Chapitre 50 : Un autre déménagement
Quelle émotion ! Nous sommes au chapitre 50 ! 🤩
Bonne lecture !
★
Le lendemain matin, ce n'est pas mon réveil habituel qui me sort de mes songes, mais la sonnerie du téléphone de Namjoon, posé sur la table de nuit. Ce dernier se retourne en grognant légèrement, encore à moitié endormi, pour attraper l'appareil et lire le nom de l'appelant... avant de se redresser d'un coup, assis dans le lit, les yeux écarquillés.
— Allô ?
Un long moment s'écoule pendant lequel je constate l'heure plus que matinale (6 heures du matin) et l'agitation grandissante de mon copain qui s'est levé et fait les cent pas dans la pièce tout en écoutant attentivement ce que lui raconte son interlocuteur. Il s'agit d'un homme, ça j'en suis sûr. Son père ? Ou son frère ? En tout cas ce qu'il lui annonce n'a pas l'air de lui faire plaisir. Les phéromones de colère envahissent la pièce d'un coup, me titillant moi aussi.
Assis dans le lit, le dos contre le mur, je regarde Namjoon tenter d'argumenter à propos de je-ne-sais-quoi :
— Mais... ils ne peuvent pas faire ça !
— ...
— C'est moi le capitaine ! Ils ne peuvent pas...
— ...
— QUOI ?!
Aïe. Par réflexe je bouche mes oreilles. Son cri si soudain m'a fait sursauter. Il l'a vu et me lance un regard de détresse en essayant de s'excuser.
— Je vais voir le directeur tout de suite, ils ne peuvent pas !
— ...
— En vacances ?! Vous vous foutez de moi ?!
La conversation dure encore quelques minutes avant que Namjoon ne raccroche, complètement abasourdi. Sans un mot, il s'assied au bord du lit et je n'ose pas bouger, l'air est chargé de colère et de tristesse. Après quelques instants, j'ose enfin lui parler :
— Joonie ?
Ses épaules se soulèvent pour s'affaisser alors qu'il laisse échapper ce qui ressemble à un sanglot. Paniqué de voir mon copain dans cet état, je saute hors du lit pour m'accroupir devant lui, les mains sur ses genoux.
— Qu'est-ce qu'il y a ?! Qui c'était ?!
Il ne parvient pas à me répondre, ses mains cachant son visage que je devine ravagé par les larmes.
— Nam...
Il se laisse tomber dans mes bras, où je le réceptionne du mieux possible étant donné notre différence de carrure.
A genoux l'un contre l'autre, je tente de le calmer du mieux que je peux, à coup de violettes apaisantes. Mais son désarroi semble immense et je lutte difficilement contre ses phéromones qui nous enveloppent d'une brume épaisse, presque perceptible à l'oeil nu. Je pleure aussi, à présent, complètement déboussolé de voir Namjoon, mon bel et fort alpha dans cet état. Mon oméga s'agite, je sens qu'il est encore plus inquiet que moi mais je tente désespérément de ne pas le laisser prendre le dessus, je dois rester concentré, pour Namjoon.
De longues minutes plus tard, ses larmes se tarrissent, non pas que la tristesse soit entrain de disparaître, je pense plutôt qu'il n'a plus d'eau en stock...
Doucement, j'écarte ses mains de son visage et essuie ses joues avec mes manches.
— Joonie... Qu'est-ce qu'il se passe ?
— Mon père... il a...
Ses lèvres tremblent et il déglutit avec difficulté. Je pourrais presque penser qu'il va vomir tant il est pâle.
— Respire, prend ton temps.
— Il m'a enlevé de l'équipe de basket.
— Il a quoi ???!!!
— Hier, après que je sois parti il a contacté le directeur de l'univ et l'entraîneur, il leur a expliqué qu'à cause de mon contrat de travail avec lui, je ne pourrais plus assumer mon rôle de capitaine et du coup il a fait en sorte que je n'en fasse plus partie...
