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Chapitre 9


7 novembre 2020

J’essaie de garder en moi ce sentiment qui m’anime depuis la soirée chez mon frère. Seulement je sens que je suis sur un fil ténu, une corde qui s’effiloche à mesure que le temps avance. Tout semble me ramener en arrière. Il suffit parfois d’une odeur, d’un son, d’un prénom et je suis renvoyé dans ce grenier poussiéreux. J’ai l’impression de nager à contre-courant. Même ce papier millimétré qu’est ma vie n’arrive plus à calmer mes montées d’angoisse.
Je me focalise sur l’arrivée de ce petit être qui va changer ma volonté de vivre. Je dois être un modèle pour lui, un homme exemplaire.

– T’es encore dans tes pensées !

Je relève la tête et observe longuement Malik. Il a raison, depuis cette maudite date anniversaire mon esprit se perd, se cherche et sombre dans les pires souvenirs. D’une chose positive, mon cerveau me ramène inexorablement à un fait passé, à mon enfer. Dans la douceur du ciel bleu, je revois le jour de mon enlèvement. Dans la beauté d’une rose, je repense aux lèvres de Constance. Dans la justesse du silence, je ressasse le bruit de ses pas sur le parquet. Dans la fraîcheur de la nuit, je ressens la violence de ses coups. Alors que j’observe par la fenêtre de chez lui, mon souffle se coupe. Une jeune femme blonde vient de s’arrêter devant et à cette distance, je pourrais m’y méprendre. Même longueur, même couleur, même ondulation. Malheureusement, je sais que ce n’est pas elle, j’en ai conscience, je n’ai pas besoin de voir son visage. Je le ressens, mon âme ne vibre pas…
– Je vais rentrer, je suis désolé.

Je me lève de ma chaise et saisis ma veste. Il arrête mon geste et sonde mon regard. Je ne peux pas le rassurer, je n’y arrive pas, c’est au-dessus de mes forces. Je sais juste que je dois partir, cela devient un véritable calvaire… Il me scrute et finit par lâcher mon avant-bras. Il comprend qu’il ne peut pas affronter mes propres démons et que ce soir, je dois le faire seul.
– Appelle-moi.
Je ne prends pas la peine de lui répondre, quoi qu’il se passe, je le ferai. Sans hésiter, je traverse sa petite maison, sors et percute de plein fouet le froid de novembre. Je respire de nouveau et j’ai l’impression de retrouver un semblant de lucidité. Je sais que je ne dois pas traîner, mon attestation d’autorisation de sortie à ses limites, raison professionnelle à vingt-trois heures est peu crédible. Je profite de ma solitude pour ne pas porter de masque, tout cela est certes important, mais je n’arrive pas à songer aux conséquences. Je suis bien trop focalisé sur mon propre virus : mon passé. Je me concentre une nouvelle fois sur le trajet. Mes pas martèlent le sol humide, donnant un air lugubre à ma promenade. Seulement éclairée par quelques lampadaires, ma balade nocturne est à l’image de mon âme. Sombre, tortueuse, perdue. Plus j’avance, plus je m’enfonce dans des passages déserts et silencieux. Durant des dizaines de minutes, je déconnecte. Je me perds dans le vide abyssal de mon cœur. J’erre sans but sans savoir où je vais. J’ai simplement besoin d’oublier, de respirer, d’extérioriser.

J’arpente les rues quand soudainement un bruit attire mon attention. À une intersection, calé près de quelques poubelles, j’aperçois une altercation. Porté par mon syndrome du « sauveur », comme aimait le dire la psychologue, je me dirige vivement vers les deux hommes, mais arrivé à leur hauteur, je me stoppe net. Je reconnais une des deux personnes et pas des moindres. Je suis immédiatement projeté dans un monde que je ne souhaitais plus voir. Tout me revient en mémoire, ne me laissant aucun répit. La douleur, la légèreté, les cris, l’adrénaline, les disputes, l’euphorie, le verre brisé… Tant de vieux souvenirs que je souhaiterais éteindre à tout jamais. Je relève la tête et croise le regard de Nic qui fait aussitôt le lien. Il y a quatre ans, il était le seul être vivant que j’étais capable de supporter, c’est tellement dur à effacer. Nous passions une partie de nos soirées ensemble à ne plus penser à nos problèmes respectifs, à simplement prévoir comment gagner de l’argent pour survivre à nos journées interminables. Mais ce qui me saute aux yeux, c’est le petit sachet transparent qu’il tient entre ses mains. Je déglutis difficilement et me mets à réciter ma liste : Constance, avenir, réussite, famille, propriétaire, parrain. Chaque mot me rappelle pourquoi je me suis battu pour m’en sortir et pourquoi je ne dois pas retomber.
– Tatatata, mais qui vois-je ? C’est mon Jojo ! clame-t-il en levant les bras en l’air.
Il tente de s’approcher, mais je recule. Je ne veux pas céder à ses paroles, ni même à la tentation de cette poudre qui m’a tenu éveillé des heures entières. Son regard change et celui qui l’accompagnait quelques minutes plus tôt, part sans l’avertir. Je finis par le détailler et remarque qu’il n’a pas changé en comparaison à moi. Il porte toujours ce même gilet noir, un jogging bleu foncé et ses éternelles requins. Ses cheveux bruns ont poussé et il semble avoir pris du poids, contrairement à moi, qui ai changé de style vestimentaire, pris en masse et coupé ma chevelure. Je ne suis plus son compagnon de dérive.
– Mais non mec ! Viens, je te prépare un rail, tu verras, tu vas planer direct !
La tension monte d’un cran. Je le connais suffisamment bien pour savoir que la frustration n’est pas chose acceptable pour lui. Après l’enfance qu’il a eue, il a considéré qu’on ne pouvait rien lui refuser. Il peut se montrer insistant, voire violent. Mais aujourd’hui, je ne peux fléchir. Cette drogue a déjà causé bien trop de dégâts dans ma vie, auprès de mon entourage.
– Allez, tu te souviens pas de nos soirées ? Me fais pas croire qu’on s’éclatait pas ! rajoute-t-il, un grand sourire plaqué sur ses lèvres.
Je ne peux pas nier que j’ai beaucoup ri à ses côtés, mais à quoi était-ce réellement dû ? À sa présence ? À ma prise de cocaïne ? À tout l’alcool qu’on ingurgitait ?
– Désolé Nic, je passe, ce n’est plus pour moi…

