Chapitre 48 : Kim Entreprises (2)
J'avais dit que je pourrais le poster jeudi, on est encore jeudi 😅
Bonne lecture !
★
POV : Jimin
Namjoon n'est parti que depuis quatre jours et il me manque déjà tellement...
Nous nous appelons tous les soirs, mais la présence de son odeur partout chez moi ne fait que me rappeler à quel point son absence me pèse.
J'ai pris le parti de m'occuper un maximum pour détourner mon esprit de lui pendant la journée. Même si le soir venu j'attends son appel avec impatience. Heureusement que le décalage horaire n'est pas trop important entre la Corée et le Japon.
Il faut dire qu'entre le travail, les révisions et le TFE, je n'ai pas vraiment le temps de m'ennuier.
Quand nous nous appelons, Namjoon me parle de ce qu'il a fait pendant la journée. Souvent il reste dans la chambre pour travailler aussi, soit pour son père, soit pour son propre TFE. Il ne peut bien entendu pas m'expliquer en détails les réunions avec les partenaires commerciaux qu'ils rencontrent, mais j'ai cru comprendre qu'il s'ennuie ferme à ces occasions.
— Je préférerais vraiment être avec toi, Minie. Je m'emmerde tellement ici, tu peux pas savoir. Ca discute chiffre d'affaire, ça s'envoie des millions à la tête et ça gratte pour le moindre bénéfice ou privilège avant d'aller se bourrer la gueule au resto et de sortir terminer la soirée dans des bars. Il m'a pas fallu deux soirées pour comprendre que c'était pas pour moi, j'en parlerai à mon père en rentrant en Corée.
— D'accord. Tu as un peu de temps pour te reposer quand-même ? Ce sont des vacances aussi...
— Pas vraiment. Mon frère vient me réveiller tôt pour commencer à étudier les contrats, pendant le ptit déj, puis on va aux premières réunions, et l'aprem je bosse pour l'univ avant d'aller au resto le soir. Et le lendemain ça recommence.
— Courage, tu reviens bientôt.
— J'ai hâte. Ma valise est même pas vraiment défaite, comme ça je pourrai la boucler plus vite le jour du retour.
Je pouffe de rire à cette remarque. Namjoon change de sujet et son ton de voix devient différent aussi, plus chaleureux. J'entends son sourire quand il parle :
— Et toi, comment ça se passe ? T'as presque fini tes mises en page?
— Oui, presque . Et j'ai reçu ma paie de Jin, il m'a augmenté sans même m'en parler...
— C'est cool ça, non ?
— Moui... Mais je ne sais pas s'il le fait parce qu'il a pitié de moi ou parce qu'il est content de mon travail.
— A mon avis, je pense que c'est pour ton bon travail, tu sais. T'es quelqu'un de fiable, agréable avec les clients, serviable... Tous les employés de magasins ne sont pas comme toi, Minie.
— J'ai quand-même pas vraiment l'impression de le mériter... Je ne fais que ce qui est attendu de moi. Et je ne me vois pas agir autrement envers les clients, c'est la base d'être souriant et serviable quand on travaille dans un magasin, je trouve. Même si des fois c'est difficile, que certains clients sont pas cools ou que je suis crevé... Je fais de mon mieux mais est-ce que ça justifie une telle augmentation ?
Namjoon laisse échapper un soupir. Et directement je me dis que je dois l'agacer avec tous mes états d'âme, mes doutes et mon manque flagrant de confiance en moi.
— Pardon. Je suis désolé de t'embêter avec ça.
— Tu ne m'embêtes pas du tout, je t'assure.
— Mais tu as soupiré... Je t'ennuie peut-être un peu quand-même non ?
— Ca ? Ah non, pas du tout ! Je viens de recevoir un mail de mon père qui me demande de le retrouver dans sa chambre...
— A cette heure-ci ?
— Il faut croire qu'il ne dort jamais. Bref, je vais devoir te laisser, Minie. Mais avant je veux que tu saches que je pense vraiment ce que j'ai dit. Tu es quelqu'un de très pro et assidu dans tout ce que tu fais et tu mérites aussi bien tes bons résultats que l'augmentation que Jin Hyung a estimée bonne de t'accorder.
