Chapitre XXVII : Roule - Soprano
Ethan
Je monte dans ma voiture et roule vers le laboratoire de Juline et Enola, la musique à fond. Je chantonne, dans l'espoir fou d'occuper mes pensées et de ne surtout pas les laisser partir vers la femme et son ultime phrase.Vous leur ressemblez beaucoup...
J'arrive en une dizaine de minutes au laboratoire. Je me gare à l'arrache devant avec comme objectif de ne pas rester. Mais alors que je m'attends à trouver la porte fermée à double tour, je suis surpris de la voir entrouverte. Je fronce les sourcils et mes mains viennent trouver mon arme. Je m'avance à pas de loup, pousse le battant du bout du pied et pointe le canon devant moi en entrant. Personne dans la boutique. En revanche, les odeurs de produits chimiques qui flottent dans l'air sont fraîches.
Je m'avance vers la jonction entre cette pièce et le laboratoire, toujours méfiant. La porte est également ouverte et je soupire de soulagement en découvrant Juline affairée derrière une payasse. De la musique classique empêche le silence de s'installer dans la pièce alors que je l'entends bougonner en remuant divers flacons. Je souris devant le bazar envahissant son espace de travail. Enola et son côté psychorigide feraient un infarctus...
En revanche, elle n'est pas très prudente... J'ai pu entrer et me tenir dans l'embrassée de la porte sans même qu'elle ne me remarque. J'aurais été un Naufrageur ou pire un chef, elle serait morte depuis longtemps.
— Juline ? l'appelé-je en toquant.
La jeune femme sursaute et aussitôt dégaine de sa blouse une fiole qu'elle envoie à mes pieds. Le verre explose et un liquide se répand sur le parquet. Je recule d'un bond, mais un gaz inodore me prend la gorge. Je porte mes mains à mon cou par réflexe avec espoir de me dégager. L'étau se resserre, mes poumons paniquent, en manque d'air. Je tombe à genou en gaspant. Respirer ! Je dois respirer !
— Oh mon dieu, Ethan !
Juline me rejoint en quelques enjambées et s'agenouille à ma hauteur. Elle débouche une fiole qu'elle me colle sur mes lèvres en me levant la tête de force pour me forcer à ingurgiter. Le liquide me brûle les lèvres, le palais et la gorge si bien que j'ai le réflexe de m'écarter, mais elle me maintient. Peu à peu, ce qui bloquait ma gorge se dissout et je prends enfin la goulée d'air tant réclamée. Je m'adosse contre le mur, savourant l'entrée d'oxygène dans mes poumons. Mon cœur emballé met quelques minutes à se calmer. Je retire ce que j'ai dit, peut-être qu'elle est suffisamment prudente en fin de compte.
— Je suis vraiment désolée... Je...
Je balaie ses excuses d'un revers de main et me redresse.
— Belle défense, marmonné-je d'une voix rauque en grimaçant de douleur.
— Je pensais que tu étais un Naufrageur.
Elle se dandine d'un pied sur l'autre, l'air coupable sur le visage. Je la fixe un instant, ses cheveux blonds désordonnés, ses ongles rongés, ses yeux rougis, cernés furetant rapidement sans jamais se poser. Cette femme transpire l'agitation, la fatigue et l'angoisse. Est-ce son attitude ordinaire ou la cause était-elle la situation pour le moins stressante ?
— Pas de soucis, lui assuré-je. J'ai des documents pour toi.
Je sors de ma veste la pochette avec les feuilles écrites et les lui tends.
— C'est tout ce que ma mère avait sur le remède, aussi bien la première version que celle des Naufrageurs sur laquelle elle travaillait avant d'être incarcérée.
Les yeux fatigués de la chimiste s'illuminent et elle saisit avec empressement les documents qu'elle feuillette sans attendre.
— Je ne sais pas en quelle mesure cela t'aidera... commencé-je.
— Cela aidera toujours ! m'interrompt-elle. Merci énormément...
Je hoche la tête et observe les fioles, tubes et divers flacons éparpillés sur les deux payasses occupées. Je reconnais certains liquides à l'odeur qu'ils dégagent en revanche, certains me sont complètement inconnus. Je retiens mes interrogations. Je n'ai pas le temps pour un cours de chimie.
— Tu en es où ? me risqué-je néanmoins à lui demander.
