Chapitre 1
-A quelle heure pensez-vous rentrés ? Demandé-je à ma mère, tandis qu'elle applique une couche de rouge à lèvre sur sa bouche entrouverte.
-Hum... Je ne sais pas vraiment. Pas avant minuit, c'est certain. Cela fait longtemps que ton père et moi n'avons pas passés une soirée avec les Sands, nous voulons en profiter. Je dirais... Vers une ou deux heures du matin.
Je souris à cette révélation assez inattendue. Je vais enfin avoir une soirée à moi, sans adulte sur le dos, et où je pourrai faire ce que je veux. Entre autre, inviter Opaline, manger des pizzas tranquillement avec elle en échangeant sur les derniers ragots.
-Peux-tu me passer ma pochette, s'il te plait ? Demande ma mère en me désignant un petit sac posé sur la bannette à linge.
Je m'exécute et elle me remercie avant de ranger son rouge à lèvre à l'intérieur.
-Vous allez à quel restaurant ?
-Je ne sais pas encore. Ce sont les Sands qui l'ont choisi, me confie ma mère. Peu importe de toutes façons, tout me va du moment que ce n'est pas un restaurant de fruits de mer !
Elle passe rapidement ses mains dans ses cheveux fins, essayant de leur donner un minimum de volume et replace sa robe bleue marine. C'est à ce moment que la sonnette retentit. Ma mère sursaute presque à l'entente de ce bruit et se tourne vers moi.
-Ça doit être eux, comment me trouves-tu ?
-Bien, dis-je, laconique.
Elle me sourit et se faufile rapidement hors de la salle de bain. Je la suis jusqu'à la porte d'entrée où Monsieur et Madame Sands se tiennent, tout sourire. Mon père arrive aussi et leur fait à chacun une accolade.
-Bonsoir, dis-je en entrant dans le vestibule.
-Bonsoir, Alexie, sourit madame Sands. Comment vas-tu ?
-Je vais bien, merci.
La femme porte un regard inquisiteur autour d'elle, à la recherche de je ne sais quoi avant de reporter son attention sur moi :
-Tu es seule ce soir ?
Eh bien, pour mes parents, oui. Mais en réalité, non, je n'ai pas l'intention de rester seule. A peine auront-ils franchis la porte, j'appellerais Opaline pour lui demander de ramener ses fesses.
-Oui, je passe la soirée seule, répondis-je poliment à notre voisine.
-Dans ce cas, tu peux passer la soirée chez nous si tu veux. Jérémy est seul, lui aussi. Ça serait l'occasion que vous fassiez connaissance.
Jérémy ? J'avais oublié son existence à celui-là...
-C'est vraiment gentil, Madame Sands, mais ne vous embêtez pas. Ça ne me dérange pas de passer la soirée seule.
-Tu en es certaine ? Insiste-t-elle. Jérémy ne peut pas sortir et je pense qu'il serait content d'avoir un peu de compagnie.
-Pourquoi ne peut-il pas sortir ? s'incruste ma mère.
-Il s'est déboité l'épaule en jouant au foot avant hier... explique notre voisine. Son médecin lui préconise beaucoup de repos s'il veut pouvoir reprendre le sport rapidement.
-Oh ! S'exclamema mère. Le pauvre petit ! Alexie sera ravie de passer la soirée en sa compagnie.
-A vrai dire, j'ai des devoirs à faire. Vraiment, ça ne me dérange pas d'être seule ce soir, argumenté-je voyant ma soirée improvisée s'évaporer sous mes yeux.
-Tu pourras travailler demain, assure-t-elle.
Ma mère me jette un regard noir, m'intimant silencieusement de ne pas la contre-dire. OK... Je le sens mal, ce coup là... Je tente autre chose.
-Je ne suis pas sûre qu'il veuille de ma compagnie... commencé-je. Il est plus âgé, il ne veut probablement pas passer la soirée avec une fille comme moi.
-Mais qu'est-ce que tu racontes ! Ricane la mère de Jérémy. Vous n'avez que deux ans d'écart ! Allez viens, vous commanderez des pizzas.
