30. Mélina
Média: Il y a une chose. À faire. Trois mots. Pour toi. Je t'aime.
Quatrième et dernière balade.
Et voilà. Je me suis réconciliée avec Adrien Anderson. Que voulez-vous ? Je suis une sentimentale, moi. J'ai des émotions et je ressens des choses, pas comme mon père ou mon foutu patron au Boston. Ou comme beaucoup de monde sur cette fichue planète, d'ailleurs. Pour se faire doublement pardonner, il m'emmène en balade à Boulogne-Sur-Mer, un très grand champ. Je ne sais pas si cela a un rapport avec son histoire, je ne l'espère pas. Et je redoute beaucoup de me retrouver dans le fameux champ où Lise Sanchez est morte il y a un an. Non merci. Je suis peut être sentimentale, mais je suis aussi très superstitieuse. Après un trajet silencieux dans le froid, il balance son vélo dans de hautes branches garnis de ronces, tandis que je pose le mien délicatement auprès d'un petit ruisseau ma foi bien sympathique. Il met son sac sur le dos et commence à marcher comme s'il s'agissait d'un randonneur en pleine action. Je croise les bras.
- Tu comptes faire quoi, là ? Hors de question de marcher trop longtemps. Je suis allergique à la marche !
Il se retourne avec un grand sourire d'innocent qui devait surement être mielleux. Adrien et les expressions de visage...
- Mince alors. Monte sur mon dos.
- Quoi ?!
Pourquoi ça me choque autant d'entendre cette question ? Mais il a l'air si sérieux et si sûr de lui que ça me déstabilise !
- Monte sur mon dos et mets mon sac sur le tien. J'ai le corps solide, Moulinet !
- Tu as le corps d'un liliputien, oui ! Je vais te briser en deux avec ma taille de géante !
- Tu me sous-estimes, ce n'est pas bien du tout. Leçon numéro quatre: Adrien est le plus beau, le plus fort, le plus intelligent, le plus...
- C'est bon, j'ai compris. Je monte sur ton dos...
Il me fait un grand sourire et je grimpe sur son dos d'une manière pas franchement élégante. Mais j'y parviens, et c'est le principal. J'évite néanmoins de trop croiser mes bras autour de son cou, car je ne tiens pas à ce qu'il s'imagine des choses. Il est plutôt solide, en effet. Et les côtes sont durs, donc je note dans ma tête de ne plus jamais traiter Adrien de liliputien. Après un quart d'heure de marche intensive pour lui, il s'affale sur le sol, haletant et je tombe avec lui même si je n'ai pas vraiment de quoi être fatiguée. Les herbes sont hautes, un peu comme dans son histoire, et je commence à m'inquiéter. Aux côté d'Adrien, allongés par terre et les bras écartés, je regarde les étoiles. C'est beau. Et je suis bien, ici. Il dégage des ondes positives, et c'est la première fois de ma vie que je souris autant. J'entends le souffle saccadé de mon coéquipier, et ça me rassure. Il y a des bottes de foin un peu partout autour de nous, et je me dis que cela ne ressemble en rien à un rendez-vous romantique. Non. Vraiment pas. S'il m'a fait venir ici, c'est uniquement pour regarder les étoiles. Alors pourquoi je ne parviens pas à m'en persuader ? Il tourne la tête vers moi et je décide de faire de même. Parce que, aussi étrange que ça puisse paraître, j'ai envie de le regarder. De me plonger toute entière dans ses yeux. De lui faire confiance. Il a un sourire adorable, que j'aurais sans doute trouvé moqueur quelques semaines plus tôt.
- Ça te dit de jouer à pile ou face ?
Je hausse les sourcils. Il faut dire que le moment est très mal choisi pour jouer à ce genre de chose. Mais les moments sont toujours mal choisis lorsque je suis avec lui, alors...
- OK... je prends face. Mais c'est pourquoi faire ?
Face m'a toujours porté bonheur jusqu'à présent, mais je ne connais pas encore la chance d'Adrien.
- Alors pile, tu es à moi et face, je suis à toi. Comme ça pas de jaloux, pigé ?
J'éclate de rire même si je m'efforce de trouver son jeu crédible. Il sort une pièce alors que je pensais sincèrement qu'il plaisantait. Je devrais le connaître mieux que ça, pourtant... il l'a lance puis la plaque brusquement contre le dos de sa main... pile. Génial, il a gagné. Avec un sourire ravi, il s'écrit:
- Tu es à moi, Moulinet !
Et, par ma plus grande surprise, il commence à me chatouiller le ventre. Je le supplie d'arrêter, car je suis généralement très sensible aux parties de "guiliguili"... nous roulons tous les deux dans les herbes hautes, et il pouffe de rire en rétorquant:
- Désolé mais je fais ce que je veux de toi maintenant !
