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Partie 1

— Achille, Achille, Achille !

Fils de Pélée, roi de Phthie et de Thétis, une Néréide, j'étais sans cesse noyé sous les acclamations pour diverses raisons. Celle-ci m'avait plongé dans le Styx, enfant, me rendant invulnérable mais personne ne savait que toute mon once d'humanité résidait dans mon talon qui n'avait été en contact avec cette précieuse eau.

Je rentrais de cette longue guerre, celle de Troie, alors cette foule amassée en mon honneur n'était pas anodine.

Je suis le héros du royaume, un homme convoité dont le cœur est emprisonné par une promesse faite à ma naissance.

Et un homme ne peut connaître dans sa vie ou bien la gloire ou bien l'amour. La combinaison de ces deux sommets nullement compatibles défierait toutes les lois de toutes parts.

Je traversais la foule sans masquer la lassitude qui trainait à mes pieds à cause de cette fatigue que j'avais accumulée dans mon corps. Ma carrure athlétique était voûtée et mon regard se faisait indifférent face à chaque personne qui le croisait.

Je pénétrais dans ce château avec nonchalance, comme si je n'avais pas disparu près d'une décennie. Comme si je n'avais pas, désormais non plus 16 ans comme à mon départ, mais 26 ans.

Comme je m'y attendais, ma mère était présente, son regard sévère sur le visage, son comportement s'accordant parfaitement avec celui-ci. Pas même une lueur de joie ne brillait dans ses yeux. A ses côtes, Chiron, ce centaure centenaire qui m'avait tant endurci, ses traits à lui étaient tirés, comme s'il y avait mis du gel. Les sabots ancrés dans le sol, les bras croisés sur son torse jonché de cicatrices de tous types.

J'arrêtais mon ascension à mi-distance entre eux et la porte et j'attendis avec un calme olympien.

— Fils, tu es rentré sain et sauf à ce que je vois.

— Bonjour à vous aussi, mère.

— Mon garçon, assieds-toi, j'ai à te parler.

— Bonjour à vous aussi, Chiron. Merci de l'invitation, mais j'ai encore les jambes solides. Mais il est vrai qu'avec deux membres inférieurs en plus, il est dur de s'asseoir !

Un rire nostalgique dépassa la barrière de ses lèvres, j'avais gardé la même arrogance que lorsque j'étais jeune. Cependant, il se tut rapidement, me faisant comprendre que l'heure n'était vraiment pas à la rigolade. Personne ne dit rien durant les minutes qui suivirent.

Ma mère fit quelques gracieux pas vers moi, silencieux, comme à son habitude. Elle était comme dans mon souvenir, elle avait toujours été d'une beauté à couper le souffle. Ses cheveux ramenés sur son épaule exposaient sa nuque porcelaine. Rien n'avait bougé d'un nanomètre chez elle, comme si le temps l'épargnait de ses effets néfastes.

Sa silhouette était recouverte d'un tissu vert d'eau qui épousait chacune de ses courbes et elle chaussait sa paire de bottines fétiches. Celle qui lui faisait des pieds délicats, à un tel point que la peur de les fissurer intervenait au regard qu'on leur accordait.

Lorsqu'elle se tint devant moi, je la dépassais bien d'une tête mais à aucun moment elle ne montra un quelconque signe de faiblesse, jamais.

C'était ainsi que j'avais toujours connu cette femme forte, elle n'avait jamais laissé rien entrevoir d'autre que son épaisse carapace désormais incrustée dans ses pores. Elles ne faisaient qu'un.

— Achille, nous parlons sérieux. Tu es un homme maintenant, tu n'as plus le droit d'agir ainsi. Prends conscience de tes responsabilités.

Alors oui, j'avais possiblement omis ce détail. Elle était ce genre de mère, constamment sur ton dos qui parvenait à te reprocher la moindre chose comme si elle n'attendait que cela, même lorsque tu revenais d'une décennie de guerre. Jamais elle ne changerait.

— Mère, je reviens d'une guerre durant laquelle je n'ai cessé de me battre et ce pendant près de 10 ans. N'ai-je pas le droit de souffler un bon coup ? Même à la maison.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis sur la question. Crois-tu que je t'ai plongé dans le Styx au péril de ma propre vie pour que tu n'accomplisses rien d'exceptionnel ? Je t'ai donné mon nom, à toi de fièrement le porter désormais.

Ah, et elle tachait de ne jamais oublier cela non plus. Chaque pas de travers de ma part représentait chez elle, une possibilité de déchoir son nom. Une honte à ses yeux, mais surtout, pour sa réputation.

— Je sais déjà tout cela mère, répondis-je avec une lassitude non dissimulée.

— Alors cesse de te comporter en gamin. Un homme n'a nul besoin de se reposer autant que toi, tu le désires.

— Bien, vous avez fini ? Comme vous le dites, je ne suis qu'un gamin. Alors je vais rentrer dans mes appartements et jouer aux petites voitures comme le gamin que je semble être. Cela vous convient-il, mère ?

— N'est-il pas possible d'être si borné. Ne demandez-vous pas même des nouvelles de votre femme qui depuis tant de temps vous attend ?

— Oh c'est vrai ça, je suis marié. Comment va-t-elle ? demandais-je sans réel enthousiasme.

Cette fille-là, Abigail, n'avait jamais été celle que j'avais un jour souhaité épouser. Elle m'avait été imposée comme femme sans que je n'aie mon mot à dire. Alors même que je ne savais parler.

Je montais deux à deux les marches vers mes appartements et gagnais ma chambre avec la hâte de pouvoir m'emmitoufler dans ma couette à la douceur d'un nuage pour une éternité encore. Mais qu'elle ne fut pas ma surprise lorsque je vis que non seulement l'entièreté de mon cocon avait été réaménagé mais en plus de cela, mon lit était occupé.

Abigail reposait dans mon lit, le dos droit, les mains jointes sur le ventre et les yeux clos. Ses cheveux blonds sur l'oreiller formaient comme une auréole tout autour de sa tête. Elle était une très belle femme. Peut-être que si j'avais eu le choix, j'aurais pu tomber amoureux d'elle. Mais c'en était pas ainsi, et cela ne le serait jamais. Dès l'enfance nous connaissions l'aboutissement de cette relation, alors nous tachions, pas forcément de nous aimer, mais au moins de ne pas nous détester.

Je m'approchais d'elle à pas feutrés, ne voulant pas la réveiller. Elle ne semblait pas souffrante ou bien feignant elle bien l'inverse. Autour d'elle, il n'y avait que l'odeur du propre. Comme si elle attendait mon retour.

— Mère, qu'a-t-elle ? furent les seuls mots que j'avais à prononcer. Je la savais à mes trousses quand bien même les seuls bruits audibles étaient ceux de mes pas.

— C'est ce que je voulais te dire. Ta femme est souffrante et tu te dois de la faire sortir de ce coma qui n'a que trop duré. Et pour ce faire, tu as besoin de la Toison d'or.

Juste ça ? Un jeu d'enfant mère. Voulez-vous que je fasse quelques courses pour vous en même temps ?

Je ne me retournai même pas durant le temps de cette altercation. La seule chose que j'entendis fut son soupir d'exaspération. Moi-même j'avais envie d'extérioriser ce même son, mais j'avais su le réfréner à temps. Je me rendis auprès d'Abigail, je savais que je ne pouvais rien faire pour l'aider, mais j'espérais naïvement que les quelques astuces que m'avait enseigné Chiron la sortirait de ce sommeil dévastateur.

Je pris avec précaution sa main entre les miennes. Celles-ci étaient gelées, pâles et gelées. Son front quant à lui, baignait dans la sueur et ses dents grinçaient légèrement. Je n'avais pas pu voir cela de loin, mais il était indéniable désormais qu'elle était gravement malade et que ce n'était pas quelques remèdes à base de plante qui allaient la sortir de cet état-là.

Abigail, que s'est-il passé ?

Je passais encore quelques minutes supplémentaires à son chevet avant de me rendre à l'évidence. Ils avaient tout tenté et j'étais réellement leur dernier recours.

Je me levais prestement, époussetais rapidement mon pantalon et me dirigeai vers la porte d'entrée. Je tournais les yeux une dernière fois vers le lit pour m'assurer qu'elle n'avait pas bougé et partis.

Chiron se tenait déjà derrière la porte, nerveusement, il devait déjà savoir que j'allais aller vers lui. De près, je voyais maintenant ses cernes fatigués et ses traits bien plus que tirés, ils étaient moulés dans de l'argile à ce stade. Mère l'avait décidément poussé à bout avant de se rendre à l'évidence.