— Mais il n'a pas le droit !
— Lui et le directeur son super potes et surtout, mon père paie chaque année une généreuse donation à l'école pour tout un tas de projets, alors il l'a complètement dans sa poche. J'ai même pas été consulté, rien... Et je ne peux même pas aller plaider ma cause puisque tout le monde est en vacances à l'étranger.
— Mais comment il a réussi à les joindre et à faire passer ça alors ?!
— Privilège des Kim. Me répond-t'il avec un sourire mauvais.
— C'est pas possible, on va aller les voir dès la rentrée, ils ne peuvent pas te virer de l'équipe comme ça !
— Sauf que mon contrat de travail prévaut sur tout le reste. En tout cas sur les activités autres que les cours et les examens... Putain il m'a vraiment bien eu. J'aurais jamais imaginé qu'il irait jusque là... J'ai envie de vomir.
Namjoon se lève d'un coup pour se diriger vers la salle de bain mais s'arrête à mi-chemin avant de revenir me soulever de terre pour me prendre dans ses bras et me serrer fort contre son coeur.
— Minie, c'est pas tout.
— Comment ça ?
— Ils ont résilié mon logement sur le campus. Je dois aller faire mes cartons et rentrer à la maison...
Les mots me manquent. Namjoon et moi pouvons sans problème prétendre à l'award des parents les plus chiants de l'Univers.
— C'est pas vrai ?!
— Si... Le chauffeur passera cette après-midi pour récupérer mes affaires, j'ai la matinée pour tout préparer...
— Mais comment c'est possible ?!
— Même scénario que pour le basket. Ce que mon père veut, mon père l'a.
— C'est dégueulasse. Je suis désolé de ce que je vais dire, je sais que c'est ta famille mais... QUEL ENFOIRE DE CONNARD !!!!
— Je pense pire, Minie, alors vraiment ce que tu dis c'est quedalle par rapport à ce que j'ai envie de lui dire.
Toujours accroché à lui comme un koala, je resserre ma prise sur lui pour l'envelopper de mon aura, autant que je peux.
— Je suis vraiment désolé. Qu'est-ce que je peux faire ?
— Il n'y a rien à faire...
— Non, c'est pas vrai. Je suis certain qu'on peut faire appel, tu peux aller voir la direction lundi prochain et...
— Jimin. Mes parents paient ma chambre, je n'ai pas de revenu pour l'instant, je suis considéré comme "en stage" jusqu'à la fin de l'année. Je n'ai pas l'argent pour payer ma chambre et aller contre leur volonté. J'ai un compte épargne, mais je ne voulais pas l'entamer pour autre chose que mon premier appart' à moi ou une voiture, je ne vais pas aller piocher dans mes économies pour ça. Tant pis, je vais rentrer chez eux et faire bonne figure. Franchement ce n'est pas ce qui m'emmerde le plus. Le pire, pour moi, c'est le basket. C'était la seule activité que j'avais pu choisir et même ça ils me l'enlèvent.
Sur ces mots, il me fait descendre et se dirige vers la salle de bain pour s'y enfermer. Mon premier mouvement est de le suivre, mais quand il referme la porte je comprends qu'il a besoin de rester seul.
Confus et en colère, je prépare le petit-déjeuner et refait le lit avant de ranger un peu la pièce. Et si... non, Jimin. Namjoon n'acceptera jamais de venir vivre avec toi ici. Et puis ça ne fait pas assez longtemps qu'on est ensemble. Et si déjà avec mes efforts pour dépenser le moins possible j'arrive tout juste à m'en sortir avec le boulot à la supérette de Seokjin, je n'arriverai jamais à l'entretenir. Un alpha mange plus qu'un oméga et on se marcherait sur les pieds en quelques jours. C'est sympa quand on dort ensemble ici une fois de temps en temps ou qu'on passe quelques journées en tête à tête pendant les vacances scolaires mais... tous les jours... Je ne me sens pas prêt. Et je suis certain que Namjoon refuserait de toute façon.
