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Chapitre XXII : Crazy - J2

« Les médecins ont dit que j'étais enceinte. Je porte un bébé. Un bébé d'Eden. Il n'est pas trop tard pour avorter. Mais est-ce que je veux ? Je veux retrouver le meurtrier de ma sœur. Je veux qu'il paye. Pourquoi la confrérie n'a-t-elle toujours rien fait ? Pourquoi mes parents et la police ont-ils tous abandonné ? »

Extrait du journal d'Enola sous dilitírio

Je sors de la pièce avec difficulté debout sur mes bras. Ma blessure au dos a l'excellente idée de se rappeler à moi à cet instant. Une personne se lève d'un bond et une chaise à roulettes cogne contre un mur.

— Elle est avec moi, affirme Ethan qui devait attendre à l'entrée avec le nouveau gardien.

Je commence à avancer vers lui, vers Lilou. Ma jambe toujours aussi inerte traîne derrière moi. J'appelle vainement mon genou à se plier mais la ligne doit être occupée car personne ne répond au niveau de mes articulations. Mon souffle est court, mes bras me lancent, souffrant du poids de mon corps. Un pas. Deux pas... Allez Enola... Trois pas. Quatre... Quand soudain une béquille est violemment attirée en avant. Je pousse un cri de surprise. Mais une main sûre me rattrape par le coude avant la chute et me redresse.

— Merci, soufflé-je à Ethan.

Je tente de récupérer ma respiration. Je suis déjà hors d'haleine alors que je viens de parcourir à peine dix mètres. Une vive douleur pousse dans ma cage thoracique et me fait grimacer à chaque inspiration. Je tente de reprendre mon chemin, mais je manque de glisser à nouveau. Mes bras tremblent.

— Bon, ça suffit, marmonne Ethan. Restez-là. Je dépose Lilou à la voiture et je reviens vous chercher.

La peur me fait redresser aussitôt la tête.

— Non ! On ne peut pas la laisser seule ! Elle pourrait...

— Je vais verrouiller la voiture, on la voit d'ici, et j'ai mon arme. Lilou ne craindra rien, me rassure-t-il.

Je secoue la tête, obstinément en essayant d'avancer. Mais je glisse à nouveau. Ethan me rattrape encore.

— Faites-moi confiance... souffle-t-il. Je ne vais pas vous lâcher.

Je tente de faire un pas de plus mais soyons réaliste. Je n'arriverai jamais à la voiture. Je tourne la tête vers Ethan et le fixe à travers mon obscurité. Lui faire confiance... Je finis par acquiescer, à contre-coeur. L'homme me lâche avec précaution et s'éloigne à pas vifs. Je guette la direction dans laquelle il se dirige comme si j'allais pouvoir le rattraper s'il s'enfuyait maintenant avec ma fille. Je l'entends ouvrir la porte de la prison et plus rien. Je tente de raisonner mon cœur qui s'emballe.

— Tu viens bêtement de lui confier ce que tu as de plus précieux, là ? me questionne ma sœur.

Je sursaute, manquant de tomber à nouveau.

— Elle vient vraiment de lui confier ce que nous avons de plus précieux, confirme Eden. Alors comme ça, tu penses à me retrouver fille-aux-serpents ? Mais qu'est-ce qui te dit que je voudrais te revoir ?

— L'espoir fait vivre à ce qu'on dit, commente Laurie.

Je l'ignore, attendant qu'Ethan revienne. Car il va revenir...

— Mais oui, il va revenir... Jo te l'a dit. Ce mec est un épris de justice, pas un monstre. S'il avait voulu te faire chanter avec Lilou, il l'aurait déjà fait.

— Moi, je l'aime bien cet Ethan. Il sait ce qu'il veut et ne s'abrite pas derrière de faux semblant.

— Tu aimais tout le monde, Eden, tu n'es pas une référence.

— Oh fermez-là ! m'exclamé-je, à bout de nerf. Pour une fois, fermez-là !

Je me mords la lèvre en soupirant. J'ai parlé à voix haute... Je n'imagine même pas la tête de la standardiste.

— Franchement, tu as déjà l'air d'un cadavre, elle a juste dû rajouter folle à lier à son portrait mental. Tu as la même tête que moi, après que j'ai sauté de ce pont.

Avant que je ne puisse rembarrer ma sœur, Ethan pousse la porte dans le sens inverse. Il s'arrête, proche de moi.

