C I N Q
Je mange le sandwich que Soraya a fait. J'ai fini par m'endormir, épuisée par ma crise d'angoisse. Elle mange aussi, sans rien dire. Elle me laisse aller à mon rythme et je la remercie dans ma tête pour ça.
- Merci, je souffle quand j'ai fini de manger.
- C'est normal. Est-ce que tu veux parler de ce qui s'est passé ?
Je ne ressens plus de tristesse. Je me sens juste vide, anesthésiée.
- Mon père est mort au début de cette année.
- Je suis vraiment désolée d'entendre ça.
Soraya pose sa main sur la mienne. Dans son regard, je vois autre chose que de la compréhension. Ce n'est pas de la pitié.
- Mes parents sont morts quand j'avais neuf ans, commence Soraya. C'est pour ça que je vis avec mon oncle et ma tante.
Elle comprenait ce que je vivais. J'ai eu ce sentiment de bien-être m'envahir. Je ne suis pas seule. Sans rien dire, je me lève pour la prendre dans mes bras.
- Merci pour tout Soraya. Merci d'être restée avec moi, merci de m'écouter, merci d'être venue me parler, merci d'être entrée dans ma vie.
Elle me rend mon étreinte et me serre fort contre elle. Dans ses bras, je sens les morceaux de mon cœur se recoller lentement.
- Merci d'être qui tu es, je continue. Merci d'être toi.
Laisse-moi t'aimer. S'il te plaît, laisse-moi une chance d'être la personne qui te rendra heureuse, qui sera là dans tes moments sombres comme dans les moments de bonheur. Laisse-moi t'aimer comme tu mérites d'être aimée. Laisse-moi une chance de te remercier pour ce que tu fais pour moi. Laisse-moi te couvrir d'amour, te prendre dans mes bras pour ne plus jamais te lâcher. Laisse-moi être ta personne comme tu es la mienne.
Ces mots qui ne veulent pas quitter mes lèvres. J'aimerais croire qu'un jour, j'aurais le courage de lui dire ce que j'ai sur le cœur, que je pourrais lui dire ce qu'elle provoque en moi. Peut-être qu'un jour je pourrais lui dire que je suis en train de tomber amoureuse d'elle et que, même si ça me fait peur, je suis prête à prendre le risque. Pour elle. Avec elle.
Mais pour le moment, je me contente de profiter de la chaleur de son étreinte, de sa main qui caresse doucement mes cheveux, de son bras autour de ma taille, de son souffle contre mon cou, de son cœur qui bat contre le mien.
- Un jour, je reprends, je te dirais toute l'histoire. Mais pas aujourd'hui.
- Je comprends. Prends ton temps, Arwen.
Je ferme les yeux et respire longuement. Je suis reconnaissante de ne pas être seule aujourd'hui.
***
Nous avons passé le reste de la journée à regarder des films drôles. Je me suis endormie devant le troisième film et je me suis réveillée, contre Soraya qui lisait sur sa tablette. Je me frotte les yeux en bâillant.
- Bien dormi ? me demande Soraya.
Je hoche la tête en m'étirant. Le canapé n'est pas l'endroit le plus confortable où j'aie dormi, mais si c'est le prix à payer pour me réveiller contre Soraya, je suis prête à recommencer.
- Qu'est-ce que tu lis ? je demande en approchant ma main de sa tablette.
- Mon roman, répond-t-elle. J'ai fini ma première version.
Mes yeux s'arrondissent de surprise. Je savais qu'elle était sur ses derniers chapitres, mais pas qu'elle avait terminé l'écriture.
- Bravo ! C'est génial !
- Il me reste encore un long travail de réécriture et de relecture, mais je suis contente d'avoir fini.
Je souris comme une idiote parce que je sais à quel point ce projet lui tient à cœur et je suis tellement heureuse pour elle. Je me colle contre elle en murmurant que je suis fière d'elle. Elle dépose un baiser léger sur le haut de ma tête. Je suis au Paradis.