Prenant mon courage à deux mains je m'approche du panneau de la porte qui nous sépare pour toquer légèrement :
— Nam ? Le petit-déj est prêt.
— J'arrive.
Il apparaît quelques instants plus tard, le visage rougit par les larmes et l'eau froide qu'il a dû se passer dessus pour se calmer, tout habillé et prêt à partir en même temps que moi.
Nous mangeons en silence et j'ose à peine le regarder. Namjoon a les yeux baissés sur son bol de céréales (c'est ce que j'ai trouvé de moins cher pour déjeuner le matin) et diffuse encore une légère odeur de tristesse malgré qu'il se retienne aussi fort que possible.
Une fois le repas fini, nous nous préparons à sortir. Nam est absent, on pourrait croire qu'il fonctionne en pilotage automatique.
Devant mon immeuble, je m'apprête à partir pour me rendre au magasin quand il tend les bras vers moi. Je dépose mon vélo contre le mur et me jette contre lui, en mal de câlins.
— Ca va aller ?
— Il faut bien...
— Tu veux que je prenne congé ? Je peux appeler Jin Hyung et lui expliquer la situation...
— Non, c'est gentil Minie, mais je ne veux pas que toute cette merde t'impacte aussi. Je vais emballer mes affaires et attendre que le chauffeur passe me prendre toute à l'heure. Je t'appelle ce soir, d'accord ?
— Ok. Je répond avec une petite moue déçue.
— Hey.
D'un doigt sous mon menton il relève mon visage vers le sien alors que j'avais baissé les yeux.
— On va continuer à se voir le soir. J'ai pas l'intention de te laisser dormir seul chaque nuit jusqu'à la fin de l'année tu sais... surtout après ce que j'ai appris hier sur ton comportement quand je m'absente... Lance-t'il avec un clin d'oeil.
Je rougis tout d'un coup au souvenir de nos ébats d'hier, alors que j'étais presque en transe et me retourne pour vérifier qu'aucun de mes voisins de l'immeuble de nous épie par la fenêtre. Je suis mort de honte.
— Aahahah t'es tellement mignon quand t'es gêné.
— Je suis pas gêné.
— A d'autres.
— C'est ta faute à me provoquer comme ça !
— Aaaah c'est ma faute ? Et bien que fauterai plus souvent alors.
Il saisit mon visage en coupe et m'embrasse avant de me serrer une dernière fois contre son coeur, pour me laisser ensuite enfourcher mon vélo et m'éloigner en direction du travail.
Quelques dizaines de mètres plus loin, je pose pied à terre et me retourne. Namjoon est toujours devant mon immeuble à me regarder. Je lui adresse un signe de la main, levant mon bras en l'air. Il me répond tout de suite, avec un grand sourire que j'imagine faux sur le visage.
☆
Arrivé au magasin, j'explique directement la situation à Seokjin, qui est aussi choqué que moi.
— Mais c'est n'importe quoi ! Ses parents n'ont pas le droit de lui faire ça !
— Non, mais ils ne se gênent pas quand-même.
— Je suis choqué... Comment peut-on vouloir à ce point contrôler la vie des autres ?!
— J'en sais rien, Hyung.
— Vous avez vraiment pas de chance, vous deux. Je suis désolé.
Il s'approche de moi et m'enlace de ses grands bras.
— T'y peux rien.
— Tu veux prendre congé ? Pour l'aider ou passer du temps avec lui ?
— Je... je peux pas me le permettre.
Il m'écarte de lui doucement et me dévisage :
— Jimin, tu sais que tu peux tout me dire. Si tu as des problèmes d'argent, je veux vraiment le savoir. Je peux t'augmenter...
— Tu l'as déjà fait récemment. Et ça va, je te jure. Je dois juste faire très attention jusqu'à la fin de l'année. Après...
— Tu resteras aussi longtemps que tu en auras besoin ici.
— Hyung !
