Chapitre 25
« Lorsque nos intentions sont égoïstes , le fait que nos actes puissent paraître bons ne garantit pas qu'ils le sont », de Dalai Lama
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Le reste du temps qu'AR et moi passons ensemble, cette dernière ne me reparle pas. Moi non plus d'ailleurs. Tout ce qu'elle a pu me dire ne fait que cogiter incessamment dans mon esprit alors que ça ne devrait pas être le cas.
Je veux dire qu'est ce qu'il y a d'anormal à avoir sa propre langue ? Rien du tout !
Et pourtant ça me « tilt », et me « dérange ». Nous avons la nôtre mais contrairement à eux, ils la comprennent eux aussi. Alors pour moi en plus d'être une minorité nous sommes les plus « vulnérables ». Notre langage est commun au leur alors qu'ils en ont une seconde qui nous est inconnue.
Ce n'est tout simplement... pas juste.
Et qu'est ce qu'elle a voulu dire en me demandant si nous étions vraiment les premiers étudiants ? Pourquoi est ce qu'elle doute soudainement de leur parole alors que dès la première semaine elle disait que Dom c'était chez nous ?
Se pourrait-il qu'elle ait des preuves ?
Est-ce que la voix lui aurait-elle parlé aussi ou quelque chose du même genre peut être ? Ça me titille vraiment par ce que si c'est le cas, j'aimerais savoir ce qu'elle lui a dit car jusqu'à maintenant elle ne m'avait rien communiqué de plus que mon prénom.
Je la regarde de nouveau, mais AR a les yeux perdus dans le vide. Si je veux des réponses, il faut que je patiente parce que pour le moment je ne crois pas qu'elle soit apte à me répondre.
**
Après avoir servis les autres années, les filles viennent s'installer sur les sacs nous entourant, nous donnant nos plats. Je savoure ma nourriture tout en lorgnant Mau qui est arrêtée près du feu discutant avec Adam. Je dirige mon regard ensuite sur les garous. Ces derniers sont couchés et par ce qu'est entrain de dire Elana j'apprends qu'ils n'ont pas touchés à ce qu'on leur a servis.
- C'est un vrai manque de respect, dit Elana d'une voix méprisante en secouant la tête. Puis elle reprend
- Dame Elona nous a demandé de bien nous comporter, ce que nous asseyons de faire, (elle regarde AR), cependant on ne peut pas le faire si les autres n'y mettent un peu de bonne volonté.
- Peut être qu'ils ne mangent que la viande crue
- C'est un mythe Steph, lui répond la princesse. Stéphanie hausse les épaules comme pour s'excuser.
- Ce qui est sûr c'est qu'ils ne veulent pas manger, dit alors Danielle. Elana soupire et regarde vers le feu.
- Le pire est que même s'ils se comportent mal , il n'y aura aucune conséquences à leurs actes, alors que nous, nous sommes obligées d'être correctes sinon nous serons punies.
AR ricane.
Un silence s'en suit, et seules les conversations environnantes nous bercent. Je continue de manger savourant chaque bouchée. Les filles s'allongent, il n'y a qu'Elana, AR et moi qui restons assises. Avec tout ce qui s'est passé auparavant je ne m'étais pas rendue compte à quel point j'avais faim.
- En fait qu'est ce qui c'est passé avec la garou AR ?, finit par demander Danielle.
Je jubile intérieurement parce que je n'aurais pas osé poser la question moi-même ou du moins pas ce soir. Je regarde AR du coin de l'œil. Elle a l'air beaucoup moins amorphe qu'en début de soirée quand je suis venue la rejoindre.
Cette dernière passe une main sur son front, se redresse et soupire.
- C'était à mon tour de passer pour le speedmeeting avec elle. A peine je me suis assise qu'elle m'a attaqué. Elle m'a d'abord énervé avec son espèce de petit sourire qui dit je suis meilleur que toi, ( AR fait une grimace comme pour l'imiter. Cependant elle captive à toutes notre attention), après je me suis présentée vite fais et elle aussi. A la fin de sa présentation elle commence à raconter de la merde, comme quoi : nous ne devrions même pas avoir l'autorisation de fouler le sol Domien parce que nous ne sommes pas d'ici même si nous en avons les « caractéristiques »
AR mime des guillemets en disant le mot caractéristique.