— Merci, Joonie. Ca me fait du bien de l'entendre.
— Et je te le répèterai autant de fois qu'il le faut. Maintenant, parles-en avec Seokjin quand tu le revois, peut-être ? Je pense que ça pourra lever certains doutes que tu peux avoir si il te le dit lui-même, non ?
— Oui, je vais faire ça.
— Je viens de recevoir un deuxième mail, mon père s'impatiente. Je te laisse, à demain ?
— Oui, à demain ! Courage pour ça, tu me raconteras.
— Bien sûr ! Je t'aime, dors bien.
— Moi aussi et toi aussi.
Il rit un peu et raccroche quelques secondes plus tard, me laissant heureux avec un baume chaud autour du coeur. J'espère que tout va bien se passer avec son père.
☆
POV : Namjoon
Qu'est-ce qu'il me veut encore ? On a passé presque toute la journée ensemble, il m'a traîné à deux réunions interminables et m'a demandé de lire toutes les clauses du contrat proposé par la chaîne d'hôtellerie avec laquelle il a traité ce matin. Je devais relever les éventuelles erreurs ou les détails qui désavantageraient Kim Entreprises... J'ai les yeux tellement fatigués que je pense sérieusement m'acheter des gouttes dans une pharmacie demain matin. Je retire mes lunettes quelques instants pour me frotter les yeux et fermer les paupières.
Bon...Quand il faut y aller...
Je ferme l'ordinateur portable fourni par mon père avant d'enfiler des chaussons offerts avec la location de la chambre de l'hôtel de luxe. Bien entendu nous avons pris des chambre dans la chaîne avec laquelle mon père souhaite faire affaire, afin d'estimer par nous-même le niveau de service offert.
Ce qui implique que nous sommes traités comme des rois, aussi bien par nos interloccuteurs que par le personnel de l'établissement et cela me met mal à l'aise. Chaque personne que je croise sait qui je suis - ils ont été briefés bien avant notre arrivée à mon avis - et s'incline plus que respectueusement devant moi, même quand je suis seul. J'ai bien tenté de leur expliquer avec mon japonais plus assez approximatif que c'était inutile mais j'ai bien vite laissé tomber devant leur insistance.
La suite de mon père se trouve au bout du couloir, je traîne littéralement les pieds jusqu'à sa porte avant de toquer trois fois.
— Va ouvrir à ton frère. J'entends dire mon père.
Ah bah super. Donc mon frère est là aussi... Ils ont vraiment décidé de tenir une réunion d'entreprise à 23H... Génial.
La porte s'ouvre quelques secondes plus tard sur mon frère, en chemise avec la cravatte légèrement défaite et un air fatigué sur le visage.
— Re. Ca faisait longtemps.
— Mouais. Je grommelle en guise de réponse.
En entrant dans la pièce je vois que mon père est installé au bout de la grande table qu'il a transformé en bureau temporaire. Leurs portables sont allumés, des tas de feuilles éparpillées tout autour et des tasses de café vides trônent au milieu de tout ça.
— Installe-toi ici, Namjoon. Tu as pris ton pc, c'est bien. Tu as fini de relire le contrat ?
— Presque, il me reste deux pages.
— Ok. Tu peux finir pendant que je réponds à quelques mails et on va débriefer tes premiers jours après.
Y-a-t'il un terme adéquat pour exprimer à quel point je suis RAVI de ce programme de fin de soirée ?
Sans verser dans la vulgarité ?
Non je ne pense pas.
Résigné, je m'installe en face de mon frère pour achever la lecture du dit contrat, tentant de cacher ma fatigue et mon agacement.
— Namjoon, tu peux nous faire des cafés s'il-te-plaît ?
— Laisse, j'y vais. Répond mon frère en se levant.
J'entends la machine ronronner dans mon dos.
— Namjoon, noir ton café ?
J'acquièce et une tasse apparaît comme par magie juste à côté de moi.
La relecture du contrat à cette heure-ci, avec des yeux qui brûlent et une fatigue d'un autre monde s'avère compliquée, même s'il ne s'agit que de deux pages. J'ai rapidement reparcouru le reste afin de ne rien laisser passer, mon père pourrait me garder ici jusqu'à 3h du mat' et j'aimerais m'éviter cette pénitence.
