Chapitre 4 Gentilhomme
Le onze avril deux milles vingt-neuf, une Jaguar cabriolet arpentait à grande vitesse les routes du sud-ouest. Au volant, le comte était en vidéoconférence avec le député Lisbonne sur l'écran du tableau de bord.
— Ne vous inquiétez Mark, vous la recevrez dans moins de vingt-quatre heures.
— Dites, ne seriez-vous pas en voiture ?
— Y a des parasites, on...
Il coupa la conversation pour s'affaler dans le dossier en cuir. Que la vie était délicieuse ! La Nouvelle-Aquitaine lui appartenait enfin ! Il avait fallu du temps, de l'argent, des pertes parfois inutiles. Il avait été dans l'obligation d'user de son charme, sa réputation, sa notoriété, afin d'accéder au sommet. Certes, il avait dû éliminer nombre de gêneurs, mais c'était les risques du métier. Un motard de la gendarmerie le doubla en lui faisant signe de se garer. Il s'exécuta en quittant l'autoroute pour la voie de décélération donnant sur une aire de repos. Il se gara sur l'emplacement en face de toilettes, puis patienta.
— Bonjour, monsieur, vous savez pourquoi je vous arrête.
— Une envie pressante, je suppose ! ironisa-t-il en hochant le visage en direction des toilettes hommes.
— Vous voulez jouer ! menaça le motard en sortant sa tablette de verbalisation.
L'équipier quitta précipitamment son deux roues pour s'intercaler en mettant son collègue dans le dos.
— Monsieur le comte, excusez-nous, nous ignorions que c'était vous !
— Il est vrai que je ne suis pas le seul à rouler en Jaguar.
Le gendarme obliqua vers son collègue.
— On est appelé en urgence pour un L231-1.
— Laisse-moi-le verbaliser.
L'officier repoussa son équipier jusqu'à sa moto.
— C'est quoi ton problème ?
— Je suis ton supérieur hiérarchique, on a une urgence.
Le motard accepta à contrecœur d'abandonner les poursuites. Le comte les regarda quitter l'aire de repos puis bifurqua vers la station-service.
Il prit un siège à la cafeteria pour patienter en regardant le journal télévisé sur l'écran de la salle. Le journaliste s'adressait à ses invités, un ancien astronaute à la retraite et un astronome réputé.
— Mais, admettons qu'il frôlerait trop la terre. Supposa le journaliste.
— Le dernier astéroïde à avoir frôlé la terre, c'était le vingt cinq juillet deux milles dix neuf. On l'avait appelé 2019 OK. Il est passé entre la planète bleue et la Lune. Ce géocroiseur mesurait entre environ cent dix mètres de diamètre, était passé à soixante dix sept milles kilometres de la Terre, soit environ un cinquième de la distance Terre-Lune. Il était arrivé à vingt quatre kilomètres à la seconde sans avoir été repéré par quiconque. Les scientifiques l'avaient découvert seulement quelques heures avant son passage dans notre zone proche. Cet astéroïde de la famille Apollon, qualifié de « city killer », aurait été capable de détruire une ville en cas de collision. En explosant dans l'atmosphère, un géocroiseur de cette taille aurait libéré environ trente fois l'énergie de la bombe d'Hiroshima.
— Il était de la taille d'un terrain de football. Donc, un simple caillou par rapport à Apophis qui pèse deux cents milliards de tonnes, avec une taille de sept cent vingt mètres, pour un diamètre de deux cent cinquante mètres. La NASA aurait estimé une trajectoire à vingt-deux mille deux cent cinquante kilomètres de la terre, donc un tiers plus près de la planète bleue que celui de deux mille dix-neuf. L'attraction terrestre ne risquerait-elle pas de l'attirer ?
Le comte aperçut une serveuse terrorisée en regardant l'écran.
— Ne vous inquiétez, mademoiselle, on fera face !
Elle détourna le regard pour s'essuyer les doigts dans son torchon.
— C'est effrayant tout de même.
— Leurs observations ne sont pas totalement fiables. Les observations astrométriques censées déterminer avec précision leurs paramètres orbitaux ainsi que l'évolution de leur orbite sont soumises à des effets perturbateurs très particuliers, effets radiatifs, effets gravitationnels lors des approches planétaires... Donc, ce n'est qu'une estimation se rapprochant de la réalité. Tenta-t-il de la rassurer en arrangeant la réalité.
— Ah. Vous désirez manger ou boire, monsieur ?
— Juste un café, croissant !
Malgré le confinement imposé par la loi martiale, les stations-service avaient obligation de rester opérationnelles. Les contrôles routiers seraient plus stricts passé dix-huit heures. En observant la serveuse, il songea à sa fille ignorant la réalité sur le géocroiseur. Peu de personnes étaient dans la confidence de son probable crash sur l'Europe Unifié. Il serait capable de libérer environ cent quatre-vingts fois l'équivalent de l'énergie d'une bombe nucléaire comme Hiroshima. Il avait choisi de garder le secret comme les rares dans la confidence. Les seuls détenant la vérité dans son environnement proche pouvaient se compter sur trois doigts. Il ne redoutait pas la mort. Tout comme les Vikings, il ignorait la crainte ou la peur, n'étant que de simples mots. Il fallait cependant mourir au combat afin de rejoindre leurs aînés. La serveuse lui apporta sa commande. Il découvrit qu'elle s'était trompée en apercevant le cappuccino au lieu du café, mais il ne ferait aucune remarque.
— Merci, gente dame.
Elle esquissa un léger sourire puis repartit. La servitude était nécessaire ! Tout comme dans une meute, le mâle alpha détenait toute décision. Il pouvait le matin faire exécuter une dizaine de personnes, tremper les doigts dans le sang, pour l'après-midi servir de chaperon au bal de sa fille !
Il déposa un billet de vingt euros sur la table, puis prit le croissant en se dirigeant vers la sortie.
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