Bonjour à toutes et tous ! Je pensais poster ce chapitre hier, mais j'ai tellement été prise par l'écriture des 37 et 38 que j'ai fini super tard... 

Comme beaucoup d'entre nous, j'ai été très peinée par les dernières actualités et le drame de Itaewon. Halloween est une fête que j'aime beaucoup et bien que je ne vive pas en Corée et ne connaisse personne là-bas, je pense que dès que ça à un rapport avec le pays, ça me touche énormément, maintenant. Les images aux infos m'ont mises les larmes aux yeux. Une pensée pour ces gens qui étaient juste sortis s'amuser et faire la fête... 

★

Le vendredi matin, au réveil, je constate les dégâts d'une nuit d'angoisse: j'ai les yeux bouffis et tout rouges. Je n'ai envie de rien, je ne mange pas, mon estomac est de toute façon noué par le stress. Dois-je les rejoindre comme d'habitude pendant le temps de midi ou les éviter ? J'enfile les premiers vêtements qui traînent, sans prêter attention à ma dégaine. La manche de mon manteau pendouille lamentablement, je me contenterai de mon coupe-vent.

Je passe mes gants, mon bonnet et une grande écharpe pour couvrir au mieux mon cou et mes épaules. Mon sac sur le dos je descends les escaliers et m'arrête dans le hall, interdit.

Jungkook m'attend devant chez moi. Je le vois par la vitre latérale qui fait la hauteur de la porte. Sans réfléchir j'ouvre celle-ci d'un coup, faisant sursauter mon ami et me précipite dans ses bras. Il me réceptionne sans rien dire mais me serre si fort contre son coeur que mes larmes coulent à nouveau.

— Kookie ! Je suis tellement désolé de mon attitude ! J'ai été un vrai con !

— Mais qu'est-ce que tu vas chercher là ?! Tu crois vraiment que je t'en voulais autant?

— Mais mon message d'hier soir... tu n'as pas répondu... Et je n'ai pas eu de tes nouvelles de toute l'après-midi.

— Ah... hum... oui, c'est vrai que j'ai été un peu... déçu, Hyung. Mais après réflexion je me suis dit que tu avais peut-être besoin de redescendre et de te calmer. Mais ton message d'hier soir je ne l'ai vu que ce matin, dans le bus. Et puisque j'avais quand-même l'intention de passer t'apporter le petit-déjeuner, je me suis dit que ça ferait une surprise. Me répond-t'il avec un grand sourire. Aller, sèche tes larmes de crocodile ! Je parie que tu as tellement stressé que tu n'as rien mangé!

— Tu me connais vraiment trop bien.

— Tiens, je suis passé à la boulangerie française pour t'apporter un croissant.

Je ne mérite pas Kookie. Parfois je me demande par quel miracle on est jamais sortis ensemble, tous les deux. Je lui poserai la question un de ces jours.

En attendant, nous prenons le chemin de l'université, je pousse mon vélo d'une main et dévore le croissant encore tiède de l'autre.

— Tu sais, Hyung, Namjoon et Tae étaient très... choqués de ton départ, hier.

Mon coeur rate un battement.

— Ah oui ?

— Oui... J'ai trouvé une excuse bidon sur le moment, mais le soir j'ai appelé Namjoon pour en discuter avec lui et j'ai expliqué la situation à Tae aussi après les cours.

— Et... qu'est-ce qu'il a dit ?

— Namjoon ou Tae ?

— Euh... les deux ?

— Arrête, je vois bien que c'est surtout Prince Namjoon qui t'intéresse.

— ...

— Tae comprend ton point de vue, mais aussi celui de Namjoon. Il m'a expliqué qu'il ne l'a jamais vu violent, mais qu'il est au courant qu'il sait parfaitement se servir de sa force d'alpha quand il en a besoin. Il est pas rentré dans les détails, mais il m'a expliqué son point de vue d'alpha aussi. Bien qu'il soit profondément non-violent, il reconnaît qu'il n'aurait sans doute pas agit autrement dans le cas où un autre alpha s'en serait pris à moi.

— Mais c'est différent, vous êtes ensemble, Kook !

— Hyung, il va falloir que je te le dise combien de fois ? Vous vous tournez tellement autour que ça use le parquet !

— Arrête c'est pas...

— Non, Jimin. Maintenant tu vas ouvrir grand tes yeux et tes oreilles de Hyung. Nam et moi on a discuté pendant deux heures entières hier soir, au téléphone. Il est complètement fou de toi, mais il veut y aller doucement. Il a bien cerné quel oméga fier, têtu et borné tu es...

— Hé oh!