J'étais leur ultime solution, qu'ils le veuillent ou non.

— Je pars ce soir, dis-je d'un ton dépourvu de toute émotion, seul, ajoutai-je.

— Je me doutais que tu n'allais pas me trimballer avec toi, Achille. Mais fais vraiment attention à toi, la route vers la Toison d'or est vraiment dangereuse. Tu devras affronter quelque chose de bien pire que ce que tu avais eu à affronter durant la guerre. Chrysomallos est connu pour être impitoyable.

— Parlons peu, parlons bien. Le temps presse et je n'ai pas que ça à faire.

— Bien, suis-moi.

Je le suivis au détour d'un couloir, il longeait une allée que je n'avais que peu fréquentée et alors que je pensais qu'il se dirigeait vers une impasse, il plaça son sabot avant sur un lecteur et une entrée s'ouvrît derrière un tableau.

Je ne posais pas de questions, bien plus préoccupé par autre chose que par cela. La pièce était suffisamment spacieuse pour accueillir un immense bureau dont la superficie était occupée par des cartes et des maquettes en tout genre. On voyait tout. De notre manoir à la montagne sur laquelle se trouvait la Toison d'or. Cela devait représenter des dizaines d'années de travail.

— Comme tu peux le voir, j'ai fait une reconstitution du chemin qui te mènera à cet artefact sacré. J'ai aménagé cette pièce bien avant ta naissance et comme tu peux le voir, il me manque encore certaines informations. Or, le temps presse alors tu vas devoir partir sans.

Je hochais la tête avec peu de conviction à chaque phrase. De l'extérieur on aurait dit que je ne saisissais pas correctement les informations mais c'était seulement car une part de moi souhaitait rester dans le déni. Ma femme n'était pas en train de mourir. Même si je ne l'aimais pas de cette manière-là, elle occupait une certaine place dans mon cœur et même si je ne l'avouais pas à quiconque je croisais, sa maladie m'inquiétait fortement et je ne voulais pas qu'elle y passe sans que je n'ai pu faire tout ce qui se trouvait en mon pouvoir pour l'aider.

Je n'avais pas remarqué son absence avant de sentir sa présence juste devant moi. Mes poings s'étaient involontairement serrés et ma respiration s'était légèrement accélérée. Il me tendait une tablette. Je la saisis et l'observais sous tous les angles.

— Tout ce que tu vois ici a été copié dans cette tablette. Prends en soin, ne la perds surtout pas.

— Bien, c'est tout ?

— Mon garçon, je pense que tu es suffisamment grand pour savoir te défendre. Tu partiras à la tombée de la nuit alors que tout le monde dormira afin de n'alerter à personne. Bonne chance.

Il m'expliqua tout en détails, en s'assurant que je comprenais chaque chose. Cela dura des heures mais j'intégrais du mieux que je pouvais ces données qui pourraient à l'avenir potentiellement me sauver d'une chute létale. Il fallait que je mette toutes les chances de mon côté.

Je terminai de lacer mes bottes. Ma tunique déjà fixée ainsi que mon sac à dos fait, j'étais paré pour cette excursion. Je me levais de ce lit prêt à quitter pour un temps indéterminé la chaleur de cette chambre pour la fraîcheur aventureuse du dehors.

Je vérifiais une dernière fois le reflet que me renvoyait le miroir près de la porte. Je n'avais pas eu l'occasion de le faire depuis fort longtemps. Mon corps auparavant en développement était désormais bien en muscles, taillé dans la pierre. Mes bras, mes jambes et mon buste bien que couverts par ces pièces de tissu que j'avais tant porté ne masquaient pas ma musculature. Mes traits avaient mûri quand bien même j'avais gardé mes yeux bleus perçants et ma chevelure blonde arrivait aux épaules. J'étais bel homme, je le savais et le voyais. J'étais bel homme et je ne pouvais même pas en profiter que je devais déjà retourner sur un champ de bataille.

Je soufflais un bon coup avant d'actionner la poignée de cette porte. Elle semblait tellement lourde qu'on aurait dit que quelqu'un me dissuadait de m'y rendre. Je posai un pied dans ce couloir désert, dans lequel mon pas résonna en plusieurs échos. En y voyant personne, une vague de déception me prit. J'étais déçu, mais je ne savais pas de quoi. Quelque part, je savais que mère ne m'aurait pas accordé ses adieux, ce n'était pas son genre, mais j'avais espéré qu'elle ferait une entorse à ses propres règles. Rien qu'une seule fois.

Petit à petit, je rejoignis la salle du trône avant de me retrouver là où j'étais quelques heures plus tôt. La majestueuse porte se trouvait devant moi et je m'apprêtais à sortir de ses bras protecteurs pour rejoindre les vapeurs de l'inconnu. Encore. Je m'aventurais là où tant d'hommes avaient tenté leur chance en vain en espérant que je sois cet idiot qui aurait la chance de parvenir à son but.

Je m'installais sur mon fidèle destrier avec difficulté et plaçais mes maigres affaires à l'emplacement prévu pour. Puis, enfin d'un coup sec des mains sur le harnais de mon cheval, je lui ordonnais de partir. Calmement, sans galoper. Je m'enfonçais dans la noirceur de la nuit, à l'abri des regards.

Mère, je tâcherai de vous rendre fière.

Après cette pensée, je sentis une douce chaleur au niveau de ma poitrine, comme si elle avait entendu mes pensées et qu'à sa manière, elle me félicitait. Je souris à ma propre stupidité et quittais définitivement le périmètre de ma maison.

J'avais parcouru un bon quart du chemin cette nuit-là alors je profitais du jour pour me reposer et me restaurer. Je laissais mon compagnon de voyager profiter et brouter toute la journée.

Mais la nuit venue, je repris la route en toute discrétion et cette fois, je pris garde à ce que l'on ne nous suive pas. Pour ne pas avoir davantage d'ennui.

Cette routine continua quelques jours encore, jusqu'atteindre les marécages, là où je devrais abandonner mon compagnon avant d'y pénétrer pour rejoindre le labyrinthe qui me mènerait à la Toison d'or. Cet artefact était précieusement gardé par Chrysomallos au cœur de celui-ci et je me doutais que le récupérer ne serait pas une mince affaire.

S'en suivirent encore quelques jours de voyage avant de finalement devoir finir à pied. Mon corps entier criait à la douleur après avoir chevauché autant de temps. Mais je n'avais pas de temps à perdre alors je m'étais efforcé de cheminer jours et nuits, avec uniquement quelques maigres pauses pour assouvir mes besoins primaires. Ma monture, quant à elle, ne semblait pas se plaindre autant que moi. Elle se contentait d'avancer lorsque je le lui indiquais et profitait des moindres temps d'arrêt pour se restaurer.

Ce jour fatidique arriva, je dus finir la route à pied puisque les chemins étaient bien trop raides et étroits pour qu'un cheval puisse entamer l'ascension sans danger.

J'arpentai ces allées de pierres avec mon sac à dos sur le dos. J'avais longuement hésité à le laisser sur un bord de route mais trop de choses importantes étaient contenues dans ce sac pour que je puisse me résoudre à l'abandonner.

Cette montagne n'avait décidément pas été choisie pour abriter la Toison d'or par hasard. Rien que son ascension ardue permettait de dissuader bien du monde de s'aventurer sur celle-ci. De plus, on racontait que le célèbre Chrysomallos était nomade et donc qu'on pouvait le croiser à n'importe quelle intersection pour lui servir de repas.

Tout allait bien jusqu'à ce que des bruits anormaux ne me parviennent aux oreilles. Tantôt il s'agissait de bêtes sauvages tantôt de bruissements de feuille. Mon réflexe premier était d'y prêter une attention particulière pour chaque fois me rendre compte qu'il s'agissait en fait de mon cerveau fou.

Habitué aux bruits de la guerre, il leur arrivait régulièrement de me poursuivre jusque dans mes cauchemars et dorénavant, j'étais victime de ces hallucinations même éveillé, sûrement à cause du fait que je ne dormais pas et seraient donc provoqués par le manque de sommeil.

Alors que j'avançais à l'aveugle, la tablette de Chiron n'indiquant pas ce qu'il se trouvait au-delà du pied de la montagne, je vis un rideau de feuille qui débouchait sur ce qui semblait être l'entrée d'une grotte.