— Je peux... vous toucher ?

— Oh, mais fais-toi plaisir... Je ne sais pas depuis combien de temps elle n'a pas couché, mais je pense qu'entre ses jambes, c'est plus sec que le désert du Sahara actuellement...

J'acquiesce, la gorge sèche, retenant ma remarque acerbe. Ce n'est qu'une hallucination. Ethan se penche et soudain, mes pieds décollent du sol. Je me fige aussitôt dans ses bras, prise par un vertige. Les antidouleurs sont en train de se dissiper. Il faut que j'en reprenne une dose.

— Vous avez récupéré mes affaires ?

— Oui.

— Ne quittez pas des yeux la voiture, le supplié-je.

J'inspire profondément pour calmer la nausée qui retourne mon estomac au rythme de ses pas. L'odeur de lessive et son incommensurable effluve de pêche m'assaillent. Nous arrivons à son véhicule en quelques minutes efficaces – ce qui aurait été bien moins le cas si j'avais fait le trajet en béquilles.

— Je vais vous poser, me prévient-il. J'ai besoin de mes mains pour prendre les clés.

J'acquiesce et accepte avec bonheur le contact de la carrosserie froide dans mon dos. Le vent fouette mon visage et quelques mèches rebelles de mon chignon titillent les brûlures de mon visage. Je les recrache avec peu de grâce lorsqu'elles s'immiscent entre mes lèvres. Il m'ouvre la porte et m'aide à m'y rentrer. Je porte ma jambe qui a visiblement décidé de ne faire aucun effort physique. Je me retourne à l'affût de la respiration de Lilou. Elle dort toujours. Ethan s'installe et démarre.

— On va interroger Dorianne ? me propose-t-il. Ou Iris en prem...

— Pourquoi vous ne m'avez pas dit que votre mère travaillait sur un antidote au dilitírio ? le coupé-je froidement.

Ethan soupire. Il prend un temps de réflexion comme pour bien peser ses mots.

— Parce que je savais que vous voudriez discuter avec elle et je voulais éviter cette entrevue. Ma mère ne vous aidera pas gratuitement, Enola. Même si elle venait à trouver cet antidote, cela serait uniquement pour la gloire, pas pour libérer les Naufrageurs. Elle ne le ferait même pas. Le gouvernement ne le permettrait pas. Ils ont besoin de boucs émissaires.

Certes... Ces arguments se défendent. Mais peut-être ne voulait-il également pas que l'on ne trouve d'antidote...

— Mais est-ce que je pourrai avoir accès à ses travaux ? insisté-je.

L'héritier Thierness grince des dents.

— Je verrai ce que je peux faire sans attirer l'attention.

Je le remercie du bout des lèvres. Un petit instant de silence s'installe dans la voiture. Quant à moi, je tergiverse. A-t-il entendu les dernières phrases de sa mère ? Serait-il possible que je me sois trompée et qu'elle soit la véritable cible de cette machination ? Dans ce cas-là, nous ne partons pas du tout dans la bonne direction pour retrouver les chefs...

— Vous pensez que tout cela peut être à cause du remède ? Qu'elle était trop avancée dans sa conception et que les chefs ont décidé de la faire taire ?

— Je ne sais pas... C'est ce que je suis en train de réfléchir...

Il a donc bien entendu.

— Il faudrait vérifier son travail pour le savoir, je lui fais remarquer. Car si on se trompe de cible depuis le début, on file droit dans le mur et on perd du temps...

— Je sais... souffle Ethan. Je vais vous déposer à votre laboratoire. Rien ne sert d'interroger Iris et Dorianne avant d'être sûrs de nous.

— Vous allez faire quoi ?

— Je vais aller chercher les travaux de ma mère. Avec un peu de chance, ça vous avancera et de toute manière, ça nous aiguillera rapidement si vous pensez pouvoir les analyser.

— Juline le fera. Elle est meilleure que moi avec les chiffres et protocoles officiels.

— Bien...

— Bien... répété-je en me calant contre la vitre.

Je me masse le crâne espérant faire fuir la migraine qui m'envahit mais c'est peine perdue. Je fouille dans ma besace à la recherche des antidouleurs du docteur Bourrin. Le goût infâme du comprimé se disperse dans ma bouche sans état d'âme. Je grimace.

Le silence est troublé par le téléphone de service d'Ethan qui vibre. Il y jette un coup d'œil puis tique. Je tourne la tête vers lui.