- Elle t'a vraiment dit tout ça ? , demande Gaia d'un air dépassé. J'avoue l'être aussi. AR ricane et poursuit.
- Et tenez vous bien, ce n'est pas ce qui m'a énerver mais ce qu'elle a dit ensuite : que nous ne respections pas leurs traditions et que dès notre arrivée nous aurions dû être mis en isolement le temps de rétablir notre éducation.
Je fronce les sourcils.
- Mais elle est malade !, s'exclame Joyce en se redressant. AR acquiesce.
Je pense que c'est la première depuis très longtemps que ces deux là sont d'accord sur un sujet.
- Je lui ai alors conseillé de fermer sa gueule, et c'est partit en vrilles.
- Et tu n'as pas pu raconter ça à Elona ?, fait observer Lau.
- Non
- Ce n'est pas juste ! , dit Gaia de nouveau. C'est carrément du racisme ! , (s'adressant à Joyce), désolé.
- Ce n'est pas du racisme mais de la discrimination Gaia, lui répond celle-ci.
- Quoi qu'il en soit le problème reste le même. Ils peuvent nous faire ou nous dire tout ce qu'ils veulent, et nous on n'a pas le droit de rappliquer c'est ça ? , dit Stéphanie.
- Oui, répond Elana. Et vous devriez arrêter de vous plaindre, poursuit-elle, parce que même si Amber-Rose avait raconté sa version des faits à Elona ça n'aurait changé à la situation actuelle.
- Mais au moins elle l'aurait su et en aurait parlé avec leur mentor, dis-je. Parfois je ne comprends pas Elana, comme maintenant par exemple. Elle agit comme si c'était nous les ennemis ou bien alors le problème.
- Elle n'aurait rien fait par ce que ça n'aurait servit à rien. Tu penses qu'Adam ne sait pas que ses élèves tiennent des propos comme ça ? Bien sûr qu'il le sait mais il s'en fiche ! Le social n'est pas la préoccupation des garous. Ils sont les plus nombreux sur Dom et si en plus le pouvoir est dirigé par l'un d'entre eux, se plier aux règles des autres est le cadet de leur souci.
- Mais de quelles règles tu parles putain ? On leur demande juste du respect !
- Ils t'en fourniront si tu leur montre que tu en es digne.
Mes yeux s'écarquillent. Est-ce qu'elle vient de vraiment dire ça ? Nous retenons toutes notre respiration et AR explose.
- Non mais c'est une blague ?!, s'exclame-telle avant de hausser le ton, non mais c'est l'hôpital qui se fout de la charité ma parole.
- Baisse ton volume, ordonne Elana d'un ton bas les yeux plissés. AR se lève sur ses deux jambes.
- Va te faire foutre, réplique-t-elle toujours aussi fort et je remarque distinctement que les conversations se font plus petites afin sûrement de mieux tendre l'oreille. Je jette un coup d'œil au feu et Mau n'a pas l'air de se rendre compte de ce qui se passe ici.
- C'est quoi ton problème sérieux ? Tu veux dire que comme on n'est pas d'ici on ne mérite pas de respect ? ,( AR tourne sur elle-même avant de crier), mais je vous emmerde tous ! ( elle ne crie plus, mais parle toujours d'un ton haut), mais qu'est ce que t'a cru ? Qu'on avait fait la queue à l'IPJS pour venir ici ? T'es complètement torché ma pauvre ! Ta Rochelle là, elle a supplié certaines d'entre nous pour que nous acceptions et tu veux me dire quoi ? Que l'autre connasse a raison ? On aurait dû aller en isolement ? J'aurais dû la boucler et continuer l'écouter dire de la merde ?
Je regarde Elana guettant sa réponse mais cette dernière ne réplique pas. Elle se lève doucement pour se retrouver face à AR en la fusillant du regard.