— Chut, laisse moi finir ! Il est raide. Il te veut, toi. Il essaie de bien faire les choses, d'y aller à ton rythme, de te laisser le temps de t'habituer à lui. Et franchement, pour un gars aussi intelligent que toi, je ne comprends toujours pas comment tu peux te voiler la face à ce point-là. Nam Hyung c'est pas un alpha comme les autres connards. Lui et Tae ce sont des exceptions. Mais il ne faut pas oublier que ce sont des alphas. Au fond d'eux, malgré toute leur éducation, leurs principes et leur nature douce et prévenante ils ont un instinct de protection par rapport aux personnes qu'ils aiment. Si Tae me dit que même lui, qui en plus est plus frêle que Namjoon, n'hésiterait pas à défoncer quelqu'un qui me voudrait du mal. Alors je comprends que ce n'est pas une réaction qu'ils contrôlent complètement. Dans ce cas, je pense que Nam a laissé plusieurs fois sa chance à Jung. Il l'a prévenu au moins deux fois, mais il n'a pas écouté. Et comme je te l'ai dit hier, ce genre de gars ne comprend qu'une seule langue: celle des poings pour le remettre à sa place. Alors ça peut ne pas te plaire, aller contre tous tes principes et les miens, mais on y peut rien. Il a agit selon son instinct, mais avec assez de recul que pour comprendre qu'il n'avait pas vraiment le choix pour que tout s'arrête avant de prendre un tour encore plus violent pour toi.

Je suis sans voix. Mon Kook qui me fait la morale, ça doit bien être la première fois.

— Alors fais-moi plaisir, parles-en avec lui. Il mérite que tu lui laisses la chance de s'expliquer.

— Je ne sais pas, Kook... Ca me gêne. J'ai été si bête hier, j'ai l'impression d'avoir cassé quelque chose. Il a voulu venir me voir, il m'a appelé et je lui ai raccroché au nez.

— C'est toi qui voit, Hyung. Je ne peux pas faire indéfiniment le pigeon voyageur entre vous deux. Alors à ta place, je prendrais mon courage dans ma poche et j'en discuterais avec lui, de vive voix.

— Je... je vais essayer.

— Ok. Je te laisse je vais au bloc B.

Parce qu'il a un coeur en or et qu'il n'est pas du tout rancunier, Jungkook me prend à nouveau dans ses bras et s'éloigne après m'avoir embrassé la joue en faisant un gros bruit de bisou. Je ris à son air théâtral alors qu'il s'éloigne à grandes enjambées. De mon côté je me dépêche de rejoindre mon amphithéâtre après être passé par mon casier.

La matinée s'écoule à toute vitesse, je dois faire un effort pour me concentrer sur la matière, mais ma décision est prise: je vais proposer à Namjoon qu'on discute de toute cette situation. Mais quand ? J'aimerais qu'on puisse se poser quelque part autour d'un thé pour en parler calmement mais j'ai cours toute la journée et je travaille ce soir et demain... Je ne vais pas avoir le choix que de l'appeler... Surtout que dimanche soir nous nous retrouvons tous pour la pièce de Jin Hyung ! Il faut que nous ayons mis les choses à plat avant.

C'est en ressassant tous ces paramètres et mon agenda dans ma tête que je me dirige vers la cafétéria. Alors que je me faufile parmis les étudiants qui vont en sens inverse, je sens un parfum de colère sourde teintée de pin et de menthe. Je suis presque tétanisé sur place.

Juste devant moi, se tient Jung, accompagné d'un garçon plus petit, un oméga habillé d'un pull pastel aux cheveux mi-longs qui lui tient la main... Son copain, j'imagine. Jung me détaille des pieds à la tête, le côté gauche de son visage est tout erraflé et il a des points de suture à l'arcade... Namjoon ne l'a visiblement pas raté. Je reprends mes esprits quand il me dit de dégager avec un air de rage à peine contenue. L'oméga qui l'accompagne hausse les sourcils, me toise une seconde et l'entraîne en passant devant moi sans mot dire.

Secoue-toi, Jimin.

Je reprends ma progression, le couloir est presque désert à présent et au loin j'aperçois déjà Taehyung et Jungkook installés l'un en face de l'autre. Pas de trace de Namjoon. Je soupire. Je voulais lui proposer qu'on se voie, quand, je ne sais toujours pas. Je préfère lui demander directement plutôt que de passer par message.

Alors que je me dirige vers mes amis, je tourne la tête pour balayer la salle du regard et l'aperçois, devant le self-service. Il me tourne le dos mais à présent je le reconnaîtrais entre mille. Je fais encore quelques pas, Jungkook m'a vu et me fait signe pendant que Tae me sourit gentiment. Encore trois pas et je les aurais rejoins. Sauf que, pris d'un soudain élan de bravoure je me détourne et me dirige droit vers l'alpha qui me tourne le dos.

Il a dû me sentir arriver, car il se retourne légèrement vers moi, l'air surpris. J'avoue que ma rencontre avec Jung et son oméga quelques minutes plus tôt m'a donné un bon coup de stress et il doit le percevoir...