— Un problème ?

— Je viens de recevoir un message de Will me demandant d'aller jeter un œil à une ruelle pas loin. On lui a signalé un homme ivre dans le mal sur la voie publique. Ça vous ennuie si on passe rapidement ? Juste le temps de vérifier et d'appeler les pompiers si besoin. Je n'ai pas le temps de faire un détour.

Je hausse les épaules. Tant que ça ne prend pas deux heures... Et on ne va pas laisser un gars aussi ivre soit-il dans le froid de février. Si l'alcool réchauffe mentalement, les températures négatives sont toujours aussi mordantes.

— Pas de soucis.

Nous roulons encore un bon quart d'heure avant d'arriver dans la dite ruelle. Ethan se gare et descend de la voiture, warning allumés. J'entrouvre ma portière et hume l'air pour me situer dans la ville. Je sens la fumée des manifestations, les déchets abandonnés par la grève des éboueurs, mais rien qui ne me permette de nous localiser avec certitude.

J'attends quelques minutes la porte légèrement ouverte, écoutant Ethan appeler vainement un homme introuvable. Même moi, je ne sens pas l'odeur rance de l'alcool, ou de quelconque trace type vomi d'une personne en état d'ivresse avancé. Qui que ce soit, il est parti depuis longtemps. Je me tourne vers Lilou que j'entends s'agiter dans son sommeil. Elle geint en marmonnant des mots que je ne comprends pas. Sa respiration s'accélère sans qu'elle ne réveille pour autant. Je me détache et vais la rejoindre à l'arrière pour la calmer quand une rafale de vent m'amène une senteur qui me fait me raidir tout entière. Du dilitírio. Un Naufrageur est tout proche. C'était un piège.

— Ethan ! hurlé-je sans sortir. Naufrageur sur les toits à droite !

Je me hâte de refermer la porte et active la fermeture centralisée. Ethan a des yeux et une arme. Il devrait réussir à lui échapper pour regagner la voiture. J'entends alors un bruit sourd, comme si quelqu'un atterrissait après un saut d'une certaine hauteur. Lilou se réveille à cet instant en criant. Puis la poignée de la portière se met à être malmenée. Je hurle à mon tour et m'écarte comme je peux. Ma main tremblante vient chercher des herbes paralysantes dans ma besace. Où est Ethan bon dieu ? Lilou pleure, je l'entends détacher sa ceinture et sens ses petites mains accrochés mon bras. Les gémissements que pousse la voiture ne me laissent pas grand doute sur la résistance de cette portière. Il ne la touchera pas. Prenant les devants, je l'ouvre et la pousse de toutes mes forces pour déséquilibrer le Naufrageur. Du plat de la main, j'éloigne Lilou le plus possible et envoie ma poudre dans l'air. Des hoquets m'indiquent que j'ai fait mouche. Je continue de retenir ma propre respiration quelques secondes puis la relâche avec précaution.

— Enola ! m'appelle Ethan en arrivant en courant.

Mieux vaut tard que jamais, j'imagine !

— Assommez-le ! l'invectivé-je d'une voix rauque.

Je l'entends contourner la voiture et trouver le ou la Naufrageuse, le corps secoué de spasmes, cherchant de l'air.

— Ethan, bon dieu, il est en train d'éliminer le poison, assommez-le moi ! répété-je.

J'entends le clic de sécurité de son arme s'ôter et j'écarquille les yeux en comprenant qu'il va tirer. Il va le tuer ! Mon sang ne fait qu'un tour.

— Non ! crié-je en bondissant en avant pour m'interposer.

Ma jambe ne supportant pas mon poids, je m'écroule et Ethan me rattrape comme il peut, perdant son objectif de tir.

— Mais vous êtes complètement folle ! Il a failli vous tuer !

— Justement ! rétorqué-je en m'accrochant à lui pour ne pas tomber.

— Quoi ?

Dans son ton résonne toute son incompréhension, mais je n'ai pas le temps de développer qu'on est interrompu par une voix lointaine, étouffée.

— Abandonne-les. Remonte la rue, infiltre la manifestation et tue la première personne qui te touchera.

Les hoquets se tarissent au même moment et nous n'avons pas le temps de réagir que le Naufrageur est sur ses pieds. Ethan me repousse violemment dans la voiture, faisant barrière de son corps. J'étouffe un cri de douleur.