Une fois ma relecture terminée, je m'étire en levant les bras au-dessus de ma tête avant de finir ma tasse d'un trait.
— Tu as fini ?
— Yep.
— Ok, montre-moi.
S'en suit une heure entière de rererelecture, d'explications, d'argumentations et de recherche de compromis afin de faire accepter à nos interlocuteurs nos propres conditions qui seront clairement à leur désavantage.
Quand enfin, mon père s'avère satisfait de mon travail, je pense pouvoir m'échapper et m'enterrer sous la couette dans mon lit après avoir envoyé un message à Jimin. Sauf que....
— Bon. Namjoon, qu'est-ce que tu as pensé de tes premiers jours ici?
— On... on va vraiment en parler à cette heure-ci ?
— Oui, demain nous n'aurons pas le temps et je fais toujours un débriefing après les premiers jours de travail. Alors ?
Le ton ne laisse pas de place au refus.
— Et bien...
Je jette un coup d'oeil à mon frère, toujours en face de moi, le regard plongé sur son écran, le visage faiblement éclairé par la lumière bleue.
— Je... je pense que ce n'est pas fait pour moi, à vrai dire.
Voilà. La bombe est lâchée. Bien que mon père m'ait assuré que je pouvais rompre le contrat quand bon me semble, si j'en ressens le besoin, j'ai une certaine appréhension à lui dire ça comme ça. J'ai le pressentiment qu'il va tenter de comprendre, de décortiquer, d'analyser, d'argumenter pour finalement me faire "entendre raison" et me faire admettre que je veux rester dans l'entreprise.
— Développe.
Ah. Je m'y attendais à celle-là.
— Je... je ne me sens pas à ma place.
— C'est parce que c'est le début. Demande à ton frère, je suis certain qu'il a ressenti la même chose les premiers jours, avant de s'adapter parfaitement.
Ce dernier, sans lever la tête, lève un pouce en l'air à mon intention.
Je déglutis. Ca commence bien.
— Je... je n'aime pas trop en fait.
— On ne te demande pas d'aimer. Juste d'être efficace pour la famille et l'entreprise.
— Oui je sais... mais...
Le regard froid de mon père sur moi me fait déglutir encore une fois. Courage, Namjoon.
— Je n'aime pas le fait de devoir négocier, porter un masque pour essayer de soutirer le plus de bénéfices possible et de frayer avec des gens qui vont essayer de nous la faire à l'envers parce qu'ils ont exactement le même objectif que nous : gagner un max de fric. En fait, je ne me vois pas travailler dans ce genre d'environnement ou même en politique. Je sais que tu ne m'as pas inscrit dans ce cursus exprès pour ça, mais vraiment, je n'aime pas. Je ne pense pas continuer avec vous.
— Tu parles avec tes sentiments. On dirait un oméga, Namjoon.
Je fronce les sourcils. Et alors ? En quoi est-ce mal ?
— Il n'y a pas de travail parfait, c'est un fait. Mais je pense que tu ne prends pas assez en considération plusieurs points importants. Entre autre le fait que tu as une responsabilité envers la famille et son entreprise. Tu es un Kim. Ta place est parmis nous. Ensuite, tu vas être payé une fortune pour un travail que tu n'auras même pas besoin de chercher par toi-même, tu n'as pas besoin de passer un entretien d'embauche et de quémander qu'on te fasse signer un contrat : tu as un poste directement parmi les plus hautes fonctions. Tu es intelligent, j'ai confiance en toi. Je pense même que tu pourras prendre en charge plusieurs tâches que ta mère et moi ne pouvons pas déléguer à quelqu'un d'autre. C'est un travail à la hauteur de tes capacités, tu as l'étoffe d'un leader. La preuve en est cette équipe de basket que tu mènes à la victoire à l'université.