— Euh... Salut.

— Salut.

Son ton est... distant. Avec une touche d'incompréhension et... d'espoir ?

— Je voulais te dire... Je... Pardon pour mon comportement. Et pardon de t'avoir raccroché au nez hier soir. Je suis désolé. Est-ce qu'on peut se voir pour discuter... s'il-te-plaît?

Pendant cette courte tirade, je n'ose pas le regarder dans les yeux. Mais après quelques secondes de silence, je redresse lentement la tête pour en comprendre la cause. Son expression oscille entre le soulagement et la résignation. A cette seconde, je comprends que j'ai peut-être gâché quelque chose en agissant sans réfléchir. En lui fermant les portes qu'il avait pris du temps à débloquer pour m'atteindre avec toute la douceur et la bienveillance dont il est capable.

— On peut s'organiser quelque chose, si tu veux. Mais j'ai cours toute l'après-midi, puis entraînement de basket jusque tard, ce soir. Demain tu travailles toute la journée et je dois réviser. Dimanche si tu veux. On peut se retrouver avant la pièce quelque part.

Mon coeur s'éparpille. Je vais devoir attendre si longtemps... Je le savais, que nos horaires risquaient de compromettre un rendez-vous rapide, mais l'entendre de sa bouche, dit de manière si factuelle, me retourne beaucoup plus que je ne l'aurais imaginé.

— Oui, d'accord... On pourrait, goûter ensemble ? Il y a un endroit où je vais de temps en temps avec Kook, c'est sympa...

— Ok. Envoie-moi l'heure et l'adresse par message.

Il me contourne pour se diriger vers notre table et s'installer à côté de Taehyung, qui hausse les sourcils en le voyant arriver. Je m'avance à mon tour et prend place en face de lui, à nouveau je n'ose pas le regarder.

Jungkook pose discrètement sa main sur ma cuisse et la presse pour me montrer qu'il est là pour moi. Merci le Destin pour Jungkook. J'engloutis rapidement des restes qu'il me restaient au frigo, en participant par monosyllabes à la conversation animée entre Tae et Jungkook.

Quand il est l'heure, je reprends mes affaires, salue tout le monde et me dirige à pas lourds vers mon prochain cours. Je me sens si mal. Mon coeur est au bord d'un précipice.

Qu'est-ce que j'ai fait ? Ai-je été si aveugle ? Jungkook a dit que Namjoon était... amoureux ? Non, ce ne sont pas les termes exacts. Mais c'est presque pareil, non ?

Pendant toute l'après-midi je ressasse chaque moment passé avec Namjoon depuis que je l'ai rencontré. Effectivement, je suis un imbécile de ne pas avoir vu directement à quel point il en pince pour moi. Dès notre premier échange, je crois. Et quand il m'a proposé ses cours d'Anglais... Quand il m'a complimenté pour mon affreux montage... Quand il m'a porté, toutes les fois qu'il a cherché le contact, physique ou visuel.

Jimin, t'es vraiment con.

Parce que plus je me repasse le film de nos échanges, plus de réalise que... moi aussi je l'aime ? Est-ce que c'est vraiment de l'amour ou de l'attirance ? Ces rêves, cette excitation, le trouble qui m'habite dès qu'il me regarde en souriant avec ces merveilleuses fossettes aux creux des joues. Son parfum de forêt qui, plus que n'importe quoi d'autre, parvient à me détendre, ses bras puissants quand ils me serrent contre lui, et l'autre nuit, quand il m'a consolé et tenu pendant des heures pour me rassurer.

Quand, enfin, le dernier prof nous permet de sortir à la fin du cours, une bombe a explosé dans mon esprit. J'ai réalisé que oui, je suis peut-être moi aussi, amoureux de Namjoon. Il m'a fait tomber amoureux de lui. Et j'ai été trop borné que pour voir les signes, trop prétentieux et fermé d'esprit que pour lui laisser une chance. Il a été si patient avec moi, si doux et attentionné. 

Est-ce que je mérite seulement l'intérêt qu'il me porte depuis le début?

☆

— T'as une sale tête, Jiminie. Tu veux en parler ?

— Hein ?! De quoi ?!

— De la dichotomie du Bien et du Mal dans le cinéma d'auteur japonais. De la tête que tu tires depuis que t'es arrivé, bien sûr ! Tu as l'air crevé et triste. Alors, explique-moi ce qui ne va pas.

C'est vrai que je suis arrivé il y a deux heures au magasin et depuis, Hobi fait la conversation tout seul quand nous n'avons pas de clients.

— Tu te souviens de Namjoon ?

— Le cousin du copain de ton meilleur pote ?

— Comment t'as retenu ça, toi ? Je t'en ai parlé qu'une fois.

