Q U A T R E
Je tords mes mains en jetant des coups d'œil à gauche et à droite. À la fin de mes cours, j'ai eu à peine le temps de rentrer chez moi pour déposer mon sac de cours et en prendre un autre, corriger mon maquillage que j'étais déjà repartie. J'aurai aimé avoir le temps de me doucher et de me changer, mais je vais devoir me contenter de ce que j'ai enfilé ce matin, à savoir un jeans et un pull.
Je suis arrivée la première et j'attends Soraya. Et si elle ne venait pas ? Je vérifie pour la dixième fois mon téléphone, mais il n'y a aucun message qui pourrait prévenir d'une annulation. Techniquement, elle n'est pas encore en retard. J'en profite pour prévenir ma mère que je viens ce week-end, nouvelle qu'elle accueille avec joie et elle me propose que nous allions, mon frère, elle et moi voir mon père. J'accepte avec un petit sourire triste. Tôt ou tard, il faudra que je retourne dans ma maison d'enfance et que j'aille voir mon père. Je range mon natel et souris en voyant Soraya s'approcher. J'ai le souffle coupé en voyant qu'elle s'est changée : elle porte une jupe plissée blanche avec un pull brun et un manteau par-dessus ; elle a relevé deux de ses boucles avant pour les attacher derrière avec un ruban. Elle est magnifique et j'ai du mal à détacher mon regard d'elle.
- Salut ! dit-elle en s'approchant. J'espère que tu ne m'as pas attendue trop longtemps ?
- Salut ! je réponds après un temps. Pas du tout, je viens d'arriver !
Elle me sourit et je me rends compte de quelque chose. Je ne m'en fiche pas du tatouage, mais je me mets à espérer que c'est elle. Parce que je le sens, parce que je sais que je ne veux personne d'autre. Mon cœur lui appartient depuis le début, je me voilais juste la face. Je pense que même si nos tatouages ne sont pas les mêmes, je voudrais vivre quelque chose avec elle. Parce que c'est elle, tout simplement. Parce que je veux vivre mon histoire d'amour avec elle et personne d'autre. Je veux me perdre dans ses yeux verts, passer mes doigts dans ses cheveux, lire ses livres, l'écouter parler de ce qu'elle aime pendant des heures. Je la suivrai jusqu'au bout du monde, juste pour être avec elle.
- On y va ? propose-t-elle.
Je prends la main qu'elle me tend et la suit à l'intérieur du restaurant. Sa main est tiède et douce dans la mienne. Je veux tenir sa main pour le reste de ma vie. Malheureusement, je dois la lâcher quand nous arrivons à la table. Je m'installe et j'ai une sensation fantôme contre ma main. Nous commandons et Soraya me demande ce que j'ai fait pour mon anniversaire. Je lui raconte ma soirée avec Asia, puis avec ma famille.
En attendant les plats, nous discutons et j'apprends beaucoup de choses sur elle. Comme le fait qu'elle a une grande sœur, Selene qui a déjà quitté la maison pour vivre avec Adrian, son âme sœur. Elle me dit qu'elle vit avec son oncle et sa tante, mais ne s'étend pas sur le sujet, donc je ne pose pas de question. Elle me dit qu'elle a un chien, un golden retriever, qui s'appelle Mochi. Elle m'a montré une photo et j'ai fondu. Même en étant plus fan des chats, je ne peux nier l'adorabilité de ce chien.
Pour ma part, je lui ai dit que je vis avec mon frère jumeau et qu'avant, je vivais avec mes parents, puis ma mère, sans m'étendre sur le sujet. Je lui ai dit que j'essaye de convaincre mon frère d'adopter un chat et qu'il n'est pas loin de céder. Je lui avoue mieux travailler dans un café que dans une bibliothèque, même si j'adore y aller.
La soirée se déroule sans accro. Plus j'en apprends sur Soraya, plus je me rends compte à quel point je m'attache à elle. Après le restaurant, nous allons nous balader au bord du lac. Ma main attrape celle de Soraya et je pourrais jurer qu'elle vient de rougir. Ce moment si beau, presque hors du temps, je voudrais qu'il ne s'arrête jamais.
Soraya m'accompagne jusqu'à chez moi vers minuit.
- Merci pour la soirée, c'était vraiment super, je murmure.
Soraya se rapproche et mon cœur bat plus vite. Sa main se pose sur ma joue et ses lèvres laissent un baiser très léger sur mon autre joue.
- À demain, bonne nuit !
Je la regarde partir, le cœur battant à la chamade et la sensation de ses lèvres contre ma peau. J'ai envie de lui courir derrière, de la prendre dans mes bras et de l'embrasser jusqu'à en perdre mon souffle. De l'aimer jusqu'à ce que mon cœur arrête de battre. Et recommencer dans chacune de nos vies.