- Plus jamais tu n'hausse le ton sur moi, déclare fermement Elana. AR fait une grimace de dégoût.
- Plus jamais tu ne me donnes d'ordre. Tu te prends pour qui ?
Elana ricane.
- Mais pour la princesse de Dom Amber-Rose. Je suis la princesse de Dom tu me dois du respect comme je t'en accorde. Ensuite tu penses que c'est en te comportant ainsi, t'exhibisionant et te donnant en spectacle les autres eux vont te montrer du respect ?
Le visage d'AR se transforme en masque de fureur. Elle pousse violement Elana et cette dernière tombe par terre. J'ai le reflexe de me lever alors que les autres s'exclament surprise.
- AR ..., j'essaye mais elle m'interrompt vivement.
- Gillian ta gueule , ( puis s'adressant à Elana qui d'ailleurs est toujours par terre elle regarde d'un air horrifié AR), quant à toi si tu oses une fois encore...
- Qu'est ce qui se passe ici ?, l'interrompt Mau se tenant près d'elle d'un air sévère.
Personne ne répond, elle me regarde, les autres , puis AR et enfin Elana toujours par terre.
- AR tu me suis, dit-elle avant de se détourner. Le camp est silencieux. J'ai l'impression que seule la respiration hachée d'AR se fait entendre.
- Amber Rose, l'interpelle Mau un peu plus loin.
AR et Elana continuent de se fixer hargneusement, puis la blonde esquisse un sourire mauvais avant de dire :
- J'ai tout vu.
Puis elle va rejoindre Mau , laissant Elana au sol blanche comme un linge.
Pantelante je me rassoie, et me couche directement sans même avoir terminé de manger.
Aucune de nous ne dit mot, les autres années recommencent peu à peu à parler.
Je regarde les mainsmains voltiger dans le ciel. J'aimerais être comme eux. Ils ont tellement l'air insouciant.
- Bonne nuit , me dit Joyce.
- Bonne nuit, je lui réponds.
**
Gillian.
Gilian.
Gilian.
Ecoutes .
Gillian.
Brusquement j'ouvre les yeux lorsqu'un vent glacial me fouette le visage. Couchée sur le côté, je me tourne sur mon dos avant de remonter ma couverture jusqu'à mon nez.
J'ai encore rêvé de la voix. C'est comme si elle était venue chuchoter à mon oreille.
Le ciel est gris opaque, j'en déduis qu'il est environ 1 ou deux heures du matin. Savoir se situer dans l'espèce à l'aide du ciel est une notion de base qu'un Domien doit savoir. Du coup j'ai potassé dessus pendant au moins une semaine.
Je me redresse et remarque alors que le sac de couchage de Joyce est vide. Je fronce les sourcils car tout le monde dort et je ne vois vraiment pas où est ce qu'elle pourrait être.
Je me lève, mais lorsque je suis debout je ne sais pas trop quoi faire. J'enjambe alors les filles et marche vers le feu éteins qui est au milieu du camp. Je resserre les pans de mon gilet autour de moi, inspectant les alentours.
Gillian
C'est alors comme si mon esprit se détachait de mon corps. Je ne sens plus mes membres.
Gilian vient à moi
La voix est doucereuse et a l'air de chanter au creux de mon oreille. Mes jambes avancent toutes seules, les paroles de la demande ricochant contre les parois de mon cerveau.
Gillian vient à moi.
Qui es-tu ? Ais-j'envie de crier. Cependant tout comme ce jour devant la glace de la bibliothèque abandonnée mes lèvres restent closes.
Gillian
Sans que je puisse me contrôler mon corps se tend avant de se relâcher. J'ai alors l'impression de redevenir maître de moi même. J'inspire grandement avant de regarder autour de moi. Je suis à la limite du camp un peu en profondeur de la forêt. Au loin je distingue les corps des élèves endormis. Je regarde sur ma montre, avant de sélectionner la carte grâce à l'écran tactile : je suis à la sortie du camp. Si je vais plus loin je serais du côté « interdit », qui est marqué par une grande ligne rouge sur l'appareil.