— J'avance, m'assure-t-elle, d'une voix tremblante. J'avance...
Elle se détourne pour refermer un flacon rempli d'une poudre jaune, mais j'ai le temps de voir une larme rouler sur sa joue. Mon cœur se serre. Je n'ose même pas imaginer la pression que Juline doit ressentir. Elle était censée être simplement la collègue d'Enola et la voilà qui se retrouve à la tête de la boutique, à devoir gérer les clients, les dealers et ce remède que tout le monde lui demande. Elles étaient deux et la voilà seule en sachant que si elle échoue, elle condamne son amie et son enfant à la mort. Mais sinon, aucune raison d'angoisser...
J'avise ses gestes tremblants.
— Tu devrais te reposer, lui conseillé-je gentiment. Depuis combien de temps n'as-tu pas dormi ?
Elle hausse les épaules sans répondre et empile plus ou moins délicatement des béchers sales qu'elle pose dans l'évier.
— Je dormirai quand Enola et Lilou seront hors de danger.
J'acquiesce, admiratif de cette dévotion sans faille. Puis je me souviens d'une chose.
— Tu n'étais pas censée être avec elles ? Elles se sont éveillées ? la questionné-je en tentant de masquer mon espoir.
Mais Juline secoue la tête, ne cachant plus ses larmes. Son regard plein de détresse rencontre le mien et je déglutis.
— Lilou est perfusée avec un somnifère très puissant. Elle ne se réveillera que lorsque je cesserai de lui injecter. Mais elle se dégrade en même temps que sa mère. Leur médecin est passé, je les ai laissés avec. Enola, elle... J'aurais aimé l'endormir également pour être sûre qu'elle n'empire pas son cas... Mais selon son médecin, ça ne servirait à rien. Au contraire, elle a besoin de tout son esprit pour lutter contre la folie. Je... Tu l'aurais vue, elle était si pâle... J'ai vérifié plusieurs fois qu'elle respirait tellement...
Tellement, elle semblait mal en point. Je serre les poings et grimace aussitôt de douleur. Je relève légèrement ma manche. Au dessus du bandage enveloppant ma main, la peau commence à noircir et à se nécroser. Merde... Le poison d'Enola progresse. Il faut dire que j'avais complètement oublié cette histoire d'antidote, me dopant aux anti-douleurs. Juline suit mon regard et jure en découvrant l'état de mon poignet. Elle retourne la boutique et reviens quelques secondes plus tard avec une petit fiole qu'elle me tend. Je ne me fais pas prier et l'avale. Je grimace aussitôt, la muqueuse encore sensible après l'acide qu'elle m'a fait ingurgiter tout à l'heure. Le goût est légèrement différent de l'antidote d'Enola.
— Cela ira mieux d'ici une heure. Mais il faut que tu tiennes le traitement si tu ne veux pas perdre ta main, me tance-t-elle en me mettant un autre flacon entre les mains. Quelques gouttes toutes les deux heures.
Je hoche la tête et la remercie du bout des lèvres avant de gentiment prendre congé. Ma tante et Isis vont m'attendre.
— Je dois y aller, j'ai des interrogatoires à mener. Juste une question, est-ce par hasard, tu as des cristaux de vérité, ici ? Je sais qu'Enola en fabrique, mais...
Elle acquiesce et se dirige à pas vifs vers une porte que je n'avais pas remarquée. Elle en revient quelques secondes plus tard avec une petite boîte en bois carré qu'elle me donne.
— Tu peux les dissoudre dans l'eau ou les exploser entre des doigts. L'effet est immédiat pour quiconque les respire ou les avale. Attention si tu ne le dilue pas, à ne pas en inhaler où tu seras soumis à la même règle que tes victimes. Tu dois retenir ta respiration au moins vingt secondes.
— Merci...
Je saisis la boite que je range dans ma poche. Mes doigts effleurent le papier dans ma poche. J'hésite un instant. Si je lui donne, je ne pourrai jamais plus faire marche arrière. Juline me sourit faiblement et se détourne. Je serre la feuille pliée entre mon pouce et mon index. Pour Enola. Puis avant de changer d'avis, je la sors et la pose sur la table entre les autres pages du dossier. Je tourne alors vivement les talons pour quitter la laboratoire. Avant de sortir, je lance par-dessus mon épaule.
— Tu vas y arriver, Juline. Aies confiance en toi.