A ce moment-là, des milliers de questions naquirent. Fallait-il que je me joigne à ce potentiel aventurier, si c'en était un ? Était-ce là la cachette de Chrysomallos ? Allais-je mourir si j'y allais ?

Mais en pesant le pour ou le contre, je me rendis compte qu'il y avait bien plus de points positifs à me rendre là-bas. J'étais immortel et invulnérable de partout, que risquais-je ?

La nuit était tombée, j'avais besoin de me reposer alors j'avançais à pas de loup, ne souhaitant pas prendre plus de risque que nécessaire et lorsque je me trouvais face à cette entrée, je ramassais un bâton de bois au sol pour dégager le passage. Je me munis d'une autre branche et frottais le tout pour produire du feu.

J'étais dans la peau d'un homme préhistorique et me conduisais comme tel. Je tentais tant bien que mal de me souvenir des techniques qu'utilisaient mes camarades de guerre au tout début, lorsque le temps ne s'avérait plus être une ressource si vitale. Lorsqu'une seconde de perdue ne représentait pas la chute d'une bonne dizaine de soldats. C'était Simon, un des gars tout aussi jeune et déboussolé que moi qui avait pris le temps de m'enseigner les premières choses à faire lorsque je me retrouvais du jour au lendemain sans rien.

Penser à lui me fit l'effet d'un coup de poignard dans l'abdomen. Notre abri avait été trouvé par l'ennemi cette fois-là. Un membre de notre équipe montait la garde au moment de l'attaque. Il avait silencieusement été abattu avant que l'adversaire ne vienne placer des bombes tout autour de là où nous dormions. Personne n'avait anticipé cela et je fus le seul survivant.

Je ne devais pas laisser ces traumatismes me noyer. Je ne pouvais pas. Alors pour me changer les idées, je bougeais de cet emplacement que j'occupais depuis bien quelques minutes et pénétrais dans ce mystérieux endroit.

Je fus surpris par la présence des nombreux fanions colorés accrochés au mur. Je parvenais à déceler une atmosphère chaleureuse. Il y avait des fauteuils, trois pour être précis, des tableaux au mur, un tapis au sol avec une table basse au-dessus et même des verres plus ou moins remplis. Un reste de feu de cheminée crépitait à mes côtés et le silence était maître.

J'avançais sans pour autant baisser ma garde en espérant trouver une chambre pour me reposer un minimum décemment. Lorsque je fus satisfait, je me couchais sous ces draps frais et m'endormis comme une masse à la seconde où ma tête entra en contact avec l'oreiller.

Je me réveillais au son d'un mouvement. Comme si quelqu'un s'était assis sur un fauteuil, sans doute celui du salon. Je me relevais d'un bond, et avançais d'un pas léger vers la porte de la chambre. Par chance, je voyais la sortie de là où j'étais alors je ramassais le bâton que j'avais précédemment éteins et le lancer suffisamment loin à l'extérieur de l'habitation pour que l'intrus s'en aille. Après cela, je me cachais d'un geste dans la chambre et attendis une vingtaine de secondes que l'endroit soit à nouveau vide.

Par précaution, je m'en allais avec la plus grande des discrétions avec mon sac sur le dos. Le jour était déjà levé, ce qui signifiait que j'avais dormi bien plus que ce que je l'avais souhaité. Ce qui était une bonne chose puisque je n'allais sûrement plus avoir de temps pour me reposer maintenant que je mettais enfin le cap sur la Toison d'or. Tomber sur ce refuge était un énorme coup de chance, alors je me devais de l'utiliser à mon avantage.

Chiron m'avait dit que la Toison d'or se trouvait à l'endroit où le soleil était le plus lumineux. Alors je levais les yeux au ciel pour trouver cet astre du jour et me diriger vers la partie de la montagne où la lumière dégagée par celui-ci serait la plus importante.

Les obstacles étaient nombreux mais heureusement que mon endurance l'était davantage. Je m'étais préparé à cela, entre autres, et aucun parcours ne parviendrait à mes fins. Je le savais. Plus je m'approchais de l'endroit convoité, plus j'avais chaud et plus j'avais soif. Je pris alors à contre-cœur la dernière bouteille d'eau qui se trouvait dans mon sac à dos et la finis à grosses gorgées. Je m'essuyais la bouche du revers de la main et continuais mon ascension.

Quand enfin j'aperçus ce célèbre labyrinthe qui abritait mille et unes créatures. Or, j'étais connu et mon nom faisait trembler plus d'un. Je fis comme ça avait été si souvent répéter, je prenais tous les virages à droite et je savais que je pourrais ainsi trouver le bon endroit. J'avais croisé les squelettes des précédentes personnes qui avaient donc échoué, mais aussi d'autres monstres comme le Minotaure mais aucun ne m'intéressait alors je continuais ma route. Il faisait de plus en plus chaud puisque l'heure avançait pour que le soleil atteigne son zénith, ce qui ne m'arrangea pas.

Au bout de 15 minutes de marche supplémentaire, je décidai d'abandonner mon sac à dos. Il ne contenait rien qui m'était indispensable alors autant m'en débarrasser. Je trouvais au détour d'un croisement un buisson différent. Il était creux, de la taille parfaite pour y planquer mon sac. Mais avant que je ne le pose, je vis un objet scintiller, une pierre violette. Cela s'avérait être un médaillon qui avait en son centre une pierre d'améthyste et au creux de celle-ci, trônait une pierre de quartz rose. Je le glissais dans ma poche avant de continuer à avancer, ne sachant pas réellement à quoi cela servait.

De moins en moins de personnes faisaient leur route au fil de mon avancée. C'était bon signe, je m'approchais de ma cible. Doucement mais sûrement.

Je ne savais pas comment je me sentais. Ce n'était pas de l'anxiété, non. Ni de l'appréhension. Ce sentiment qui m'habitait semblait en réalité être bien moins profond que cela. Comme de l'ignorance. Ou du refus d'admettre. J'étais dans un déni bien trop insupportable. Insupportable car il était indéniable que j'allais bientôt devoir voir les choses en face. Et que je n'étais pas prêt à le faire.

Mais si ce déni partait, ce déni qui habitait l'entièreté de mon corps, ce déni qui faisait battre mon cœur et qui se mélangeait à l'air que je respirais. S'il partait, je n'aurais face à moi que la confirmation de cette quête que je me devais d'affronter, ainsi que l'obligation de la confronter pour me sentir à ma place.

J'étais en fait, une victime parmi tant d'autres de ce destin, dirigé par des forces plus grandes que nous qui se permettaient de jouer les marionnettistes en se servant de nous comme de simples pantins.

Mais ne fallait-il pas les écouter pour mieux rebondir et ainsi être son propre maître ?

La bêtise humaine était authentique, flagrante, celle des dieux, inconsidérée, inconsciente. Alors, j'allais leur montrer que celle des demi-dieux serait mémorable et intelligente.

Je n'allais plus être juste plus forts que les hommes, et plus faibles que les dieux. J'allais être Achille, plus malin que tous. Je ne serais jamais plus, victime de mon destin et dès lors que j'aurais récupérer cette Toison d'or, je m'en irais vivre ma propre vie.

C'était la résolution que je souhaitais prendre, la seule que je voudrais tenir et celle avec laquelle je mourais. Mon intime conviction, ma source de motivation et la naissance de ma délectation.

Je sortis de mes pensées lorsqu'un bruit sourd résonna à mes côtés. Les remparts de mon imaginaire étaient tombés et il était temps que je revêtisse cette armure et ce masque imperméable afin d'achever cette transformation pour que je devienne, une bonne fois pour toutes, ce guerrier tant redouté.

— Que fais-tu là, Achille. Viens-tu comme tous les autres, tenter de voler mon bien ? Spoiler alert, si tu savais combien d'entre eux ont eu les jetons et se sont barrés en courant. Sache juste que ce n'est pas toi qui vas changer la donne. Tu ne seras pas le premier à me tenir tête ni le dernier à le faire, crois-moi. Je ne te laisserais pas en vie si tu ne pars pas de suite.

— Chrysomallos, je sais qui tu es. Je ne vais pas tenter de te raisonner. Je ne vais rien faire de tout ça. Mais toi comme moi nous y gagnerions à nous serrer les coudes.

— Donne-moi une seule chose que je gagnerai. J'ai tout perdu et ce n'est pas une demi-portion comme toi qui va me faire croire qu'un quelconque espoir existe.

