Chapitre 18
« Il n'est point de secret que le temps ne révèle », Jean Racine.
*****
Vous connaissez ce moment de peur ou de frayeur si grande, que lorsqu'elle passe vous avez juste envie de pleurer et rire en même temps ?
C'est exactement à ce genre de situation je suis confrontée à cet instant.
Gabin me regarde attendant une réponse de ma part. Je serre les poings frustrée de me retrouver dans cette disposition tout d'un coup. L'affolement de tout à l'heure s'est complètement dissipé à présent.
Bon sang qu'est ce que je fais là ?
- Salut, dis-je d'une voix aigue , puis je pince des lèvres mal à l'aise.
- Qu'est ce que tu fais là ?, me demande Gabin. Je hausse les épaules et regarde rapidement autour de moi.
C'est bête mais, je ne sais pas vraiment ce que je fais là. Je veux dire, j'ai entendu mon prénom être appelé et je me suis sentie obligée d'arriver jusqu'ici.
- Je ne sais pas. Je marchais dans le couloir, et j'ai entendu mon prénom. Je suis venue, et ...
Je hausse de nouveau les épaules. Mon interlocuteur n'a pas l'air de vouloir en savoir plus puisqu'il se détourne de moi et je ne peux que remercier le bon Dieu. Je me vois mal expliquer à quiconque cette histoire de voix alors que moi-même je n'y vois pas très clair.
- Et toi ?, Gabin se tourne vers moi à ma question, qu'est ce que tu fais là ?
Il arque un sourcil.
- C'est calme et c'est un endroit caché tu ne trouves pas ?, je fronce les sourcils à sa réponse.
- Oui
- Y'a un peu trop d'ambiance chez nous parfois
- Ah
Je ne sais pas quoi dire d'autre. C'est tout bête. Y'a trop d'ambiance, alors il vient là où il n'y en a pas.
- Pas chez vous ? , je le regarde surprise qu'il relance la conversation. Je suis d'autant plus étonnée lorsque je le vois s'assoir par terre, s'adossant au mur près de nous sur lequel sont accrochés les tableaux.
Pendant un instant je pense l'imiter mais je me ravise.
Est-ce que au QG il y a trop d'ambiance ? A part les cris de Joyce et Amber-Rose, les joutes verbales pour savoir le dîner, qui va le faire et qui va quoi faire ?
- Un peu peut être, mais j'aime bien ça, réponds-je. Je suis enfant unique donc c'est cool et nouveau pour moi, je rajoute.
- J'imagine, dit-il.
Le silence qui suit est doux. Je me retourne vers le tableau des ancêtres derrière moi, me mettant de profil à Gabin.
Maintenant que je le regarde je me demande pourquoi il y a un dessin de ces quatre là ici. A la bibliothèque usuelle, il n'y a pas vraiment de traces d'elles. J'ai cherché des ouvrages, des livres ou encore même des témoignages les concernant, mais je n'ai rien trouvé. A part le récit que nous a raconté Elona lors de son premier cours, il n'y absolument rien.
C'est comme si elles n'avaient pas eu de vie antérieur ou que personne n'avait cherché à se rappeler d'elles. Tout ce que je sais de l'histoire des acteurs de ce monde c'est leurs prénoms et même là je n'en connais qu'un seul : celui de mon supposé ancêtre.
Personnage qui n'a d'ailleurs pas très bien finit étant donné que ses copines l'ont fait cramer sur un arbre.
- Tu penses que d'autres personnes connaissent l'existence de cet endroit ?
Gabin relève la tête vers moi et plisse des yeux.
- Non .
Non ? « Non » , c'est tellement catégorique.
- Il y avait comme une voix qui m'appelait d'ici, essaye-je d'argumenter. Comment peut-il être sûr que personne d'autre n'est au courant ?
- Personne ne connait l'existence de cette bibliothèque ou alors ils s'en fichent, répond Gabin avant de se relever. Il me dépasse de quelques centimètres et me regarde de haut, comme lors de notre première altercation.
- C'est toi qui m'as appelé donc ?
- Non.
- Si ce n'est pas toi c'est quelqu'un d'autre
Il hausse les épaules et pendant un instant je suis désarmée. Je sais au fond que ce n'est pas lui, car ce n'est pas la première fois que cette voix intervient dans ma tête. Mais il y a bien quelqu'un derrière elle ? Et ce quelqu'un m'a amené jusqu'ici, pourquoi ?
- Les esprits
- Quoi ?
Mais qu'est ce qu'il raconte ?
- Ça peut être un esprit. Il y en a beaucoup dans notre monde.
Je reste coite.
- Oui bien sûr
- Tu ne me crois pas ?
Son visage est on ne peut plus sérieux.
Mais ce qu'il dit n'est pas impossible, je veux dire, lorsque je prends Gaia, elle peut entendre les pensées des gens qu'elle a déjà touché n'est ce pas ? N'est ce pas comme toucher leurs esprits ?
Peut être que c'est mon jeu les entendre. Mais je n'arrive pas du tout à considérer cette idée. Ça fait un mois que Mau me rabâche sur l'extraordinaireté de découvrir son jeu et ô combien il me sera naturel de l'accepter. Ce n'est pas ce que je ressens en ce moment, j'en conclus donc que ce n'est pas ça.
- D'où je viens ça n'existe pas.
- Tu es dans un nouveau monde. Les esprits ici à Dom son t aussi réel que toi et moi
- Par esprit tu veux dire... mort ?
- Oui
Je ne devrais pas, mais je me sens un peu paniquée tout d'un coup.
- Des gens seraient morts ici ?
Gabin fait un pas en arrière très lent, et nonchalamment s'adosse de nouveau au mur. Il agit comme si ce n'était rien ou comme ci ce n'était pas grave.
- Pourquoi crois-tu que l'institut à été construit ici ?
- Je ne sais pas, (je hausse les épaules. La question me prend un peu au dépourvue), parce qu'il est au centre des contrées différentes ?
- Oui mais en plus ?
Je n'aime pas son ton, je me sens stupide de ne pas savoir ce qu'il me demande.
- Je ne sais pas
- C'est simple. Outre le fait que l'on soit au centre du royaume, cette bibliothèque, cette pièce dans laquelle nous sommes présentement est le premier bâtiment qui a été construit pour les réunions des ancêtres à l'époque.
- Quoi ?
- Les décisions importantes étaient prises ici, ainsi que les sentences. Bien après le passage des ancêtres, il y a eut des sacrifices sur ces terres. Des bannissements.
Je suis complètement estomaquée. Ça fait un peu plus d'un mois que je suis ici, et jamais je n'ai eu échos de ce qu'est entrain de me dire Gabin.
- Tu ne le savais pas ?, me demande-t-il et je secoue la tête. Il a un sourire en coin.
- Pourtant ça fait partit de l'histoire de Dom, on est censé l'apprendre.
- Ce sont des légendes, rien n'a été prouvé.
Mes yeux s'écarquillent.
- Pourquoi tu me le dis si c'est faux ?, demandé-je légèrement troublée et agacée.
- Pourquoi ne pas le dire si c'est vrai ?
- Mais parce que c'est faux !
Je croise les bras sur ma poitrine.
- Ce sont des légendes, tu l'as dit toi-même, continué-je.
- Des légendes sont des versions farfelues de ce qui est vrai petite joueuse, rien n'est totalement faux.
Le surnom « petite joueuse », m'irrite instantanément. Notre conversation ne rime à rien et je ne sais même pas pourquoi je me suis mise à évoquer la pseudo découverte de mon jeu avec lui et de lui parler de la voix. Je ne le connais même pas ce garçon et apparemment il blasphème sur ses origines et en profite pour m'embobiner.
- Un peuple a une histoire. Les légendes on s'en fiche.
Il ne répond pas. Excédée, je le contourne et descends les marches. Une fois en bas je me dirige vers le miroir comptant bien sortir. Je suis dans un drôle état d'esprit : à la fois énervée, perdue et curieuse.
Enervée par l'attitude de Gabin, perdue par ce qu'il dit et ce qui a été dit en cours et curieuse par le fait que ce qu'il dit est intéressant. Certes il ne résout pas mon problème, mais il m'en apprend des choses concernant cet endroit.
- Joueuse !
Je relève la tête vers le haut, il est accoudé à la balustrade, le ciel limpide au dessus de sa tête.
- T'a raison, je fronce les sourcils à ses paroles, un peuple a sa propre histoire, sauf que le nôtre n'est pas sûr laquelle des siennes prendre.
Puis il disparait.
Je ne sais pas où mais Gabin disparait. Je n'ai eu qu'à cligner des yeux une fraction de seconde et il a disparut.
Drôle de garçon.
Etrange conversation.
Soirée bizarre.
********************
Lorsque je suis rentrée hier soir de mon escapade à la bibliothèque, les filles m'ont accueillies la mine renfrognée. Comme quoi j'avais mis trop de temps à ranger et elles ont dû m'attendre pour dîner. Amber-Rose m'a fait tout un speech concernant la vie en communauté et surtout le fait qu'il faut tenir compte des autres. Puis elle s'est plainte de la liste de distribution.
Le concept de distribution qui a été mise en place est très simple. L'IPJDD possède un département annexe que l'on appelle « transit ». Ce département dispose de divers services dont celui de la transition. C'est d'ailleurs par ce service que nous sommes venues ici. Le service de transition qui est très grand nous permet de recevoir des aliments, vêtements et matériaux de l'autre monde.
Elona nous a proposé de faire une liste de 5 vœux chacune pour que toutes les deux semaines, que les choses demandées soient amenées.
Un concept très intéressant à mon point de vue car je ne sais pas si j'aurais eu le cran de demander à l'un de nos responsables d'aller m'acheter des lingettes hygiéniques en dehors de l'institut.
Bref, le problème étant ici qu'Amber-Rose souhaitait se faire livrer plus de cinq souhaits, et ne voulait pas attendre. Elle a donc essayé de négocier des places. C'est là que ça a dérailler.
- T'es sérieuse, tu veux qu'on supprime des trucs de notre liste parce que toi t'en veux plus ?, s'était exclamée Joyce.
- Pas du tout, tu comprends tout de travers ma pauvre. Gaia a dit qu'elle n'avait besoin que de deux manteaux, moi il me reste une partie de ma garde robe que je dois compléter. Je ne prends que les trois places qui lui reste.
- Oui m'ais t'es carrément entrain de la forcer là. Elle te les donne que si elle veut ces deux places, ( Joyce s'était alors tourné vers Gaia), t'es pas obligée tu sais. Elle peut attendre deux semaines encore comme tout le monde.
Gaia était très mal à l'aise , ça se voyait. Elle avait haussé les épaules.
- C'est bon Amber-Rose peut les prendre, franchement y'a pas d problème.
- Bas tu vois ! tu t'excites pour rien !
Amber-rose était alors retournée dans sa chambre avec Stéphanie et Danielle. Quand à Joyce, elle s'est mis dans tous ses états , énonçant le fait que tout le monde est au même pied d'égalité et qu'il n'y avait pas de traitement de faveur.
Comme quoi ça m'avait fait de nouveau réfléchir à ce que Gabin m'avait dit concernant « l'ambiance » chez eux. Puis à sa notion « d'histoire ».
Dom est en quelque sorte un empire, une forme de communauté politique unissant des peuples différents autour d'un pouvoir central unique fortifier par les mêmes croyances.
Ici la notion de « religion » est ambigüe ou pas, ça dépend des points de vue ou alors je ne sais pas trop. Je n'ai pas trop les mots pour le dire, mais ce qui est sûr, c'est que les Domiens croient en un être supérieur qu'ils appellent « créateurs ».
Un dit Dieu alors existe pour eux. Un Dieu qui par ailleurs avec qui ils auraient des échanges par l'intermédiaire d'un groupe de choisis par ceux-ci : le conseil des sages.
Tout ça me ramène à me poser la question : pourquoi ?
Je veux dire que concernant ces informations je n'ai eu aucun mal à les retrouver dans les manuels de la bibliothèque de l'autre bâtiment. Mais lorsqu'il a été question de la vie personnelle des ancêtres, je n'ai absolument rien trouvé.
Ma question reste donc la même : Pourquoi ?
Gillian.
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