— Tic tac, Enola. Qui sauveras-tu ? Un innocent ou ce...

Les pas étouffés de l'homme qui court emportent cette voix impérieuse que je reconnais à présent. Rustid...

— Enola, tu m'entends ?

Je secoue la tête en me frottant les yeux. Lorsque je les rouvre, ma vision est trouble. Eden agite sa main devant moi comme pour me ramener à la réalité.

— Désolée, j'étais dans mes pensées.

— Oui, j'ai bien remarqué, s'amuse-t-il en me poussant gentiment. Tu étais même très loin.

Je souris en lui rendant sa bousculade.

— Tu réfléchissais à ton épreuve ?

Non, plutôt à un mensonge convenable pour pouvoir reprendre mes petites expériences en douce. Depuis qu'Eden s'est installé à la maison, j'ai fait en sorte d'être présente pour lui. Je ne voulais pas le laisser seul, ressasser ses souvenirs et sa situation. J'ai tout fait pour qu'il ne se sente jamais délaissé. Mais cela m'a obligée à mettre en pause le reste de mes activités. Et si je ne veux pas épuiser mes réserves d'argent, il faut vite que je puisse reprendre. L'excuse du babysitting dans les quartiers plus aisés marchait sur mes parents pour justifier mes absences et les rentrées d'argent. Cependant, j'ai vite remarqué qu'Eden était très doué pour débusquer les mensonges, surtout les miens. Je sais que ça ne passera pas avec lui. Et je ne peux lui avouer que je produis clandestinement de la drogue dans le laboratoire de chimie du lycée pour gagner un peu d'ados. Lui qui a la vérité et la non-violence comme valeurs principales, il ne l'acceptera jamais. Et je ne veux pas le perdre. Tout comme je ne peux me permettre d'arrêter. Si je ne gagne plus d'argent, je peux dire adieu aux médicaments que je glisse discrètement dans la nourriture de ma famille lorsque quelqu'un est malade.

— Enola ? La terre appelle la lune, tu es repartie !

— Non... Enfin oui, en quelque sorte, balbutié-je en secouant la tête.

Eden rit et passe son bras sur mon épaule pour m'attirer à lui.

— Arrête d'angoisser comme ça, ça va bien se passer... Et puis tu as encore deux mois avant la prochaine épreuve.

Je me laisse aller à sa chaleur réconfortante sans chercher à le détromper. J'enserre sa taille et appuie ma joue contre son torse. Ma mère a raison quand elle affirme qu'il peine à reprendre des kilos depuis qu'il est chez nous. Même si ses joues paraissent moins creusées, je sens encore ses côtes rien qu'en enlaçant ainsi. Les années d'angoisse qu'il a connues chez lui ont laissé plus de traces qu'il ne veut laisser paraître. Je déglutis en songeant à la cicatrice que j'ai aperçue la dernière fois qu'il était en tee-shirt. Elle court sur son biceps de part et d'autre. Je n'ai pas osé le questionner sur son origine. Eden a beau faire bonne figure, je l'entends encore gémir dans ses cauchemars. Les plaies les plus longues à cicatriser sont également celles qu'on ne voit pas au premier coup d'œil.

— Hellooo les amoureux, scande Calie.

Je sursaute et m'écarte d'un bond d'Eden qui éclate de rire.

— J'interromps quelque chose ? nous susurre-t-elle, malicieusement.

Je lève les yeux au ciel, sans prendre la peine de la rectifier. Un jour, un vieux sage a dit qu'il fallait apprendre à choisir ses combats. Depuis que j'ai présenté Eden à Calie, il y a trois semaines, elle ne cesse de me charrier. Si j'ai au début tenté de lui faire entendre raison, j'ai vite abandonné. Si elle veut penser que nous refoulons nos sentiments l'un pour l'autre, grand bien lui fasse.

— Mon câlin mensuel, geint Eden d'un air faussement déchiré. Pour une fois que j'arrive à l'amadouer, tu abuses, Calie...

Je souffle, feignant d'être agacée.

— Oh mon pauvre chou, mais viens, je vais t'en faire un de câlin ! lui assure ma meilleure amie en lui ouvrant grand les bras.

— Euh non merci... Tout bien réfléchi, ça ira.

Calie s'élance vers lui en mimant des bisous de sa bouche, je les laisse se courir après en les observant d'un œil mi-las, mi-amusé. Des gamins... Soudain Eden passe derrière moi pour éviter les bras de la peste blonde et je me retrouve plaquée contre lui.