Je m’apprête à faire demi-tour quand sa main se pose sur mon épaule. Sans réfléchir, mes doigts attrapent les siens et je lui fais une clé de bras avant de le plaquer contre le mur le plus proche. Je maintiens son coude dans son dos et place le mien sur sa nuque. Il est hors de question qu’il me force à quoi que ce soit. Ma réaction est peut-être excessive, mais malheureusement son geste a le don de faire ressortir le pire en moi et je peine à me maîtriser.
– Quand je te dis non, c’est non. Je ne suis plus cet homme.
Je donne un léger coup sur son cou avant de partir à grandes enjambées. Je ne veux pas m’attarder ici, trop de souvenirs remontent à la surface. Mon sang pulse dans mes veines, je suis réellement perturbé par cet échange. Je me hâte de rentrer à la maison, la soirée a déjà été bien trop riche en émotions.

Je parcours les derniers mètres, monte les escaliers et me rue chez moi. J’ouvre la porte rapidement et me laisse glisser au sol. Je suis en sécurité, il ne peut rien m’arriver. Je suis seul, au calme, sans personne. Mon palpitant est prêt à traverser ma cage thoracique. Je réalise petit à petit ce qu’il vient de se passer. Quand mon cerveau repasse le cours de cette discussion, tout me revient en mémoire. Je ferme les paupières et instantanément le puzzle s’assemble.

Il y a quatre ans, après un énième échec dans mes recherches pour retrouver Constance, j’ai rencontré Nic dans un bar où j’étais pour noyer mes malheurs. On a discuté, une heure, puis deux. Ensuite on s’est revu au même endroit, toujours mal en point. Au début, c’étaient uniquement des moments très alcoolisés. Bien souvent, le patron du pub arrêtait de nous servir et nous finissions la soirée dans mon petit appartement parisien. C’était sympa, léger, sans prise de tête, bien loin de tout ce qui se passait dans mon esprit la plupart du temps. Puis un soir, après une journée chaotique à ressasser son absence, j’ai craqué. J’ai fumé mon premier joint, sans savoir ce qu’il y avait dedans. Peu importait tant que j’oubliais. Cela a fonctionné, j’étais euphorique, porté par une vague de bien-être, prêt à gravir des montagnes. J’ai appris bien plus tard que mon compagnon de beuveries ne se limitait pas à l’alcool et au cannabis. Malheureusement une fois le pied mis dans l’engrenage, on ne s’en sort pas. Pas pour quelqu’un comme moi. Faible, hanté, brisé, détruit, mort. Puis je suis passé de la fumette à la sniffette, plus rapide, plus exaltant. Plus j’en prenais, plus il m’en fallait. J’étais Hulk et Charles, Mathis ou bien Jean n’existaient plus. Je protégeais Constance, me sacrifiais pour elle et en sortais vainqueur. J’étais en toute puissante. Mais comme pour toute mauvaise action, j’ai eu le revers de la médaille. En plus des soucis de sommeil que j’ai commencé à développer, je suis entré dans une forme de psychose. Quand j’étais sobre, j’avais l’impression d’apercevoir mon bourreau à chaque coin de rue. Il était au restaurant où je travaillais, au cinéma où j’allais, près de l’immeuble où j’habitais. Tout s’embrouillait. J’avais même fini par ne plus sortir de chez moi. Je ne voulais plus le rencontrer. C’était devenu une véritable angoisse pour moi.
Puis un jour, après un nouvel appel sans réponse de mes parents pour me voir, mon frère m’a attendu chez moi en fin de soirée. Cela faisait déjà plusieurs mois que j’étais dépendant et cela commençait à se voir. Je ne pouvais plus le cacher et encore moins le nier. Mes souvenirs de notre échange sont particulièrement flous, mais il y a une chose que je ne pourrais jamais oublier : le regard de mon aîné. Je me revois au-dessus de lui, le poing levé dans les airs et son visage tuméfié. La peur dans ses yeux m’a broyé les entrailles. J’étais devenu un monstre. J’étais lui, celui qui hante mes nuits, qui torture mes journées, qui m’a tué. Ce soir-là, je lui ai demandé de me sauver une nouvelle fois.
Après ce moment-là, j’ai enchaîné deux cures dans des cliniques privées. La première pour soigner mon addiction, la seconde pour soigner ma dépression. Pendant plus de deux ans, j’ai été suivi par une psychiatre spécialisée dans la dépendance aux drogues. Je me suis inscrit dans un groupe de soutien et c’est dans ce lieu que j’ai rencontré Malik. C’est à partir de là que ma vie a repris un cours presque ordinaire si on fait abstraction de mon besoin de contrôle et mon obsession pour Constance. Tout le reste fait désormais partie d’un livre que j’ai fermé, mais elle, c’est une autre histoire. Je n’arrive plus à lutter. Elle a marqué mon âme au fer rouge. Elle est une part de moi et j’aurais beau tout faire pour l’oublier, ça ne marche pas. J’ai fait le choix d’avancer avec elle, ancrée dans mon esprit, à tout jamais.

J’ai la sensation qu’un tsunami d’émotions m’est passé dessus. Mon corps est en souffrance de s’être tant crispé, quant à ma tête, elle semble complètement endolorie. Je me relève difficilement et avance au ralenti. Je ne prends pas la peine de passer par la salle de bain et je m’avachis sur mon canapé encore habillé. Je sombre sans mal dans les recoins de mes pires cauchemars, ceux qui me dévorent, me dévastent, me ravagent.

Les premiers rayons de soleil percent à travers les rideaux et me picotent les yeux. Je n’ai pas assez dormi et je sens que je vais le payer très cher aujourd’hui. Par chance, je n’ai pas à travailler, mais je sais que Justine va venir me rendre visite. Je ne suis pas prêt, je ne peux pas la recevoir comme ça, je suis bien trop tourmenté. Je ne vois qu’une solution : je dois appeler Malik. Il faut qu’il sache, il faut que je lui dise que mon subconscient a décidé de se remémorer la sensation de mon addiction. Cette nuit, j’ai eu l’impression qu’un spectre noir planait au-dessus de mon cadavre en manque.
Je saisis mon téléphone resté par terre et tente de le joindre, mais c’est un échec. J’essaie une seconde fois, mais tombe à nouveau sur son répondeur. Je laisse de côté cette idée et décide de rester à la maison sagement. Avec ce covid, les sorties sont très limitées et deviennent vite plus complexes. C’est au tour d’Arnaud d’aller rendre visite à notre grand-mère et pour une fois, je fais l’impasse sur les courses et le sport. Je ne peux pas, c’est bien trop difficile. J’ai peur. Mes anciens démons refont surface et je sais que dans ces cas-là, l’isolement est ce qui me permet de ne pas craquer.
Lentement, je me lève et mes pas me guident instinctivement vers mon bureau. Caché sous le sous-main, j’y retrouve un de mes carnets entamés. Les pages défilent sous mes doigts et je retrouve mes vieilles habitudes. Et comme si le temps n’était pas passé, je saisis un crayon de papier. Je me mets à griffonner de façon frénétique. Comme un besoin primaire, je ressors tout ce qui me torture depuis plusieurs semaines. Je réalise des esquisses de tout ce qui me hante : le visage parfait de Constance, la grossesse de Jeanne et la malveillance de Nic. Sur mon croquis, je dessine celle que j’ai rencontrée ce seize août, ce moment où l’espoir n’avait pas quitté son regard. Celle qui pouvait gravir des montagnes, lutter envers et contre tous, celle qui avait des rêves, elle est devenue ce jour-là mon ancre. J’aimerais tellement que ces traits prennent vie sous mes yeux, que mes mains caressent sa peau douce, que mes lèvres fondent sur les siennes, que mes iris se perdent dans les siens. Mais il n’en est rien alors je me contente simplement de l’admirer.
Chaque élément reprend sa place. Charles est le monstre de mon passé, Constance la femme que je n’aurais jamais, Nic un parasite qui profite de la faiblesse des gens. Seuls mes proches et mes amis m’aideront à avancer, voilà la pure vérité. Je me répète ce mantra et essaie de l’intégrer.

Je dois me reconstruire et poursuivre sur le chemin qui est tracé pour moi. D’ici quelques mois ou années, mon esprit sera entièrement soigné et je pourrais aller mieux. J’irai de l’avant et sait-on jamais, fonder une famille, aussi belle qu’utopique…

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