Cet instant tant redouté arriva, je n'eus pas plus de temps pour me préparer que ma dague tournoyait déjà tout autour de mon index suivi d'une seconde dans mon autre main. Ces lames forgées par Héphaïstos étaient l'une des seules capables de blesser suffisamment une créature surnaturelle pour espérer pouvoir la tuer. Et celles-ci étaient parfaites pour neutraliser Chrysomallos, cette bête semblable au Minotaure, poilue à souhait qui faisait bien deux fois ma taille. Ses pas lourds et son corps robuste ne lui conféraient pas l'agilité et la discrétion que me permettait mon maigre gabarit. Ses yeux s'écarquillèrent face aux armes que je tenais, il ne devait pas s'attendre à un combat équitable.

— Crois-tu réellement que ce sont ces toutes petites armes que tu m'auras ? cracha-t-il en reprenant contenance. Laisse-moi rire un peu. Tu plaisantes, n'est-ce pas ?

— Voyons voir si ce n'est qu'un jeu. Approche-toi au lieu de te cacher derrière tes excuses de mauvais goût.

— Trêve de bavardages, montre-moi ce que tu as réellement dans le ventre, Achille de Troie. Prouve que tu portes ce nom dignement. Prouve que Thétis a raison de mettre autant d'espoir en toi.

Comme l'avait-il dit "trêve de bavardages" je ne dis mot et m'élançais directement sur lui, la lame en direction de son cœur mais ce fut sans compter sur son bras avec lequel il me repoussa de son revers. Je retombai honteusement sur les fesses, méprisant tout à coup davantage cette impulsivité qui coulait depuis toujours dans mes veines. Si je voulais le vaincre ce ne serait pas par la force que j'y parviendrais mais bel et bien par la ruse.

Je devais y réfléchir calmement mais je devais aussi éviter les attaques de mon adversaire. A maintes et maintes reprises, je parvins à le blesser et à extraire quelques gouttes de son liquide vitale. Celui-ci s'éparpillait sur le sol et peignait ce dernier d'une couleur vermillon.

Plus le temps passait, plus la fatigue se ressentait. Mon invulnérabilité me faisait défaut puisque lors d'un faux mouvement, Chrysomallos réussit à me subtiliser une de mes lames et à entailler mon corps aux endroits stratégiques. Peu profondément mais efficacement. J'avais davantage de plaies au niveau des bras ce qui rendait ma prise sur mes armes bien moins fermes. Mes jambes n'avaient pas été plus épargnées, on le voyait aux nombreuses déchirures sur ma tunique qui était bonne pour la poubelle.

— Ne veux-tu pas cesser ce carnage, Achille ? Tu vois bien que tu n'as aucune chance contre moi.

— Plutôt mourir.

Je serais incapable d'affronter la déception dans le regard de ma mère, ni à faire ricocher ses mots crus sur ma carapace désormais brisée. Chrysomallos m'avait non seulement dépouillé physiquement mais cela ne devait pas suffire puisqu'il avait également pioché dans mon mental en s'attaquant à mon ego. Ma faiblesse n'était pas mon talon, non, elle résidait en fait dans cet excès de confiance que je m'accordais. Et je craignais que la découvrir maintenant m'était en fait fatal.

Chrysomallos avait, d'une manière ou d'une autre, réussi à me désarmer. Ce n'était pas une chose difficile puisque cela faisait quelques heures que nous nous affrontions déjà. Je n'étais qu'un demi-dieu, j'étais endurant, mais pas sur un lapse de temps illimité.

— Vas-tu enfin laisser ta fierté de côté, même pour ta propre survie ?

— L'aurais-tu fait à ma place ?

— Tu veux dire si j'étais à deux doigts de mourir, si j'avais une mère, si j'avais une ravissante fiancée, si j'étais si beau j'aurais accepté de me rendre au risque de vivre sous une défaite survenue après une guerre de plus de 10 ans de laquelle j'étais sorti en vie pour ne pas mourir ? Eh bien, oui, je l'aurais fait.

Une plainte sortie de ma bouche, un gémissement de douleur comme ceux que je n'avais pas laissé dépasser la commissure de mes lèvres depuis si longtemps s'était échappé contre mon gré. Je n'avais jamais voulu montrer cette marque de faiblesse face à lui. Mais mon corps était si mou que mes genoux ne supportaient plus le poids de mon être. C'était comme si les forces divines refusaient tout à coup d'arrêter d'être de mon côté et que le noyau de la Terre attirait inexorablement l'entièreté de mes atomes à lui.

Sans que Chrysomallos n'ait à bouger le petit doigt, mon cœur s'incendia et créa une abominable douleur dans ma poitrine, menaçant d'embraser chaque partie de moi. Sous l'assaut de cette force inconnue, mes genoux fléchirent et je me retrouvais à courber l'échine devant cette bête que je ne connaissais ni d'Adam ni d'Eve, et qui, je devais l'avouer, attisa ma curiosité.

Je sentais des larmes couler sur mes joues tant la honte de me retrouver dans cette posture contre mon gré était grande. J'usais dans mes dernières forces pour ne pas gémir d'une force face à cette catastrophe dont j'étais le maître. Mes tripes se retournaient dans mon organisme sans que je ne puisse rien n'y faire et une envie de vomir me tordit l'estomac. Il m'avait à sa botte et je détestais ce sentiment de soumission.

— Alors ? Ça y est ? Tu as compris que te battre davantage ne servirait à rien ?

Je ne pris pas la peine de lui répondre, non, je n'en avais plus la force. Mes bras, sur lesquels étaient appuyés le reste de mon corps qui ne l'était pas sur mes genoux, ne tinrent plus. Plus aucune partie de mon corps ne tenait le coup. La dernière chose que je sentis était ma joue gauche qui entrait durement en collision avec le sol, et rien d'autre. Si ce n'était cette phrase-là que je pensais sincèrement avoir imaginé.

— Achille, tu es vraiment un garçon intéressant. Terriblement con et borné mais intéressant.

Et là, je tombais pour de bon dans les bras de Morphée.

Je sentais de doux draps en dessous de mon corps. Cela faisait si longtemps que je n'avais pas eu le droit de dormir dans un endroit si confortable. Une agréable odeur de café vient chatouiller mes narines comme une torche qui me menait au réveil. Lentement je soulevais une paupière, et puis l'autre. Ma chambre baignait dans les rayons du soleil. Ce cadre était tout simplement idyllique. Je profitais des minutes qui suivirent mon réveil pour paresser un peu dans mon lit. Je tendais l'oreille mais à aucun moment je n'entendis la voix stridente de ma mère me réprimander ou encore les pas lourds de mon mentor qui venait me conduire à l'entraînement.

Ces minutes se comptaient en dizaines mais je me décidais enfin à quitter ces draps pour boire ce délicieux café avant qu'il ne devienne froid. Je m'installais à mon fauteuil fétiche et pris le manche de la tasse entre mes deux doigts avant de l'apporter à mes lèvres. Juste à côté de la soucoupe se trouvait un livre. Aristote et Dante découvrent les secrets de l'Univers, je me souvenais l'avoir lu presque deux décennies auparavant. Et je le relisais chaque fois que dans ma vie, ça n'allait pas fort. J'y trouvais une sorte de réconfort, ce livre était ma maison.

Mais là, quand bien même je venais de me réveiller, un coup de barre me prit. Les couvertures tendaient les bras vers moi pour que j'aille leur tenir compagnie. Et je ne m'imaginais pas refuser cette invitation si gentiment proposée. Ce café était vraiment étrange. Je posais le bouquin à côté de mon oreiller pour l'avoir au réveil et me couchais, exténué.

L'exact schéma se reproduisit quelques heures plus tard. Je me fis de nouveau réveillé par les rayons du soleil, je m'installais à la table et pris le café avant de ressentir une intense fatigue et me recoucher.

Mais le quatrième ou le cinquième jour, je ne savais plus, mes muscles exprimèrent leur mécontentement face à leur inactivité et au trop-plein de sommeil. Je fis quelques tours de la pièce pour me dégourdir les jambes avant de remarquer la poignée de porte. Celle-ci se faisait discrète comme si elle ne voulait pas que je l'actionne.

Mais voulais-je vraiment l'enclencher au risque que ma mère me rappelle à quel point j'étais une pourriture ? Que l'on me redise encore et encore que je porte le nom d'un héros et que je ne l'avais pas choisi ? Que je me pavane au bras d'une femme pour laquelle je ne donne pas l'affection qu'elle mérite ?