— Tu crois que j'ai pas compris que tes parents te foutront jamais la paix avec leur histoire de mariage ? Alors le temps que tu trouves un job dans la puériculture, tu pourras toujours rester ici.
— En fait, je...
Je m'apprête à expliquer à mon patron qu'en réalité je n'ai aucune intention de bosser dans le domaine de mes études quand nous sommes interrompus par un coup de klaxon donné devant le magasin.
— Ah, voilà la livraison de frais ! Je m'en occupe, tu peux tenir la caisse ?
— Oui, sans souci.
— Garde en tête ce que tu voulais me dire, on reprend notre conversation dès que possible, ok ?
— Ok ok.
Le reste de la matinée s'écoule sans que nous ayons une minute à nous, tant les clients s'enchaînent, ainsi que les livraisons et le réassort.
Aujourd'hui nous ne sommes que deux, ce qui implique que nous courrons souvent partout et que nous sommes seul pendant notre pause repas.
Vers 13h30, je passe dans l'arrière-boutique pour manger après que Jin Hyung soit venu me relever derrière la caisse.
Premier geste : je checke mon téléphone. Pas de messages, pas d'appels.
Je décide de prendre moi-même des nouvelles de mon copain, sachant qu'il a sans doute été très occupé toute la matinée avec son déménagement improvisé et imposé.
A : Joon :
Hello, ca va ? Tu t'en sors ? 😥
Pendant que mon plat chauffe au micro-ondes, je navigue un peu sur les réseaux sociaux quand un message de Jungkook me parvient:
De : Kook :
Coucou ! Ca va ? Quelles nouvelles ?
A : Kook :
Coucou ! Pas génial, et toi ?
De : Kook :
Ca va. Tu veux en parler ? C'est avec Nam ? 😰
A : Kook :
Ouip. Son père lui a encore pourri la vie. 😭
De : Kook :
Genre ?
A : Kook :
Genre le faire virer de l'équipe de basket et lui résilier sa chambre sur le campus pour le faire revenir chez eux aujourd'hui. 😡😡😡
Les trois petits points indiquant que Jungkook écrit s'agitent. S'arrêtent. S'agitent encore une fois. Puis mon écran indique un appel entrant. J'aurais dû parier.
— Allô ?
— C'est une blague ?
— Nope.
— C'est dégueulasse !
— Je suis d'accord.
— On peut pas laisser faire ça !
— Y a rien à faire, Kook.
Les minutes suivantes j'explique à nouveau la situation à un Jungkook qui n'est plus qu'exclamations outrées et insultes à peine voilées.
— Je vais en parler à Tae.
— Il pourra rien faire. C'est gentil de t'inquiéter, Kookie, mais on est bloqués.
— Et si Nam Hyung venait vivre chez toi ?
Soupir.
— C'est trop tôt, on va finir par se détester si on fait ça. Et puis il n'acceptera jamais.
— Ca veut dire que t'y a pensé quand-même.
— Ca veut dire que c'est pas possible.
— T'as raison, Hyung. Pardon.
— T'excuse pas, t'as rien à te faire pardonner.
— Du coup Nam Hyung fait ses cartons aujourd'hui ?
— Oui, le chauffeur de ses parents devait passer le prendre en début d'après-midi.
— La loose.
— Je ne te le fais pas dire.
Nous discutons encore quelques minutes pendant que je mange mon repas, jusqu'à la fin de ma pause. Je retourne ensuite en magasin aider Seokjin. L'après-midi s'annonce aussi chargée que la matinée au vu des clients qui entrent et sortent en un ballet interminable.
Un peut avant 18h30 Ha-neul entre pour prendre son service.
— Mari sera un peu en retard, son bus est bloqué dans un embouteillage à cause d'un accident. Annonce-t-elle.
— Pas de souci, je vais rester avec toi jusqu'à son arrivée. Tu peux y aller Jimin. Me lance Jin.