Elle sort un billet de vingt euros de son porte monnaie et me le remet avant même que je n'ai pu protester. Ce gars, je ne lui ai jamais parlé. Je me vois vraiment mal débarquer chez lui et lui parler comme si de rien n'était. Je jette un regard suppliant à mes parents, mais aucun d'eux ne semble vouloir me venir en aide.
-Très bien... Je vais y aller, me résigné-je finalement, comprenant que cette soirée ne pourra avoir d'autre issue.
-Génial ! Nous allons t'y accompagner, conclue ma mère.
Je bougonne le plus silencieusement possible avant de m'éclipser de la pièce pour enfiler des chaussures et une veste. Je peux dire adieu à ma petite soirée parfaite et à tout ce que j'avais prévu. Je retourne dans l'entrée, tous les regards convergent sur moi. Je fais de mon mieux pour laisser paraitre une bonne image et ne pas tirer une gueule de six pieds de long.
-Allons-y, dit mon père, en invitant les Sands à aller dehors.
Je les suis, la mâchoire serrée. Les quatre adultes m'accompagnent jusqu'à la maison à gauche de la nôtre. Ils me souhaitent une bonne soirée et avant même que je n'ai eu le temps de reprendre mes esprits, ils se sont volatilisés.
-Bon... me murmuré-je à moi-même.
Je zyeute la maison un long moment, un sourcil arqué. Je pourrais facilement faire demi-tour et échapper à cette soirée, mais quelque chose me dit que mes parents, ou ceux de mon voisin, seront rapidement au courant. Je m'imagine déjà les Sands demander à leur fils si ma compagnie était bonne et que ce dernier ne pourrait que les regarder de travers, l'air de dire « Mais de quoi vous parlez ? ». Je ne veux pas m'attirer les foudres. Ma soirée avec Opaline n'est que partie remise, je le promets. Et puis... Ça ne peut pas être si horrible.
Je prends une grande inspiration et marche jusqu'à la porte d'entrée de la grande maison. Je lève mon poing et l'abat plusieurs fois sur le bois de la porte. Aucune réponse. Je soupire et jette un coup d'oeil à la maison. Il est forcément ici, sa mère a affirmé qu'il ne pouvait pas sortir. Je toque à nouveau, plus fort cette fois. Toujours pas de réponse. Je décide d'abaisser la poignée moi-même pour voir si la porte est fermée. A ma grande surprise, elle ne l'est pas et elle s'ouvre lentement, me dévoilant l'intérieur de la maison.
-Il y a quelqu'un ? Demandé-je en entrant.
Je ferme la porte de la maison derrière-moi, attendant une réponse. Mais j'ai bel et bien l'impression d'avoir parlé dans le vide. La maison pourrait facilement me paraître vide si je n'entendais pas une musique au premier. Mon cher voisin est certainement enfermé dans sa chambre et n'entend rien à cause de cette musique entrainante qui joue à fond. Je retire ma veste et la pose sur un siège dans le vestibule. Puis, je me décide à monter les escaliers. Je n'ai pas le souvenir d'être déjà venue ici. Mes parents et les Sands s'arrangent toujours pour ne jamais se voir que tous les quatre. Je ne sais pas pourquoi... Peut-être ne supporteraient-ils pas la présence de deux ados comme Jérémy et moi ? Ouais, probablement. Et ils auraient certainement raison.
J'arrive enfin au premier étage. Je me laisse guider par la musique pour rejoindre la bonne chambre. Plus je m'approche de la pièce en question, plus j'appréhende. Comment va-t-il réagir en voyant une – presque – inconnue débarquer dans sa chambre ? Mal, je pense. Il fera peut-être un arrêt cardiaque ? A moins que ça soit moi qui n'en face un... Ça serait plus que probable. Et si il était avecquelqu'un ? Pire, avec une fille ? Je ne veux pas surprendre quelque chose d'embarrassant, je serais dans l'obligation de déménager si cela se produisait. Finalement, je fais taire mes pensées et prends mon courage à deux mains. J'arrive face à la porte close de laquelle s'échappe la fameuse musique. Le volume est tellement fort que j'ai l'impression que mes tympans vont exploser. Je ne veux pas imaginer ce que ça sera une fois que j'aurais passé la cloison. Je ferme un instant les yeux et toque à la porte. Sans surprise, pas de réponse.