Puis je claque la porte derrière moi sans attendre de réponse. Sans me laisser le temps de me jeter sur le tas de papier pour récupérer cette lettre qui va tout faire exploser.
***
J'arrive chez moi en tremblant, la mâchoire serrée. J'ai dû mettre toute ma volonté sur le pont pour m'empêcher de faire demi-tour et de reprendre cette maudite lettre. Celle qui me transformera à jamais aux yeux d'Enola. Celle qui lui montrera mon vrai visage. Je secoue la tête. Tu fais ça pour elle. Pour la sauver.
Je jette un coup d'œil à ma montre et jure en constatant que je suis en retard. Ma tante ne va pas me louper... Je passe la porte, déjà rassuré de ne pas voir ma sœur attendre sur le pallier. Je n'étais pas sûre que Dorianne la laisse entrer malgré ma demande plus qu'explicite. Silence dans la maison. Bonne nouvelle, non ? Je me dirige sans tarder vers le salon et ne tarde pas à trouver les deux femmes de ma famille dysfonctionnelle. L'une sur la canapé dans une brochure X et l'autre sur la table dans un livre de droit, s'ignorant cordialement. Je soupire. J'imagine que c'est déjà ça.
Je toussote pour attirer leur attention. Iris m'offre un grand sourire et se lève pour me prendre dans les bras. Je lui rends son étreinte avec soulagement et joie, malgré ma résolution de rester neutre. Faites que ça ne soit pas elle...
— Comment tu vas ? me murmure-t-elle à l'oreille.
Elle est la seule avec Aaron à connaître des tracas que je ressens depuis l'arrestation de notre mère. Je ne me suis pas confiée à elle au point de lui parler d'Enola, mais ma demi-sœur reste un de mes piliers les plus sûrs. Je me mords la lèvre. Je ne veux vraiment pas qu'elle me trahisse.
— Bien, je mens en la repoussant gentiment.
Elle m'adresse un sourire sans équivoque. Elle n'en croit pas un mot. Son regard m'interroge et je plisse légèrement les yeux pour lui faire comprendre d'abandonner, qu'on en parlerait plus tard. Si elle n'atterrit pas au poste... Je salue ma tante d'un signe de tête.
— Tu as une tête d'enterrement, commente-t-elle en lâchant sa revue pornographique. Pourtant je ne crois pas que Morgane ait été exécutée. Ou alors on m'a caché la nouvelle ? Dis-moi que c'est ce que tu viens nous annoncer.
Je réponds à ses provocations par un regard noir qui la laisse indifférente. Iris me saisit la main bandée.
— Qu'est-ce que tu t'es fait ?
— Je me suis brûlé. Rien de grave, lui assuré-je en reprenant ma main et m'asseyant à côté d'elle sur la table. Tata vient avec nous s'il te plaît.
Celle-ci maugrée mais se déplace quand même pour se laisser tomber gracieusement sur une chaise en face de nous. Je vais leur proposer un café ou un thé quand Dorianne me coupe l'herbe sous le pied.
— Non, on ne veut ni manger, ni boire, juste se trouver à des kilomètres l'une de l'autre alors range les manières que tes parents t'ont inculquées. Accouche, le diplomate, je sais que tu ne nous as pas fait venir ici pour le plaisir de notre compagnie alors qu'est-ce que tu as à nous dire de si urgent.
Je masse la joue en marmonnant dans ma barbe. Elle ne fait pas dans la diplomatie et les fioritures, elle en tout cas. Et c'est d'ailleurs ce qui a toujours coincé avec mes parents. Dorianne est incapable de rire quand ça ne va pas, de sourire à des gens qu'elle n'aime pas, de se taire quand elle n'est pas d'accord. Elle est incapable d'arborer le masque d'hypocrisie que mes parents chérissent tant. Ma tante est alors que eux semblent.
Mais je me redresse sur ma chaise et sors délicatement la boite de Juline que je pose sur mes genoux. Je les fixe chacune leur tour d'un regard que je veux froid et imperturbable. Si l'expression de ma tante oscille entre la curiosité et l'ennui, celle d'Iris se teinte d'appréhension. Mon cœur loupe un battement. Non, pas toi...
— Je vous ai demandé de venir pour vous faire part de mes avancées sur l'enquête de la mort de mon père, je leur apprends en ôtant le couvercle de la boite de Pandore.
