S I X
Il est vendredi midi et je n'ai pas changé d'avis. Je sais que je dois le faire, sinon je ne le ferai jamais. Je suis de retour sur le toit avec Asia qui connaît mon angoisse. Elle semble être beaucoup plus calme que moi, même si je sais qu'elle stresse pour moi. Je le sais parce qu'elle m'a offert un cookie en forme de champignon ; la cuisine est quelque chose qui la calme et elle adore la nature. Je mange mon biscuit en regardant le ciel. Au moins, aucun nuage n'est présent dans le ciel ; espérons que c'est un bon présage pour le reste de la journée.
***
En regardant par la fenêtre de la bibliothèque, je me rends compte de la chance que j'ai d'étudier dans un cadre si idyllique : que ce soient les vieux bâtiments, le lac surplombé des montagnes, les arbres droits et fiers... J'adore étudier ici et juste en levant la tête avoir cette vue à couper le souffle. En parlant de vue à couper le souffle, Soraya vient d'entrer.
Mon cœur bat si vite que j'ai l'impression qu'il va s'arrêter, ma gorge est sèche et l'air peine à entrer dans mes poumons. Je ne peux pas m'empêcher de la regarder marcher rapidement vers une place libre. Elle pose ses affaires à une table et s'assied. C'est le moment parfait pour lui proposer que nous nous retrouvions ce soir. Je respire longuement avant de me lever. Je ne sens pas mon corps ; c'est comme si j'étais toujours assise sur ma chaise et que je regardais quelqu'un qui n'est pas moi aller vers Soraya. Je rejoins mon corps quand sa voix traverse mon être.
- Salut Arwen !
Je lui souris avant de m'asseoir à côté d'elle. Nous discutons quelques instants, chaque instant menace mon courage de s'envoler.
- Tu fais quelque chose ce soir ? je demande
- Rien de spécial, pourquoi ?
- J'ai repéré un spot sympa pour admirer les étoiles, je voulais savoir si ça t'intéresserait d'y aller avec moi !
- Pourquoi pas ! Je ne te savais pas passionnée d'astronomie (je ris nerveusement). Tu veux y aller quand ?
Nous fixons un rendez-vous et je ne peux empêcher mon cœur s'emballer dans ma poitrine. Je retourne à ma place avec un « à tout à l'heure ».
Boum-boum
Boum-boum
À tout à l'heure, Soraya
***
Qu'est-ce que je fais ? Pourquoi je fais ça ?
J'attends Soraya à notre lieu de rendez-vous et je suis en train de me remettre en question ; sérieusement, qu'est-ce qui m'a pris ? C'est bien beau de lui ouvrir mon cœur, mais que suis-je censée faire si elle ne m'aime pas comme ça ? Si cela gâchait notre amitié ?
Je ne pense pas que je pourrais supporter la douleur de la perdre, ni la souffrance causée. Je ferai peut-être mieux de tout abandonner et de faire marche-arrière. Je prends mon téléphone et remarque un nouveau message.
Asia : Tu n'as pas intérêt à te dégonfler !!
Asia : Je te soutiens de tout mon cœur
Asia : Mais dis-lui
Je me demande si Asia est au courant de quelque chose, parce que ce n'est pas son style de me pousser autant à faire quelque chose. Je me contente de lui envoyer un cœur et je range mon téléphone. Elle a raison après tout, je ferai bien de tout dire à Soraya et de gérer les conséquences. Du coin de l'œil, je la vois venir vers moi, ce qui a pour effet d'apaiser mon cœur. Je me sens si bien à son contact que ça me terrifie ; si ce n'est pas mon âme sœur, je ne vois pas qui cela pourrait être. C'est elle que je veux et personne d'autre.
- Salut !
