Jungwoo observait, un verre à la main, le déroulement de la partie qui se jouait devant ses yeux. La femme qu'il était censé séduire était déjà présente devant la table de craps, en fait, c'était elle qui jouait en ce moment même. Jeon Soyeon, née en 1998 comme lui. Elle avait des cheveux noirs coupés au carré et était toute habillé de noir. Elle avait du style. Et elle était chanceuse puisqu'elle venait encore de remporter sa mise à ce jeu de hasard qu'était le craps.

—Monsieur ? demanda une petite femme blonde à l'intention de Jungwoo.

—Oui ?

—Vous jouez ?

Jungwoo ne répondit pas immédiatement et la femme en profita pour l'attraper par le bras et s'écrier d'une voix qui se voulait mignonne :

—Oh, s'il-vous plait ! Jouez monsieur. Je veux vous voir jouer.

Il se dégagea prestement et s'approcha des joueurs qui venaient de terminer une partie.

—Alors vous jouez monsieur Kim ? demanda Soyeon avec un sourire narquois.

—Vous connaissez mon nom.

Ce qui était plus une constatation qu'une question.

—J'ai pour habitude de rester informée sur les personnes jouant à ma table.

Elle le regarda de haut en bas avant d'ajouter :

—Et encore plus lorsqu'une personne aussi charmante se trouve à moins d'un mètre de moi.

Jungwoo se pencha sur son oreille.

—Ravis de savoir que vous me trouvez charmant, murmura-t-il.

—S'il vous plait, une nouvelle partie vas commencer, annonça le Boxman*. Je voudrais savoir qui sont les joueurs pour cette partie.

Quatre personnes se manifestèrent, suivit par Jungwoo et enfin Soyeon. Les joueurs firent chacun une mise sur le tapis de la table puis le Stickman* choisit le premier lanceur :

—Monsieur Kim...

—Kim Jungwoo, le coupa le manipulateur.

—Monsieur Kim Jungwoo. Vous êtes le lanceur.

Le Stickman poussa six dés vers Jungwoo qui en choisit deux. Il les montra à la petite foule amassée autour de la table avec un sourire avant de les lancer.

—Deux quatre, annonça le Stickman. Huit. Le point est donc à huit.

Il déposa le disque sur la case correspondant au chiffre huit.

—C'est encore à vous Monsieur Kim.

Il poussa les dés vers Jungwoo qui les lança de nouveau sous les cris du publique.

—Huit ! cria la petite femme blonde qui s'accrochait plus tôt à Jungwoo.

Il venait de remporter sa mise. La partie continua et la chance de Jungwoo ne tourna pas. Il remporta sa mise à chaque fois.

—Vous êtes chanceux, commenta Soyeon en dévisageant Jungwoo.

—Mes amis disaient toujours que j'avais le don pour être toujours là où il faut être. Je suis toujours tombé au bon endroit au bon moment.

—Ils disaient ?

—Disons qu'ils ne peuvent plus rien dire maintenant que leurs cendres reposent dans un mémorial. Vous voyez, j'aurais dû être avec eux le jour de leur accident. Mais au lieu de ça, je me suis retrouvé bloqué chez moi parce que ce jour-là, je ne me sentais pas bien. Une intuition ou de la chance, je n'en sais rien. Tout ce que je sais c'est que j'ai perdu ce qui était pour moi ma seule famille ce jour-là.

Soyeon le regarda sans rien dire, contrairement à la petite blonde qui s'écria :

—Oh, je suis tellement désolé pour vous !

Elle faisait une mine triste et s'accrocha de nouveau à lui.

—Vous n'avez pas à l'être, alors ne le dites pas, répliqua froidement Jungwoo.

—Mais je...

—Vous êtes capable de vous tenir debout toute seule, n'est-ce pas ?

—Heu oui...

—Alors cessez de me tenir par le bras.

Elle souffla de mécontentement et partit vers une autre table de jeu.

—Cette femme est désespérée et désespérante, dit Soyeon. Ni style, ni classe.

—Rien à voir avec vous, Mademoiselle Jeon, s'écria un des joueurs.

—Je sais. Je suis fabuleuse.

Le départ de la petite blonde avait jeté un froid autour de la table.

—Il semblerait que votre verre soit vide, lança Jungwoo à l'intention de Soyeon. Et le mien tout autant. Allons au bar.

—C'est une proposition intéressante.

Les deux se dirigèrent vers le bar et commandèrent une boisson. Une fois leur verre en main, ils se dirigèrent vers un canapé reculé du casino, sans être pour autant à l'abri des regards.

—Vous êtes triste parfois ? demanda-t-elle pour engager la conversation.

—Parce qu'ils sont morts ? Non. Pas vraiment.

Il soupira.

—Je crois sincèrement qu'il ne faut pas trop s'attacher aux gens. Parce que quoi qu'il arrive, on mourra tous à la fin. Tout ce qu'on peut faire, c'est vivre pour soi et profiter de tout ce qu'on peut prendre tant qu'on est sur terre.

—Et qu'êtes-vous venu prendre ce soir ? demanda-t-elle en se mordant la lèvre inférieure.

—Ça par exemple.

Il se pencha pour déposer ses lèvres sur les siennes.

—Je n'ai pas le temps pour pleurer, reprit Jungwoo. J'ai ma vie à mener et des choses à accomplir.

—Quelles sont ces choses ?

—C'est bien là le problème. Je ne sais pas encore. Je sais jusque que je suis là où il faut être.

—Et si je vous disais que je sais ?

Jungwoo croisa les jambes et se pencha vers elle.

—Vous m'intriguez. Dites-moi tout.

—Vous semblez n'avoir ni famille ni amis. Moi je vous propose un travail qui convient parfaitement à votre situation.

—Quel genre de travail ?

—Le genre qui mêle argent et pouvoir. Le seul où vous pourrez vraiment accomplir quelque chose de plus grand.

Jungwoo fit mine de réfléchir.

—C'est illégal je suppose.

—Les choses légales ne font pas avancer le monde. Et puis, rien n'est illégal tant que personne n'est au courant.

—Il faut agir dans l'ombre.

—Exact.

—Et je risque de mourir.

—Oui. C'est la seule chose que vous avez à perdre. La vie.

Elle vit que Jungwoo fronçait les sourcils.

—Mais tant que vous respectez nos quelques règles, vous serez protégé par les meilleurs. Alors ce genre de désagrément ne devrait pas arriver.

—Donc si je résume, vous me proposez un travail illégal qui me permettrais d'avoir argent et pouvoir tout en étant protégé contre une mort qui pourrais m'arriver à cause de ce métier.

—C'est ça.

—Et on travaillerait ensemble ?

Elle posa une main sur sa cuisse.

—Oui. On pourra se voir quand on voudra. Personne ne nous empêchera de faire ce dont on a envie.

Il la regarda dans les yeux.

—Je signe où ?

Elle se leva et lui prit la main.

—Avant d'entrer à ce poste, vous devez rencontrer quelqu'un.