Je levais les mains en direction de celle-ci et au moment de ce contact nécessaire, je me réfrénais et allais m'éloigner de ces responsabilités en me cachant dans mes draps. Je m'autorisais cet égoïsme pour une raison obscure et pris le livre en main afin de me replonger dans l'univers de mon enfance, au côté d'Aristote et Dante. Ces secrets d'enfance, peu à peu révélés à l'âge adulte. La découverte des sentiments qui fleurissent en leur sein mais surtout l'acceptation de celui-ci. Dans ce livre, tout était beau. Les protagonistes, les personnages secondaires, l'univers en lui-même étaient chacun d'eux, à leur manière, un appel à l'amour et à la paix.

Je lus ce livre d'une traite avant de ne pas être d'accord avec le fait d'avoir fini et donc je le recommençais, encore et encore. Je dormis comme une masse, de nouveau.

Mais au bout de quelques jours supplémentaires, j'en avais réellement marre d'être ainsi enfermé alors je me positionnais devant cette poignée, posais ma main dessus avant de l'abaisser te pousser la porte.

Bizarrement, rien ne se passa. Je tirai, rien non plus. Poussais à nouveau, toujours rien. J'étais enfermé dans ma propre chambre et remarquais que maintenant qu'il y avait en fait une serrure. J'étais sûr qu'il n'y en avait jamais eu auparavant.

Je commençais à prendre conscience que je n'étais pas vraiment dans ma chambre, mais qu'il s'agissait d'un endroit qui lui ressemblait. Mais pourquoi ?

J'adorais être ici, c'était l'endroit sur Terre où je me sentais le mieux mais parfois, quitter son cocon était mieux pour davantage apprécier le retour. Et là, c'était ce dont j'avais besoin.

Je retournais à mon lit, m'assis dessus et pris ma tête entre mes deux mains.

Tiens, depuis quand étaient-elles aussi grandes, elles ?

Je faisais vraiment si peu attention à moi pour ne pas m'être rendu compte que si mon corps grandissait mes mains allaient forcément suivre la cadence. C'était juste logique.

Je couvris de mes oreilles à mes temps en tentant de trouver une solution. Sans succès, j'abandonnai au bout de dix minutes en décidant de m'allonger sur le dos sans pour autant bouger mes jambes. Lorsque j'eus clos mes paupières, je rejoignis immédiatement le monde de Morphée.

J'avais fait un rêve super étrange. J'étais dans la même situation que là, mais, la porte n'avait jamais été bloquée. C'était comme si j'étais mon propre rempart qui m'empêchait de sortir. Alors il fallait que je puisse me débloquer et par conséquent, libérer la sortie.

Pour être sûr que je ne devenais pas fou en imaginant la porte fermée à clé alors qu'il n'y avait même pas de serrure, je retentais. Une fois, deux fois, trois fois. Toujours rien. Las, j'entrouvris la fenêtre pour prendre l'air frais.

Dommage que cette ouverture soit si haute et si petite.

Cela ne m'empêcha pas de respirer un bon coup et lorsque cela fut fait, je me répétais mentalement que je pouvais le faire, que je voulais sortir et que la porte allait s'ouvrir. Je posais ma main une énième fois sur la poignée avec une microseconde de doute, et l'actionnai.

Je m'attendais à ce que cela ne marche pas, comme les fois précédentes, mais ce ne fut pas le cas. Non seulement c'était bon mais le reste de la maison semblait exactement pareil que dans mon souvenir.

Il fallait donc seulement que je veuille sincèrement ouvrir cette porte pour qu'elle ne daigne s'ouvrir.

Je ne perdis pas une seule seconde et m'en allais à travers les couloirs. Instinctivement, je me dirigeais vers la sortie et lorsque j'eus dépassé la grande porte, le ciel se brouilla avec la terre, créant un maëlstrom qui m'emmena dans le monde d'Eris.

La vue devint trouble tout autour de moi, mes yeux perdaient de leur capacité peinant à distinguer le noir du blanc, tout comme le bien du mal ou encore le bon du mauvais. Tout ce manichéisme avait disparu pour laisser place à l'incertitude constant, le doute éternel, l'indécision totale.

Des maux de crâne, intenses, omniprésents, de quoi me rendre bien fou me ratissèrent le cerveau. La lumière claire passant au travers des rideaux n'aidait pas mais au contraire, venait brûles profondément mes rétines, intensifiant cette migraine. Je tentais de m'asseoir mais l'entièreté de ma colonne vertébrale me faisait souffrir me faisant me rallonger dans un craquement sinistre.

J'avais dû laisser un cri horripilant m'échapper pour que quelqu'un n'accourt ainsi. Ses pas avaient été désordonnés et rapprochés comme si la personne courrait à en perdre haleine.

— Est ce que tout va bien ? m'interrogea immédiatement une voix inquiète. Pardon, je voulais dire, tu es enfin réveillé Gamin ?

Je- euhhh... Qui est-ce ? Pourquoi m'agresse-t-il de sa voix dure ainsi, elle ne fait que bourdonner dans mes tympans.

— Ta gueule putain.

— Gamin, tu es chez moi alors tu n'as rien à dire.

Putain, bordel, qu'il ferme sa grosse gueule le temps que cette putain de migraine passe non ? C'est trop demandé.

Je tentais de me lever du lit mais je trébuchais à peine avais-je posé une partie de mon poids sur mes pieds. Je me préparais mentalement à la collision avec le sol quand je sentis une grande main sur mon estomac qui interrompit ma chute. Je sentis un souffle chaud dans ma nuque et là, tout me revint. Chrysomallos, ma haine, ma défaite et maintenant mon désir naissant dans mon bas ventre, juste en dessous de son point de contact sur mon corps.

— Attention, Gamin. Tu es déjà suffisamment amoché. Je ne tiens pas à ce que tu meures après avoir passé dix jours dans ton coma.

D-dix jours ?

Mes yeux s'écarquillèrent à cette constatation. Je n'avais jamais été dans le coma et encore moins aussi longtemps. Ma composition devenait-elle humaine ? Me transformais-je en ces êtres avec qui je vivais ? M'avaient-ils contaminé de leur humanité ?

Comme je ne dis mot et que mes yeux se perdaient dans le vide intersidéral, Chrysomallos dut prendre peur et vint passer sa main devant mes yeux.

— T-tu n'as rien ? Retourne te coucher gamin.

Sans tarder, il fit passer une de ses mains en dessous de mes genoux tandis que l'autre se plaça automatiquement dans mon dos pour me surélever.

Je l'entendis discrètement rouspéter avant de m'emmener dans la direction opposée à la chambre.

Ma faiblesse m'empêchait de me rendre compte de la direction qu'il prenait. Je ne connaissais de toutes façons pas l'endroit où j'étais et j'avais l'esprit bien trop embrumé pour m'en préoccuper.

Je sentis ma tête cogner légèrement sur un coin de mur mais je ne me rendais pas forcément compte de la réelle douleur. Je gardais les yeux clos en reniflant ce parfum fruité mélangé à cette senteur propre à la nature qui m'était inconnu.

Mes pieds entrèrent de nouveau en contact et mes mains se tinrent d'elles-mêmes au mur. Je tressaillis violemment lorsque la fraîcheur du carrelage se mêla avec la chaleur fiévreuse de ma peau. Chrysomallos me tenait par la taille et quand il la lâcha, je manquais de tomber au sol. Rapidement, il vint replacer ses grosses mains au niveau de mes côtes.

— Fais attention. Pas le choix, je vais devoir t'aider à te déshabiller.

Sans un mot de plus, il me retourna, face à lui donc. Je voyais un bel homme. Brun aux yeux clairs, il était d'une beauté à couper le souffle. Son corps était bien plus en muscle que le mien maintenant que ma masse s'étaient évaporée après ces quelques jours d'inactivité complète. La vue de son corps m'était interdite, caché sous ce t-shirt ample et son jean, tous les deux blancs.

Il fit tout d'abord passer mon t-shirt par-dessus ma tête. Un frisson agréable me parcourut à la sensation de l'air frais sur mon ventre mais je ne pus réfréner un cri de sursaut lorsque mon dos fut plaqué contre le mur gelé. Puis, il tenta de me débarrasser de mon pantalon à l'aveugle, sans succès. Alors il fut obligé de s'accroupir face à moi. Un si bel homme ainsi devant moi. Je détournai le regard pour éviter de laisser cette envie de passer mes mains dans ses cheveux soyeux et faire quelque chose que je regretterais plus tard.