— Je garde des dossiers dans mon palais mental. Bon, accouche.

— Disons que lui et moi... Enfin... Je sais pas comment l'expliquer...

— Laisse-moi deviner... vous êtes amoureux mais vous ne savez pas comment procéder alors depuis des semaines vous vous tournez autour ? Tu veux un mode d'emploi Jiminie ?

— Mais aaaaaaaargh! Jung Hoseok !

— Pardon, go on.

Il s'assied sur le tabouret, les jambes croisées, les mains jointes sur un genou avec un air de professeur patientant que son élève veuille bien réciter le poème qu'il a dû apprendre par coeur.

— C'est plus compliqué que ça. Au début je le prenais juste pour un alpha super lourd comme il y en a partout. Mais maintenant je réalise que depuis qu'on se connaît il a été tellement patient, gentil... bienveillant avec moi. Sauf que je me voilais la face. Jungkook m'a sonné les cloches tout à l'heure et j'ai compris que je niais l'évidence...

Et c'est ainsi que pendant les reste de notre service commun, entre deux clients, je raconte toute l'histoire à Hoseok, avec force détails. Je vois le spectre complet des expressions passer sur ses traits au fur et à mesure que je lui parle de Namjoon, de ses attentions pour moi, de son soutien, de sa prise d'initiative par rapport à Jung qui me harcelait à l'université...

— Donc, si je résume bien. Il y a un alpha grand, musclé, hyper gentil et intelligent qui depuis des semaines fait tout, mais absolument TOUT pour passer du temps avec toi et te protéger et toi tu... n'as rien vu ? Sérieusement ? Mais comment c'est possible ? Jimin tu es une véritable énigme !

— Oh ça va ! Kook m'a déjà fait la morale. Je te dis, je pense que je ne voulais rien voir parce que tout ça c'est...

Je laisse un silence de quelques secondes alors que je cherche mes mots.

— C'est nouveau pour toi ?

— Oui. Je n'ai jamais pensé qu'un jour je pourrais ressentir quelque chose pour quelqu'un, qui plus est un alpha ! Ils sont tellement suffisants, ils ont toutes les faveurs de la société et en profitent pendant que nous autres devons nous contenter des miettes !

— Jimin. Je pense que ce que tu essaies de dire c'est que tu es un peu effrayé par tes sentiments pour Namjoon.

J'expire un grand coup.

— Oui, je crois.

— Et que tu ne pensais pas, étant donné ton opinion sur les statuts, le second genre et ce que tu vis au quotidien en tant qu'oméga, tu pourrais un jour flancher pour un alpha.

— Oui.

— Tu penses peut-être que tu trahis tous tes idéaux en admettant que tu as des sentiments pour Namjoon ?

— ...

— Je peux t'assurer que ce n'est pas le cas. De ce que j'ai saisi, il est assez ouvert d'esprit que pour comprendre ton point de vue et l'accepter. Tu sais, ils sont rares les alphas comme Namjoon et son cousin. Personnellement, les seuls avec lesquels j'ai été en couple — filles comprises — étaient toujours tellement certains de pouvoir me dominer mentalement et physiquement que même l'approche, la drague du début ressemblaient plus à une parade nuptiale de mantes religieuses qu'à une véritable cour comme on peut le voir dans les dramas. Jamais aucun d'entre eux ou elles n'a fait tous les efforts que fait Namjoon avec toi. Il est patient, il ne te brusque absolument pas. La preuve en est qu'il ne t'a même pas avoué clairement ses sentiments alors qu'ils crèvent les yeux. Sauf les tiens, il faut croire.

En réalité, tu devrais te demander pourquoi son second genre t'importe tant. Je vais peut-être être cash avec toi, mais pour quelqu'un qui dit haut et fort que le second genre ne devrait pas déterminer notre avenir ou notre place dans la société, rejeter quelqu'un qui s'intéresse à toi juste parce qu'il est un alpha, c'est triste. Tu devrais considérer la situation sous un autre angle : oublie son étiquette d'alpha. Oublie tout ce que tu sais sur eux, puisqu'à 99%, tout cela ne s'applique pas à lui. Considère-le simplement comme Namjoon, un gars qui étudie dans la même université que toi, au physique avantageux, au caractère doux et prévenant qui depuis des semaines est aux petits soins pour toi, vient te voir la nuit pour te consoler, te fait des surprises, rentre dans tes petits délires, aime lire et faire du vélo comme toi, est charmant avec ton meilleur ami sans essayer de vous mettre dans son lit... Quand tu considères les choses ainsi, qu'est-ce que tu réalises ?

Au fur et à mesure qu'Hoseok parle, mes yeux s'écarquillent de plus en plus. Son monologue me fait l'effet d'une second gifle mentale après celle, moins délicate, de Jungkook.