***
Le lendemain, j'attends Asia à la fin de nos cours. Tous les mercredis, nous passons l'après-midi ensemble. Aujourd'hui, elle veut aller au cinéma, puis aller dans notre café préféré. Je sais qu'elle s'attend à des nouvelles. Car maintenant nos mercredis après-midi sont aussi devenus le moment où je lui parle de ma relation avec Soraya et à quel point je suis confuse. Je pense qu'à ce rythme-là, je vais faire le premier pas et voir ce qui se passe. J'ai peur qu'à force d'attendre trop longtemps, je laisse passer ma chance. Je ne veux pas laisser filer ma chance de goûter au bonheur, de goûter à l'amour, celui que je n'ai jamais connu. Maintenant que j'en ai eu un avant-goût, j'en veux plus. Même si ça me terrifie, je sais que je vais devoir le faire. Je relève la tête et vois une chevelure rousse détonner dans la froideur de novembre.
- Salut Arwen, on peut y aller !
Je souris à ma meilleure amie et vais la rejoindre. Sur le trajet, elle me parle de ses cours, de sa mère qui va se remarier et d'Hayden qui s'est fait draguer lors d'une soirée étudiante. Asia n'est pas du genre jalouse, elle a entièrement confiance en Hayden et elle me raconte cette anecdote avec le sourire. J'aimerais parfois avoir sa confiance, cette confiance qu'elle avait bien avant d'avoir 18 ans.
Certaines personnes ont confiance en leur couple dès qu'iels savent si iels sont des âmes sœurs. Mais Asia et Hayden ont toujours cru en eux, même avant d'avoir 18 ans. Quand tout le monde leur disait qu'ils devraient attendre leur tatouage, ils s'en fichaient.
« Nous sommes heureux, quel est le problème ? » disait Asia. Et ils ont cloué le bec de tout le monde quand ils ont eu leur tatouage qui a confirmé que ce sont des âmes sœurs.
Je l'admire beaucoup pour ça, pour cette force qu'elle a.
En sortant du cinéma, je me sens un peu étourdie. Ce film était d'une beauté, d'une force impressionnante. Il m'a complètement bouleversée et je vois qu'il n'a pas laissé Asia indifférente. Une fois au café et nos commandes passées, c'est à mon tour de parler. Je lui parle de hier en détail.
- Je pense que je vais faire le premier pas. Parce que je ne suis pas sûre de pouvoir rester dans ce flou encore longtemps, je conclue.
- Qu'est-ce que tu voudrais lui dire ?
- J'ai envie de lui ouvrir mon cœur, de lui dire que de toute façon, il lui appartient depuis toujours. J'ai envie de lui dire que j'aime chaque facette qui la compose et que j'adorerai apprendre de nouvelles pour le reste de ma vie. J'ai envie de lui dire que dans ses bras, j'ai retrouvé une maison, un foyer où je me sens en sécurité. J'ai envie de lui dire que ses yeux sont la plus belle chose que j'aie jamais vue et que je ne me lasse pas de me perdre dedans. J'ai envie de lui dire que c'est elle, que je l'aime comme je n'ai jamais aimé avant. Qu'elle a changé ma vie en entrant dedans. Elle comprend mes silences, mes douleurs, mes blessures et elle va à mon rythme. J'ai envie de lui dire que je veux l'embrasser et que je veux construire ma vie avec elle et personne d'autre.
Asia ne dit rien, elle se contente de me regarder, les yeux humides.
- Arwen, tu dois lui dire ça.
- Je sais, je sais.
Je soupire, mais je sais qu'elle a raison. Je dois le faire. Je suis censée la revoir vendredi.
Vendredi, je lui ouvrirais mon cœur.
Et au diable les conséquences.
Je suis enfin prête à prendre le risque.
Le risque de vivre.
Le risque d'aimer.
À vendredi, Soraya.
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