« On a tous des choses dont on évite de parler », Auteur inconnu.

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J'ai à peine le temps de rétorquer quoi que ce soit, qu'AR sort en furie de la salle, Danielle et Steph sur les talons. Rochelle et Mau sortent de l'amphi par la sortie opposée et il ne reste plus que Joyce, Gaia, Elana, Lau et moi.

Je me tourne vers Elana, elle est blanche comme un linge et malgré la distance, je peux sentir qu'elle est crispée. Lau lui parle tout bas mais cette dernière ne réagit pas.

- Gillian, m'appelle Joyce et je me retourne vers elle. Cette dernière a l 'air tout aussi tendue et ses sourcils froncés lui donnent un air sévère, que voulait dire AR ? , continue-t-elle.

C'est à mon tour de froncer les sourcils, puis de regarder Gaia qui a l'air plus perdue qu'autre chose. Est-ce qu'elles pensent réellement que je mens ? Et même si c'est le cas pourquoi ça a autant l'air d'énerver Joyce ?

Je hausse les épaules.

- Je ne sais pas, dis-je.

- Comment ça tu ne sais pas ? Pourquoi AR était aussi furieuse ?

- Pourquoi ça t'intéresse ?, soufflés-je agacée par cet entêtement.

- Mais parce qu'on est toutes punies.

- Et ce n'est pas à cause de moi.

- Oui mais elle t'accuse de quelque chose.

- De quelque chose dont je ne suis pas au courant Joyce !

- Tu as forcément fait quelque chose.

- C'est quoi ton problème ?, m'exclamé-je

- Mon problème est que tu mens !

- Les filles, s'immisce Gaia mais aucune de nous ne lui porte attention.

- Moi je mens ?, ris-je incrédule. Pourquoi subitement elles se mettent en tête que je mens à propos de quelque chose ? D'abord AR et ensuite elle.

Joyce plisse des yeux comme si elle réfléchissait à quelque chose puis ses pupilles s'illuminent. Elle pince des lèvres, se redresse et dans cette posture, je remarque celle qu'elle a l'habitude d'adopter avant chaque joute avec AR.

- Bien sûr que tu caches quelque chose. Sinon comment expliques-tu que depuis tout ce temps tu ne connaisses pas ton jeu ?

J'ai instantanément une boule dans la gorge. Ma poitrine se resserre et je recule d'un pas la regardant de haut bas, puis je plonge mon regard dans le sien. Elle a l'air désolé, mais c'est trop tard. Le mal est déjà fait.

- Ça c'est vraiment un coup bas, commencé-je. Gaia ouvre la bouche pour intervenir mais je la coupe, vous avez de très gros problèmes. Lesquels ? Je ne sais pas. Mais au lieu de les régler vous rejeter la faute sur moi. Pour quelles raisons ? Je n'en sais rien et franchement je m'en contre fous. Mais s'il y a une menteuse ici ce n'est pas moi ! Tu étais où hier dans la nuit vers 3 heures du matin ? Parce que c'est drôle, j'avais des insomnies et à mon réveil t'étais pas là. Je t'ai cherchée mais je ne t'ai pas trouvée. T'étais où ?

Joyce ne répond pas, elle est livide. Gaia nous fixe sans comprendre et moi je suis au bord de la nausée tant je suis furieuse et blessée.

- Tu vois ?, fais-je hargneusement, ce n'est pas moi la cachotière ici et qui ait des trucs à se reprocher, alors n'ose plus jamais m'accuser de quoi ce soit, craché-je hargneusement avant de m'en aller sans attendre sa réponse.

********

Lorsque je suis rentrée au QG je n'ai trouvé personne au salon et j'avoue que ça m'a soulagé. Peu de temps après, j'ai entendu les autres s'activer à l'extérieur mais je ne suis pas sortie. Je suis restée cloîtrée tout l'après-midi dans ma chambre. La dernière chose dont j'ai envie, c'est d'une énième confrontation avec AR, parce qu'après ce qui c'est passé dans l'amphi avec Joyce ça m'étonnerait qu'elle s'aventure de nouveau sur ce terrain avec moi.

J'avais prévu de lui parler de cette nuit en privé, mais lorsqu'elle a osé aborder le sujet de mon jeu, voire même « se moquer » de moi, j'ai vu rouge. Juste en y repensant j'ai encore une rage sourde qui me dévore la poitrine. Il y a comme un sentiment de « rébellion » qui m'anime, je ne sais pas pourquoi mais j'ai comme l'impression d'aller dans un contre-sens.

Est-ce que c'est parce que je ne connais pas mon jeu ? Est ce que ça fait de moi une cible facile ? Parce que je ne suis pas comme elles ?

Soupirant je me redresse sur mon lit et regarde le ciel translucide à l'extérieur. Ma thèse ne tient pas la route, si je prends compte du fait qu'AR a également accusé Elana de mensonges. Cependant Elana est une joueuse au jeu hors-pair et elle est de surcroît une princesse.

Ecoutes.

Je ne bouge pas à l'entente de la voix. Je ne sais pas pourquoi, mais contrairement aux autres fois je ne réagis pas à son appel. En général quand elle me parle, je suis prise comme d'une drôle de panique froide. Mais là, maintenant, je ne ressens rien. C'est comme si c'était l'écho de mon propre esprit, mais avec un son différent.

Je me sens blasée, toutefois mon cerveau marche à cent à l'heure. Qu'est-ce que la voix veut que j'écoute ?

AR et Joyce me traitant de menteuse ?

Gabin me disant qu'il ne veut plus que l'on soit amis ?

Les paroles d'Ella la nuit du camping ? Où celles d'AR envers Elana ?

Je ne sais pas pourquoi alors à ce moment, je fais un arrêt sur cette partie.

AR a dit quelque chose à Elana la nuit du camping quand elles se disputaient :

« J'ai tout vu »

Je ne peux m'empêcher d'acquiescer et de me lever de mon lit de faire les cents pas. Je finis par aller m'accoster près de ma fenêtre le regard fixé sur le terrain de sport mais aussi sur l'entrée de la forêt.

S'il y a avait une lampe dans ma tête, elle s'allumerait très certainement parce que voilà : c'est comme une évidence. AR a dit à Elana cette nuit là : « j'ai tout vu ». Et si je fouille bien dans ma mémoire, le jeu d'AR est de pouvoir pénétrer dans le passé ou plutôt le secret des gens en les touchant. Est-ce que c'est ce qu'elle a fait lorsqu'elle a poussé Elana ? Elle est allée fouiller dans ses secrets ? Et elle aurait peut être découvert quelque chose de grave ou de compromettant pour elle ?

Un nœud se forme soudainement dans mon estomac.

Je ne le réalise que maintenant et mon esprit fait un lien très rapide : depuis sa dispute avec Ella, AR a l'air de vouer à présent une haine profonde envers les garous. Et si elle m'avait frôlé ou quelque chose comme ça et avait alors entrevue des souvenirs de Gabin dans mon esprit ?

Ce serait peut être ça ! Le mensonge ! Elle l'a prit comme une trahison !

Si je pouvais je crierais Eurêka, alors qu'une espèce de soulagement réchauffe ma poitrine. Je vais aller la voir plus tard et la confronter pour lui dire qu'il n'y a plus rien entre nous à présent.

A cette pensée je me sens tout à coup abattue, mais ce ressenti est très vite mélangé à la curiosité lorsque de l'entrée de la forêt j'en vois sortir un groupe de garçons, qui selon moi sont des garous vu leur nombre.

Le plus étrange c'est qu'ils sont tous torses nus. Je me colle un peu plus à la vitre, quoi que pas pour mieux les admirer mais parce qu'ils traversent le terrain en forme de cercle et au milieu se trouve deux garçons et la tête de l'un d'eux est recouverte de sang.

Choquée je fais un pas en arrière. La bile me monte à la gorge et d'une curiosité morbide je me colle de nouveau à la fenêtre et je sursaute lorsque mon regard rencontre les yeux noirs de Gabin fixant ma fenêtre.

Je déglutis difficilement, néanmoins je suis incapable de me détourner de lui. Il est aussi torse nu, et je me sens rougir alors que mes yeux suivent les lignes parfaitement dessinés de son buste, et son jean descendant légèrement sur ses hanches.

Un malaise soudain me prend et j'ai une légère tension à l'estomac. Honteuse, troublée je quitte furieusement la fenêtre avant de rejoindre de nouveau mon lit.

Je chasse toutes les réflexions à propos d'AR et Joyce et seules les images du torse de Gabin et du garçon blessé flottent dans mon esprit.

Une espèce de frisson à la fois doux et brutal me prend, puis je sens mon estomac se retourner brusquement. J'ai juste le temps de me lever du lit que je chancéle aussitôt vers le sol et dégurgite mon repas.