Je jette un coup d'oeil à mon frère, qui ne bronche pas. Il a très bien entendu les paroles de notre père, mais fait mine d'être trop concentré pour y prêter attention. Pourtant il s'est presque fait rabaisser de manière détournée. Il travaille avec mes parents depuis presque trois ans et ça serait à moi qu'on proposerait les tâches de PDG ?! Je ne comprends pas. Mais surtout, mon père ne m'écoute clairement pas.
— Est-ce qu'à un moment tu as pris en considération que peut-être je refuserai cette offre d'emploi ?
— Tu as signé ton contrat.
— Je peux le rompre.
— Ce ne serait pas dans ton intérêt.
— Mais... tu as dit que je pouvais...
Première réaction de mon frère: un rictus à mon ton abasourdi. D'instinct je recule dans mon siège à cette réponse.
Mes neurones fonctionnent à toute allure.
Mouais.
Ca me semblait louche aussi, en fait. Cette bride si lâche sur mon cou... Cet argument du voyage comme un "stage" pour que je voie par moi-même, mais il fallait un contrat signé pour des questions d'assurance...
— Ce que j'ai dit, c'était que tu pouvais signer un contrat à durée indéterminée tout de suite pour m'accompagner lors de ton premier voyage d'affaire pour faire tes armes.
— Mais... je pouvais le rompre quand je voulais ! C'est ce que tu as dit!
— Première règle lorsque tu signes un contrat : bien lire, relire et comprendre ce que tu signes, Namjoon. C'est d'ailleurs tout l'intérêt de l'exercice de relecture d'aujourd'hui. Dans le contrat que tu as signé avec Kim Entreprises, une clause indique que celui-ci peut être rompu uniquement en cas d'accord unilatéral de la part des deux parties... Ce qui signifie que si je ne suis pas d'accord que tu partes, tu ne pars pas. A moins de verser une indémnité conséquente de ta poche. C'est aussi simple que cela.
Dire que je suis choqué serait un euphémisme. D'un coup je réalise que j'ai été bien naïf. J'ai clairement été manipulé par mon père pour signer ce contrat et me lier ainsi à ce poste dont je ne veux finalement pas, pensant pouvoir m'en défaire facilement... Et moi qui trouvait que c'était vraiment sympa de sa part de me laisser la possibilité de tâter le terrain avant de m'engager plus avant...
Au fur et à mesure que les secondes passent, je réalise que je suis complètement coincé. Je ne me rappelle même pas du montant des indemnités que je devrais payer si je venais à rompre le contrat...
La tête me tourne et je me sens mal. Je crois que je vais vomir.
— Tu peux aller te coucher, on se revoit demain au petit-déjeuner.
Sans plus de cérémonie, mon père me renvoie dans ma chambre, les yeux à nouveau tournés vers son écran d'ordinateur.
Mon frère lève un instant le visage vers moi, une grimace entre "je suis désolé" et "t'es le chouchou et ça me les casse" figeant ses traits.
Je referme l'ordinateur portable devant moi avant de me lever mécaniquement, tel un robot sans âme. Plus personne ne dit rien, la sentence est tombée. Namjoon, tu n'es qu'un con. Bien sûr que j'aurais dû lire plus attentitvement ce contrat ! Bien sûr que j'aurais dû comprendre, savoir que mon père ne se laisserait pas aussi facilement influencer, qu'il n'allait pas me laisser filer comme ça. Quand ils ont une idée en tête dans cette famille...
De retour dans ma chambre, je pose calmement l'ordinateur sur le lit avant de m'y asseoir, hébété.
Il est presque deux heures du matin. Je n'ai plus du tout sommeil. Graduellement, je réalise vraiment tout ce qu'il vient de se passer et la colère monte. Et monte de plus en plus jusqu'à exploser.
Je voudrais tout casser, éventrer le matelas, lancer les cadres par la fenêtre, renverser le bureau et les chaises, hurler et taper du poing dans les murs. Sauf que ma peur de déranger, de faire des vagues et ainsi de jeter la honte sur ma famille, ici pour conclure un contrat important est plus forte que mon instinct et je finis la tête dans l'oreiller à hurler en serrant les poings. Je pleure, aussi. Quand je relève la tête, le coussin est trempé.