— Que j'ai été con. Voilà ce que je réalise.

— Tu pouvais le formuler autrement, mais en substance, c'est ce que je voulais dire, oui.

— T'as de la chance d'être mon Hyung, quand-même. Tu viens de m'insulter là.

— Disons que j'ai remis les pendules à l'heure, simplement.

— Deux fois en une journée, ça fait mal.

— La rançon de la gloire, mon ami.

— Mais du coup... J'ai peut-être tout gâché, tu ne crois pas ?

— Mmmmh... Non, je pense que tu as encore toutes tes chances. Je comprends ton point de vue vis-à-vis de son attitude avec ce connard qui te cherchait à l'univ. Mais en même temps, je pense que Jungkook n'a pas tord dans sa manière d'expliquer les choses. Comme je disais, Namjoon et son cousin sont des exceptions et certains alphas peuvent devenir très violents. S'il n'était pas intervenu, qui sait si en période de ruts, alors qu'ils sont incontrôlables sans leurs inhibiteurs, ce gars ne t'aurait pas agressé ? Et il ne faut pas oublier que Namjoon est son... capitaine, c'est ça ? Il doit le connaître depuis assez de temps que pour savoir quelle est sa personnalité et si il pouvait devenir dangereux pour toi, ou toute autre personne. Donc, ta réaction est justifiée, mais tu n'as pas essayé de l'écouter ou de lui en parler à tête reposée avant d'exploser et de lui claquer la porte au nez. Il est sans doute blessé, il a agit ainsi pour toi et tu ne lui a pas laissé une chance d'en discuter ensemble quand il te l'a demandé.

Ne te torture pas trop la tête avec toute cette histoire, vous vous voyez dimanche avant la pièce de toute façon ?

Je hoche la tête.

— Alors réfléchis bien à tout ce que Jungkook et moi t'avons dit, repose-toi autant que possible et prépare de belles excuses avant d'entendre les siennes. Je parie qu'après ça on pourra fêter un nouveau couple !

— Mais Hyung ! On en est pas encore là !

— Pas encore... Me lance-t'il avec un clin d'oeil.

☆

A 18h30, Jin apparaît pour prendre la relève, suivi de près par Yoongi.

— Bonsoir tout le monde ! Comment s'est passé ce début de soirée les amis ?

— Très bien, Hyung.

— Au fait, j'ai le plaisir de vous annoncer qu'à partir de vendredi prochain je ne ferai plus les nuits au magasin ! Je viendrais renforcer l'équipe de jour. J'ai embauché quelqu'un !

— Waw, si vite Hyung ? S'étonne Hobi.

— Yes, c'est une fille, elle s'appelle Ha-neul. Elle vient d'arriver en ville et elle cherchait un travail pour commencer rapidement. Elle n'est pas contre de travailler de nuit, donc elle correspond parfaitement à nos critères !

— Elle vient d'arriver en ville ? C'est quand-même pas une criminelle en fuite ? Demande Yoongi sur un ton neutre.

Hoseok pouffe en entendant cette réflexion pince-sans-rire.

Jin est hilare, il y a quelques jours Hoseok lui a expliqué qu'il sort officiellement avec le petit-fils de la si gentille Madame Min. Il a naturellement accueilli le "nouveau membre de la famille" à bras ouverts, même si l'intéressé s'est vivement écarté face à la menace d'un gros câlin.

— Je ne pense pas. Elle n'en a pas l'air en tout cas. De toute façon je ferai les deux premières nuits avec elle, le temps qu'elle se mette dans le bain. Ainsi je pourrai la jauger. D'après son CV elle a travaillé en tant qu'étudiante pour un grand supermarché dans sa ville natale. Elle a déjà de l'expérience, sa formation ne devrait pas prendre trop de temps.

— On te fait confiance, Hyung. Je répond avec entrain. Si ça te permet de reprendre une vie plus normale, on est contents pour toi. Et puis, Hobi Hyung et moi on pourra répondre à ses questions aussi quand on la croisera au changement de service.

— Super ! J'aime cet esprit, Jimin ! Fighting !

Il tend la main vers nous pour un high-five à chacun, auquel Yoongi ne répond pas, consterné par l'attitude plus qu'enjouée de notre patron. Quand on pense qu'il sort avec le gars le plus positif et rayonnant que je connaisse sur cette planète, je le trouve gonflé.

Hoseok et moi passons à l'arrière pour nous changer, tandis que Seokjin tente d'engager la conversation avec le croque-mitaine.

— Au fait, Hyung. Tout va bien avec Yoongi ?

— Oui, tout va très bien. Parfois il a encore quelques petites crises d'anxiété, mais il dit que depuis qu'on est ensemble, elles sont beaucoup moins nombreuses. D'après lui je l'apaise. Me répond-t'il avec un sourire rêveur. D'ailleurs j'ai hésité à lui proposer de venir avec nous voir la pièce de Jin Hyung, mais il a insisté de lui-même pour venir.