Je pose donc ma main sur la poignée et ouvre la porte à la volée. Mauvaise idée. Je localise immédiatement mon voisin. Allongé sur son lit, torse nu, une cigarette à la main. En me voyant, il fait un bon et je me retourne pour cacher mes yeux :
-C'est quoi ce bordel ? Hurle le gars qui semble avoir eu une peur bleue.
-Je n'ai rien vu, dis-je, me référant au fait qu'il soit à moitié habillé.
C'est la seule chose que j'arrive à lui répondre. Je suis tétanisée. Il va m'arracher la tête, c'est sûr.
-Bordel de merde, mais qu'est-ce que tu fous là ? Crit-il au dessus de la musique.
-Je n'ai rien vu, je répète comme un automate.
Il ignore ce que je viens de dire, et je suis de plus en plus mal à l'aise. Pourquoi ai-je débarqué dans sa chambre comme ça, déjà ?
-Qu'est-ce que tu fous ici, putain ? Il répète sa question avant de baisser le volume de sa musique.
Maintenant que j'arrive à m'entendre penser, je retrouve petit à petit mes esprits. J'attends de recevoir un coup de poignard dans le dos, mais rien n'arrive, alors je dis d'une petite voix :
-Tu pourrais... Enfiler un tee-shirt, histoire que je puisse me retourner et t'expliquer ?
Cette situation est vraiment gênante. Je l'entends se déplacer derrière-moi, sûrement pour attraper de quoi s'habiller, puis il grogne :
-Putain, j'arrive pas à le mettre...
Je jette un coup d'oeil par dessus mon épaule pour voir ce qu'il fabrique. Il essaye de passer son tee-shirt, mais visiblement, avec sa blessure à l'épaule, c'est une vraie galère.
-Ne compte pas sur moi pour t'aider, me murmuré-je à moi même.
-Quoi ? Demande-t-il froidement en relevant un instant les yeux vers moi.
-Je n'ai rien dit, menté-je. Qu'est-ce que tu attends pour le mettre ?
Je désigne son tee-shirt, qu'il a seulement passer autour de sa tête. Il soupire avant de s'asseoir sur son lit et de retirer le vêtement à nouveau. Il le balance rageusement au sol de son bras intacte.
-J'y arrive pas. Ça me fait un mal de chien, souffle-t-il.
Il semble s'être calmé lui aussi, et les pulsations de mon cœur ralentissent lentement. Je tourne à nouveau la tête, regardant le mur devant moi, avant de croiser mes bras sous ma poitrine. J'attends quelques secondes, le temps qu'il trouve une solution pour couvrir son torse. S'il a réussi à retirer son tee-shirt, comment se fait-il qu'iln'arrive pas à le remettre ? C'est totalement illogique.
-Tu comptes camper ici à admirer le mur ou tu vas daigner m'expliquer ce que tu fous chez-moi ? S'énerve-t-il.
-Je...Ta mère m'a en quelques sortes... Invitée ici.
Je l'entends ricaner derrière-moi et j'avoue que je ne comprends pas vraiment pourquoi. Il est sûrement dingue. Complètement taré, même. Ce qu'il fumait tout à l'heure n'était peut-être pas du tabac... ?
-Pourquoi tu rigoles ? Je demande.
-C'est toi qui me fais rire. Allez, ne sois pas ridicule, retourne-toi. Ça ne me dérange pas que tu me vois comme ça.
-Mais moi, ça me dérange.
-Pourquoi ? Tu n'as jamais vu un gars torse nu ?
