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Chapitre 13 - Theo

Lisa sonne chez moi à quinze heures pile.

Et moi, comme je savais qu'elle n'aurait pas la moindre minute de retard, je lui ouvre la porte dans les dix secondes, décidé à ce qu'elle n'ait pas à attendre un seul instant.

— Salut, Theo.

— Salut...

Elle me sourit, le visage encadré de ses éternelles ondulations châtain clair, les doigts resserrés autour des lanières de son tote bag. Celui d'une exposition d'art contemporain qui a eu lieu l'an dernier au MoMA de New York, je note. Elle porte un pull bouloché à rayures horizontales vertes et roses, un jean dont les jambes s'évasent, et de petites bottines à talons. Son style s'affirme, je le vois : chaque fois que nous nous croisons, je ne peux que constater à quel point elle mûrit, s'éloigne de celle qu'elle était lorsque nous étions au lycée.

J'en suis heureux pour elle, et à la fois... Une partie de moi-même ne l'accepte qu'avec amertume.

— Viens, entre, je lui propose. Tu veux quelque chose à boire ?

— Un thé, si tu as.

J'ai. Du thé noir, très infusé, mais avec un sucre : c'est ce qu'elle prend. Je me mets à lui préparer ça machinalement pendant qu'elle s'avance dans mon appartement : m'occuper les mains m'empêche de trop réfléchir à ce qu'elle peut bien me vouloir.

Je l'adore... mais à chaque fois que je la vois, l'ampleur de ma dette envers elle me terrasse. Et même si elle ne voit pas les choses ainsi, je sais qu'il s'agit là d'une culpabilité que je porterai à jamais.

Lisa, c'est la fille qui m'a fait croire en l'amour. Pas pour moi : pour Matt. Ado, j'avais déjà du mal à y croire, à ce truc. Poser les yeux sur quelqu'un, et se dire que l'on veut cette personne, plus que toutes les autres. Qu'elle est spéciale et que notre bonheur est contenu en elle, dans ses sourires, ses regards et nos doigts qui se frôlent. Ça ne me parlait pas. Ce que je voulais, moi, c'était expérimenter, les corps, les cœurs.

Matt, lui... Dès qu'il a croisé le chemin de Lisa dans notre collège, il a su que ce serait elle, et aucune autre fille. Un crush instantané, un coup de foudre. Il s'est passé des années pendant lesquelles j'ai été son confident – parce que nous étions à cet âge où les sentiments sont trop intenses pour être gérés autrement que dans le secret, et que nous étions l'un pour l'autre la personne au monde en laquelle nous avions le plus confiance. Il se réjouissait à chaque coup d'œil échangé, espérait à chaque miette d'elle qu'il parvenait à grapiller – trop rares à son goût. Je le plaignais : ce manque permanent, cette tension constante, cela ressemblait pour moi bien trop à de la souffrance. Pendant longtemps, il n'a pas osé se déclarer à elle, craignant tout perdre en risquant de tout gagner.

Moi, en parallèle, je développais mes premiers flirts. C'est d'ailleurs ce qui a débloqué la situation : au début de notre année de première, je me suis retrouvé en soirée avec une amie de Lisa. Elle ne gérait pas encore trop bien l'alcool, alors sa langue s'est déliée.

— T'es au courant que Lisou, elle est à fond sur ton pote ? m'a-t-elle confié, la voix pâteuse.

À partir de là, j'ai eu toutes les clés en main pour comprendre pourquoi Lisa paraissait si mal assurée en présence de Matt, pourquoi sa voix s'étranglait devant lui : ce n'était ni de la gêne, ni du rejet, mais de la timidité causée par des sentiments qu'ils ignoraient réciproques...

Je n'ai pas vendu la mèche brutalement à mon ami, bien sûr : il méritait de faire par lui-même cette heureuse découverte. Mais j'ai mis toute ma force de conviction pour l'inciter à se déclarer. Comme je suis plutôt persuasif – et qu'il faut le dire, malgré la peur, il en mourrait d'envie –, il a fini par se lancer... avec succès, sans surprise.