Il détacha d'une main de maître mon pantalon jusqu'à le descendre jusqu'à mes chevilles et me défis également de mes chaussettes avant de se remettre debout.

Il me dépassait d'à peine quelques centimètres mais je me sentis ridicule face à lui. Je me mis inconsciemment à respirer fort, plus fort que d'habitude, surtout lorsqu'il me tint par les épaules pour m'aider à entrer dans la douche.

Il avait une douche à l'italienne alors l'eau ne pouvait arriver que d'en haut. Il tenta de me lâcher quelques secondes mais je perdis rapidement l'équilibre. Il souffla, encore, et pénétra lui-aussi dans cet espace clos.

— Je vais devoir t'aider à te doucher. Tu te débarrasseras de ton caleçon quand j'en aurai fini avec tes cheveux. Tu m'as compris ?

Je hochais faiblement de la tête pour lui montrer que c'était parfaitement clair. Son ordre était parfaitement traité au milieu de toutes ces confuses idées.

Il fit comme il l'avait dit. Il rinça soigneusement mes cheveux avant de délicatement les mousser avec ses deux mains. Elles me prodiguèrent un massage digne d'un professionnel et cela me fit un bien fou. Je faillis à plusieurs reprises laisser échapper des gémissements surtout lorsqu'il mit fin à ce traitement.

— Enlève ton caleçon, Achille.

C'était la première fois qu'il prononça mon nom. Il sonnait d'une manière que j'appréciais peut-être trop de ses lèvres. Mais cet acte autoritaire me força à m'exécuter rapidement. J'avais fait disparaître ce morceau de tissu en moins de temps qu'il fallait pour le dire et me retrouvais donc nu comme un ver. Je pensais que la honte me submergerait, mais lorsque je le vis froncer les sourcils à la vue de mes mains que j'avais rapidement placées devant mes parties génitales pour les cacher, je me détendis.

Il ne passa que le temps nécessaire pour laver chaque partie de mon corps, de ma nuque à la plante de mes pieds.

Et quand il finit, il sortit en premier pour me récupérer une serviette. Il avait été trempé des pieds à la tête, l'eau brillait encore sur ses cheveux les rendant d'autant plus beaux. Le tissu de son t-shirt blanc collait à sa peau et sa couleur était devenue translucide. Je voyais désormais ses abdominaux dessinés ainsi que ses pectoraux contractés sous l'effort. Ses bras aussi étaient mis en valeur, les veines en ressortaient à cause de la chaleur qu'il y avait dans cette pièce.

Sans faire exprès, ma main effleura son pantalon et je sentis une bosse anormalement grosse à cet endroit. De sa bouche un bruit inadapté s'échappa avant que Chrysomallos ne fronce les sourcils.

Il me porta à nouveau dans ses bras, mon corps bien au sec dans cette serviette. Et m'emmena dans ce qui sembla être la chambre. Il me déposa délicatement sur le lit et quand il se prépara à tourner les talons pour quitter la pièce, je le retins par la main. J'étais désormais assis sur le lit et j'avais moi-même enclencher ce contact. Je n'eus pas le temps de rougir que mes yeux descendirent à sa ceinture, et remontèrent à sa poitrine qui se soulevait aussi vite que la mienne avant d'atteindre ses yeux verts. Ses magnifiques émeraudes qui me fixaient avec une incompréhension non masquée.

— S-s'il te plaît, cette plainte s'échappa de ma bouche sans que je ne puisse l'en empêcher.

Un éclair de désir passa dans son regard, cela dura une fraction de secondes mais je le vis. Il le voulait autant que moi, si ce n'était plus.

— Non, Achille.

— J-je le v-veux, rétorquais-je toujours en bégayant.

— Je t'ai dit non. Tu es malade tu ne sais pas ce que tu veux.

Peut-être bien. Ou peut-être que même si j'étais à 100% lucide, je le voudrais. Il ne le savait pas, seul moi était capable de savoir.

— Je veux te remercier pour avoir pris soin de moi. Alors qu'il allait ajouter quelque chose, certainement pour riposter, je le devançais. Maintenant ! prononçais-je d'une voix dure et confiante.

Je ne lui laissais pas le choix et appuyais mes dires en me levant pour le pousser à ma place précédente. Cette action épuisa mes jambes, mais je n'en avais pas besoin pour faire ce que je voulais faire. Je me laissais tomber à genoux entre ses jambes. Satisfait, je me léchais les lèvres goulument.

Alors que j'allais retirer cette ceinture qui me dérangeait au plus haut point, je sentis une main qui passa dans mes cheveux pour relever ma tête, alors je fus obligé de m'interrompre.

— Achille, tu es sûr que tu le veux ? Quand tu auras commencé, je ne pourrais plus m'arrêter.

— Je suis assez grand pour savoir ce que je veux.

— Bien, je ne te le redemanderai pas.

Sans perdre plus de temps, je jetais cette ceinture à l'autre bout de la pièce et m'attaquais à cette braguette avant de faire disparaître ces deux morceaux de tissu. Un pénis d'une taille au-dessus de la norme apparut devant mes yeux. Parfaitement épilé, j'apercevais chaque détail de son anatomie. Sans perdre de temps, je passais ma langue sur le gland pour en récupérer le liquide séminal et l'étalais sur toute la longueur pour la lubrifier. Puis, je mis en pratique mes talents.

Flashback

Je n'avais pas pu me détendre depuis presqu'un an, et il en fut de même pour mes camarades. Me branler n'était plus suffisant. J'avais besoin de sentir cette connexion charnelle avec quelqu'un et au stade où j'étais, je me fichais bien que ce soit une femme.

A cet instant, Georges, un gars de la quarantaine, entra dans ma chambre.

Il avait déjà le pantalon baissé et sa main était en train de s'astiquer.

— Achille, je savais bien que tu étais une salope à queues. Viens donc m'aider à me détendre. Promis tu y prendras plaisir aussi.

J'avais à peine 17 ans, j'étais bien naïf encore. Mais j'acceptai sa proposition. Il m'intima de me déshabiller en entamant une danse bien suggestive pour lui. Chose que je fis. Et par la suite, il enduisit deux de ses doigts avec sa propre salive pour se dégager un chemin dans mon anus pendant que je m'occupais buccalement de lui.

J'avais au début été écœuré par ce traitement inconnu, mais en entendant George prendre tant de plaisir, je n'eus pas le cœur à l'arrêter.

Il poursuivit ce traitement durant bien quelques minutes avant de me retourner pour me posséder de toutes parts comme il l'eut dit.

Quand il sortit, il me dit les mots suivants :

— A demain, petit cœur, grâce à toi je serai bien plus performant sur les lignes combattives.

Il eut raison, son body count de ce jour s'éleva au double par rapport au jour précédant. Alors, je le laissais faire, et ce plusieurs jours jusqu'à ce qu'il ne meure sur le terrain.

Je n'avais pas pleuré sa mort, non, elle était en fait une sorte de libération pour moi. Je n'avais pas certes réagi sur le moment T, mais je savais qu'il n'avait pas le droit d'agir ainsi. Alors j'avais laissé le destin le punir lui-même et je n'avais laissé aucun de mes amis se recueillir auprès de sa dépouille. Nous changeâmes par la suite de campement, laissant son cadavre pourrir et nourrir les charognards.

Fin flashback

J'entendais Chrysomallos gémir férocement mais à aucun moment ceux-ci me révulsèrent, au contraire, ils allèrent directement à mon bas-ventre et me poussèrent à donner davantage le meilleur de moi-même. Sa main était toujours emmêlée dans mes cheveux, elle était là pour que je ne puisse pas m'échapper, pas que l'envie me guette, sans pour autant m'empêcher tout mouvement de la tête.

Je continuais jusqu'à parvenir à lui faire une gorge profonde tout en m'occupant de ses bourses avec mes mains. Je sentais ses jambes trembler sous mes coudes et il se laissa retomber à l'arrière du lit dans un râle profond quand l'orgasme vint enfin à lui.

Sa main qui avait quitté ma tête signifiait que je n'étais pas obligé d'avaler sa semence. Mais je le voulais alors j'en gardais une partie en bouche avant de me retirer pour laisser le rester ensevelir son pénis. J'avalais alors son sperme que j'avais déjà en bouche et lapais ce que je n'avais pas été capable de prendre. Il avait un goût salé et quelque peu amer qui ne me repoussait pas.