Ma tante soupire exagérément tandis qu'Iris fronce les sourcils.
— Tu es toujours là-dessus ? Putain, Ethan, faut avancer au bout d'un moment, c'était il y a huit ans, tourne la page !
— Et qu'est-ce que tu as trouvé ? s'informe ma sœur, plus calme.
J'attrape avec le plus de douceur possible un cristal visqueux entre mes doigts et prends une grande inspiration.
— Je pense que le commanditaire de l'assassinat est assis à cette table, lâché-je rapidement en serrant le cristal de vérité à l'en faire exploser.
Je ne relâche pas ma respiration alors que je sens le liquide se rependre sur mes doigts et donc certainement le gaz dans l'air. Le silence se fait dans cette maison habituée à deux ambiances bien distinctes. Ici soit on hurle soit on se tait. Soit on est hypocrite, soit on est cruel. Ces murs ont entendu les pires mots, subit les silences les plus étouffants que sont les calmes précédant et suivant une bataille sanglante. Les bruits de vaisselle cassée, les cris, les pleurs, les insultes, les meubles renversés, les sourires faux et l'absence de rire, de joie. Voilà ce que ces murs ont connu. Voilà tout ce que ma famille a toujours connu.
Iris me regarde comme si je devenais fou alors que Dorianne éclate de rire.
— Tu n'es pas sérieux ? souffle ma sœur, d'un air choqué.
— Il est plus que sérieux, s'esclaffe ma tante.
Je ne me démonte pas face à l'insolence de Dorianne. Je ne me laisse pas attendrir par les yeux larmoyants et blessés de ma demi-sœur.
— Dorianne, combien d'argent as-tu détourné dans le dos de mes parents ?
— Olala au moins vingt-cinq milles, ironise-t-elle avant de préciser : Par an. Ton père avait la mauvaise manie de tout cacher dans des coffres avec ta date de naissance.
Je ne m'attarde pas sur cette information qui fait pourtant accélérer mon stupide cœur et me tourne vers Iris.
— Et toi, n'as-tu pas essayé au moins une fois d'un point de vue juridique de les faire chuter en cherchant des failles dans leur muraille imprenable ?
— Bien sûr que si, mais je n'ai jamais rien trouvé.
Ma sœur écarquille les yeux avant de poser la main sur sa bouche comme elle n'en revenait pas d'avoir avoué ça alors que le rire de ma tante redouble en intensité. Parfait, le sérum fonctionne. Je ne m'attarde pas sur leur réaction et surtout ne leur laisse pas le temps de comprendre ce qu'il se passe pour poser ma question. La question pour laquelle je crains plus que tout la réponse. Pourtant ma voix ne tremble pas.
— Avez-vous, oui ou non, le moindre rapport avec le meurtre de mon père et, ou la confrérie des Naufrageurs ?
— Non ! Mais crois-moi, j'aurais aimé ! se dépite Dorianne en se levant récupérer son verre de vin sur la table basse. À la santé du génie, responsable de leur situation ! Et puisse Morgane crever la bouche ouverte !
Mon cœur s'arrête lorsque je tourne la tête vers Iris qui n'a toujours pas répondu. Le désespoir se bat sur son visage alors qu'elle lutte de toutes ses forces contre la vérité qui veut sortir de sa bouche. Non... Le sang déserte mon visage et mes jambes se mettent à trembler. Ma sœur me fixe et dans ses yeux luit une panique telle que j'en ai rarement vue sur ses traits.
— Non, Iris... Pas toi... soufflé-je.
Les larmes coulent silencieusement sur ses joues. Enola avait raison, putain.
— Ethan... Non, ne m'oblige pas à faire ça, sanglote-t-elle.
Mais mon visage reste de marbre.
— Dis-le, lui ordonné-je. Dis-moi la vérité.
— Je... les ai appelés, oui, commence-t-elle. J'ai appelé les Naufrageurs pour commanditer l'assassinat de ton père. Morgane venait de me verser mes premiers acomptes pour mon travail. Avec mes économies, j'avais juste assez pour...