— Eh ! m'exclamé-je en me débattant.

Mais sa prise au niveau de ma taille est ferme à ce bougre !

— Approche et je l'entraîne dans l'étang avec moi ! menace Eden en s'agrippant davantage à moi.

Pardon ? Je me fige entre ses bras et tourne la tête pour voir son large sourire et son regard pétillant à quelques centimètres de moi. Putain, il est sérieux en plus l'enfoiré...

— Tu crois que ça me fait peur ? le nargue Calie.

— Quoi ? Eh non ! J'ai rien à voir là-dedans moi ! je me crie en me débattant à nouveau.

Mais rien n'y fait. Les mains d'Eden sont trop fermes autour de moi et ce n'est pas mes un mètre cinquante et des brouettes qui vont le déséquilibrer, lui, le champion de sports de combats. J'observe Calie qui malgré mes supplications continue d'avancer, bien décidée à pousser Eden dans ses retranchements. Je recule en même temps que mon nouveau colocataire. Elle ne le croit pas capable de le faire. Mais moi, je sais parfaitement qu'il n'hésitera pas. Je m'agite juste assez pour sauver mon sac en cuir avec mes cours et mes partitions dedans. Je regarde mes pieds à mesure que nous reculons. Mes chaussures s'enfoncent dans l'herbe de plus en plus humide. Je retiens mon souffle lorsque les lèvres d'Eden viennent effleurer mon oreille.

— Désolé, fille-aux-serpents...

— Non, Eden, je t'en prie... l'imploré-je, on va être trempés...

Son rire résonne encore au moment où nous basculons tous les deux. Je lâche un cri de surprise étouffé par l'eau entrant dans ma bouche. Je ferme les yeux par instinct... Et les rouvre sur des ténèbres profonds en prenant une grande inspiration. Mon cœur bat la chamade, je me redresse vivement. J'agite mes mains comme pour sortir de l'eau et je percute du fer dans un cri de douleur.

— Eh, eh, eh ! me tempère une voix enrouée sur ma droite.

Je tourne vivement la tête. Trop vite. Vertige. Je retiens un haut-le-cœur et articule avec difficulté.

— Où, quoi ?

Je me frotte le visage, mes mains heurtant mes cicatrices dans une grimace de douleur. Lilou, Ethan, la prison, le retour, le Naufrageur. Le rire d'Eden résonne encore dans mon crâne, mélodie douloureuse du passé. Je déglutis difficilement en me redressant avec l'aide d'Ethan. Tue la première personne qui te touchera. Mon cœur loupe deux, trois, quatre battements.

— Il est parti par où ? articulé-je, paniquée. On doit le rattraper... On doit...

Deux mains se posent sur mes joues. Deux mains froides qui m'aident à redescendre en pression.

— Il est parti par les toits. En voiture, on sera bien plus rapide que lui. Alors respirez, ce n'est pas le moment de faire une crise cardiaque. Votre fille est dans le même état de vous, alors reprenez-vous !

Je tourne aussitôt la tête vers la voiture. Son ton est calme malgré la situation pour le moins désespérée et alarmante. Il s'écarte alors et contourne le véhicule en courant tandis que je m'installe à ma place. Je claque la portière miraculeusement en état en tremblant. Lilou me rejoint aussitôt sur mon siège. Son corps s'agrippe au mien comme à une bouée lors d'une tempête. Je la serre contre moi en lui murmurant des mots que j'espère apaisants.

Ethan met le contact et démarre sur les chapeaux de roues. Je m'accroche à mon siège en secouant la tête. Allez, Enola ! Tu dois te reprendre ! Ne les laisse pas gagner. Tue la première personne qui te touchera. Alfrina et les autres sont en train de jouer avec nous... Rustid aurait pu ordonner au Naufrageur de me tuer ou de tuer Ethan. Ou pire Lilou. Mais non, il nous a signalé sa présence avant de lui donner un ordre bien plus pervers. Tout n'est qu'un jeu pour eux. Ils savaient qu'Ethan allait le tuer et ont décidé de faire potentiellement une victime en plus. Mon estomac se serre à cette pensée... Je l'ai empêché de tirer et à cause de ça un innocent en paiera peut-être le prix.