Complètement dépassé par la situation, je me sens étouffer dans cette chambre de luxe. Il faut que je sorte, que je marche, que je courre mais qu'en tout cas je sois à l'air libre. J'ouvre la porte -fenêtre qui donne sur le balcon pour tenter de me calmer.
Penché en avant, j'inspire et expire fortement. Mais ce n'est pas suffisant. La vue sur la piscine et la terrasse du restaurant de l'hôtel me rappelle trop ce pour quoi je suis là, comment je suis arrivé ici et tout ce que cela implique.
Pris d'un besoin irréprécible, j'enfile mes baskets. Mon père me ferait une remarque de me voir sortir en jogging-sweatshirt et baskets dans l'hôtel, mais je m'en fous. Je ne prends ni le badge de ma chambre, ni mon porte-feuille, juste mon téléphone. Il est trop tard pour appeler Jimin, il dort à cette heure-ci et le pauvre travaille tellement. Et au magasin, et pour son TFE. Je ne veux pas le réveiller en pleine nuit pour le tracasser avec mes problèmes familiaux.
Dans l'ascenseur, j'observe mon reflet. Depuis que je suis arrivé ici avec ma famille, j'ai accumulé le manque de sommeil et ça se voit aux cernes sombres qui se sont formées sous mes yeux.
A mi-parcours à l'étage du bar, l'ascenseur s'ouvre pour laisser entrer des fêtards qui sentent l'alcool à plein nez. Ils sont nombreux et je me retrouve collé contre la paroi du fond, personne n'ayant visiblement remarqué ma présence. Les portes se referment et nous reprenons la descente, ce qui énerve mes compagnons de voyage qui s'évertuent à appuyer comme des acharnés sur les boutons pour remonter à leur propre étage.
— Mais putain c'est une blague ! On veut pas descendre machine de merde, on veut monter se pieuteeeeeer !!!
Quand les portes s'ouvrent à nouveau pour donner sur le couloir qui mène au lobby de l'hôtel, j'écarte avec facilité les alphas chancelants et les omégas à peine conscients dans un silence pesant. Personne ne m'avait remarqué et à présent l'aura que j'ai déployée exprès pour pouvoir m'imposer fait taire tout le monde.
Je m'éloigne sans un regard en arrière, me dirigeant vers la sortie.
Une fois dans la rue, j'avance, les mains dans les poches sans regarder autour de moi. L'hôtel se trouve dans un quartier très chic, où ne poussent que les immeubles de béton lisse et de verre. Quelques arbres bien taillés bordent la route, mais je sais parfaitement que derrière cette façade moderne et propre cache une toute autre réalité. Il suffit de marcher quelques dizaines de minutes pour se retrouver dans les bas-fonds de la ville, les endroits peu fréquentables.
Bifurquant à droite et à gauche de temps en temps, je me laisse porter, sans vraiment craindre de tomber sur une mauvaise rencontre. Mes pensées sont trop embrouillées, j'ai la sensation de ne plus rien contrôler de ma vie, alors à quoi bon me tracasser d'où mes pas me mènent ?
Je marche longtemps. La nuit n'est pas fraîche et mon sweatshirt avec la capuche sur la tête me suffit amplement.
A l'angle d'une rue bordée de bars, je me stoppe et regarde autour de moi. J'ai marché longtemps. Vraiment longtemps. Il est presque 5h du matin et les établissements sont fermés.
Pas âmes qui vive, si ce n'est une voiture qui me dépasse lentement. Le chauffeur baisse sa fenêtre pour m'observer tout en continuant d'avancer au pas. Pris d'un soudain mauvais pressentiment, je prends mes jambes à mon cou et continue mon chemin en traversant la rue. Je sais que je suis un alpha, plutôt grand comparé à la moyenne asiatique et assez fort, mais je ne suis pour autant pas sûr de vouloir me frotter à la mafia ou toute autre organisation dont ce mec a l'air de faire partie.
J'entends le bruit du moteur qui me suit, sans pour autant me dépasser et m'engouffre dans une ruelle plus étroite, espérant le semer. Cette dernière est bordée d'étals de marché recouverts de bâches multicolores, ce qui réduit le passage pour les piétons à une largeur d'un mètre cinquante à peine.