Je soupire et finis par me retourner pour ne pas passer pour une fille complètement coincée. Je fais de mon mieux pour le regarder dans les yeux et ne pas le reluquer. Parce qu'il faut le dire, le peu que j'ai pu apercevoir était plaisant. Bon OK, peut-être plus que plaisant.
-Ma mère t'a invitée ici ? Pourquoi ?
-Elle avait pitié de toi, je crois.
-Pitié ? Qu'est-ce que tu racontes ?
-Elle voulait absolument que je passe la soirée ici comme tu n'es pas capable de sortir.
-J'avais prévu d'inviter des gens.
-A vrai dire, moi aussi, avoué-je.
-Alors qu'est-ce que tu fais là ? S'étonne-t-il. Si tu avais prévu quelque chose, pourquoi ne pas simplement être rester chez-toi ?
-Je dois avouer que j'avais grandement envie de te voir dans un état lamentable.
Ce n'est pas du tout le cas, mais je ne trouve pas mieux, comme réponse. Il me fallait une excuse autre que la peur de me faire chopper par mes parents et c'est la seule que j'ai réussi à trouver dans un laps de temps si minime.
-Je ne suis pas si mal en point, siffle-t-il.
-Tu as raison. Tu es tellement en forme que tu galères pour mettre un simple tee-shirt.
-T'es encore bloquée sur cette histoire de tee-shirt ? Ça te fait quelque chose de me voir comme ça ou quoi ? Sourit-il.
-Pas du tout ! On ne se connait même pas ! Me défendé-je.
-Et alors ? Je fantasme bien sur certaines célébrités que je connais ni d'Eve, ni d'Adam.
Je place mes mains sur mes oreilles et secoue la tête de gauche à droite.
-Je ne veux pas savoir de quoi sont fait tes fantasmes, Sands.
-D'accord, d'accord, j'arrête, rit-il.
Il doit vraiment être défoncé pour être si détendu. En arrivant ici, je pensais qu'il allait prendre mon intrusion différemment. Mal, je veux dire. Peut-être en me jetant des objets jusqu'à ce que je quitte les lieux, ou quelque chose dans le genre. Mais pas du tout. J'ai presque l'impression qu'il me parle comme si j'étais son amie. Presque.
-Ne t'en fais pas, ce n'est pas parce que je suis déjà à moitié à poil que je vais te sauter dessus. Les gamines ne m'intéressent pas, affirme-t-il en attrapant un paquet de cigarettes posé sur sa tablede chevet.
Sa remarque se veut cinglante mais elle ne m'atteint pas. Au contraire, c'est plutôt une bonne nouvelle. Il allume sa cigarette et l'amène à ses lèvres.
-Je ne me fais pas de soucis pour ça, rassure toi. Mais je ne suis pas une gamine.
-Tu as seize ans, tu es une gamine.
-Tu n'as que deux ans de plus, alors ferme-là, rétorqué-je.
Il me regarde d'un air narquois, se moquant de ma piètre tentative pour me protéger. Il affiche un air satisfait avant de changer de sujet de conversation, ne voulant certainement pas entamer un débat avec moi :
-Donc on va passer la soirée ensemble ?
-Il faut croire, oui, acquiescé-je.
-Je crois ne pas avoir le choix, de toute façon.
-Je ne l'ai pas eu non plus.
-Tu aurais pu faire demi-tour envoyant que personne ne venait t'ouvrir, remarque-t-il.
-C'est vrai. Je peux toujours partir si tu le souhaites ? proposé-je, espérant intérieurement qu'il m'invite à quitter sa maison.
-Tu pourrais, oui. Mais puisque tu es là, pourquoi ne pas en profiter pour discuter un peu ? Ma mère a raison, il me faut de la compagnie, raille-t-il.
Il se lève et se dirige vers sa fenêtre. Il l'ouvre, va sur son balcon où il recrache la fumée de sa cigarette. Je reste plantée en plein milieu de sa chambre, ne sachant que faire de mon propre corps. Il tourne un instant la tête vers moi, m'interrogeant du regard :
-Qu'est-ce que tu fais ? Viens là.
