Chapitre 16 - Honor
Je sonne à la porte de l'appartement de Theo moins d'un quart d'heure plus tard. Il m'ouvre dans la seconde...
Entièrement nu.
Je hausse un sourcil appréciateur en le détaillant de haut en bas, tandis qu'il s'appuie nonchalamment au battant – ce qui tend de manière encore plus avantageuse les muscles de ses bras.
— Tu m'as demandé de rester exactement comme j'étais, me lance-t-il. J'obéis à la lettre.
— Excellent.
La vérité, c'est que nous sommes sur la même longueur d'ondes, lui et moi. Séductrice, je fais un pas en avant sur mes escarpins, portant les mains à la ceinture de mon long manteau pour le dénouer. Lorsqu'ils s'écartent, ils révèlent ce que je porte en-dessous... ou plutôt, ce que je ne porte pas. Juste un body en dentelle noire, dont le tulle est largement transparent.
Lorsqu'à l'instant, j'ai croisé un homme qui sortait de l'immeuble au moment où je voulais y entrer, m'évitant de sonner à l'interphone, je n'ai pas manqué le coup d'œil en biais qu'il a jeté à mes jambes nues. Ce que je venais faire était évident... mais je n'ai jamais eu l'intention de m'en cacher.
Quitte à céder à la tentation que représente Theo, autant abattre toutes mes cartes.
Il ne dit rien en découvrant ma surprise. À la place, ses yeux gris s'étrécissent, s'assombrissent d'un feu que je connais bien – celui-là même que je cherchais à attiser. Il tend la main vers moi, attrape la mienne, m'attire contre lui.
Un instant plus tard, la porte claque, il me presse entre le bois et son corps brûlant, et nos bouches se dévorent, animées par la même avidité. Mon manteau glisse au sol, les mains de Theo empoignent mes fesses pour me soulever à sa hauteur. Je me cambre ; déjà, ses doigts profitent de leur position pour explorer l'intérieur de mes cuisses, faisant disjoncter toutes mes terminaisons nerveuses.
— Tu es parfaite, expire-t-il contre mes lèvres, dans l'un des rares moments où elles se séparent.
— Tais-toi. Juste, prouve-le.
— J'y compte bien.
Ce ne sont pas que des mots. La manière dont ses paumes sont partout sur moi, dont son corps entier participe à m'enflammer, attentif à la moindre de mes réactions... Je suis transportée, enivrée.
L'une des raisons pour lesquelles j'ai autant résisté à ce que nous recouchions ensemble – outre ma résolution de ne jamais laisser un mec m'attacher, de quelque manière que ce soit –, c'est que je n'étais pas certaine que l'alchimie que nous avons partagée le soir de la fête des Zeta Beta Tau pourrait se reproduire. Je me disais qu'il s'agissait peut-être d'un hasard, d'une heureuse conjoncture de nos désirs entrant en collision. Qu'une deuxième fois se révèlerait décevante, vouée à pâlir en comparaison de la première.
J'avais tort.
Oh, que j'avais tort...
C'est encore meilleur cette fois-ci. Parce que ce moment, nous l'avons voulu, attendu. L'excitation de la découverte est remplacée par celle de l'anticipation, décuplée. Je sais que Theo est un amant à ma hauteur, que je peux lui faire confiance pour m'emmener jusqu'aux sommets du plaisir ; que les chemins que je lui proposerai pour y parvenir, il les arpentera avec un enthousiasme égal au mien.
C'est jouissif de pouvoir me libérer complètement.
Et bientôt, prise dans un tourbillon sensuel, j'explose en un million d'étincelles... qui me donnent pourtant le sentiment de n'avoir jamais été si entière.
***
Un peu plus tard, je squatte le lit de Theo dans un t-shirt qu'il m'a prêté : bleu marine, et floqué du logo en forme de goutte de DWS – Dwight Water Solutions, l'entreprise de son père, m'a-t-il précisé lorsqu'il m'a vue l'inspecter avec curiosité. Vu notre différence de corpulence, il m'arrive à mi-cuisses, ce qui me va très bien : pour chiller un peu, c'est plus confortable.
J'aurais pu enfiler le legging, le débardeur et les sous-vêtements de rechange que j'ai emportés avec moi, fourrés dans une poche de mon manteau. Mais j'ai la conviction que les habits que je mettrai maintenant finiront inévitablement par valser à un moment ou un autre de la soirée pour un deuxième round, alors autant choisir une option facile à retirer.
À la base, je voulais juste rester à poil – ça ne m'aurait pas dérangée, niveau pudeur. Mais Theo a vu ma peau se couvrir de chair de poule, et il a insisté pour me donner de quoi me couvrir.
J'avoue que sentir son odeur qui m'enveloppe a quelque chose d'agréable. Comme la promesse que bientôt, son corps reviendra prendre la place du coton doux pour me prodiguer ses caresses... Juste le temps de remplir de nouveau les puits de nos désirs.
En attendant, je suis bien là où je suis. Le lit de Theo est délicieusement moelleux, là où le canapé que je déplie chaque soir dans le salon de ma tante est un peu trop dur. Et j'aime aussi son appartement : pour un étudiant, il est très bien logé. Ses trois pièces sont spacieuses et lumineuses, joliment décorées – même si, apparemment, il n'a aucun mérite à ce propos, puisque ce sont ses quatre sœurs qui se sont succédé ici avant lui qui ont assuré l'aménagement. Les meubles de bois clair et les plantes d'intérieur donnent à l'ensemble un côté cosy et accueillant.
Je crois avoir succombé à la somnolence un quart d'heure ou deux... En tout cas, maintenant que je reprends pied dans la conscience, Theo est là, tout près de moi : il joue avec le bout d'une de mes mèches blondes perdue contre la naissance de ma clavicule.
D'un coup, j'ai du mal à me souvenir pourquoi remettre le couvert avec lui me paraissait si terrible.
Mais cette pensée suffit à réveiller mes interrogations. Je n'ai jamais fait ça, revoir un mec. Je ne peux m'empêcher d'angoisser en me demandant ce que ça veut dire pour la suite, maintenant que l'envie de lui n'embrume plus mon esprit. À la place, il part en vrille, et mon corps se crispe – ce que Theo ne manque pas de remarquer.
— Ça va ?
— Comment tu vois les choses maintenant ? Pour la suite ?
Ma question a jailli, abrupte. Elle n'entame cependant pas la façade détendue du nageur.
— Je n'envisage rien de précis. Si on a envie de se revoir, on le fait. Sinon, non. On s'écoute, et on voit ce que ça donne.
Ça a l'air simple, dit comme ça. Bien plus que le fouillis dans ma tête veut me le laisser croire. Il n'empêche que je reste sur mes gardes, cherchant les barreaux invisibles d'une cage où je refuse de me retrouver enfermée.
— Si on veut coucher avec d'autres gens, on peut continuer.
Ce n'est pas vraiment une interrogation : je l'affirme, avec une pointe de défi. Je n'ai déjà que trop constaté à quelle vitesse les mecs peuvent virer possessifs si on ne leur met pas de bornes. Mais Theo se fend simplement d'un petit rire.
— Ce qui m'intéresse, c'est ce que tu fais avec moi. Pouvoir profiter à nouveau de ton corps incroyable. Pour le reste, tu t'amuses bien comme tu veux. Balancer des grands « Tu es à moi », c'est pas trop mon délire.
— Je n'appartiens à personne.
— Oui, exactement.
Sa paume glisse jusqu'à ma taille et ses lèvres s'étirent tandis qu'il ajoute :
— Bon, je t'avoue que là tout de suite, je suis tellement ébloui par l'alchimie qu'on a au lit que j'ai surtout envie de l'explorer plutôt que de ramener d'autres filles ici. Mais si tu es d'humeur plus aventureuse que moi, je ne vais pas t'en blâmer. Tu te protèges avec tout le monde, de toute façon ?
— Oui. Et je prends la pilule.
En matière de contraception, je préfère prendre toutes les mesures à ma disposition. Mieux vaut me montrer précautionneuse que d'en payer les conséquences.
Je me rappelle avoir halluciné le jour où j'ai compris que Prudence employait la méthode du retrait avec Charles, son copain. J'avais beau être encore vierge à l'époque, je savais déjà que les techniques de ce genre ne sont absolument pas fiables. Je peux remercier Val pour ça, et un Noël où elle avait accepté de répondre à mes questions d'adolescente... Est-ce que ma grande sœur, elle, n'a jamais osé les poser ? Est-ce qu'elle s'est contentée de se reposer sur les bruits de couloir de notre lycée ? Ou est-ce qu'elle s'est dit que ça irait ainsi, qu'elle aurait de la chance, qu'elle préférait ça à risquer de faire des vagues ? Peut-être que c'est Charles qui l'en a convaincue, prêt à commettre un péché pour la partie qui lui apporterait du plaisir, mais pas sur celle dont les conséquences ne pèseraient pas sur ses propres épaules...
Je ne le saurai jamais. Mais une chose est sûre, je ne ferai pas la même chose. Si les démarches étaient plus faciles, je serais même prête à ce que l'on me retire l'utérus. Je ne souhaite pas devenir mère, ni maintenant ni plus tard. J'attends d'autres choses de ma vie, et je prendrai les mesures nécessaires pour que ce choix reste mien.
Theo hoche la tête, ignorant qu'il y a davantage dans mon affirmation qu'une simple mention à titre informatif. Je me tourne pour tousser, la gorge prise par une congestion familière.
— Tu es malade ? s'inquiète-t-il.
— Non, juste allergique aux acariens. Ça me fait souvent renifler en intérieur.
— Oh. Tu veux que j'aère ?
Je m'apprête à dire que ce n'est pas la peine, que ce n'est pas si grave, mais il est déjà debout, et a ouvert la fenêtre de sa chambre. La brise qui s'engouffre à l'intérieur est fraîche, mais ce n'est pas désagréable : elle me réveille de la torpeur dans laquelle j'avais glissé – sans compter qu'effectivement, je me sens un peu moins enrhumée.
Et puis, bonus non négligeable, j'ai une vue parfaite sur le postérieur de Theo maintenant découvert. J'attendais d'être prête pour un second round : je crois que je vais l'être bientôt...
Lui aussi semble sur la même longueur d'ondes. C'est avec lenteur qu'il revient près du lit, suffisamment pour que je le voie en train de se tendre de nouveau pour moi. Il bascule au-dessus de mon corps, ses deux avant-bras encadrant mon visage, me pressant délicieusement contre le matelas. Nos nez se frôlent, nos souffles se mélangent depuis nos lèvres que seuls quelques millimètres séparent. Je me cambre pour les réunir, mais son doigt se pose sur ma bouche, me retenant pour me poser une dernière question.
— Est-ce que tu penses pouvoir faire ça ? Rester... juste un jour de plus. Tant que tu en as envie.
De si près, je peux distinguer toutes les nuances de ses yeux gris. Leurs stries perle, leur aplats nacrés. Comme deux coquillages, encore brillants du voile de la marée. Abritant un espoir plus profond que ce qu'il s'autorise à exprimer ; peut-être même plus profond qu'il n'en a conscience lui-même.
À ma grande surprise, il reste en moi un recoin bien caché qui ne s'effraie pas. Qui prend le dessus, convaincant tous les autres de croire à la légèreté qu'il affiche. Qui y répond, avec un sourire espiègle en guise de bouclier pour masquer ce qui vient soudain de vibrer dans mon cœur.
— Juste un jour de plus, d'accord. On peut avancer comme ça.
Pour la première fois depuis des mois, timidement, je choisis autre chose que la fuite. Et heureusement, au cours des minutes qui suivent, Theo s'affaire à ce que je n'aie aucune raison de le regretter...
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