Pour faire tuer mon père. Je la regarde pleurer en silence. Je regarde celle que je croyais la plus saine d'esprit, la plus pure dans cette famille de monstres et de tarés avouer un meurtre. La seule de qui la trahison aurait pu me blesser. La seule qui avait le pouvoir de me planter un couteau dans le dos. Je réalise à cet instant précis à quel point aimer quelqu'un, c'est se sacrifier soi-même. Toutes les personnes à qui j'ai donné mon affection ne m'ont apporté que de la souffrance. Ma mère, mon père, Enola et maintenant Iris.
— Pourquoi ? dis-je simplement.
— Il était violent ! C'était un monstre ! À cause de lui, tu étais parti et à cause de ça, j'étais obligée de vivre dans cette maison si je ne voulais pas que ma famille adoptive en paye les conséquences ! J'étais toute seule, Ethan. J'étais toute seule et j'avais peur. Alors oui, j'ai commandité son assassinat. Car je savais que s'il mourrait, tu reviendrais définitivement. Que tu ne me verrais plus seulement dans un café. Et que je ne serais plus seule dans cette fosse aux lions.
Je ne bouge pas. Je ne réagis même pas à ces propos délirants.
— Pourquoi avoir condamné notre mère alors ? Tu as eu ce que tu voulais, je suis rentré. Alors pourquoi t'acharner comme ça ?
Iris sursaute devant mon hurlement de colère. Je me rends compte que je viens de me lever violemment, envoyant valser ma chaise. Je tremble de tout mon corps.
— Quoi... Mais non, ce n'est pas moi...
Je me penche vers Iris qui recule d'un pas. Je lis la peur dans ses yeux et au lieu de me faire une électrochoc, je m'avance d'avantage pour lui poser une dernière question. Son dos bute contre la fenêtre. Elle hoquette, acculée, terrifiée.
— Es-tu oui ou non cheffe de la confrérie des Naufrageurs ?
Ses yeux s'écarquillent d'un coup et la réponse pulse de sa bouche sans hésitation.
— Bien sûr que non !
Je recule à petits pas et me tourne vers ma tante qui a cessé de rire pour nous observer, une expression sérieuse sur le visage.
— Et toi ? Es-tu cheffe dans la confrérie des Naufrageurs ?
Dorianne se désigne d'un geste de la main.
— Tu me vois cheffe d'une confrérie d'assassin ?
Je lui envoie un regard noir. Je n'ai pas le temps et encore moins l'envie de jouer aux devinettes.
— Oui ou non ? articulé-je, d'une voix plus froide qu'une campagne en décembre.
Elle me rend mon regard sans sourciller.
— Non.
Mon expression se ferme et je tourne les talons pour quitter cette maison de malheur qui n'accueillera définitivement que de la souffrance. Au moment où je passe à côté d'elle, Iris me saisit par le bras pour m'arrêter mais je la repousse violemment. Elle tombe au sol dans un cri de douleur. Je ne la regarde pas et continue ma route vers la sortie.
— Pourquoi, Ethan ? crie-t-elle à son tour. Tu détestais ton père !
— On déteste un homme vivant, articulé-je sans me retourner. À sa mort, il ne reste plus que la haine. Et plus personne sur qui la décharger.
Mon père a tâché de son ombre mon enfance, mais sa mort a gâché ma vie à jamais. Sa mort a tué Eden. J'ai la main sur la poignée de la porte d'entrée quand ma tante m'interpelle. Je jette un coup d'œil par dessus mon épaule. Dorianne se tient dans l'embrasure du salon et lève son verre dans ma direction. Son regard de lionne m'incise, me provoque.
— Bravo, Ethan. Ton père doit être tellement fier de son fils à l'heure actuelle...
Je ne réponds pas et claque la porte de chez moi. Je me dirige comme un automate vers ma voiture dans laquelle je monte. Ni une ni deux me voilà parti. Vers où, je ne sais pas. Mais loin de cette maison et de ces gens qui ne savent faire autre chose que mentir et tuer. Mon âme met plusieurs minutes à réintégrer mon corps et au moment où je me gare, je me rends compte que je suis devant l'immeuble d'Enola.
Mon premier réflexe a été d'aller chez elle. Comme cette nuit où elle m'a accueillie dans sa maison chaleureuse alors que je quittais la mienne glaciale. Grâce à elle, je n'ai pas été seul ce soir là. Mais aujourd'hui, je ne peux me réfugier dans ses bras. Je ne peux pas être égoïste. Je dois assumer et accepter qu'aujourd'hui, je suis seul face à moi-même.
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