J'obtempère et le rejoins sur le balcon qui donne directement sur ma maison. Ils'assoit difficilement sur le rebord de la fenêtre à cause de son léger handicape avant d'étendre ses jambes sur les dalles du balcon. Je calque ses gestes, m'installant à côté de lui.
-Ton nom, c'est Alexie, c'est ça ? Demande-t-il soudainement.
-Ouais, mais je préfère qu'on m'appelle Alex.
-Comme tu veux, Alex. Moi c'est Jérémy.
-Je sais comment tu t'appelles.
-C'est déjà un bon début, dit-il, un sourire en coin.
-Si tu le dis.
Il regarde devant lui, adoptant une position nonchalante malgré son épaule blessée.Je ne peux m'empêcher de le trouver sexy. C'est vrai, ce gars à vraiment une belle gueule. De plus, il est torse nu et il a un air simystérieux...
-Tu prends une taffe ? Me propose-t-il en me tendant sa clope.
Je décline son offre d'un signe de main, avant de croiser mes jambes, essayant de trouver une position confortable.
-Je pensais qu'on ne se parlerait jamais, lancé-je brusquement.
-Moi non plus, en fait, il marque une légère pause durant laquelle il tire sur sa cigarette. Ça va faire quoi, dix ans que j'habite ici, et on ne s'est jamais parlé.
-Ça peut paraître bizarre mais malgré ça, j'ai l'impression de te connaître.
-En fait, j'ai cette impression aussi. C'est sûrement à force de te voir sortir les poubelles.
-Eh ! Je lui assène un cou dans l'épaule et il grimace de douleur. Désolée.
-Ça va... Je l'avais mérité celle-là.
-Ouais, tu l'avais bien mérité même. Mais j'aurais pu frapper autre part...
-Je préfère que ça soit l'épaule qui prenne plutôt que mes couilles.
-Ne me parle pas de tes parties intimes, s'il te plait.
Il rigole devant ma gène plus qu'évidante. Il est tellement nature. Il dit tout ce qu'il lui passe par la tête sans la moindre pudeur. J'ai remarqué que c'était une caractéristique récurante chez les mecs de notre âge. Ils ne se prennent pas la tête à savoir si une chose est à dire ou non. Ils disent ce qu'ils pensent, et c'est tout. Ils se foutent pas mal des répercussions.
-Alors parle-moi de toi, reprend Jérémy, me sortant de mes pensées.
-Qu'est-ce que tu veux savoir ?
-Eh bien, je ne sais pas trop. Tu es entrée en première au début du mois, c'est ça ?
-Exact. On était dans le même lycée l'année dernière, je te rappelle.
-Je m'en souviens, ouais, prétend-il.
-Alors pourquoi tu poses la question ?
-Excuse-moi d'essayer de faire la conversation, Miss je-suis-sur-les-nerfs.
-Je ne suis pas sur les nerfs.
-Si tu l'es, et tu ferais mieux det e détendre, parce que ça me stresse que tu sois si tendue. Je vais pas te bouffer, hein.
Il recrache la fumée de sa cigarette et poursuit :
-Tu sais quand nos parents rentrent ?
-Ma mère m'a dit pas avant une ou deux heures du matin.
-Ah mais c'est que c'est la sortie de l'année dis-moi ! Il se moque d'eux et je ne peux m'empêcher de rire à mon tour. Tu veux faire un jeu pour... ?
Il est coupé par son téléphone qui sonne dans la chambre. Il grogne un « putain »,avant d'essayer de se relever pour aller le chercher. Je pose doucement ma main sur son épaule – pour éviter de lui faire mal – lui intimant gentiment de se rasseoir.
-Je te le rapporte ? proposé-je.
-Oui, merci.
