Chan avait passé la semaine à travailler sur les dossiers que son prédécesseur avait eu la gentillesse de lui laisser. Il avait réussi à mémoriser par cœur les noms de tous les restaurants, actionnaires et partenaires desquels il était responsable et avec lesquels il allait désormais travailler. Changbin avait été assez sympathique pour s’occuper du plus gros du travail le temps que Chan prenne ses marques et le nouveau directeur l’avait longuement remercié, il savait que peu de gens auraient fait cela. 

C’était déjà le vendredi et Chan avait hâte d’être en week-end, il n’avait pas compté ses heures de toute la semaine histoire d’être au point sur tous les sujets concernant son nouveau poste et il avait grand besoin de décompresser avant d’attaquer une nouvelle semaine chargée en rendez-vous, réunions et autres tâches en tout genre. 

En milieu de matinée, Mina entra dans son bureau, une feuille de papier à la main qu’elle déposa sous les yeux de son supérieur.

— Voilà votre planning de la semaine, dit-elle simplement avant de tourner les talons.

— Merci. Oh euh Mina !

La jeune femme fut coupée dans son élan et haussa un sourcil en regardant le nouveau directeur.

— Oui ?

— Est-ce que vous pourriez m’apporter un café s’il vous plaît ? 

La secrétaire sembla choquée par cette requête et se racla doucement la gorge.

— Comment le prenez-vous ? demanda-t-elle néanmoins.

— Noir, avec un sucre, merci.

Elle quitta le bureau sans plus tarder et ce fut au tour de Chan d’hausser un sourcil. Il n’avait pas vraiment eu l’occasion de discuter avec sa subalterne depuis son arrivée. Il avait été très occupé et elle aussi et finalement, ils ne s’étaient échangés que des “bonjour” et des “au revoir”. Pourtant il pouvait dire que Mina travaillait sérieusement. Elle avait passé pas mal de temps à fixer des rendez-vous par téléphone et mettre en ordre les dossiers que Chan avait à gérer en priorité. Mais autrement, elle était toujours aussi froide et distante avec lui.

Plongé dans ses mails, le nouveau directeur n’entendit même pas sa secrétaire revenir, une fois face à son bureau, Mina tendit le gobelet en carton recyclable à son supérieur qui réalisa enfin qu’elle était là. 

— Merci, dit-il en attrapant le café.

Mais à sa grande surprise, la blonde ne le lâcha pas.

— C’est bien parce que vous venez d’arriver, dit-elle sèchement, mais autrement sachez que vous apporter du café ne fait pas partie de mes tâches.

Elle laissa la tasse à Chan avant de faire demi-tour et de retourner vaquer à ses occupations. Le brun resta bouche bée, le bras toujours tendu avant d’approcher le café de ses lèvres et d’en boire une gorgée. Que venait-il de se passer ? La jeune femme était sa secrétaire, elle pouvait bien lui ramener un café de temps à autre ? Dans toutes les boîtes dans lesquelles Chan avait travaillé, ça avait toujours été comme ça. Il ne voyait pas où était le mal d’autant plus qu’il lui avait demandé poliment. 

Il se frotta les tempes en réalisant qu’il venait de lire le même paragraphe trois fois de suite et laissa échapper un long soupir. Il fallait qu’il se remette sérieusement au travail, il n’aurait qu’à en toucher un mot à Changbin lorsqu’il le verrait dans la journée. 

***

Chan n’avait croisé son ami qu'en début d’après-midi lorsqu’il était allé prendre une pause café dans la salle de repos. La pièce ouverte se trouvait dans un coin de l’étage et disposait de plusieurs machines à café, boissons fraîches et snacks, et de canapés juste à côté de la salle de reprographie. Le brun avait croisé son ami en chemin et ils avaient décidé d’aller se poser un peu pour discuter hors de leurs bureaux respectifs. 

Chan venait de récupérer son café dans la machine et Changbin attendait le sien lorsque le brun repéra Mina assise sur l’un des canapés. Elle jeta un regard en coin à son supérieur avant de se lever pour mettre son gobelet dans le tube de collecte prévu à cet effet. Le brun l’observa alors qu’elle passait derrière lui pour rejoindre son bureau.

— Vous voyez que vous êtes capable d’aller vous chercher un café vous-même, lui lança-t-elle avant de s’éloigner. 

Elle ne lui laissa pas le temps de répondre et Chan resta bouche bée.

— Ça va pas ? lui demanda Changbin qui n’avait visiblement pas entendu ce que la secrétaire avait dit. 

Son ami se contenta d’aller s’asseoir en attendant que la boisson du noiraud soit prête et il l’y rejoignit quelques instants plus tard.

— Dis-moi, commença Chan après avoir pris une gorgée de sa boisson chaude, Myoui Mina, elle a quelque chose ? Un problème je veux dire ou elle est bizarre avec tout le monde ?

Changbin haussa un sourcil et réfléchit quelques instants.

— Mina ? Elle est toujours un peu froide avec ses supérieurs mais rien de plus, pourquoi ?

Le brun pinça les lèvres, il n’avait pas vraiment envie qu’on sache que sa secrétaire frôlait l’irrespect avec lui.

— Elle t’a jamais fait de remarques un peu… déplacées ? 

— Déplacées comment ? demanda le noiraud en battant des cils.

— Non mais… Elle ne t’a jamais mal parlé ? Ou répondu de façon un peu sèche ? se rattrapa son ami.

— Hum… pas que je me souvienne… Certes elle est un peu froide mais elle est vraiment très efficace dans son travail, personne n’a jamais rien eu à redire et l’ancien directeur l’adorait. Je crois qu’il aimait bien son franc-parler. 

Chan resta silencieux, peut-être que le problème venait de lui… 

— Mais, reprit Changbin, si tu estimes qu’elle te manque de respect ou qu’elle ne fait pas les choses correctement, alors je pense que tu devrais lui en parler directement et mettre les choses au clair tout de suite. Ça va faire une semaine que tu es là et vous allez devoir bosser ensemble un bon moment alors autant que ça se passe bien. Et puis si vraiment il y a un problème alors parles-en au PDG et demande à avoir une autre secrétaire. Ça doit pouvoir se faire même si bon… Mina travaille dans ce service depuis longtemps, elle sait ce qu’elle fait, elle connaît tout ce qu’il y a à savoir ici alors si tu la remplaces par quelqu’un d’autre, ça fera deux nouveaux arrivants dans le même service et ça risque de rendre les choses plus compliquées…

— T’as raison… Je vais essayer de lui parler. 

— Oui, il vaut mieux discuter si tu as des choses à lui dire ou à lui reprocher. 

***

Chan passa le reste de l’après-midi à peaufiner quelques dossiers tout en jetant de petits coups d’oeil à sa secrétaire. Il avait bien réfléchi à ce que Changbin lui avait dit et en était arrivé à la conclusion qu’il devait parler à la jeune femme avant que les choses ne s’enveniment. En début de soirée, alors que les employés quittaient peu à peu l’immeuble, le nouveau directeur prit son courage à deux mains et aborda Mina tandis que celle-ci se préparait à partir. 

— Mina ? Je peux vous parler quelques instants ?

La blonde leva les yeux vers lui et soupira, son travail était terminé et elle n’avait pas envie de traîner plus longtemps là, elle estimait travailler de façon assez efficace la journée pour ne pas avoir à faire d’heures supplémentaires. 

— J’allais partir, dit-elle simplement en posant son sac à main sur son bureau.

Chan tiqua, il commençait à s’agacer un peu du comportement de sa subordonnée. Pour qui se prenait-elle au juste ?

— Écoutez, commença-t-il sur un ton plutôt sec, je peux comprendre que vous préfériez votre ancien chef ou que vous ayez du mal à accepter mon arrivée ici. Je sais que je suis plus jeune et que vous pensez peut-être que je ne suis pas assez expérimenté, mais je suis votre supérieur désormais. Il va falloir que vous vous fassiez à cette idée, que ça vous fasse plaisir ou pas. donc j’aimerais que vous changiez de ton et d’attitude avec moi. Et si je vous demande de me ramener un café, vous me ramènerez un café.

La blonde l’observa quelques instants, cet air toujours impassible sur le visage. Elle soutenait le regard de son supérieur mais finit par baisser les yeux. Elle attrapa son téléphone sur le bureau et le rangea dans son sac avant de passer devant Chan.

— Je dois y aller, je suis pressée. Bon week-end.

Et elle disparut dans le couloir sans demander son reste, laissant Chan en plan derrière elle, comme si cette conversation n’avait servi à rien.