L'équipe s'est encore agrandie récemment avec l'arrivée de Mari, une jeune oméga tout droit sortie du lycée qui s'est lancée directement dans la vie active sans passer par la case université ou formation. La jeune fille n'a pas eu peur de répondre à Seokjin lors de son entretien d'embauche que l'école ne l'intéressait pas et qu'elle voulait être indépendante financièrement. Une forte tête qui a directement plu au patron qui l'a engagée sur-le-champ. Et il ne s'y est pas trompé : avec Ha-Neul et Mari, l'équipe de nuit fonctionne parfaitement bien, les deux jeunes femmes s'entendent à merveille et le magasin est impeccable quand il arrive le matin. Seokjin fait toujours beaucoup plus d'heures sur une seule journée que nous tous, mais il a l'air très heureux de sa nouvelle troupe de théâtre et de ses nouveaux horaires, ce qui me fait vraiment plaisir. Quoi de plus important que d'être épanoui, peu importe ce qu'on fait dans la vie ?
En chemin pour rentrer chez moi, je réalise que nous n'avons pas terminé notre conversation entamée le matin et que Jin ne connait toujours pas mon point de vue sur ma "carrière" dans la puériculture...
Tant pis, j'aurais toujours l'occasion de lui en parler une autre fois.
Alors que je suis presque arrivé chez moi, je descends de mon vélo pour monter sur le trottoir et terminer à pied. Au loin, j'aperçois une silhouette assise devant la porte, avec une capuche sur la tête.
Je ralentis le pas, la carrure imposante de l'inconnu n'est pas pour me rassurer. Je vais sans doute devoir lui demander de se bouger pour que je puisse rentrer chez moi et je n'aime pas du tout ce genre de situation. M'approchant encore un peu, il tourne le visage pour me regarder et une vague de soulagement déferle en moi : c'est Namjoon.
— Joon ? Je croyais que tu étais chez tes parents ?
— C'était le cas.
— Ca ne s'est pas bien passé ?
— Non... pas trop.
☆
POV : Namjoon
Je plie mes derniers vêtements pour les faire rentrer dans une des valises que le chauffeur m'a déposées. Il est finalement arrivé plus tôt que prévu, apportant avec lui valises, caisses en carton, diable et outils au cas où...
La chambre était meublée quand j'ai emménagé et je n'ai pas vraiment eu le temps d'user les meubles puisque je n'en ai pris possession qu'en début de cette année...
Cette période de liberté aura duré presque neuf mois entiers, pourtant j'ai la sensation que c'est allé beaucoup trop vite, de ne pas en avoir assez profité. En même temps, qui aurait pu deviner que ce privilège pouvait m'être ôté avec une telle facilité ? Pas moi, en tout cas.
Quand toutes mes affaires sont chargées dans la camionnette louée pour l'occasion par le chauffeur des mes parents, il m'invite à monter sur le siège passager pour me ramener à la maison.
— Non merci, je préfère marcher.
— Monsieur, il y en a pour au moins deux heures de marche depuis l'université...
— Tant mieux. J'en ai besoin.
— Comme vous voudrez. Je monterai vos effets personnels dans votre chambre, vous pourrez les agencer à votre convenance en rentrant.
— Merci.
— Bonne promenade, Monsieur Kim.
Je regarde le véhicule s'éloigner avant de visser mes écouteurs dans mes oreilles et de lancer la playlist la plus en phase avec les émotions qui me traversent actuellement : hard rock, rap agressif et death metal.
D'extérieur, je peux avoir l'air très calme, mais à l'intérieur je bouillonne. Mes pas me conduisent le long de la rivière, j'ai l'intention de prendre le chemin le plus long pour "rentrer à la maison". En passant par le bord de l'eau et les quartiers résidentiels j'en ai pour au moins trois heures de marche.
Je regarde l'heure sur ma montre, 14h30. Je serai même rentré avant ma mère, avec un peu de chance je pourrais l'éviter en m'enfermant dans ma chambre et ainsi faire l'impasse sur la discussion houleuse qui se profile à l'horizon. Elle ne m'a ni appelé, ni écrit suite aux décisions qu'ils ont prises avec mon père, ce qui implique que je vais passer un sale quart d'heure en rentrant.