Je me lève en vitesse et récupère son téléphone qui était posé sur son lit. Un nom s'affiche sur son écran : « Jessica ». Je ne cherche pas à savoir qui s'est et remets le téléphone à Jérémy avant de reprendre ma place sur le balcon. Il soupire et décroche, l'air las :
-Allo ? ... Oui, ça va ... Mon épaule ? J'ai connu pire ... Non, je te dis, tout va bien ...Ouais ... D'accord ... Non ! Tu ne peux pas venir, ce soir ...Oui, mes parents ne sont pas là, mais je suis avec quelqu'un ... Tu ne la connais pas ...
J'entends une voix hurler de l'autre côté du combiné et Jérémy me jette un coup d'oeil navré.
-Écoute, Jessica, je n'ai pas envie de me battre avec toi, ce soir. Je te rappelle demain. Bonne soirée.
Il raccroche et pose son téléphone entre nous. Il tire une dernière fois sur sa cigarette avant de l'écraser par terre. Il balance le mégot éteint par dessus la balustrade du balcon.
-C'était ta copine ? Demandé-je, ne pouvant contenir ma curiosité.
-Ma copine ? Si on veut... Ça dépend la manière de voir les choses des gens.
-Comment ça ?
Il tourne sa tête vers moi, nos regards se rencontrent et il hausse les sourcils.
-Je suis sûr que tu peux comprendre seule. Je ne veux pas te choquer à nouveau, sourit-il.
Je crois comprendre à quoi il fait référence. Et si je pense à la même chose que lui, alors non, je ne pense pas que l'on puisse dire que cette Jessica soit sa petite amie.
-Ma manière de voir les choses me dit qu'on ne peut pas vous considérer comme étant un couple, dévoilé-je.
-La mienne non plus, à vrai dire. C'est plus pour Jessica... Elle croit en notre histoire dure comme fer.
-Pourquoi ne pas vouloir te mettre vraiment en couple ?
-Avec elle ? Non, merci.
-Pas forcément avec elle. Je veux dire, pourquoi perds-tu ton temps avec un plan cul ? Tu pourrais essayer de trouver quelqu'un d'autre.
-C'est assez compliqué.
Il ne veut probablement pas en parler et je ne veux pas l'y forcer. Je veux essayer de paraître un minimum cool ce soir, si c'est possible... Je décide donc de changer de sujet de conversation :
-Tu t'es fait ça au foot ? Questionné-je en regardant sonépaule.
Je connais déjà la réponse mais je veux absolument détourner l'attention du sujet précédant. Et c'est la seule chose qui me vient à l'esprit. Pas très original, mais plutôt efficace, je pense. Sauf qu'il me répond quelque chose opposé à ce que je pensais entendre :
-Mon épaule ? J'acquiesce. La version officielle raconte que je me suis fait ça au foot, oui.
-Comment ça «la version officielle » ? m'étonné-je.
-La version que j'ai donné à mes parents, si tu veux. Je leur ai menti, je ne me suis pas réellement fait ça au foot.
-Comment t'es-tu fait ça alors ?
Il ne répond pas et ma curiosité est piquée à vif. C'est quoi cette histoire encore ?
-Ce n'est pas la première fois que je leur mens à ce sujet... susurre-t-il.
Il a l'air d'avoir choisi ces mots exprès pour attiser ma curiosité. Je sens mon sang bouillir d'excitation dans mes veines. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai l'intime conviction que s'il me dit ça, c'est parce qu'il veut que je m'intéresse à son cas. Parce que oui, il aurait très bien pu me mentir à moi aussi en me disant simplement qu'il s'était blessé au foot.
-Tu caches quelque chose ? Ma voix se réduit à un murmure.
Il m'offre un sourire en coin, plutôt ambigu. Et je ne sais pas pourquoi, mais son expression faciale me confirme mes doutes.
-Je sais que tu caches quelque chose, Jérémy.
Son regard énigmatique est porté sur le ciel noir du soir. Il doit être vingt-deux heures maintenant, mais étonnamment, je n'ai pas froid. C'est sûrement l'adrénaline qui veut ça. Je regarde la fumée de la cigarette de Jérémy s'envoler vers les cieux d'une manière miraculeusement hypnotisante. Les cheveux châtains, légèrement longs de mon voisin bougent doucement au gré du vent, captant toute mon attention. Il semble réfléchir un instant avant de tourner le visage vers moi :
-Tu as raison, susurre-t-il. Je cache quelque chose.