La voiture ne me suit plus, mais je ne me sens pas en sécurité pour autant. Longeant les murs, je sors mon téléphone pour taper l'adresse de l'hôtel dans mon application GPS et y retourner avant de tomber sur d'autres personnes bizarres.
Le calcul de l'itinéraire ne prend que quelques secondes. En fait j'ai pas mal tourné sur moi-même et je ne suis donc qu'à vingt minutes à pied par le chemin le plus court.
Reprenant ma route, attentif au moindre son, je sursaute plusieurs fois quand un chat saute sur une unité d'air conditionné ou qu'un coup de vent fait claquer une grille.
Les premiers travailleurs sont déjà dans les rues, en route pour commencer leur journée, alors que la mienne n'a pas vraiment eu de fin et que la suivante n'aura pas vraiment de début. Les deux seront fondues entre elles, rythmées uniquement par la frustration et les réunions assomantes auxquelles je dois encore assister.
Alors que j'approche de l'hôtel par un autre côté que celui que j'ai quitté, je longe une petit parc boisé, dont le centre est caché à mon regard par des rangées de bambous hauts d'au moins trois mètres.
Des grilles avec des décorations voulant imiter le style urbain européen délimitent l'espace le long du trottoir. Arrivé à un carrefour, je jette un oeil et constate que la grille du parc est ouverte. Visiblement c'est entrée libre. L'aube pointe le bout de son nez et les lampadaires ne vont pas tarder à s'éteindre. Pris d'une soudaine envie de calme, je franchis le seuil et m'avance sur le chemin en graviers clairs jusqu'au centre où une petite plaine de jeu s'offre à ma vue. Il n'y a qu'un toboggan, un bac à sable et une balançoire qui oscille doucement sous la brise du matin.
Je me rappelle à quel point j'ai toujours adoré les balançoires. Nous n'en avions pas à la maison, malgré que celle-ci soit bordée d'un grand jardin. Mais lorsque nous allions avec mes parents chez Taehyung, j'en profitais pour m'éclipser dès que possible dans le jardin et profiter de leur balançoire ainsi que des autres jeux d'extérieur.
D'un regard, j'évalue si la planche en bois et les cordes qui la retiennent supporteront mon poids qui n'a plus rien à voir avec celui que je pesais lorsque j'avais dix ans.
Précautionneusement, je pose une fesse puis l'autre, mes hanches étant à l'étroit, je ne peux pas m'installer confortablement.
Mes pieds sont posés à plat par terre. Je me rappelle que, plus petit, j'arrivais à peine à toucher le sol de la pointe des pieds et pour grimper dessus je devais presque prendre mon élan. Ce qui amenait à des situations d'un comique que seuls mon cousin et moi pouvions comprendre. Nous nous retrouvions généralement par terre, les quatre fers en l'air à rire aux éclats. Notre constitution de jeunes alphas nous permettaient de tomber, nous pousser, sauter et grimper comme bon nous semblait sans risquer de nous faire très mal ou de nous blesser sérieusement.
Un frisson me parcourt, j'ai marché - et courru - longtemps et d'un coup en m'arrêtant mon corps se refroidit. Cependant je n'ai pas encore envie de rentrer à l'hôtel. Surtout que je vais devoir demander à la réception qu'on m'ouvre la chambre puisque j'ai délibérément laissé mon pass à l'intérieur.
Je regarde l'heure.
Il est six heures passée.
Mon réveil va bientôt sonner, normalement à cette heure-ci je devrais dormir. Est-ce que Jimin dort encore ? Oui, sans doute. Il est tôt et aujourd'hui il ne travaille pas au magasin.
J'hésite à lui envoyer un message, voire à l'appeler directement. J'ai envie, non. J'ai besoin d'entendre sa voix. Ce petit oméga a pris tellement d'importance dans ma vie et dans mon coeur qu'il est le seul qui pourrait me rassurer en ce moment.
Je vais attendre encore un peu avant de l'appeller, je ne voudrais pas le réveiller.
