S E P T
Quand j'avais neuf ans, j'ai grimpé à un arbre pour aller chercher une balle coincée. En redescendant, une branche a cassé sous mon poids et je suis tombée sur le dos. La chute et l'atterrissage m'ont littéralement coupé le souffle. Heureusement, je n'étais pas trop haut et je ne me suis pas vraiment fait mal. Mais cette sensation que tout l'air venait de quitter mes poumons est restée gravé dans ma mémoire. J'ai de nouveau eu cette sensation en me réveillant à l'hôpital après mon accident de voiture, quand les médecins m'ont confirmé ce que je savais déjà : mon père n'était plus de ce monde.
C'est un peu près comment je décrirais ce qui se passe dans mon corps. Mon cœur s'est réveillé et a recommencé à battre, pris d'un feu ardent. L'air a entièrement quitté mes poumons et mon estomac est noué. Je peine à assimiler, enregistrer et comprendre ce que Soraya vient de me dire.
Elle s'approche et prend mes mains dans les siennes.
- Je n'osais pas te le dire, mais tous nos moments passés ensemble, ce sont les moments où je tombais amoureuse de toi.
Oh. Mon. Dieu. C'est vrai, c'est réellement en train d'arriver. Je dois rêver, parce que c'est trop improbable, c'est beaucoup trop beau pour être vrai. Je n'ose ni bouger, ni respirer. Parce que si je rêve, je ne veux pas me réveiller.
Soraya prend mon visage dans ses mains ; ses pouces essuient mes larmes qui ont fini par s'enfuir. Sa douceur réchauffe mon âme qui me supplie de l'embrasser. Mais je n'ose pas bouger, de peur que tout s'évapore et que je me réveille dans mon lit. Soraya se rapproche encore un peu et mes bras s'enroulent autour de sa taille.
- Est-ce que... est-ce que je peux t'embrasser ?
Sa voix n'est plus qu'un murmure ; c'est comme si le monde s'était évaporé autour de nous. Nous étions seules, dans notre bulle d'amour. Incapable de parler, je me contente de hocher la tête.
- J'ai besoin de mots, mon ange.
Mon ange.
- Tu peux, je murmure.
Ses lèvres se posent doucement contre les miennes, tout en douceur. C'est bref, furtif et je me sens déjà gelée sans elle. Je me plonge dans ses yeux verts et sans dire un mot, nos lèvres se rejoignent.
C'est un brasier qui s'allume en moi. La petite étincelle dans mon cœur s'est enflammée et c'est mon être dans son entièreté qui brûle chaque cellule qui me compose. Je n'ai plus du tout la notion du temps, de l'espace, de rien. Hormis les mains de Soraya sur mon visage et de sa bouche contre la mienne.
Ma citation préférée de Shakespeare prend enfin tout son sens : « Si je devais t'embrasser pour ensuite aller en enfer, je le ferais. Comme ça, je pourrais me vanter ensuite avec les diables d'avoir vu le paradis sans jamais y entrer. ». C'est la sensation que je ressens dans tout mon être.
Quand nos lèvres se séparent, nous restons l'une contre l'autre, le souffle court. Sans savoir pourquoi, je commence à rire. Je me sens euphorique. Soraya rit avec moi et me serre contre elle.
Après quelques secondes, nous sommes retournées sur la couverture, sans que nos mains se séparent ou que nos yeux se lâchent. Je me sens légère et forte, je veux sauter, hurler au monde que je suis heureuse, que je suis vivante et que la fille que j'aime m'aime aussi. Et qu'il n'y a rien de plus beau au monde que ce sentiment. Celui d'être aimée par la personne qui fait battre notre cœur.
***
Le lendemain, je ne réalise toujours pas ce qui s'est passé. J'ai passé la nuit à me retourner les évènements de la nuit dernière sans réussir à trouver un sens. J'ai même relu une centaine de fois le message de Soraya.