Mon sang se glace dans mes veines à cette pensée lorsque je comprends la cruelle réalité de leur plan. Non... Les chefs n'ont pas agi comme ça uniquement par amusement et arrogance. Ils nous ont envoyé le Naufrageur en sachant pertinemment qu'Ethan le tuerait. Et que je m'en voudrais. Que la culpabilité me rattraperait, galvanisée par leurs poisons... Peut-être même sont-ils allés plus loin. Je me sens blêmir. Et si c'était celui que nous cherchions ? Et s'ils comptaient sur Ethan pour assassiner le meurtrier de son père ? Sauf que je me suis interposée. Donc au lieu de laisser leur marionnette ôter la vie de l'un de nous deux, ils l'ont envoyé faire une victime. Au hasard. En nous laissant potentiellement le temps de l'empêcher. Et ainsi si on n'échoue... Si le sang coule, si une vie est ôtée... Cela sera en partie notre responsabilité et le poison me le fera payer au centuple. Je crois que je vais vomir... Les chefs ne se contentent pas de jouer pour s'amuser, non, ils jouent pour nous détruire. Et quoi qu'on fasse, ils auront toujours le contrôle...

Il faut empêcher la mort de frapper qui que ce soit... Je me redresse dans mon siège, sans lâcher Lilou qui est retombée aussi vite qu'elle s'est réveillée. Je chasse mon inquiétude pour elle dans un coin de mon esprit. Ignorant la complainte de mon dos blessé, mon cerveau carbure à cent à l'heure, bien loin de sa léthargie précédente.

— Vous êtes un bon tireur au pistolet ?

Ethan ne répond pas de suite, manœuvrant sa voiture avec une dextérité empreinte d'urgence.

— Je me débrouille, pourquoi ?

— Assez pour pouvoir atteindre quelqu'un de loin en se contentant de le blesser ? insisté-je.

— Parce que vous tenez encore à le sauver ? s'insurge Ethan.

Je ne perds pas le temps à lui expliquer mon raisonnement.

— Ethan, quel est le meilleur moyen de nous faire échouer dans notre mission de sauvetage pour votre mère ?

Il braque à gauche et je manque de lui atterrir dessus tant son virage est violent. Les klaxons nous injurient mais les sirènes qu'a déclenché Ethan calment les ardeurs des plus virulents conducteurs. Et pourtant ça ne réveille pas Lilou...

— C'est qu'on ne trouve pas le Naufrageur qui l'a tué, me répond-t-il entre deux gyrophares.

— Et quel est le meilleur moyen qu'on ne le retrouve jamais ?

— Le faire tuer... murmure Ethan en comprenant là où je veux en venir.

Si on part du principe que ce n'est pas déjà fait, qu'il ne s'agissait pas de l'homme qu'Ethan a tué dans la ruelle du Docteur Bourrin, cela ne m'étonnerait pas d'Alfrina, Juan et Rustid. Mais je ne pense pas. La nouvelle venait juste de leur parvenir, le temps de retrouver le bon Naufrageur, le droguer et nous l'envoyer, non, ça aurait été plus long. Ils ont dû faire au plus simple. Mais à présent, ils ne se contenteront jamais d'un simple assassinat. Ils veulent marquer les esprits, les manipuler, avoir la vie de leur victime entre leurs mains.

— Alors vous pensez pouvoir le blesser sans le tuer ? répété-je.

Ethan ne répond pas tout de suite si bien que je me demande s'il ne va pas faire sourde oreille. Mais mes plaidoiries semblent avoir fait mouche car il finit par lâcher :

— Je dois pouvoir faire ça...

— Alors donnez-moi un chargeur de pistolet.

Il fouille dans sa poche et m'en tend un sans une hésitation, concentrée sur sa conduite.

— J'espère que vous savez ce que vous faites car on est à trois minutes de la manifestation...

Je me garde de répondre et me concentre sur le boîtier entre mes mains. Je trouve sans mal le côté ouvert. Je prends une grande inspiration, me contorsionne en essayant de ne pas perturber Lilou et sors de ma besace la fiole de tous mes cauchemars. Une dose de dilitírio. Depuis ma dernière agression, j'ai décidé d'en conserver toujours un peu sur moi. C'est ce que je faisais au début. Mais les huit années de tranquillité m'ont rendu moins méfiante. Et ça a faille me coûter la vie.