— Oh. C'est super de sa part !

— Il fait de gros efforts. Tu sais, je suis quelqu'un de sociable, j'ai pas mal d'amis que je vois souvent, alors si j'avais dû partager mon temps parce qu'il ne pouvait pas venir les voir avec moi, je l'aurais fait. Il en vaut la peine. On trouve un équilibre. Parfois il m'accompagne, parfois il se repose chez sa grand-mère et je sors seul. Je profite des moments passés avec lui, même si on ne fait que jouer à la console ou se câliner gentiment. Derrière son masque froid, c'est un vrai petit chaton en manque d'affection.

— Si tu qui le dis, je veux bien te croire, même si c'est difficile à imaginer !

Nous rions tous les deux à ma remarque.

— Et... Je suis désolé de demander, mais... comment ça se passe avec tes amis, du fait que vous êtes...

Je n'ose pas terminer ma phrase, je suis bien trop indiscret. C'était sans compter l'esprit désepérément positif de mon collègue.

— Deux omégas ? Franchement c'est cool. Personne ne nous juge. Je sais choisir mes amis tu sais. Nouveau clin d'oeil. Et puis, si quelqu'un trouvait quelque chose à redire à notre relation, je n'hésiterais pas un instant à virer cette personne de ma vie. Je n'ai pas besoin de cons réac' autour de moi.

Hoseok. Ce rayon de soleil. Il m'offre un magnifique sourire en forme de coeur et nous nous dirigeons vers la porte. Yoongi est posé dos au mur, juste à côté de celle-ci pendant que Jin papote avec une cliente.

Ils s'échangent un rapide bisou avant de se prendre la main et de se diriger vers la sortie.

— Salut Hyung ! A demain ! Courage pour la nuit !

— Merci ! A demain vous trois !

Je le salue de la main et suis le couple.

— Jiminie, tu veux manger avec nous ?

A cette question, je tourne la tête vers Hobi, puis vers Yoongi. Ce dernier me lance une petite mimique qui signifie qu'il a plutôt envie de passer cette soirée avec son copain en tête-à-tête.

— C'est gentil de proposer, Hyung, mais je vais rentrer. Je suis crevé.

— C'est vrai que tu as eu une semaine chargée en émotions !

— Ah oui ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Interroge Yoongi avec un haussement de sourcils.

— Et bien, figure-toi que...

— Bon, je vous laisse! A demain Hobi Hyung !

— A demain Jiminie ! Rentre-bien, sois prudent !

— Promis !

Je détache rapidement mon vélo avant de l'enfourcher et de m'éloigner. Mes oreilles vont siffler toute la soirée. Hoseok ne va pas se gêner pour raconter à son copain tous les détails de ma vie sentimentale naissante... La honte.

Mon coupe-vent, plus léger que mon gros manteau, ne me protège pas assez du vent et de l'humidité de ce mois de décembre. Heureusement que j'ai mes gants, mon bonnet et mon écharpe. Je demanderai un manteau pour Noël à mes parents. Encore quelques semaines à tenir, Jimin.

Alors que je traverse un quartier résidentiel, je bifurque dans une ruelle, pris d'une soudaine inspiration. Je m'arrête devant la maison de Eun Jung et Beom-Seok. Il y a de la lumière à la fenêtre de la cuisine, j'aperçois la vieille dame, penchée sans doute sur son plan de travail ou son évier sous la fenêtre. Elle relève la tête, plisse les yeux, replace ses lunettes sur son nez et quand elle me reconnaît me fait un grand signe.

Elle disparaît de ma vue et j'aperçois une ombre passer derrière la vitre martelée de la porte d'entrée.

— Jimin ! Quelle belle surprise ! Tu rentres du travail ?

— Oui, je voulais passer voir comment va Guckie. Je ne vous dérange pas ?

— Mais pas du tout ! Seokie est à une réunion d'apiculteurs, il devrait rentrer d'ici quelques instants, je préparais le dîner justement. Entre, ne reste pas dehors par ce froid !

Je monte les trois marches qui me séparent de cet intérieur si chaleureux et ôte mes chaussures dans l'entrée.

— Guckie va très bien, le vétérinaire est passé le lendemain pour l'ausculter, il a juste un muscle froissé. Il a sans doute fait une chute un peu trop haute et s'est mal rattrappé. Il va déjà beaucoup mieux ! D'ailleurs nous n'avons pas réussi à le garder dans la maison plus que quelques jours, on aurait dit qu'il tentait de s'échapper d'Alcatraz à chaque fois que la porte s'ouvrait.

Je ris, rien que d'imaginer les péripéties du couple pour tenter de retenir leur chat à l'intérieur.