Au cours de l'année qui a suivi, les observer ensemble a bouleversé les convictions que je pensais m'être forgées de manière inébranlable. Ils étaient faits l'un pour l'autre, c'était évident. Toujours à se réserver de petites attentions, à se chuchoter des mots doux, à donner l'impression que dans l'univers si vaste et parfois si froid, ils avaient recréé un monde miniature rien qu'à eux. Je peinais toujours à voir comment je pourrais trouver un jour une personne qui aurait sur moi un tel effet... mais je comprenais enfin pourquoi tant de gens recherchaient l'amour. Ce qu'il avait de beau, de désirable.

Aucune des filles que je côtoyais ne me donnait envie de poser mon cœur, mais il me semblait que dans un futur encore brumeux, ce serait possible. Qu'il y aurait un glissement de terrain et que je le désirerais, parce que d'un coup, l'étoile qui ne m'avait pas encore touché de sa lumière aurait exercé sur moi sa gravité.

J'étais persuadé que Matt et Lisa, c'était jusqu'au bout du monde, jusqu'à la fin des temps. Rien ne paraissait pouvoir les séparer. Ils parlaient déjà d'admissions à la fac, de la manière dont ils allaient y faire survivre leur couple, de la vie qu'ils construiraient peu à peu, ensemble.

Et puis il y a eu cette stupide soirée. L'accident. La colonne vertébrale brisée de mon meilleur ami, son handicap. Son avenir jeté d'un coup hors de son axe.

Ce n'était pas ma faute. Ce n'était pas moi qui conduisais. On me l'a dit, répété. Et pourtant... Au fond de mon être, je sais que j'aurais pu changer l'issue de cette nuit-là, si j'avais été moins persuadé de notre propre invincibilité.

Moins con.

Ma famille, mes amis... Nul ne s'est aventuré à me faire de reproches. À me lancer en pleine face cette vérité qu'ils étaient trop charitables pour exhumer. Mais même tue, elle restait là. Je le savais ; tout le monde le savait. Et chez Lisa... elle était si brute, douloureuse, qu'elle n'a pas eu besoin de parler pour qu'elle m'explose à la gueule. Je lui avais fait une promesse, ce soir-là, avant de partir. Les fêtes, ce n'était pas trop son truc, à elle : elle a préféré rester chez elle, à peindre. Elle n'aurait pas eu besoin d'insister beaucoup pour que Matt la suive dans ses plans : depuis qu'ils étaient ensemble, je sentais que s'il venait aux événements du genre, c'était de plus en plus pour me faire plaisir, me servir d'ailier comme il l'avait toujours fait. Quand ils se sont dit au revoir, prolongeant leur baiser alors qu'ils n'allaient être séparés que quelques heures à peine, j'ai lancé à Lisa, sur le ton de la plaisanterie :

— T'inquiète, je vais te le ramener sain et sauf, hein !

Des paroles. Du vent.

Elles mugissent encore à mes oreilles. Tout comme s'écrasent en déluge les larmes de Lisa, lorsque les médecins sont venus nous annoncer le verdict dans la salle d'attente de l'hôpital, broyant nos espoirs que tout ceci ne pourrait rester qu'un cahot ponctuel dans notre trajectoire rectiligne, un moment de frayeur avant le soulagement du happy end.

Les yeux noyés, elle s'est tournée vers moi. Les abysses que j'y ai vus me donnent encore le vertige. Un océan de douleur, un léviathan de colère. M'entraînant dans ses profondeurs, le cœur pris dans un naufrage de culpabilité.

Pourtant... elle aimait Matt, pour le meilleur et pour le pire. Au bout de quelques minutes seulement, elle a relevé la tête, sa détermination visible. Elle n'avait pas besoin de parler pour que je comprenne ce qu'elle venait de décider : même si tous leurs plans d'avenir venaient d'être bouleversés, même s'ils devraient se réinventer, elle resterait à ses côtés, quoi qu'il arrive. Sa tragédie deviendrait la leur.

Cela n'a rendu que plus douloureux le deuxième coup qu'elle a dû encaisser : c'est Matt qui n'a pas voulu de cela pour elle.

Il l'aimait plus que son propre bonheur, lui aussi. Alors, au bout de quelques semaines à peine, quand il a réalisé pleinement à quel point sa vie serait différente désormais – à force de séances de rééducation et de projets avortés –, il a rompu. Il refusait de la retenir, m'a-t-il dit ensuite. Je n'y ai pas cru, d'abord. Il était dans une période sombre sur le plan psychologique, à ce moment-là : j'espérais que ce serait une phase. Lisa aussi : elle s'est accrochée. Elle a décidé qu'elle resterait proche de lui, son amie, jusqu'à ce qu'enfin il revienne à la raison.

Ça n'est jamais arrivé.

Je crois bien que je suis le seul à n'avoir pas encore perdu espoir.

Ils s'aimaient, ces imbéciles. Ils étaient parfaits l'un pour l'autre. Ils pourraient encore l'être... et ils le seront de nouveau un jour, je le sais. Matt va de mieux en mieux, Lisa ne s'est pas éloignée. Inévitablement, ils finiront par se réparer.

Leur lien non plus, je ne veux pas être celui qui l'a brisé à jamais.

Alors, quel que soit le sujet dont elle souhaite me parler... je suis là pour elle. Je lui dois bien ça, et tant de choses encore...

Ça n'a pas l'air facile à aborder, car lorsque je lui tends sa tasse de thé, elle me remercie avec un sourire gêné. Elle peut tout me demander, pourtant : elle devrait le savoir. Pour dissiper la tension entre nous, c'est moi qui prends l'initiative de lancer le dialogue :

— Tu es chez ton père ce week-end ?

Elle hoche la tête. Il habite Danbury, avec sa seconde épouse et sa demi-sœur ; sa mère, elle, a une maison à Newington, où nous étions au lycée. Cela fait des années qu'elle partage son temps entre les deux villes. Elle avait commencé une licence à la WestConn en même temps que moi, mais elle a décroché au bout d'un semestre. Elle travaille dans un café, maintenant.

— Tu veux organiser quelque chose pour l'anniversaire de Matt ? je suppose. Ça va arriver bientôt, maintenant. Ce serait pas mal qu'on lui prépare quelque chose tous les deux.

C'est ce qu'on a fait l'an dernier : on s'est cotisés pour lui payer un nouveau trépied pour ses vidéos – pas un truc basique, un réglable pleine hauteur, avec un tas d'options. J'ai déjà quelques idées et...

— Non, Theo.

Le regard de Lisa plonge vers sa tasse. Elle boit une gorgée de thé, comme pour gagner du temps avant d'ajouter :

— Je ne serai pas là pour son anniversaire. Plus là. Je pars en Californie.

— Wow, eh ben ! Ça va te faire de super vacances !

— Non... Tu n'as pas compris. Je m'en vais, Theo. Je ne reviendrai pas.

Je me fige. C'est à mon tour de manquer de mots, tandis qu'ils se pressent dans la bouche de Lisa :

— Un ami de mon oncle... Il a une galerie d'art, à Los Angeles. Ils ont parlé de moi, mon oncle l'a convaincu de me donner ma chance. Il m'offre un poste, il est prêt à me former.

— C'est une super opportunité...

— C'était mon rêve... et je dois saisir cette chance. Il n'y en aura qu'une.

— Mais...

Le prénom qui flotte entre nous dans le silence, nous l'entendons tous les deux.

Mais... Matt ?

— Il est déjà au courant, m'informe Lisa. Je l'ai prévenu il y a quelques jours. Il est heureux pour moi : il sait à quel point ce domaine m'attire, depuis toujours.

— Il ne m'en a pas parlé.

— Je voulais te l'annoncer en personne.

Elle porte deux bagues en argent à la main gauche : une à l'index, une au majeur. Elle les fait tourner nerveusement en soupirant :

— Je me doutais que tu aurais du mal à l'entendre... mais ça devait arriver, Theo. Il est temps pour moi de partir. De penser à moi. J'ai fini par le comprendre.

Ma bouche s'entrouvre.

Trois ans. Elle a attendu trois ans. Plus que bien des gens ne l'auraient fait.

Je voudrais lui demander d'attendre encore... mais je n'en ai aucun droit.

— J'ai déjà commencé à regarder pour trouver un appartement, reprend-elle. Juste un studio, vu les prix à L.A. Ça va me faire bizarre d'habiter toute seule, mais j'espère que j'arriverai rapidement à me faire de nouveaux amis.

Et plus, si affinités.

Je n'arrive pas à le concevoir. Lisa et Matt, dans mon esprit, ça a toujours été un tout. La preuve : alors que j'ai essayé de draguer – ou au moins pensé à essayer de draguer – toutes les filles de notre lycée, elle, je ne l'ai jamais envisagée. Elle appartient à un autre plan de l'existence, pas au mien. À la définition de l'amour, à son incarnation sous mon regard que j'ai pu observer jour après jour pendant près d'un an, avant que tout n'éclate.

Je ne dis rien – je n'y arrive pas. Lisa non plus. Elle termine son thé en silence, gênée. La tension entre nous est palpable... et c'est le bruit inattendu de mon portable qui vibre sur ma table basse qui le brise. L'écran s'allume : le message que je viens de recevoir sur Instagram s'affiche.

@hnr.wrd : Alors, ce challenge ? J'attends...

L'emoji qui souffle un baiser accompagne ces quelques mots. Lisa les a lus, je le vois à son regard lorsqu'elle le repose sur moi ; en même temps, au vu du mutisme dans lequel nous étions plongés, elle ne pouvait faire autrement que de saisir cette distraction.

— Qui c'est ? me demande-t-elle, une touche d'espoir immanquable dans la voix.

— Honor. Une fille avec qui je discute en ce moment.

— C'est du sérieux entre vous ?

— J'ai juste couché une fois avec elle.

Je ne peux réprimer un tic nerveux. C'est la stricte vérité... et pourtant, la présenter ainsi sonne comme un mensonge, j'ignore pourquoi. Cela me déçoit ; Lisa aussi, manifestement. Le sourire qui était apparu subrepticement sur ses lèvres s'est fané.

Elle repose sa tasse désormais vide à côté de mon portable, revenu au noir.

— Toi aussi, un jour, il faudra que tu comprennes que tu as le droit d'avancer... murmure-t-elle.

Je ne réponds rien, parce que ça n'a rien à voir, que si je ne m'attache jamais, c'est juste que je n'en ai pas l'envie, qu'il n'est pas question de ça, que...

Le regard triste de Lisa me coupe en pleines pensées.

Et l'espace d'un instant, je vacille au bord du vide en moi que je me suis toujours refusé à sonder.

***

Bonjour, vous aimez la JOIE DE VIVRE ?

Grand écart de registre entre le chapitre précédent et celui-ci : il m'a transportée à l'écriture aussi, mais d'une manière hyper différente. J'espère qu'il a su vous toucher, et vous permettre de comprendre un peu mieux ce qui agite Theo sous la surface d'humour.

Je suis contente, j'ai pu sortir trois chapitres de manière rapprochée, je me suis accordé une petite parenthèse dans la relecture du tome 3 de Réseau Royal 💪

Mais il faut toujours que j'avance, donc le rythme ici va redevenir plus modéré. Je fais de mon mieux pour trouver un équilibre !

Comme toujours, j'attends vos commentaires avec impatience 🥰

Vous êtes mes petites bulles dans le vaste univers 💙

À bientôt !

Camille Versi

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