Quand j'eus fini, je me retirai complètement en me reculant de quelques pas. Je baillais en ouvrant la bouche en grand avant de me frotter mes yeux. J'entendis Chrysomallos rire en me voyant faire avant de me dire d'un ton taquin :

— Alors, ça t'a crevé hein ?

— Hein ?

— T'en fais pas gamin, je te revaudrais ça.

— M-maintenant ?

— Non, tu as besoin de dormir là. Repose-toi, je vais prendre une douche et préparer le dîner.

Il se leva rapidement, en remontant ses bas pour être décemment habillé. Il ne récupéra pas sa ceinture, jetée trop loin probablement et me déposa sur les draps.

Il se baissa à ma hauteur et me fit un baiser sur le front avant de s'en aller.

Que venais-je de faire ?

Je dormais encore, je ne faisais que cela. Je rêvais de cet épisode qui s'était produit juste avant que je n'aille au lit. Cela mais j'imaginais en plus ce que ça ferait de l'avoir en moi, qu'ils se servent de ses cuisses puissantes pour me maintenir contre le mur et de sa main veineuse juste contre mon cou, qu'il décide de la quantité d'air qui avait le droit de passer dans mes voies respiratoires.

Je sentais que ma température corporelle montait bien trop vite pour que ce ne soit qu'à cause de la couverture. J'entendis quelques tocs à la porte ce qui m'extirpa de mon sommeil. Je m'assis sur le lit, lentement cette fois, j'avais appris de mes erreurs.

— Tu as faim j'espère, je t'ai préparé à manger. Viens.

Sa voix un peu plus douce me pénétra directement dans le cerveau et alors que j'allais lui obéir, je me rendis compte que mon pénis était au garde à vous. Je me sentais un peu honteux de devoir sortir du lit ainsi alors je lui demandais des vêtements qu'il me désigna du menton.

— Tu vas pouvoir t'habiller seul ?

Je hochai vivement de la tête, avec une expression peut-être trop enjouée pour ne pas paraître suspect. Mais Chrysomallos ne sembla pas le remarquer puisqu'il haussa les épaules d'un air détaché sans oublier d'ajouter un "dépêche-toi, le repas va refroidir sinon" prononcé sur un ton nonchalant.

Je me hâtais donc pour ne pas le faire trop attendre surtout que mon estomac me rappelait par ses grondements que je n'avais pas grand-chose dans mon organisme. Je vis un short assez large ainsi qu'un sweat couvrant.

Parfait, il ne pourra pas voir mon érection comme ça.

Je m'habillais à la manière d'un automate tout en me remettant en question.

Ne suis-je pas censé détester Chrysomallos ? Après tout il m'empêche d'accéder à mon gain. Mais alors, pourquoi ressens-je ce besoin viscéral d'être sien au-delà de cette haine que je lui voue ?

Je me guidais à la cuisine grâce à cette délicieuse odeur de viande et de légumes en tous genres.

Il s'est donné beaucoup de mal quand même.

— Je t'attendais pour commencer à manger. Je ne connais pas tes goûts alors je t'ai préparé de tout.

— J-je. Merci beaucoup. Mais tu n'avais pas à te donner autant de mal, je mange de tout.

Il passa par-dessus la table pour que sa bouche soit au niveau de mes oreilles. Je ressentais son souffle dans tous mes pores, surtout lorsqu'il commença à parler.

— Ne t'y habitue pas trop, gamin. Tu n'es pas censé m'aimer. Ne l'oublie pas.

Il est vrai. Mais je ne contrôle pas mes sentiments, abruti.

Ses yeux s'écarquillèrent comme s'il avait entendu mes pensées.

— Fais gaffe à comment tu me nommes. Je t'avais promis une surprise mais les mauvais garçons méritent une correction.

Il croisa nonchalamment ses bras sur sa poitrine tout en me dardant d'un regard plus sombre. Il attendait quelque chose de ma part. Mais quoi ?

Mon ventre se manifesta à nouveau alors je saisis mes couverts sans attendre son autorisation et commençais à piocher dans les plats pour remplir mon estomac. Satisfait il murmura un "bien" avant de lui aussi commencer à manger. C'était donc ça qu'il attendait ? Que je commence à manger. Il était bien mieux éduqué que je ne le pensais.

Le goût de ces aliments était aussi divin que l'odeur qui flottait dans l'air. Je prenais un plaisir immense à consommer tout ce qui se trouvait face à moi. Très vite, je me remplissais jusqu'à n'en plus pouvoir. Par moment, je sentis son regard lourd sur moi et même quelques fois, je crus apercevoir un sourire se dessiner sur son visage.

Mais je ne pus plus me retenir alors je lui posais cette question qui me brûlait les lèvres.

— Pourquoi n'êtes-vous plus sous votre apparence bestiale ?

— Tu parles beaucoup, Gamin. Mais, cet endroit est le seul dans lequel je conserve ma véritable apparence.

J'observais tout autour de moi et une illumination naquit dans mon cerveau.

Mais je suis déjà venu ici. C'est mon refuge !

— En effet, si tu veux mon avis, Achille. Tu n'es pas très discret.

— J-je. Comment savez-vous ?

— Tu penses à voix haute.

Ah merde, qu'est-ce que je suis con.

Une expression rieuse apparut sur son visage.

— Finissons de manger pour que je puisse faire la vaisselle.

— Non, c'est moi qui la fais. Vous n'avez pas le droit de refuser.

— D'accord, Monsieur est autoritaire à ce que je vois. Très bien, je déteste ça de toute façon. Tu ne menais pas aussi bien la danse il y a quelques heures, Achille, ajouta-t-il en insistant sur mon prénom.

Je dus rougir jusqu'aux oreilles puisque Chrysomallos ricana légèrement.

La fin du repas se passa dans le silence, comme tout le reste si on oubliait ce petit dialogue. J'avais considérablement ralenti la cadence d'ingestion et m'aperçus que Chrysomallos mangeait énormément. Ce qui n'était pas étonnant au vu de son corps massif.

Je rapportais toute la vaisselle au lavabo et entrepris de commencer cette longue tâche. Chrysomallos m'aida à sécher au fur et à mesure puisqu'il y avait tellement de choses que tout ne rentrerait pas dans le séchoir.

Je ne suis pas censé faire la vaisselle pour cet homme. Même si l'obligation ne me poussait pas à le haïr, l'amour n'était pas une option ni pour lui, ni pour moi. Je suis tout de même fiancé. Mais alors, comment je pouvais m'en empêcher ? Même si je mettais la main sur cette Toison d'or je n'aurais qu'un seul vœu à faire, je ne pouvais pas souhaiter de sauver Abigail, allais-je devoir vivre dans la douleur de n'avoir jamais pu assouvir cette passion ? Et si je choisissais de rompre la malédiction de Chrysomallos, quelle qu'elle soit, n'allais-je pas me condamner à me faire détester par tous ?

Chrysomallos lâcha violemment une assiette au sol qui se brisa et me fit sursauter avant de disparaître dans le couloir. Il était étrange. Très étrange même.

Je ne m'en préoccupais pas plus que cela et finis ma tâche avant de me rendre dans ma chambre.

Demain, je m'en irai et je l'oublierai. Pour toujours. Il n'est pas fait pour moi et je ne suis pas fait pour lui.

J'allais me coucher sans même le saluer d'aucune manière. Non. Cela perturberait ma décision. Je me contenterais de dormir jusqu'au lever du jour, ou même avant pour partir. Cela valait mieux pour nous deux. J'étais encore faible certes, mais plus vite je disparaîtrais, plus vite nous guéririons tous les deux.

Cette nuit-là, je m'endormis le cœur lourd. Comme pendant cette guerre, avec la crainte constante de perdre un être cher dans un futur proche.

Le lendemain matin...

La nuit était encore visible par la fenêtre, mais en me rapprochant je pus estimer qu'il était déjà près de 5 heures du matin. C'était le moment ou jamais. Il fallait que je le fasse. Je pris une douche rapide, ne sachant pas quand je pourrais en reprendre une puis j'emballais mes maigres affaires. Je remis les vêtements qu'il m'avait offert et je me dirigeais vers la porte de sortie.

Je l'imaginais dans son lit, encore dans le monde des songes. Il avait été si avenant envers moi, je ne pouvais pas juste lui tourner le dos comme cela. C'était vraiment trop nul de ma part. Alors je pris un morceau de papier avec un stylo et lui laissais quelques mots :

"Chrysomallos, mon cher Chrysomallos,

C'est moi, bien sûr que c'est moi. Qui d'autre ce pourrait être ?