— Et toi, comment vas-tu ?

— Bien, je prépare les examens de fin d'année.

— Je suis sûre que tout va bien se passer pour toi ! Je le sens !

— Merci.

Je souris, nous sommes dans la cuisine, Eun Jung m'a fait asseoir à la petite table pendant qu'elle continue la préparation du repas. Elle fait chauffer de l'eau pour du thé tout en fredonnant un air à la mode qui passe souvent à la radio.

Nous discutons encore de tout et de rien un moment avant que le bruit d'une clé tournant dans la serrure de la porte d'entrée ne nous parvienne.

— Ah, voilà l'homme de la maison !

— Bonsoir, bonsoir ! Comment allons-nous ?

— Bien, le dîner sera bientôt prêt, tu veux bien mettre la table s'il-te-plaît ?

— Regarde-moi ça, Jimin, je n'ai même pas encore enlevé mon manteau qu'elle me donne déjà des ordres !

— J'ai dit, "s'il-te-plaît", tu veux que je le demande à coup de spatule ?

— Non, non, je m'incline Ô maîtresse suprême ! Répond Beom-Seok en prenant un air faussement effrayé.

— Je préfère ça. Répond Eun Jung en souriant.

Beom prend des bols dans l'armoire, des baguettes et des verres pour se diriger vers la salle à manger en me souriant. Cette ambiance si détendue apaise mon coeur et mon esprit pour quelques minutes.

Alors que Eun Jung s'apprête à amener la casserole de nouilles à table, je me lève pour prendre congé.

— Et où crois-tu aller ainsi, jeune homme ?

— Chez moi ?

— Tutututututut. Il est l'heure de manger, suis-moi.

J'obtempère, la menace de la spatule en tête, pour réaliser que Beom-Seok a mis la table pour trois, sans même se concerter avec sa femme.

Ils avaient naturellement décidé que je resterai pour dîner, alors que je débarque à l'improviste et que ce n'est que la deuxième fois que je les vois.

Eun Jung me fait asseoir à côté de son mari et sert de généreuses portions de bouillon de poulet, de légumes et de nouilles. Un délicieux parfum s'échappe de nos plats et j'ai le ventre qui gargouille.

— Merci pour ce repas. Dis Beom-Seok en joignant les mains au-dessus de son bol, les baguettes coincées à l'horizontale dans les creux que des pouces.

Nous l'imitons, en remerciant ainsi les cultivateurs, transporteurs, vendeurs et toutes les personnes qui sont intervenues de près ou de loin pour que cette nourriture parvienne jusqu'à nous.

— Merci mon ange, c'est délicieux, comme toujours. déclare Beom. 

Et c'est vrai que c'est délicieux. Je complimente également la maîtresse de maison, qui sourit d'un air entendu, elle sait qu'elle cuisine bien et balaie d'un revers de la main nos compliments.

— C'est avec plaisir mes enfants. Jimin, tu pourras en reprendre pour chez toi, il y en a bien assez.

— Merci beaucoup. Je répond, légèrement ému.

Nous mangeons tranquillement, j'écoute Beon-Seok m'expliquer qu'il s'est récemment inscrit dans un club d'apiculture qui entretient des ruches sur les toits des immeubles du quartier des affaires.

— C'est incroyable, sais-tu qu'il y a des millions d'abeilles en ville ! On n'imaginerait pas, puisque nous sommes loin de la campagne.

— Vous avez déjà récolté du miel ?

— L'année dernière, les collègues ont obtenu plus de 3000 pots ! Et tout à été vendu dans la boutique de l'Office du Tourisme, au centre-ville. J'ai hâte de participer à l'extraction et de voir quelle couleur il aura cette année, je pourrais en rapporter quelques-uns, je t'en mettrai de côté si tu veux, Jimin ?

— J'en serai ravi !

Après le dîner, j'aide Beom-Seok a débarrasser et faire la vaisselle pendant que Eun Jung cherche une émission de divertissement à la télévision.

— Elle adore voir les concours de chant, elle a ses petits préférés à chaque saison, toujours des petits jeunes tout mignons comme toi.

— Je t'entends Seokie ! intervient son épouse depuis le salon.

Nous pouffons de rire. Soudain, Beom se rapproche de moi avec un air de conspirateur.

— Tu as toujours le noeud que je t'ai donné la dernière fois ?

— Oh, oui, il est sur ma table de nuit dans ma chambre. J'ai trop peur de le perdre ou de l'abîmer.

— Non, non, non, tu dois le garder sur toi, gamin. C'est pas un attrappe-rêves. Fais-moi plaisir, garde-le dans ta poche chaque jour. Veux-tu que je t'en fasse un spécial pour la réussite aux examens ?

— Oh... euh... si ça peut vous faire plaisir.