Soraya : Merci pour cette soirée, c'était magique
Soraya : Bonne nuit mon ange, fais de beaux rêves, je t'aime <3
J'ai passé la nuit à me tourner mille et une questions. Est-ce qu'on est ensemble ? Comment dois-je me comporter avec elle demain ? Et surtout... Quand est-ce qu'on doit vérifier nos tatouages ? Normalement, je me serais empressée de tout dire à Asia, mais je ne sais pas pourquoi, j'ai envie de rester dans ma tête ce soir. Je l'ai quand même rassurée d'un petit « Je suis bien rentrée ».
Depuis ce message, mon téléphone n'a pas cessé de vibrer, envahi de messages de ma meilleure amie. Messages que j'ai ignorés, préférant cogiter mes pensées seule.
C'était une grossière erreur et surtout, c'est très mal connaître Asia.
Le lendemain, j'ai à peine eu le temps de poser un pied à l'université qu'une furie rousse m'a foncé dessus. Sans s'embarrasser d'un « bonjour », elle entre directement dans le vif du sujet.
- Je n'arrive pas à déterminer si ton silence est une bonne ou une mauvaise chose. Soit, Soraya t'a rejeté, dans ce cas-là, tu as décidé que l'isolement était une bonne chose. Soit elle t'aime aussi et tu as passé la nuit à lui faire des bébés.
Je manque de recracher mon café et je tousse plusieurs fois avant de retrouver mon souffle. Asia me fixe de ses yeux verts, pas le moindre dérangée par ses propos. Quand je retrouve une respiration régulière, elle me presse de questions.
- Pourquoi tu ne m'as rien dit ? Même pas un « on en parlera demain » ! Qu'est-ce qui s'est passé ? C'était horrible ? Tu m'en veux parce que je t'ai poussée à lui avouer tes sentiments ? Oh mon dieu, tu m'en veux ?
- Je ne t'en veux pas, ce n'est pas de ta faute, je la coupe. Je suis désolée, j'avais beaucoup à réfléchir et je ne savais pas comment mettre par écrit la tempête émotionnelle.
Je soupire et entreprends de lui raconter la soirée tout en marchant pour aller en cours. Asia ne peut pas cacher son bonheur et me pose les questions qui ont tourné dans ma tête toute la nuit. Je regarde mon téléphone et je souris malgré moi.
Soraya : coucou !
Je me sens idiote, mais heureuse. Cette fille me rend heureuse comme je ne l'ai jamais été et elle est très dangereuse pour mon cœur qui a tendance à battre un peu trop vite.
Arwen : coucou toi !
Je ne sais pas comment définir notre relation, mais je sais juste que je suis heureuse. C'est peut-être ça le plus important.
***
Assise sur un banc, je tourne les pages de mon agenda en attendant Asia. Je commence bientôt mes examens et je ne vais pas tarder à entamer mes révisions. Je dois me mettre sérieusement à la recherche d'un stage pour février. J'ai déjà quelques contacts, mais mon professeur m'a conseillé d'attendre la mi-novembre. C'est donc ce à quoi je vais m'atteler dès à présent. Je note sur une feuille ce que je dois faire en me disant que je ferai des plannings plus détaillés quand je serais chez moi. Je range mes affaires dans mon sac et je me lève en apercevant Asia marcher vers moi, d'un pas déterminé. Elle ne s'arrête pas et me serre contre elle très fort. Je lui rends son éteinte sans rien dire ; ses yeux rouges et gonflés m'indiquent qu'elle a pleuré. Elle enfouit sa tête dans mon cou et je sens son corps trembler et ma peau s'humidifier. Je la serre un peu plus fort contre moi en murmurant des mots de réconfort dans son oreille. Ma main frotte son dos en formant des cercles. Je déteste voir ma personne préférée pleurer ; dans ces moments-là, je voudrais juste prendre sa douleur. Mais je me contente d'être là pour elle, comme toujours et pour toujours.
S'il y a une chose qui ne changera jamais, c'est le lien qui nous unie. Plus que meilleures amies, Asia est ma sœur de cœur.
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