Déjà, merci. Merci d'avoir pris soin de moi.

Et désolé de partir comme ça. Mais je le dois. Pour toi. Pour moi. Pour ce nous qui n'existerait jamais.

J'aurais voulu être égoïste et me fondre dans tes bras chaque nuit.

J'aurais tellement voulu l'être.

Mais nous ne choisissons pas où nous naissons.

Je suis tellement désolé.

Même si je suis physiquement ailleurs, je suis tien désormais. Mais tu n'es pas mien. Plus maintenant. Maintenant que j'ai choisi de fuir cette passion pour mon devoir.

-A"

Les mots avaient coulé seuls de mon stylo, je ne les avais pas contrôlés. Mon âme avait été déversée sur le papier et j'en étais satisfait. Maintenant il était l'heure de m'en aller. Sans me retourner.

Faire le premier pas était dur. Mais reprendre l'élan perdu était impossible.

Alors ce fut ce que je fis. Je marchais en regardant droit devant moi. Exclusivement. Et je m'en allais vers les horizons inconnus.

Une heure passa. Mon cœur se serrait de temps à autre.

Deux heures passèrent. J'associais certaines odeurs à son parfum, surtout lorsque je me trouvais dans la jungle.

Trois heures passèrent. Mon cœur saignait. Il s'était douloureusement serré à partir du moment où j'entendis son cri de désespoir. Il avait lu mes mots et partageait sa douleur avec moi.

Non, il ne me la partageait pas. Il ouvrait son âme et son cœur pour me les confier en sachant pertinemment que j'allais les broyer au creux de ma main, et, égoïstement les garder avec moi.

Ce lien qui nous unissait n'était pas commun. Il n'unissait pas deux corps mais deux cœurs, deux âmes et deux esprits.

Au-delà de la haine que je lui vouais, se trouvait ce pacte que j'avais passé avec lui. Plus je m'éloignais encore et encore, moins je me sentais fort et indépendant.

J'y pensais maintenant, mais pourquoi, pourquoi m'avait-il emmené chez lui au lieu de m'achever sur le champ de bataille ? Pourquoi avoir pris soin des blessures qu'il avait lui-même causées ? Pourquoi ne remarquais-je que maintenant la culpabilité qui animait son regard ?

Pourquoi a-t-il fallu que ce soit à la sienne que mon âme a choisi de se lier ?

Je ne pensais pas être autorisé à trouver mon âme sœur, encore moins dans ces circonstances. Après tout, ce phénomène était devenu si rare qu'il en était devenu légendaire.

Nous ne souffrions de l'absence de l'âme sœur uniquement lorsque la rencontre avait eu lieu. Une fois cela fait, il n'existe qu'un seul moyen de se libérer de cet étau. Ou bien, la séparation forcée se révèlerait fatale. Létale. Elle retirait toute once d'humanité aux personnes liées.

J'avançais, laissant volontairement tomber les morceaux de mon cœur un à un sur la route. Je saignais d'un liquide bien plus important encore que le sang, la bile noire, la bile jaune ou la lymphe. Mais Hippocrate avait tort. Celui qui surpassait tout cela était invisible à l'œil nu.

Il vidait le corps de toutes émotions pour ne laisser que la souffrance et ses dérivés sous toutes ses formes. Les plus faibles en mourraient tandis que ma nature de demi-dieu ne me permettait à peine de marcher sans traîner des pieds.

Les jours passèrent, j'étais de moins en moins en état d'avancer. Je ne pouvais pas revenir sur mes pas. Pourquoi donc. Je ne savais pas non plus rentrer chez moi. Comment le pourrais-je ? Tout ce que je pouvais faire était de retrouver cette Toison d'or en espérant que Chrysomallos soit trop faible, lui aussi, pour m'arrêter. Ainsi je sauverais Abigail et je me laisserais périr par la suite. Au moins, je pourrais mettre un terme à mes souffrances.

Je devais retrouver ce labyrinthe. Impérativement. Je me dirigeais sur ce chemin depuis des jours. Ma cadence diminuait mais ma détermination ne m'avait pas quitté. Je sentais que mes affaires étaient là où je les avais quittés.

Au bout d'un temps qui me parut infiniment long, je fus enfin de retour là où j'avais caché mon sac. A deux mains, je pus l'extirper de sa cachette et fouillais dedans à la recherche de la tablette. Durant ma fouille, je tombais sur une boussole. Pourquoi n'avais-je pas le moindre souvenir de celle-ci ? Je la gardais, peut-être qu'elle me serait utile.

Ma tablette était fissurée, malheureusement elle était maintenant inutilisable. J'allais devoir m'en passer. Mon instinct me disait que cette boussole me mènerait au bon endroit. Alors je la suivis. Elle m'emmènerait à la Toison. Sa flèche m'indiquait la direction que j'avais empruntée. Je marchais, lentement, mais j'avais espoir que je réussirais, cette fois.

On me connaîtrait après ma mort pour mes exploits. La guerre de Troie, la Toison d'or. C'était bien suffisant pour un seul homme, non ? On pleurerait sûrement ma mort. Chiron, certainement. Ma mère, silencieusement. Abigail, amicalement.

Mais faites que personne ne choisisse de rejoindre ma destinée.

Un pas devant l'autre, chaque pied à placer devant l'autre était pour moi un calvaire. Une difficulté qui ne me paraissait pas surmontable.

Quand enfin j'arrivais au pied d'une montagne, j'aperçus un éclat doré à son sommet. Je devrais l'escalader pour le récupérer. Mais y arriverais-je ? N'était-ce pas trop ardu pour moi, dans cet état ?

Était-il plus judicieux que je me pose pour dormir avant d'entreprendre cette mission ? Mais arriverais-je à me relever ? Certainement pas au vu de l'état dans lequel j'étais.

Je me tenais debout au pied de la montagne. Il n'y avait aucune sécurité. La chute me serait fatale. Je n'avais pas le droit à l'erreur. Aucune, la moindre de ma part signerait ma mort prématurée.

Une étape après l'autre, cela ne devait pas être si difficile. Je l'avais fait des milliers de fois dans mon enfance, puis dans mon adolescence. Mais là, en étais-je véritablement capable ?

Je m'écorchais à chaque étape et le sang que je perdais colorait ces rochers gris d'un rouge immaculé. Mes mains faibles tremblaient à chaque fois que je devais les déplacer et c'était sans compter sur mes genoux cotonneux qui dorénavant ne me servaient plus à rien.

Dix minutes, ou bien vingt, voire trente minutes plus tard, je ne savais plus. Mais j'étais bientôt au milieu de cette ascension. Le sommet me paraissait de plus en plus loin. Et mes membres allaient me lâcher, et ce, très très vite.

— ACHILLE.

Voilà que j'étais en train de délirer. Pourquoi serait-il venu après tout ? Je l'avais abandonné. Je secouais vivement la tête et accordais toute mon attention dans cette tâche.

— Putain de merde. Achille arrête de faire ta tête de mule ou bien tu vas mourir.

Là, je l'avais entendu. Il était là, non ? J'en étais sûr.

— Et si tu meurs, je mourrais avec toi...

C'en était trop, je me retournais pour lui répondre. Mais mes mains lâchèrent en même temps que me reste de mon corps.

— Non, tu ne peux pas- AHHH

Je fermai mes yeux pour ne pas avoir à voir ma mort de si près. Peut-être que ça se terminerait plus vite comme ça.

Mais quelle ne fut pas ma surprise quand j'atterri sur un corps velu. Il avait amorti ma chute de son corps mais je voyais à la couleur de son visage qu'il n'était pas, mais pas du tout content de ce que je m'apprêtais à faire.

— Alors Gamin. On se croit invincible ? Tu le regretteras, je te préviens. Souviens-toi les mauvais garçons méritent une punition, me dit-il de sa voix énervée.

Je ne trouvais rien à lui répondre. Que pouvais-je dire ?

Je me contentais de me faire soulever et emmener là où il avait prévu. Dans ses bras, je n'étais qu'un pantin, le sien. Et cela faisait du bien de pouvoir lâcher prise sans la moindre retombée.

— Ne t'endors surtout pas, Achille.

Il me le dit sur un ton si ferme que je ne pouvais pas désobéir, alors je me battais contre le sommeil pour ne pas succomber.

Ses pas lents me berçaient. Avait-il été si peu affecté par notre séparation ?

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