-Qu'est-ce que c'est ?
Il sourit avant de secouer la tête dedroite à gauche, l'air amusé. Il prend une taffe, enroulant ses belles lèvres autour de la cigarette. Il recrache lentement la fumée par son nez, et je le regarde avec fascination. De toute ma vie, je n'ai jamais était aussi curieuse que je le suis à l'instant. Je veux savoir ce qu'il cache plus que n'importe quoi et je suis incapable de savoir pourquoi.
-J'ai des secrets, Alexie. Si tu veux les savoir, il faudra que tu les découvres par toi même. Je ne te dirai rien. Si je te dévoilais tout, tu n'aurais plus de raisons de t'intéresser à moi.
-Parce que tu veux que je m'intéresse à toi ?
Son regard rencontre soudainement le mien, j'ai pratiquement le souffle coupé. Nous nous fixons un long moment, durant lequel j'ai l'impression que mon cœur s'arrête un millier de fois. Il se mord la lèvreinférieure avant d'approcher sonvisage du mien :
-Oui, je veux que tu t'intéresses àmoi.
-Pourquoi ?
-On a tous besoin d'un peu de compagnie, tu ne penses pas ?
-Tu n'as pas d'amis pour ça ?
-Bien sûr que si. Mais je veux ta compagnie, dit-il, sûr de lui.T'es plus cool que t'en à l'air, Alex.
-Je suis censée le prendre comment ?
-Bien... Enfin, je crois, il répond sarcastiquement. Tu préfèrerais qu'on reste d esimples voisins ? Parce que si c'est le cas, ça ne me dérange pas.
Le problème, c'est que ce n'est pas le cas. Plus le cas, du moins. Pas après notre entrevue de ce soir. Je ne veux plus qu'il reste une simple personne de mon voisinage. Il m'intrigue trop pour ça. Bien trop pour que je le laisse filer. Je veux en savoir plus sur lui. Et puis tout compte fait, il est plutôt sympa, lui aussi. Shooté, mais sympa.
-Ce n'est pas ce que je veux, avoué-je.
Il me sourit, et je ne peux m'empêcher de le fixer. Dieu ce qu'il est mystérieux. Je vois une étincelle froide danser dans ses iris pétillantes marrons et ça me provoque un étrange sentiment d'insécurité.
-Dans ce cas, je suis ravi de te rencontrer, Alexie.
Il me tend sa main et je ne peux m'empêcher de trouver ça bizarre. J'hésite un instant avant de répondre à sa demande en entourant sa paume de mes doigts et en la serrant fermement.
-Moi aussi, opiné-je.
Nous nous regardons dans les yeux et j'essaye d'y capter quelque chose. N'importe quoi qui pourrait m'aider à comprendre ce qu'il garde cacher dans l'ombre... Mais rien.
Il écrase son mégot et l'envoie valser comme le précédent.
-Comment pourrais-je découvrir tes secrets, Jérémy ? Je ne connais rien de toi.
-Tu les découvriras plus vite que tu ne l'imagines, Alex. Ces secrets font partis de mon mode de vie, tu n'auras pas de mal à les déceler...
J'entends une voiture arriver et je suis étonnée lorsque je l'entends se garer devant la maison de Jérémy. Ce dernier aussi semble étonné puisqu'il se lève – non sans mal – pour voir ce qu'il se passe. Il se penche sur son balcon pour essayer de percevoir l'avant de sa maison. Il reste dans cette position une à deux secondes avant de se retourner vers moi, le visage déconfit.
-Putain, c'est Jessica.
Je me lève précipitamment comme s'il venait d'annoncer la venue des forces de l'ordre.
-J'en ai pour la soirée. Il faut que tu partes, dit-il. Je suis désolé.
La portière de la voiture claque furieusement en bas.