Jouant avec la pointe de mon pied dans le sable sensé amortir les chutes des enfants, j'écris mon nom, d'abord en Hangeul. J'efface du plat de ma chaussure et recommence en Kanji japonais. Puis en Anglais. Puis je fais de même avec le nom et le prénom de Jimin. Mais lorsque je l'écris dans la dernière langue, pris d'une inspiration, je me penche pour dessiner deux coeurs à la place des points sur les "i" avec mon index.
J'admire mon oeuvre en me redressant, un léger sourire aux lèvres en pensant à celui qui m'a inspiré cette niaiserie intersidérale. Avant de l'effacer, je prends une photo pour la lui envoyer. Ce que je peux être fleur bleue parfois.
Mon père trouverait ça ridicule.
Stop, ne pensons pas à lui. Pas tout de suite, alors que les battements de mon coeur se sont enfin calmés après une nuit riche en émotions.
Le temps passe, la ville s'éveille et j'entends des passants marcher sur les trottoirs qui entourent le parc, à quelques mètres de moi. Un jeune homme y entre avec plusieurs chiens de races en laisse. Il me salue poliment avant de lâcher plusieurs de ses compagnons à quatre pattes. Il est propre sur lui, bien qu'habillé d'un style très basique et ses baskets sont loin d'être neuves. Il doit certainement se lever à une heure pas possible pour venir chercher tous les toutous des riches du quartier et les promener ici. Il n'habite certainement pas dans cette partie de la ville et doit donc faire le trajet jusqu'ici pour commencer si tôt une journée de travail payée une misère.
Je soupire. Peut-être que mon père a raison, après tout. Peut-être que c'est mieux de travailler dans une entreprise dont on connaît déjà tous les secrets et les rouages, avec des gens qui nous ont vu grandir, à un poste servi sur un plateau plutôt que d'affronter la réalité de la vie active (et d'adulte) et de risquer de se confronter à des échecs cuisants.
Broyant encore du noir, je ne vois pas l'heure qui tourne et un message fait vibrer mon téléphone dans ma poche, m'arrachant à mes réflexions. Jimin.
De : Minie :
Hello ! Je viens de me lever, j'espère que tu as bien dormi ! Bonne journée ❤️
Oh, Jimin. Si tu savais.
Sans attendre, sachant que je ne le dérangerais pas dans son sommeil, j'appuie sur la touche pour lancer un appel.
— Allô ? Joon ?
Sa voix est un peu cassée, comme à chaque fois qu'il vient de se réveiller et ce détail m'accable d'un coup. Il me manque terriblement. Et cette sensation est accentuée par la fatigue et la frustration que j'ai ressenties.
— Coucou. Je ne te dérange pas ?
— Non, pas du tout. Je viens de me réveiller. Tout va bien ? Tu es déjà debout aussi ? Tu as bien dormi ?
— En fait... je...
C'est dur. Tellement dur. Je ne pensais pas qu'être amoureux pouvait mener à des sentiments aussi compliqués et douloureux.
Ma voix tremble un peu quand je lui réponds :
— C'est... j'ai pas dormi.
— Non ? Mais... t'as fait quoi alors ?
— Minie... j'ai besoin de toi.
Deux larmes s'échappent de mes yeux et dévallent mes joues alors que Jimin passe l'appel en visio.
— Oh mais.... Nam ! Tu pleures ? Tu es dehors ?!
— Oui... je... mon père...
— Attends, calme toi. Respire Joonie et raconte moi ce qu'il s'est passé.
Pendant les minutes qui suivent je lui parle de tout, n'ommettant aucun détail de la conversation avec mon père et du coup foireux qu'il m'a fait. Son expression se décompose petit à petit et ses yeux brillent de colère.
— Il a... quoi ?! Mais c'est dégueula... Pardon. C'est ton père.
— C'est pas grave, tu peux te lâcher, moi j'ai pas su le faire.
— C'EST DEGUEULASSE CE QU'IL T'A FAIT !!!! Non mais j'en reviens pas ! Comment il a pu te faire croire qu'il te laissait le choix alors que finalement...
Il s'arrête, un poing contre son front, les yeux fermés et les dents serrées.
— Je sais pas quoi te dire, Joon. Je suis pas assez calé dans toutes ces histoires de droit au travail pour pouvoir te dire quoi faire. Tu as déjà relu ton contrat ? Pour trouver ces fameuses clauses ?