Puis soudain, il s'arrête net. Je constate nerveusement que je suis finalement passée au dessus de lui, nos visages se trouvant à quelques centimètres l'un de l'autre. Il regarde mes lèvres avec envie, et je fais de même avec les siennes. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Comme lors de plusieurs instants avec lui, je crois qu'il va m'embrasser. Il en est capable, après tout, il faut juste que je l'accepte. Mais non, il se redresse finalement et je suis presque déçue. Dans ma tête, tout se mélange: il t'aime ou pas ? Tu l'aimes ou pas ? Je me fais des idées ou pas ? Je suis censée faire quoi maintenant ? Je me redresse en position assise à mon tour, croyant avoir fait quelque chose de mal. Ses yeux sont plongés dans le vide, et je penche ma tête avec un sourcil relevé.
- Je sais pas, dit-il sans changer de position, c'est tout ce que je peux te dire.
Je le regarde comme s'il s'agissait en vérité d'un vampire. Il peut lire dans les pensées ou quoi ? A-t'il un don de voyance ? J'ai de plus en plus de doutes.
- Euh... d'accord... pourquoi tu dis ça en faite ?
Je voudrais être sûre, en faite. Il pousse un soupir du genre "je suis un incompris".
- J'attendais ce moment depuis très longtemps et... je sais plus. Tu m'embrouilles.
- Ah parce que maintenant c'est de ma faute ? Je n'y peux rien moi, si tu ne sais plus ! J'ai dit quelque chose de mal, c'est ça ? Désolée... j'en savais rien, je ne m'en rends pas compte et...
- Non, tu n'as rien fait. C'est moi qui y peux quelque chose. C'est juste que... tu comprends, je ne me sens pas prêt à cause de l'accident et tout...
C'est lui qui m'embrouille vraiment, cette fois. De quoi parle-t'il ? Qu'est ce qu'il veut dire par "je ne me sens pas prêt" ?
- Prêt à quoi ?
- Bah, tu sais bien, prêt à t'embrasser !
J'attends qu'il dise autre chose, mais je sens juste qu'il vient de foirer son coup sans s'en rendre compte. Ou alors, il l'a fait exprès. Il a en quelques sortes mit "l'effet de surprise" à la poubelle.
- Et là tu ne dis pas ta phrase légendaire ? "Je ne dis pas ça parce que tu me plais" ?
Son sourire disparait en même temps que ma sensation de sécurité.
- Parce que je ne te plais pas, c'est ça ?
Oh la la, c'était la question à ne pas poser. Je n'en sais rien. Et je préfèrerais autant qu'il m'embrasse maintenant que ça...
- Euh...
Je parviens à bredouiller devant son air désespéré:
- Je... je... je n'en sais rien... non, enfin... non... je ne crois pas que...
Il ne dit plus rien. Je l'ai bloqué. Je vois déjà l'article de journal avec écrit en grosses lettres: Mélina Allard aurait tué Adrien Anderson en lui avouant faussement qu'elle ne l'aimait pas.
- C'est bon, j'ai compris.
Oh mon dieu. Il a dit cela si froidement que j'ai peur d'avoir perdu le Adrien chaleureux de tout à l'heure. Je tente de le ranimer vainement.
- Enfin, comprends-moi, ce n'est pas simple je...
- J'ai compris je te dis.
Il se relève, les membres raides comme des bâtons. Il prend son sac sans me permettre de remonter sur son dos et commence à partir. Je l'interpelle.
- Adrien, attends-moi !
Quel sang froid ! Je cours à travers le champ et finis par le rattraper, à bon de souffle. Il est terriblement renfrogné, et je m'inquiète à son sujet. J'ai peur d'avoir commis une erreur, et je n'arrive pas à me rattraper...
- Adrien, laisse-moi te parler... tu sais que je n'en sais rien et que c'est difficile, que...
- Laisse-moi.
Il se dégage sans me laisser voir son visage, et je devine qu'il m'en veut énormément de ne pas avoir avoué que je l'aimais. Et peut-être même qu'il croit que je ne l'aime pas réellement. Ce qui serait stupide, vu que je n'arrête pas de lui céder et que je suis toujours rouge tomate en sa présence. Enfin, les signes sont bien là non ? Il prend son vélo et commence à quitter le champ alors que je ne suis toujours pas montée sur le mien. Je l'appelle sans arrêt, mais il ne daigne pas se retourner et m'attendre. Finalement, c'est seule que je rentre chez moi, frigorifiée et les cheveux trempés. Je suis une idiote. Car à présent, je me suis rendue compte que je tenais réellement à lui. Que je l'aime, et que personne d'autre à part lui ne peut me faire sourire. Si je m'en étais aperçue plus tôt, la soirée aurait pu prendre un tout autre tournant, mais je ne me suis pas écoutée. Je me promets que, dès demain, j'irai lui parler et lui dire la vérité.
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