux à durée indéterminée. Ils me font de la mauvaise publicité.
— Pourquoi tant de précautions ? Ils sont fiancés, ils sont peut-être juste partis faire une petite balade ensemble et se sont endormis. Pas la peine d'en faire toute une histoire.
— Nous avons fait le tour de l'île. Ils ne sont nuls part.
Voilà qui explique pourquoi ils sont inquiets. Il est parfaitement impossible qu'ils soient partis de leur plein gré. Ils auraient dû nager pendant des heures pour atteindre l'île qui nous sert de hangar et ils n'avaient aucunes raisons de vouloir partir.
— Comment avez-vous su où me trouver ?
— Votre mère s'est rappelée vous avoir dit de venir en ville aujourd'hui. Elle a espéré que vous l'aviez écoutée et que vous étiez en ville. La porte de votre chambre a été retrouvée forcée par vos gardes du corps.
Hochant la tête, je bats des nageoires pour remonter à la surface. Je ne vais pas laisser ma mère gérer cette histoire. Il faut que je montre que je suis assez forte pour diriger. Je prends à peine le temps d'attendre que ma nageoire laisse place à des jambes et sors de l'eau pour entrer dans le palais. Devant ma démarche pressée et déterminée, toutes les nymphes et les personnes qui me disent être heureuse de me voir saine et sauve se taisent et me laissent passer sans me déranger. Dès que j'entre dans la salle du trône, ma mère congédie ses dames de compagnie. Les portes se sont à peine refermées et nous sommes à peine seules dans la pièce qu'elle se lève et s'élance vers moi pour me prendre dans ses bras. Surprise, je la laisse faire et cligne des yeux pour être sûre de ne pas être en train de rêver. Ma mère qui me déteste me fait un câlin ? Les océans d'Atlantia vont geler. Quand elle me relâche, elle me prend la main où se trouve ma bague avec la gemme de prospérité et soupire de soulagement.
— Je suis contente de voir que tu vas bien.
— Tu es contente pour moi ou ma bague ? la questionné-je.
Ma question lui fait lever les yeux au ciel.
— Ne fais pas l'enfant Isalys. Bien sûr que je m'inquiète pour toi, où étais-tu passée ? En fait non, ne me le dis pas. Tu étais avec le fils de la sirèniste. Tu as bien de la chance que cette transgression à mes règles t'ai sauvé la vie sinon j'aurais déjà donné l'ordre de le faire exécuter. Nous discuterons de ça plus tard.
Cette fois, c'est à mon tour de lever les yeux au ciel. Elle ne changera donc jamais. Je vois qu'elle s'apprête à me dire quelque chose quand la porte s'ouvre brusquement sur une Nova à bord de la crise de nerfs. Enfin, son visage est totalement impassible, il est difficile de savoir ce qu'elle pense. Je sais qu'elle est inquiète uniquement grâce à ses doigts qu'elle tapote contre sa cuisse. Lorcan la suit de prêt, essoufflé comme s'il lui avait couru après.
— Alors, vous avez des nouvelles ?
— Notre équipe de recherches est en train de ratisser le secteur. Ils seront bientôt retrouvés, lui répond ma mère.
Il ne faut pas être un devin pour comprendre que cette réponse ne lui convient pas. Elle sert frénétiquement les poings, sous doute à deux doigts de partir à la recherche de Freya toute seule. Son comportement me paraît d'ailleurs étrange. Les deux filles s'évitent depuis plus d'une semaine et Nova a l'air sur le point de faire une crise d'angoisse suite à la disparition de son amie. Sont-elles vraiment amies d'ailleurs ? Quand elle remarque que je l'observe, elle me fusille du regard. Elle s'apprête à sortir de la pièce quand une soldate entre dans la salle du trône, en sueur et le visage grave.
— Nous les avons retrouvés.
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