Le temps s'est réchauffé ces dernières semaines et le printemps s'est bien installé. Les arbres sont en fleurs, les rayons du soleil caressent les eaux tranquilles, réchauffant l'atmosphère. Avisant un banc le long du chemin, je m'y installe, enlevant mes écouteurs pour profiter de ce moment de calme.
Les yeux fermés, j'essaie de penser à autre chose et invariablement, le visage d'un certain petit oméga empli tout mon esprit.
Quand cette année a commencé, je n'imaginais pas tomber amoureux. Je n'avais pas vraiment de plan, en réalité. Je vivais au jour le jour, ne pensant qu'à l'équipe de basket, au championnat et aux examens. L'avenir s'arrêtait au moins de juin. Je n'envisageais rien, bien que mes parents m'avaient déjà parlé d'intégrer l'entreprise familiale. Mais jamais je n'aurais pu imaginer que cela se passerait de cette manière, aussi brutale.
A bien y réfléchir, je ne suis même pas sûr que j'aurais réagi ainsi si je n'avais pas été avec Jimin. Il faut dire que ses idées bien tranchées sur les rôles des genres dans notre société et sur la place de chacun m'ont influencé. Fréquenter quelqu'un qui, malgré les carcans imposés par sa famille et l'université tente de dépasser les préjugés et de sortir des sentiers battus, ça inspire, visiblement.
Avant, je n'aurais tout simplement pas effleuré du doigt l'idée de pouvoir tenir tête à mes parents, d'aller contre leur volonté. A présent, même si je ne suis pas certain de ce que je veux pour mon avenir, après le diplôme, je sais au moins ce que je ne veux pas.
Et je ne veux pas de cette vie. Habiter une maison luxueuse pour ne jamais en profiter, travailler d'arrache-pied pendant des heures jusqu'à tard dans la nuit, manger sur le pouce chaque jour sans bénéficier d'un moment de calme, ne plus avoir de temps pour les amis ou les relations amoureuses... Non. Ce n'est pas pour moi. Je noircis peut-être un peu le tableau, mais en ce moment c'est tout ce que je vois. Les seuls points positifs de cette situation sont un compte en banque bien garni, des relations professionnelles influentes et un travail facile à obtenir (puisque le contrat est déjà signé, haha).
Mais est-ce que cet argent, ce pouvoir valent la peine de sacrifier les après-midis détente, les amitiés, les repas certes simples mais savoureux et les soirées dramas bien emmitouflés sous la couette avec Jimin ?
Non, certainement pas.
Le vent souffle une légère brise, faisant se mouvoir les nuages cotonneux dans le ciel et soudain ça me frappe d'un coup : tout ça n'a pas d'importance à l'échelle du monde.
Nous ne sommes que des fourmis, des êtres microscopiques à l'échelle de l'univers. Pourquoi nous prenons-nous la tête à ce point ? Pourquoi sommes-nous aussi talentueux dans l'art de nous pourrir la vie ? Pourquoi nos choix sont-ils si difficiles à faire alors qu'en réalité, seul devrait compter notre bonheur ?
Parce que nous nous laissons influencer par d'autres humains qui se mêlent de notre existence alors que nous ne leur avons jamais demandé leur avis...
Je reprends ma marche, développant cette méditation, observant à moitié ce qu'il se passe autour de moi. Je n'ai pas remis mes écouteurs, je préfère ne pas être dérangé dans mes réflexions. Je ne vois pas le temps passer, les mains dans les poches j'avance et prend le chemin machinalement, sans vraiment lire les noms des rues.