Elle me prend dans ses bras et me serre fort contre elle ; tous mes doutes s'envolent d'un coup. C'est elle, ça ne peut pas en être autrement. Je lui souris et attrape sa main. Nous grimpons la colline en parlant de tout et de rien ; je fais tout pour garder hors de ma tête les cris impatients de mon âme voulant résonner avec celle de Soraya. Patience, souffle mon cœur. Arrivées en haut, je déplie la couverture que j'ai prise et nous nous sommes allongées dessus. Il n'y a rien hormis l'étendue infinie du ciel rempli d'étoiles. Je ressens la chaleur du corps proche du mien et je n'entends que les battements sourds de mon cœur. Pendant de longues minutes, aucune de nous deux ne parle, mais ce n'est pas dérangeant. C'est même plutôt réconfortant d'entendre nos respirations synchronisées, la douceur du vent. Je tourne la tête pour la regarder ; ses yeux vert émeraude brillent et reflètent les astres. Tout l'Univers se tient dans la beauté de son regard et je ne peux détourner mes yeux d'elle. Sentant mon regard sur elle, Soraya tourne la tête et me sourit tendrement. Je sens mon cœur reprendre sa course folle et me supplier de le libérer du poids des sentiments qu'il retient. Je me redresse jusqu'à m'asseoir tout en passant plusieurs fois mes mains sur mon pantalon, le souffle court. Soraya m'imite et nous nous retrouvons assises l'une en face de l'autre. Je coince une mèche de cheveux derrière mon oreille et prends une profonde respiration. Je vois les yeux de Soraya m'interroger, mais elle attend patiemment que je m'ouvre.
- Je voulais te remercier d'être venue, je commence. En fait, si je t'ai proposé qu'on se voie, c'est que je voulais te parler.
Soraya reste silencieuse mais m'encourage à continuer d'un léger mouvement de tête ; c'est le moment et je ne peux pas me dégonfler. Je ne vais pas me dégonfler.
- Ça fait un moment qu'on traîne ensemble et depuis le début, je ressens quelque chose pour toi. Pour dire les choses clairement, j'avais un crush sur toi. Mais plus j'apprenais à te connaître, plus on se rapprochait, plus mes sentiments changeaient. Au fur et à mesure de nos discussions, j'ai commencé à tomber amoureuse de toi. Très lentement, tellement que quand je m'en suis rendue compte, mon cœur t'appartenait déjà. Parce que, tant que je suis lancée, tu as fait naître des papillons dans mon estomac, tu fais battre mon cœur comme il n'a jamais battu avant. Tu t'es doucement installée dans mes pensées jusqu'à ce que tu ne les quittes plus du tout. Je ne vois plus ma vie sans toi et je veux construire quelque chose avec toi. Peut-être pour le reste de notre vie, ou pas. Mais dans tous les cas, je veux prendre ce risque, avec toi. Je veux faire un bout de chemin avec toi, si tu le veux bien, Soraya.
Je m'arrête. Ça y est, j'ai atteint le point de non-retour ; quelque soit sa réaction, notre amitié ne sera plus jamais la même. Mon cœur s'emballe et reprend sa course effrénée, comme s'il tentait de sortir de ma cage thoracique pour rejoindre celle qui le fait battre, la fille en face de moi qui me fixe de son regard émeraude. Chaque seconde qui passe crée une nouvelle fissure dans mon âme et les larmes commencent à monter. Instantanément, je regrette ce que je viens de faire ; je ne suis qu'une pauvre idiote. Je me lève précipitamment ; ma vue est brouillée par les larmes qui menacent de déborder et de couler. Je sens les battements de mon cœur ralentir, comme s'il rendait son dernier soupir. Chaque respiration brûle mes poumons qui réclament de l'oxygène. Toute la chaleur a quitté brusquement mon corps et je me sens mourir de l'intérieur. Je ne sais plus où je suis, ce que je fais. Mon cerveau s'est arrêté et ne semble pas prêt de redémarrer. Je marmonne quelque chose qui ressemble à des excuses avant de m'éloigner.
Une perle salée roule sur ma joue, mais je me force à étouffer ma peine. Je ne peux pas m'effondrer maintenant. Une main chaude s'enroule autour de ma propre main glacée.
- Arwen, attends.
Sa voix tremble légèrement ce qui m'achève. Je veux tomber à genoux et hurler à l'Univers de remonter le temps pour que je ne fasse pas cette erreur ; celle de perdre Soraya. Au ton de sa voix, je comprends que ce n'est pas réciproque ce qui menace le contrôle que j'exerce sur mes larmes.
- Arwen, regarde-moi, s'il te plaît.
Lentement, je me retourne et je la regarde. Ses yeux émeraudes brillent, comme s'ils avaient aspiré toutes les étoiles du ciel.
- Arwen, je voulais te dire...
Pitié, achevez-moi.
- Moi aussi, je t'aime.
Mon cœur brûle de vie et s'enflamme d'amour.
- Arwen, je suis amoureuse de toi.
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