Après tout si les Naufrageurs sont dans cet état de folie, c'est parce qu'ils sont en manque. Si on leur fournit une dose, ils se calment. Pour un temps court, d'une heure ou deux maximum, mais ils se calment. Les ordres qu'ils ont alors eus ne valent plus rien. Mais pour ça, faut-il encore réussir à faire entrer le poison dans leur organisme sans y laisser la vie. Je n'ai pas eu le réflexe de le sortir tout à l'heure et honnêtement, vu comme j'étais proche, j'avais énormément de chances de l'ingérer également. Et plutôt mourir que de retomber sous la dépendance.

— Arrêtez-vous dans une rue parallèle où il devrait passer, ordonné-je à Ethan.

Je devrais enfiler des gants. Une goutte et c'est fini. J'attends que la voiture s'immobilise pour être sûre de ne pas renverser le poison. Mon cœur bat la chamade. J'ai toujours pris mille précautions pour le manipuler et je vais aujourd'hui l'utiliser dans une voiture en dépit de toutes règles de sécurité. Bon allez, cessons de tergiverser. Mais je me fige. Lilou... Comment réagira-t-elle si elle sent l'odeur du poison ? Je l'en ai toujours maintenue éloignée car je ne voulais pas prendre de risque. Est-ce vraiment raisonnable vu son état d'instabilité et le mien ?

— Je vais le faire, Enola, me dit soudain Ethan.

J'ouvre la bouche mais il me coupe d'une voix impatiente.

— Le Naufrageur va arriver d'une minute à l'autre, ce n'est pas le moment de vous méfier si vous voulez le sauver. Et croyez-moi, je ne le laisserai pas assassiner une personne innocente, alors c'est soit vous me laissez faire, soit je le descends.

Je voudrais avoir le temps de réfléchir, de savoir si je peux réellement lui faire confiance pour manier une telle arme, de juger s'il ne va pas juste s'empoisonner. Mais son ton assuré et le temps s'égrenant me convainc de brûler ces étapes. Je lui donne les deux objets ainsi que mes gants. Ils seront trop petits mais c'est mieux que rien. Ni une ni deux, il les enfile.

— Sortez de la voiture avant d'ouvrir la fiole. Je ne veux pas que Lilou sente ça... Et ne videz pas le flacon.

Ethan acquiesce et quitte l'habitacle. Je soupire en resserant mon étreinte sur Lilou. Elle frissonne. Une dizaine de secondes plus tard, la portière se rouvre.

— Le fleuron de médecine, je vous l'avais dit... fanfaronne l'homme d'un ton qui ne laisse pourtant place à aucune plaisanterie.

Je ne réponds rien. Je tente de désincruster Lilou de moi pour la laisser en sécurité dans la voiture, mais ses bras me compriment davantage le cou. Je force un peu et réussis à la faire lâcher. Je l'installe sur le siège alors qu'elle gémit sans se réveiller. Avec un pincement au coeur, je ferme la portière. Un clic m'apprend qu'Ethan a verrouillé le véhicule.

Je tends alors la main vers lui pour récupérer la fiole. Il me la rend sans discuter. Je m'avance jusqu'au mur le plus proche. Sept pas. Trop près de Lilou. Mais il faut absolument attirer le Naufrageur. Je recule, prends une grande inspiration et lance de toutes mes forces la fiole en verre dans la rue. Le plus loin possible. Pas assez loin. L'odeur est une vague qui me percute de plein fouet. Je titube, tombe à genoux. Ethan se jette en avant pour m'aider mais je l'arrête d'un geste de main.

— Tirez à vu, articulé-je avec difficulté.

Ma voix est rauque. Des centaines d'images de cadavres sanguinolents s'invitent, me poignardant l'esprit. J'entends leurs hurlements quand ils brûlent de l'intérieur, je vois leur visage lorsque qu'ils se noient sur la terre ferme, lorsque l'air refuse de rentrer dans leur poumons. Je lis leur détresse, leur souffrance, leur désarroi. J'assiste au désespoir de leurs familles et amis. Je fixe leurs larmes, leur regard voilé, leur peur. J'entends leurs cœurs brisés qui ne battront plus jamais comme avant. J'entends le silence de ceux qui se sont arrêtés par ma faute. Celui de centaines de personnes. Celui de ma sœur que mes mots ont poussée au suicide. Celui d'Eden que j'ai brisé, piétiné sans vergogne ni pitié. L'odeur du poison suffit à tout faire remonter.

Mes mains s'enfoncent dans le macadam. Je hurle. Un coup de feu. Le noir absolu. 

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