Mon père est mort. Mon père est mort. Mon père est vraiment mort. Plus jamais il ne se disputera avec ma mère. Plus jamais il ne me regardera avec tout le dédain du monde dans les yeux. Plus jamais il ne m'adressera son sourire plein de venin et ses paroles cinglantes. Plus jamais il ne défendra les reclus et laissés pour morts par cette société.

Je pensais que cette annonce me remplirait de tristesse, mais je me rends compte que ce n'est pas le cas. Cela fait-il de moi un monstre ? Je pleure l'homme qu'il était pour le monde et crache sur la tombe du père qui m'a élevé.

Malgré tout, il ne méritait pas ça. Il méritait de croupir en prison, de voir sa réputation détruite, de sentir la déception de tous ceux qui croyaient lui. Mais il ne méritait pas de perdre la vie d'une manière aussi ignoble.

Et toi, tu en penses quoi Enola ? Tu penses qu'il méritait d'être noyé au nom d'une vengeance anonyme ? Tu penses qu'il méritait cette souffrance ? Que ma mère méritait de se retrouver seule par la force des choses ? Que je méritais de perdre mon père ?

On n'a qu'une seule famille, tu le sais mieux que quiconque. Et tu sais encore mieux quelle abysse sans nom est la perte d'un être cher avant le pardon. Comment peux-tu me faire ça ? Comment peux-tu cautionner ça ?

Parfois, je meurs d'envie de te dénoncer. Le soir quand j'entends ma mère pleurer dans sa chambre. Ah oui, au cas où ça t'aurait échappé, je suis rentré chez moi. Je ne pouvais abandonner ma famille. Malgré tout ce qu'ils ont fait, ils restent mon sang. Et le pardon est la chose la plus importante que je puisse m'offrir. Pas à eux. Non. Car je n'apprécierai sans doute jamais ma mère, elle et son arrogance. Elle restera à jamais la femme violente de mon enfance. Mais à défaut d'être des bons parents, ils sont et étaient de grandes personnes. Ils œuvrent pour le bien. Je ne peux pas laisser l'entreprise de mon père couler avec lui sans que de milliers d'âmes seules en pâtissent. J'aime mon métier et ma réputation peut me perdre de faire de grandes choses, d'avoir un impact. J'en ai assez de ruminer ma colère. Le passé est le passé. Maintenant, je veux faire le bien.

Et c'est pour ça que je te ne dénoncerai pas. Mauvaise décision ou non, je l'ignore mais cela ne ramènera pas mon père et je sais mieux que quiconque quel monstre il a pu être. Je ne veux pas te condamner alors que tu traverses une période sombre. Je sais que tu as quitté les Naufrageurs. Je sais également que tu as appris pour le suicide de ta soeur. Maintenant, je te laisse faire face aux conséquences de tes actes.

Je tire un trait. Je ne te pardonne pas, je cesse simplement de t'en vouloir et de m'accrocher. Comme je l'ai dit le passé est le passé. Tu as choisi ton camp et moi, le mien. C'est terminé. Eden a été une belle période, une belle parenthèse, aujourd'hui close. Je reprends ma place.

Adieu Enola,

Ethan Thierness.