- Qu'est ce que tu fais ici ?
J'ai un mini arrêt cardiaque tant je suis surprise. Je ferme les yeux et expire avant de me tourner vers Gabin. Ce dernier me regarde d'un air à la fois impassible et distant.
Je hausse nerveusement les épaules.
- Je me baladais
- Retourne te coucher ce n'est pas l'heure pour jouer, me répond-il sèchement avant de se détourner.
Je reste planter là le temps avant d'encaisser le choc. Alors celle là je ne m'y attendais pas. Je rassemble mes esprits avant de le suivre à grands pas. Je commence à en avoir marre de tous ces gens qui nous donnent ces ordres, nous jugent, nous insultent sans qu'on ne puisse rien faire en retour.
- Gabin !
Ce dernier s'arrête et j'en fais d'un même. D'un air las , il se tourne vers moi.
- Quoi ?
- Qu'est ce qu'il y a ? C'est à cause de tout à l'heure ? Vraiment ?
Il hausse les épaules à son tour.
- Oui et non , ( il détourne son regard et fixe u point derrière moi), c'est juste que je ne veux plus te parler.
Mes yeux s'écarquillent.
- Quoi ? T'es sérieux ? J'avoue que j'aurais être plus subtile en parlant de ta copine mais je n'ai pas menti non plus, dis-je avec ferveur repensant à ce que AR nous a dit sur sa dispute avec l'autre fille. Cette dernière a eu des propos extrêmement déplacés qui quand j'y repense me mettent hors de moi.
Gabin me fixe de nouveau.
- Tu ne savais même pas ce qui c'était passé que tu t'es mis à la juger
- Et elle ? Et vous ? Ce n'est pas ce que vous nous faîtes depuis notre arrivée ici ?
- Pas moi, ( il fait un pas vers moi et je fais un effort surhumain pour m'empêcher de reculer par réflexe), si je le faisais Gillian on aurait pas été amis.
Amis.
Ça résonne dans ma tête avant de réaliser : nous sommes amis.
Mon estomac se noud alors que dans ma poitrine j'ai l'impression que mon cœur donne un cours de salsa.
Ça me touche réellement qu'il considère notre relation comme de l'amitié. Cependant c n'est pas la question à laquelle nous sommes confrontés pour le moment.
- Oui peut être. Mais elle oui et j'ai le droit de le dire. Je suis désolé pour toi mais cette fille a dit des choses tellement ... abjectes que je me demande comment au 21ème siècle on put encore avoir ce genre de mentalité.
Gabin plisse des yeux avant de se pincer l'arrête du nez. Moi-même je croise les bras sur ma poitrine.
- On n'est pas du même monde.
- Le savoir vivre est universelle.
Gabin ne dit rien de plus et nous nous observons dans le blanc des yeux. Il me dévisage j'en fais de même. Je n'ose même pas imaginer ma tête à cet instant, j'ai sûrement l'air affreuse alors que lui a cet air impeccable. Gabin est beau et c'est un fait indiscutable.
- C'est finit, il rétorque soudainement.
Il se détourne et s'en va. Je ne bouge pas et le regarde partir car je ne sais pas quoi faire d'autre. Devant lui j'ai l'impression de perdre mes moyens, je me mets à divaguer sur son physique et c'est ... ridicule.
J'aurais dû plus argumenter et lui montrer que nous en valions la peine !
Que j'en vaux la peine !
Dans un soupire nerveux, je marche vers le camp. J'enjambe de nouveau les filles avant de me réinstaller à mon sac de couchage.
Je regarde celui de Joyce et je suis surprise de l'y voir.
Puis ça fait un tilt dans ma tête. Le sac de Joyce était vide à mon départ, quelques instants après Gabin est venu me retrouver et là quand je reviens elle est de nouveau là.
J'ai un nœud douloureux à la gorge.
Etaient ils ensemble ? Si oui, ça veut qu'ils se connaissent et c'est une idée qui me dérange beaucoup malgré mon effort à me dire que ce n'est rien.
Après tout nous sommes amis ou moins j'espère que nous le sommes toujours.
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