Au bout d'un long moment, je parviens devant la grille qui mène à la résidence de mes parents. La camionnette n'est pas là, sûrement que mes cartons sont déjà disposés dans ma chambre, n'attendant plus que moi pour les déballer et remettre en place chaque objet que j'avais choisi pour cette période de liberté. Pour cette chambre d'étudiant plus grande que la moyenne, offerte gracieusement par mes parents qui n'ont eu aucun scrupule à resserer ma bride dès que j'ai eu le malheur de vouloir prendre un peu plus d'indépendance et leur faire par de mon avis concernant MON avenir.
Inspire. Expire.
Je passe la grille, la refermant derrière moi silencieusement avant de m'avancer sur le chemin formé par de petits pavés clairs qui mènent à l'entrée de la maison.
Le jardin est planté de quelques arbres en fleurs, la pelouse est impeccablement entretenue. Mes parents paient cher un jardinier pour qu'il enlève chaque imperfection de cette étendue verte qui ressemble plus à un green de golf qu'à un jardin.
Arrivé devant la porte d'entrée, j'inspire une dernière fois avant de sortir ma clé pour la tourner dans la serrure et pénétrer dans l'entrée.
Sans croiser personne, je monte les escaliers jusqu'à ma chambre, celle au fond à gauche dans le couloir. J'ai enlevé mes chaussures dans l'entrée pour ne pas tacher la moquette beige clair que ma mère à choisi pour les étages.
Parvenu à la porte de ma chambre, j'entre-ouvre celle-ci et me faufile à l'intérieur, soulagé de n'avoir entendu personne. C'est bien ce que je pensais; ma mère est encore à l'entreprise et ne sera sans doute pas rentrée avant un bout de temps. J'enlève mon manteau et le lance sur le lit, dépité de voir les caisses et les valises que j'ai bouclées ce matin-même et de devoir faire les mêmes gestes dans le sens inverse.
Revenir chez ses parents... dans la maison familiale. Dans un jeu de société on dirait passer par la case "prison".
J'ouvre une première caisse, la plus proche. Elle est lourde car remplie de bouquins.
Je les prends sans prêter attention à l'ordre et les range sur les étagères de la bibliothèque, la mort dans l'âme. Ce n'est pas que le fait de revenir ici, dans cette maison. C'est tout ce que cela implique. La perte de liberté d'où je vis, des trajets à faire pour me rendre à l'université, de ne plus être capitaine de l'équipe de basket, des études que je n'ai pas choisies, du contrat de travail que j'ai été assez con de signer en faisant confiance aux mauvaises personnes...
Soudain, deux coup timides sont frappés à la porte de ma chambre.
— Entrez.
Le visage de l'assistant de ma mère apparaît alors, penché par l'entrebaîllement de la porte :
— Monsieur Kim, votre mère souhaite vous parler.
— Je descends dans un instant.
— Elle insiste pour que vous la rejoingnez tout de suite dans son bureau. C'est apparemment urgent.
Soupir.
— Très bien j'arrive tout de suite.
L'assistant disparaît en laissant la porte entre-ouverte.
Je sors de la chambre, traverse le couloir et descends les escaliers avant de me diriger vers le bureau en question. La voix de ma mère me parvient, la porte n'est pas fermée.
Elle est en pleine conversation téléphonique avec mon père. Je le devine aisément au ton employé et surtout au sujet : moi.
— Oui, je vais lui parler. Ne t'en fais pas, il fera ce qu'on lui demande.
— ...
— C'est toi qui a voulu lui laisser plus de liberté. Tu vois ce que ça amène ? On a jamais eu ce genre de problèmes avec son frère.
— ...
— Oui, oui je sais. Bon je te laisse, j'ai du travail. A demain !
Pris d'un soudain élan, je fais volte-face pour remonter quatre à quatre les marches qui mènent à ma chambre, enfiler un sweat à capuche, attrapper mon manteau, mon téléphone, mes baskets et mon porte-feuille avant de dévaler à nouveau les marches et de me précipiter dehors.