— Arrête de me vouvoyer, je me sens vieux.

— D'accord... euh... si tu veux... mais je ne voudrais pas que ça te prenne trop de temps, je suis quasiment certain de tout réussir de toute façon.

— Tu ne déranges pas et puis un petit coup de pouce est toujours le bienvenu, non?

— Oui c'est vrai...

Nous terminons la vaisselle en silence, pendant que je cogite.

— Beom-shi ?

— Gamin ?

— Est-ce que par hasard vous... tu aurais quelque chose pour les... relations ?

— Amoureuses ?

— Euh... oui... peut-être. Enfin, pour se donner du courage. Tu vois ?

— Tu as une déclaration à faire à quelqu'un, Jimin ?

— Non, pas vraiment. Enfin, si. Mais... C'est compliqué.

— L'amour, c'est toujours compliqué. Je peux te faire un petit quelque chose pour demain soir, ça t'irait ?

— Ce serait parfait ! Mais je tiens à te payer !

— Hors de question. Je ne le ferai pas pour de l'argent, rien que savoir que tout se passe bien dans ta vie et que peut-être la magie de ma campagne y est un peu pour quelque chose sera mon paiement.

Comment ai-je rencontré des personnes merveilleuses moi, déjà ?

Je lui souris, un vrai grand sourire heureux, qu'il me rend en plissant les yeux.

— Aaaah, je ne vois rien quand je souris autant, mes yeux se ferment trop !

Je ris, parce que je sais exactement de quoi il parle.

Nous retournons au salon, où Eun Jung est absorbée par un concours de chant.

Beom-Seok s'assied à ses côtés et je reste quelques minutes dans l'embrasure de la porte à les observer, ce couple sans histoires, ces deux personnes si adorables que j'ai rencontrées complètement par hasard il y a quelques semaines.

— Je vais vous laisser, je travaille demain toute la journée.

— D'accord Jimin, fais attention sur la route et prend le reste de nouilles que je t'ai préparé dans l'entrée en partant.

— Promis, merci beaucoup pour votre accueil et le délicieux repas. Je répond en me pliant en deux.

— Ce n'est rien, va. Aller, file avant qu'il soit trop tard !

Beom-Seok se lève pour me raccompagner à la porte alors que sa femme me fait un signe de la main depuis le canapé.

Nous nous saluons une dernière fois, il laissera le petit gri-gri pour les relations amoureuses dans un sachet en plastique pour le protéger de la pluie derrière un des pots de plantes, pour ne pas que Eun soit au courant de notre petit trafic.

En rentrant chez moi, j'ai le coeur contenté. J'ai bien mangé et revoir les deux omégas m'a fait beaucoup de bien au moral. Je range le reste de nouilles au frigo avant de passer sous la douche. Namjoon m'était presque sorti de la tête, ainsi que les discours de mes deux amis. J'ai de quoi cogiter jusqu'à dimanche... Le temps va me sembler tellement long, et en même temps, je redoute le moment de notre "confrontation".

Je m'installe dans mon lit, assis contre les oreillers, les jambes recouvertes de ma couette épaisse. Je n'ai pas encore changé les draps depuis que Namjoon est venu, mais son odeur de forêt a déjà presque totalement disparu. Je presse mon nez contre le bord de la couverture, inspirant à fond pour capter la plus petite particule de parfum restante.

Namjoon... ma vue se brouille, de petites larmes coulent le long de mes joues. J'ai tellement peur d'avoir tout gâché. Malgré ce que m'a dit Hoseok, j'angoisse de l'avoir poussé à bout, d'avoir trop laissé traîner les choses. Maintenant que j'ai plus ou moins compris ce que je veux, je stresse d'avoir raté ma chance, qu'il soit trop tard.

Je prend mon téléphone en m'enfonçant un peu plus dans mon lit et ouvre Instagram.

J'ai quelques messages de Jungkook, des coeurs pour la plupart, un ou deux réels comiques. Rien de Namjoon. Il n'a rien posté de nouveau, ni photos ni story. Est-ce que je le stalke maintenant ? Peut-être...

Je fais défiler les photos de son profil, en prenant garde de liker, sinon il va recevoir une notification et ça serait trop gênant. Je m'arrête sur un selfie en noir et blanc, que j'avais déjà remarqué. Il sourit, les cheveux en bataille et le frond luisant de sueur. La photo a été prise de nuit, visiblement pendant un jogging. Il est terriblement attirant.

Cette photo ne fait que m'enfoncer un peu plus loin la pointe qui vrille mon coeur. J'espère tellement, tellement, tellement fort que je n'ai pas tout fait foirer... 

★

Jimin qui se fait remettre à sa place deux fois en une journée... Il fallait bien que ça arrive à un moment donné 🙃.

Prochain chapitre jeudi !

Prenez soin de vous !

I 💜 U