-Si elle te voit ici, je peux être certain que je vais avoir le droit à une scène.
-C'est bon, je... Je peux essayer de partir incognito, articulé-je.
-Oui, je crois que c'est mieux pour tout le monde. Crois-moi, tu ne veux pas la rencontrer, surtout si elle me fait une crise de jalousie.
La sonnette résonne dans la maison et Jérémy se tend.
-Putain. Tu n'as qu'à... Passer par le balcon, commande-t-il.
Je prends plusieurs secondes à analyser ses mots. Le balcon ? Hors de question ! Je m'approche de mon voisin et lui fait comprendre le fin fond de ma pensée :
-Tu rigoles j'espère ?
-Allez fait pas la fillette, Alex ! Je l'ai déjà fait un million de fois ! Tu n'as pas vraiment le choix de toutes manières, elle est déjà là. Regarde, il y a un grillage collé au mur, tu peux facilement y mettre tes pieds pour descendre.
En me penchant pour évaluer le terrain, je découvre effectivement un grillage plein de verdure qui pourra facilement faire office d'échelle. Je me résigne à accepter en soupirant.
-OK, je vais le faire.
-Merci tu me sauves la vie. Tu ne peux pas savoir à quel point elle peut être chiante dans ces moments là.
Je déglutis en mettant mes mains sur la balustrade. C'est ça d'avoir le vertige...Un peu d'hauteur et on perd tous ses moyens. Mais je prends mon courage à deux mains et chevauche le garde corps en retenant ma respiration. Je sens la main de Jérémy se resserrer autour de mon avant bras, pour m'apporter un peu plus de sécurité.
-Merci, murmuré-je la voix tremblante.
Je sais que si je venais à tomber dans le vide, il ne pourrait pas me hisser jusqu'au balcon. Pas qu'il ne soit pas musclé, mais son épaule blessée l'en empêcherait. Disons seulement que son bras qui me tient est un peu comme un placebo. Il me donne l'impression d'être en sécurité alors que ce n'est pas le cas. Je décide donc d'ignorer cette pensée et de reprendre ma tâche. Je passe ma seconde jambe dans le vide et je cherche à taton un appuie où mettre mes pieds. Je suis paniquée, si je tombe, je ne suis pas sûre de me relever. Enfin, si, mais pas entière. Je regarde derrière-moi pour essayer de trouver le grillage, mais mon regard se pose dans le vide et je sens mon cœur se décrocher de ma poitrine.
-Je te tiens, ne t'en fais pas, déclare Jérémy comme s'il pouvait lire dans mes pensées. Regarde-moi.
J'obtempère et plonge mon regard dans le sien. Je me sens légèrement mieux, bien que je sente l'horreur du vide dans mon dos. Finalement, mes pieds trouvent les barreaux du grillage et je souffle de soulagement. Jérémy me lâche le bras alors que la sonnette retentit une seconde fois. Je pose mes mains sur le haut du grillage et je me sens à présent en sécurité. Jérémy me regarde encore et je décide à relever mes yeux vers lui :
-A bientôt, Alex.
-« A bientôt » ça veut dire dans dix ans pour toi ?
Il me sourit sincèrement.
-Ça se pourrait bien... Passe une bonne soirée.
-J'aurais aimé te retourner la chose mais je crains que ça ne sois impossible.
Il secoue la tête de gauche à droite, toujours le sourire aux lèvres.
-Allez, au revoir, Alex.
-Au revoir, Jérémy.
Il s'éloigne du balcon et je me dépêche de descendre la fin du grillage. Quand mes pieds touchent le gazon, je suis immédiatement soulagée. Ce n'est pas aujourd'hui que je m'éclaterais au sol comme une crêpe...
Je quitte le jardin de Jérémy et arrive dans le mien. Je jette un dernier regard en direction de la maison dans laquelle j'ai passé la soirée, un sourire aux lèvres. Jamais je n'aurais pensé faire une telle rencontre... Maintenant, il ne me reste plus qu'à découvrir quel silence il cache dans l'ombre...
*
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