— Pas encore, j'avais besoin de prendre l'air.
— Je comprends. Tu veux qu'on le fasse ensemble maintenant ?
— Ca ne te dérange pas ?
— Pas du tout, je ne bosse pas au magasin aujourd'hui, j'allais aller à la bibliothèque en début d'aprem après avoir rangé le studio.
— Ok, je te garde en ligne, ça me fait du bien de te voir et de te parler.
Son regard s'adoucit d'un coup et il me sourit en rougissant de bonheur.
— Oh, moi aussi ça me fait du bien. Tu me manques beaucoup tu sais?
— Toi aussi.
Je sors du parc par la même grille que tout à l'heure et me dirige vers l'hôtel.
— Je te garde en ligne mais je dois demander le double du pass pour ma chambre.
— Ok, j'attends.
Je pénètre dans le hall de l'hôtel, le bras qui tient mon téléphone le long du corps et l'autre main en poche pour m'approcher du comptoir.
L'employée derrière ce dernier m'accueille en se courbant, certainement au courant de mon identité. J'explique que je suis sorti en oubliant mon pass dans ma chambre et elle s'empresse de m'en fournir un nouveau, sans même me poser de question. Je suis presque certain que nos photos sont affichées quelque part dans les salles réservées au personnel pour être sûr qu'ils nous reconnaissent.
Après avoir récupéré le double, je me dirige vers l'ascenseur quand j'entends celui-ci s'ouvrir et des voix que je reconnaîtrais entre mille s'élèvent derrière l'angle du couloir.
— Mais où est-il ! Il ne peut quand-même pas encore dormir à cette heure-ci !
Trop tard pour les éviter, je reste figé sur place, alors qu'apparaîssent les visages crispés et agacés de mon père et de mon frère.
— Ah ! Namjoon ! On peut savoir où tu étais passé ?! Ca fait au moins une heure qu'on toque à sa porte et qu'on essaie de te joindre mais ton téléphone sonne occupé !
— Je...
Soudain je me souviens que Jimin est toujours en ligne, dans ma main.
— Je suis sorti courir et j'ai pas vu le temps passer. J'avais peut-être plus de réseau ?
— En pleine ville ?!
— Je...
Mon père balaie ma prochaine phrase de la main en me balançant un cinglant :
— Oh et puis on s'en fiche. Monte te préparer et rejoins-nous au siège de l'entreprise au plus vite, on te renverra la voiture.
Sans un regard supplémentaire ils me dépassent pour sortir de l'hôtel et s'engouffrer dans la voiture de luxe qui les attend devant l'entrée.
Une fois dans ma chambre, je relève la main pour trouver un Jimin entrain de manger un bol de riz surmonté d'un oeuf cru, face caméra. Il est si mignon avec ses joues gonflées.
— Ca va ? Désolé que tu aies dû assister à... ça.
— C'est rien. Ton père est vraiment pas commode.
— A qui le dis-tu.
— Tu veux qu'on relise ton contrat maintenant ?
— Non, je vais me doucher, me préparer et puis je dois les rejoindre. La situation est déjà assez tendue comme ça entre nous, je n'ai pas envie que ça s'aggrave. Et puis... j'ai le temps maintenant, puisque ce contrat est à durée indéterminée. Mais c'est vraiment gentil de m'avoir réconforté, merci.
— De rien. Envoie-moi des messages, tiens-moi au courant pendant la journée, ok ? On verra tout ça ensemble à ton retour.
— Merci. Merci pour tout. Je t'aime. Tu me manques.
— Moi aussi, Joon. J'ai hâte que tu reviennes.
Quelques instants plus tard, je sors précipitemment de ma chambre pour rejoindre ceux qui partagent mon sang, mais pas mes idéaux.
★
Plusieurs d'entre vous l'avait vu venir le coup du contrat...
Une idée de ce que va faire Nam pour la suite ?
Je suis curieuse de connaître vos théories !
Sinon, qui a regardé le live de Kookie hier ? Le pauvre devait être déchiré aujourd'hui !
😆😆😆
On se retrouve lundi pour la suite !
I 💜 U
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