***
Octobre est parti, laissant sa place à novembre. Dans la tranquillité du matin, je commence ma journée. Je nourris Nuit, mon chaton de trois mois. J'ai réussi à convaincre Avery et maintenant, nous avons un chaton noir aux yeux bleus à la maison. Je m'habille rapidement, prépare mon sac, puis avale quelque chose rapidement. Je vérifie l'heure ; il me reste encore dix minutes. Je joue un moment avec Nuit qui finit par partir pour manger à son tour. Je vérifie que ma coiffure tienne. J'enfile mes chaussures et ma veste avant d'attraper mon sac. Je récupère mon téléphone et remarque un message de Soraya.
Soraya : Hey, je suis là :)
Je souris, salue Nuit et pars. Je ferme la porte à clé et descends les escaliers rapidement. Je vois Soraya appuyée contre le mur, deux gobelets fumants dans les mains. Je la salue et prends mon chai latte en la remerciant.
Depuis notre rendez-vous, le lendemain de mon anniversaire, j'ai passé beaucoup de temps avec Soraya à discuter de tout et de rien. Je garde ces moments et nos confidences précieusement dans mon cœur. Depuis une semaine, elle vient me chercher tous les matins et je trouve cette attention adorable. Nous marchons vers l'arrêt de bus tout en parlant. Je chéris nos moments ensemble mais je ne peux m'empêcher de me demander où ça nous conduit. Me considère-t-elle uniquement comme une amie ? Ou plus ? Je ne sais pas et ça me stresse. Mais en même temps, j'ai peur de tout gâcher si je révèle mes angoisses. Je soupire, ce qui ne passe pas inaperçu auprès de Soraya. Elle s'arrête et je vois ses yeux briller. Est-ce de la peur ? Du doute ?
- Est-ce que tout va bien Arwen ?
Sa façon de prononcer mon nom éveille quelque chose en moi. Cette douceur dans la voix me rappelle mon père quand je lui confiais mes craintes et mes doutes. Il utilisait la même douceur pour me réconforter après un cauchemar. Mon père qui me manque horriblement, mon père que je voudrais prendre dans mes bras. Mon père qui ne rencontrera jamais Soraya. Mon père que je suis incapable d'aller voir. Mon corps parcouru de tremblements, mes mains s'accrochentà son gobelet et ma vision se brouille. Soraya me prend dans ses bras et meserre très fort contre elle. Je l'entoure de mes bras et je sens mes larmesrouler le long de mes joues.
- Je suis désolée, je souffle.
- Ne t'excuse pas ! Tout va bien Arwen, tout va bien.
Je ferme les yeux et me concentre sur sa voix. Mes mains se resserrent sur son manteau. Je ne comprends pas ce qu'elle me dit, mais rien que le son de sa voix suffit à m'apaiser. Mille pensées et mille images tournent en même temps.
Boom. Impact. Des cris. Des bruits de pas. Mon père qui ne réagit pas. Pourquoi est-ce qu'il ne réagit pas ? Je hurle, mais aucun son ne sort de ma bouche.
- Arwen...
Ma respiration se calme doucement et je relâche la veste de Soraya. Je tremble et tente de reculer, mais Soraya me garde fermement contre elle. J'entends les mots qu'elle vient de murmurer à mon oreille.
- Si tu as besoin de parler, je suis là. Je peux appeler Asia, si tu as envie.
- Merci...
C'est le seul mot que j'arrive à formuler correctement. Je sens sa main frotter mon dos en formant un cercle ; je ne savais pas que j'en avais besoin.
- Je veux rentrer à la maison, je finis par dire.
Soraya hoche la tête et m'entraîne doucement. Je n'arrive pas à lui dire que je ne sais plus où est ma maison. Est-ce l'endroit où j'ai grandi ? Mais comment pourrais-je y retourner ? Je ne pourrais pas affronter le fantôme de mon père. J'ai déjà essayé une fois et j'ai fait demi-tour avant d'y arriver. Je n'ai même pas pu mettre un pied chez ma mère. Très compréhensive, elle est venue dans notre appartement étudiant. Ce même appartement étudiant que j'adore mais je sens que je ne suis pas complètement chez moi. Est-ce parce que je vis avec mon frère ? Ou est-ce que les fantômes de mon passé ont décidé de me suivre ?
Sans que je ne sache comment, je me retrouve allongée dans mon lit. Je sens un corps chaud contre mon dos et un bras qui enlace ma taille. Je regarde la main posée proche de la mienne et je reconnais cette bague. C'est celle de la mère de Soraya. Je comprends que c'est elle qui est couchée contre moi et qui me serre dans ses bras. Je ferme les yeux, me sentant plus légère.
Je suis à la maison
Dans ses bras.
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