Je crois entendre ma mère m'appeler, ainsi que son assistant quand je passe en courant devant la porte du bureau mais ne m'arrête pas pour autant, sautant dun bond les quatre marches qui mènent à l'allée pavée. Mon coeur bat la chamade, pas à cause de cette course effrénée que j'ai entamée sans crier gare, mais plutôt à cause de ce sentiment d'urgence de m'enfuir de cette maison, de cette emprise qu'ils ont tous sur moi.
Jimin... Il me faut Jimin.
Arrivé au coin de la rue, je ne fais même pas attention à la direction que je prends, je cours tout droit, sauf si un feu est rouge pour les piétons. A environ deux kilomères de la maison je m'arrête enfin, à bout de souffle, une main posée sur un lampadaire pour m'empêcher de tomber en avant, le souffle erratique.
Ma respiration peine à se calmer et j'ai l'impression que je vois flou. Je pleure. J'ai les joues trempées. D'un geste rageur, j'essuie ces gouttes salées qui se sont échappées de mes yeux d'un revers de main avant d'essayer de faire le focus sur le nom de la rue, juste au-dessus de moi. Comme ça ne me dit rien, j'entre l'adresse dans mon app GPS et constate que je me suis éloigné de l'appartement de Jimin, malgré que je pensais aller plus ou moins dans la direction du centre ville !
— Et merde !
Il va bientôt terminer son service, je pensais pouvoir le rejoindre au magasin et qu'on fasse le trajet du retour ensemble... Sauf que je suis à pied et lui en vélo. Pas le choix, je vais prendre le bus.
J'avise un arrêt non loin et pianote à nouveau sur mon téléphone pour trouver les horaires et l'itinéraire pour retourner jusqu'au quartier de l'université. Le résultat me soulage: un bus passe dans moins de cinq minutes et je n'ai pas de correspondance, il va dans la bonne direction.
Une fois installé à l'intérieur, je sors à nouveau mes écouteurs pour m'emfermer dans ma bulle en mettant mon téléphone en silencieux pour ne pas être dérangé par les appels de ma mère, de son assistant, de mon frère... Tout le monde s'y met. Ca devient carrément un complot international à ce stade...
Un rictus malheureux sur le visage, je laisse mes pensées divaguer en observant sans le voir le paysage qui défile par la fenêtre. La panique monte, lentement mais sûrement.
Qu'est-ce que j'ai fait ?! Mon père va me tuer ! Ce sera un miracle s'il me laisse encore aller en cours sans garde du corps et chaperon après ça...
Je respire mal, angoissé par tous les scénarios qui me traversent la tête, tous plus catastrophiques les uns que les autres.
C'est marrant, je pensais que celui qui se prenait le plus la tête entre nous deux, c'était Jimin, mais visiblement je me défends pas trop mal dans cette catégorie.
Soudain je me retrouve devant l'immeuble de mon copain, sans vraiment me souvenir de comment je suis arrivé là... J'étais visiblement tellement plongé dans mes pensées que je suis sorti machinalement et ai marché jusque là en pilotage automatique...
Et maintenant... Je fais quoi ?
Il est 18h40... S'il est parti tout de suite après avoir fini son service, Jimin en a encore pour un gros quart d'heure avant d'arriver ici...
Las, je m'assieds sur les marches de son immeuble, prêt à l'attendre autant de temps qu'il le faudra, mais j'ai besoin de lui. De son aura rassurante, de son parfum de violettes.
J'ai sans doute l'air d'un gars louche avec mon sweat noir et ma capuche sur la tête, mais en ce moment c'est le dernier de mes soucis. Ma mère tente encore de m'appeler. Je ne décroche pas, j'attends.
Enfin, après ce qui me semble une éternité, je le sens avant de le voir. A croire que toutes ces histoires de lien et d'âmes soeurs qu'on raconte aux petits omégas pour les faire rêver au Prince Charmant Alpha ont un fond de vérité.
— Joon ? Je croyais que tu étais chez tes parents ?
— C'était le cas.
— Ca ne s'est pas bien passé ?
— Non... pas trop.
★
J'ai hâte de lire vos commentaires sur ce chapitre 😥
I 💜 U
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro