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II- L'Oncle Jules

Il prit la parole de manière inattendue.

-Lorsque la pluie tombe, elle est froide et s'infiltre partout. Personne n'y échappe et tout le monde se voit contraint de la subir. Mais lorsque l'averse est passée, elle laisse un monde lavé, comme neuf.

-Un monde peut-il vraiment être lavé dans le sang?

-Qui te dit que des hommes vont mourir aujourd'hui?

-N'est-ce pas là ce que vous laissez entendre?

-Ne confonds pas une averse et un orage. La première est longue. Le second n'est qu'un épisode court dans la première et qui n'est pas toujours présent. Il n'y a pratiquement jamais d'orage sans averse. Mais toutes les averses ne comportent pas un orage.
Et si l'averse, quelle qu'elle soit, engendrera la possibilité d'un nouveau départ, c'est bien l'orage et uniquement l'orage qui souillera la terre de sang.

-Pour l'instant, l'orage menace mais n'a pas éclaté.

-Les nuages s'amoncellent au-dessus du château de Versailles.
Mais ils peuvent tout aussi bien se dissiper sans avoir éclaté. Seul l'avenir nous le dira.

Ils restèrent tous deux silencieux.
Jeanne réfléchissait aux propos que venait de lui tenir l'Oncle Jules. Lui avait repris sa position initiale, le regard dans le vide.
Tout d'un coup, il tourna la tête et fixa son regard dans celui de Jeanne. Un fin voile translucide recouvrait ses deux pupilles.

-Mais.... Vous... Vous êtes aveugle?
La question était sortie sans qu'elle puisse la retenir.

-Ça s'est passé il y a trois ans. Un bête accident. Tous mon corps s'en est remis, sauf mes yeux.

-Mais comment faites-vous pour réussir à vivre ainsi?

- Ici, dans Paris, mon ouïe et mon odorat sont devenus mes plus fidèles alliés.
Tu es la cousine de Pierre, n'est-ce pas?

Elle resta interdite. Puis elle repoussa violemment sa chaise.

- Comment... Comment le savez-vous? Vous m'avez espionnée? Comment connaîssez-vous l'existence de Pierre? Comment se fait-il que vous me connaîssiez alors que j'ignore jusqu'à votre réel nom?

- Tu as raison, Jules est bien un nom d'emprunt.
Pour répondre à ta question, il se trouve que je connaîs ton cousin. Avant de devenir aveugle, j'étais journaliste. Je le suis d'ailleurs toujours, d'une certaine manière.
C'est moi qui ai appris à Pierre à lire et à écrire. À l'époque, il était bien difficile de réussir à offrir son avis au grand public sans être immédiatement censuré. Alors, je le faisais par métaphores.
Le lecteur intelligent comprenait le sens réel de mes phrases. Quant aux autres, ils voyaient simplement de belles images à travers mes mots qui venaient éclairer pour quelques minutes leur journée.
Pierre est venu pour la première fois m'observer à travers la vitre de mon imprimerie un matin d'automne. Je m'en souviens comme si c'était hier. Son petit visage curieux, ses mains plaquées contre la fenêtre...
Il avait alors onze ans.

Un sourire se dessina sur les lèvres du vieil homme.

-Cela faisait déjà un moment que je le voyais me tourner autour mais il n'avait encore jamais osé venir aussi près.
Je lui ai alors dit d'entrer. Apeuré, et croyant sans doute que j'allais le réprimander, il s'est sauvé.
Mais la fascination était bien plus forte que toutes ses craintes. Il est revenu quelques jours plus tard et cette fois a de lui-même passé la porte.
Cela a duré huit ans. Tous les jours, il est venu. Il est devenu en quelque sorte mon apprenti. Je lui ai d'abord appris à lire et à écrire, puis à manier les mots, à leur offrir toute la splendeur qu'ils méritent. Il était émerveillé par les possibilités infinies que pouvait offrir un simple assemblage de lettres.
Il me parlait, aussi. Il écrivait, et à travers ses mots tracés sur le papier, je pouvais deviner un peu de sa vie. De son être.
Il m'a souvent parlé de toi. Sa cousine, cette petite fille à peine plus jeune que lui à qui la mère Chesnay avait offert une possibilité d'existence lorsqu'elle s'était retrouvée seule après la mort du dernier membre de sa famille.

-Le dernier et le seul...

En disant ces mots, Jeanne laissa échapper un sanglot.
Celui que l'on appelait l'Oncle Jules ne sut que répondre à pareils mots.
Il se tut.

- Vous ne m'avez pas conté la fin de l'histoire...

- Comme je te l'ai dit plus tôt, ton cousin est resté cinq ans à mes côtés. Cinq ans d'aprentissage, de doutes et d'erreurs. De nuit et de lumière.
Puis un jour, il a décidé qu'il méritait d'être admiré et reconnu de tous, pour ce qu'il était lui et uniquement lui. Il ne voulait plus ni de maître, ni de conseils, ni même d'un ami.
Alors, il est parti. Je n'ai pas tenté de le retenir.
Il avait alors seize ans.
Pierre m'a effacé de son existence.
Il vit aujourd'hui de ses mots et de sa plume. Sans doute devrais-je en être fier; mais il a peu à peu oublié tout ce que je lui avais inculqué. Il a oublié la beauté des mots. Il a oublié les métaphores de ses rêves d'enfant. Il a oublié la couleur des lettres et l'harmonie des syllabes.
À ses yeux, la plume n'est plus qu'un vulgaire moyen tout semblable à un autre pour aller étaler son opinion sur tous les sujets. Il n'a plus rien de l'écrivain d'exception qu'il était devenu.
Mais à travers ses phrases, je ressens la détresse toujours grandissante en lui. Ce besoin de toujours s'attaquer à quelqu'un d'autre pour enfouir au fond de lui cette faiblesse, ce manque, ce vide. Il avait trouvé sa voie. Il s'en est de plus en plus éloigné, jusqu'à ne plus savoir la discerner.

Sa tirade achevée, il ferma les yeux. Geste ironique, puisqu'il se trouvait déjà auparavant dans un noir abyssal.
Il sortit quelques feuilles de sa poche gauche.

- Chère petite, ton cousin m'a dit que tu savais lire.

- C'est exact. Un cadeau de ma mère... Elle tenait à ce que j'aie la possibilité de vivre sans dépendre aucunement des autres. Elle doit être si déçue aujourd'hui...

Le vieil homme ignora, sans doute délibérément, sa dernière phrase.

- T'ouvrir la voie au trésor que sont les mots est sans doute la meilleure chose qu'elle ait jamais pu faire.
Puis-je te demander une faveur ?

- Oui ?

- Pourrais-tu simplement me faire la lecture ?
C'est un travail long et fastidieux que d'identifier chaque lettre uniquement au toucher de l'épaisseur d'encre sur la feuille.

- C'est avec joie que je vous prêterai mes yeux !
Mais que souhaiteriez-vous entendre?

L'aveugle lui tendit deux feuillets.

- Ce sont deux articles qui ont à mes yeux une valeur bien au-delà de leur simple contenu.

Jeanne se saisit des deux papiers couverts d'encre noire. L'un était gondolé et tâché, comme s'il avait pris l'eau.
Elle commença sa lecture:

Arrivée au bout du texte, Jeanne demanda simplement:

- Cette plante, ce n'en est pas vraiment une, n'est-ce pas ?
C'est une image...

- Si tu l'as compris, alors tu fais bel et bien partie des personnes à qui était réellement adressé ce texte.
C'est l'un des derniers que Pierre ait écrits en acceptant mes conseils.

- Pourquoi en début de deuxième partie avoir écrit "je" et non "nous" ?

- C'est son travail, pas le mien. Cet article, malgré le fait que je l'aie épaulé, reste son œuvre.
Tout comme je n'aurais jamais signé à sa place, je n'allais pas m'immiscer dans un texte qui n'était pas de moi.
Voudrais-tu me lire le second article?

- Bien sûr !

- Il y a tant de mauvaise foi dans cet article qu'il n'a même pas eu le courage de le finir correctement.
Pierre joue à jeu ouvert. Tous voient ses cartes maîtresses. Mais celui qui sait regarder y décèlera également un multitude de faiblesses.

-Vous connaîssiez ces deux textes. Alors ce n'est pas réellement pour vous que vous m'avez demandé de les lire, n'est-ce pas...

C'était plus une affirmation qu'une question.
Une fois de plus, il ignora ses propos avant de se lever et de lancer cette phrase quelque peu singulière:

- Je serai là. En cas de besoin, tu me trouveras.

Il s'avança à tâtons jusqu'à la porte.
Jeanne l'interpela au dernier moment:

- Vous ne m'avez toujours pas dit comment vous m'avez identifiée, tout-à-l'heure !

- Tu as la même voix que ton cousin.

***

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