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Chapitre XII : Bird Set Free -Sia

« Le mensonge est une question d'émotions. Quand mon cœur chantait encore, je mentais affreusement mal. À présent qu'il ne souffle plus aucune mélodie, je mens parfaitement bien. »

Extrait du journal d'Enola sous dilitírio

Nous roulons en silence pendant une petite demi-heure en prenant bien garde à ne pas traverser une nouvelle fois la manifestation. Je pose ma tête contre la vitre en savourant sa fraîcheur contre ma peau brûlante, ignorant avec superbe l'homme qui conduit. J'entends les bruits des bateaux, de l'eau gazouillante, son odeur polluée par les immondices du passé. Même après une cinquantaine d'années, nous n'avons toujours pas réussi à récupérer les eaux encrassées par nos ancêtres. Les rares bateaux y circulant sont soumis à la simple force du vent et la pêche y est plus que limitée en raison de l'extinction massive de la faune marine. Les quelques espèces de poissons y vivant encore sont de toute manière en majorité toxiques pour les humains.

Le port, situé en périphérie de la ville, est un des principaux du pays. C'est d'ici que partent et arrivent tous les navires de commerce. La YouCry, rivière gigantesque qui traverse la capitale et une grande partie du pays, est une des rivières les plus polluées au monde. C'est pour cela qu'elle est entièrement réservée au passage des bateaux. Les baignades n'ont pas besoin d'y être interdites. On sait rien qu'à la couleur de l'eau qu'on risque de chopper des maladies oubliées depuis des années rien qu'en y trempant un orteil. Je suis également prête à parier qu'il s'agit d'une belle fosse commune pour les cadavres du Claquage. Chaque mois révèle encore son corps putréfié libéré par je sais quel phénomène physique.

Nous la longeons un long moment. De ce que j'ai retenu de mes cours d'histoires sur les villes d'autrefois, Lacrymosa fonctionne de manière très différente pour ne pas dire opposée. Avant on laissait mourir les plus démunis sur un trottoir en périphérie de la ville alors que les riches se pavanaient dans des centres-villes dynamiques. Chez nous, c'est le contraire. Les quartiers aisés enserrent, étouffent les ruelles insalubres dans le centre. Une belle prison sans murs. Personne n'empêche personne de circuler, mais un accord tacite fait que tout le monde reste chez soi. J'imagine que cela évite à ces grands princes de traverser la misère chaque jour en allant travailler dans la périphérie de la capitale...

— Nous sommes arrivés, m'annonce Ethan en serrant son frein à main.

J'ouvre la portière et la claque dans mon dos.

— Vous attendez quoi de moi, exactement ?

Il marque un temps d'arrêt en sortant à son tour de l'habitacle.

— Vous le savez très bien.

— Détaillez pour voir.

Ethan contourne la voiture pour se planter à nouveau devant moi. Bien trop proche, pour m'imposer la prestance de sa carrure.

— Je veux que vous utilisiez vos herbes suggestives pour qu'on nous donne le rapport toxico sans faire d'histoire. Est-ce suffisamment clair pour vous ?

Limpide... Je me détourne de la voiture et sors un filtre à cigarette. De ma besace, j'extrais plusieurs sachets d'herbes. De quoi paralyser, de quoi obtenir une vérité, le minimum syndical pour mes problèmes de santé. Je porte plusieurs sacs en toile à mon nez en veillant à la distance de sécurité. Je prends une pincée de uhygef et de ploiju que j'aligne proprement sur mon filtre. Je suis bien tenté d'essayer de le mener en bateau mais Ethan a l'air bien plus renseigné que ce que je pensais sur mes capacités. Je ne vais pas prendre le risque. Si je veux le manipuler, il va me falloir redoubler de subtilités. Je roule ma clope avec attention sans tenir compte des trépignements de l'imbécile à côté de moi qui préfère garder son souffle pour respirer que pour me parler. Je porte ma cigarette improvisée à mes lèvres et dégaine un briquet.

— Ch'uis prête, marmonné-je en reprenant ma canne.

— Vous ne rentrez pas là-dedans avec ça, me prévient Ethan avec une once de menace. Vous connaissez le mot discrétion ?

Il avance la main pour saisir la cigarette mais j'attrape son poignet au vol. Je le serre un coup pour l'avertir et le repousse brutalement. Je rentrerai avec, ce n'est pas toi qui vas m'en empêcher, chéri.

— Faudrait savoir ce que vous voulez, soufflé-je agacée.

Je le dépasse d'un pas tranquille avant de me rendre compte que je ne sais absolument pas où aller. Je me retourne, impatiente. Il attend quoi ? Une invitation ?

— Bon vous faites quoi ? Je suis aveugle, je vous rappelle, je ne vais pas suivre les panneaux jusqu'au secrétariat.

Je l'entends soupirer profondément avant qu'il ne daigne me rejoindre.

— Conduisez-moi à la personne qui peut nous avoir le rapport toxicologique. S'il vous plaît.

J'attends qu'il me dépasse pour lui emboîter le pas. Il m'ouvre la porte grinçante et j'ai la désagréable impression de pénétrer dans la gueule du loup. L'odeur musquée de la sueur m'accueille dans son étreinte étouffante. Je grimace aussitôt déstabilisée par tous les mouvements des dizaines de personnes présentes. Une vraie fourmilière. Ça marche, ça parle, ça tape à l'ordinateur, ça feuillette des papiers, ça imprime... Un concert de bruits discordants qui ne va pas tarder à me donner la migraine. Je n'ai jamais réussi à m'habituer à l'effervescence depuis que j'ai perdu la vue. Entendre les gens bouger demande un effort vertigineux car je ne peux m'empêcher d'imaginer le tableau en mouvement qui se dresse sous mes yeux fermés à jamais.

Ethan m'attrape la main libre et me sort de ma torpeur. Je me dégage mais le suis d'un pas pressé. Il me fait zigzaguer au milieu des bureaux sans que personne ne nous arrête. Un vrai moulin ici. Deux inconnus entrent, font comme chez eux et ça n'en dérange pas un... J'ai presque envie de crier au feu pour les faire réagir. Mais pas sûr que je sois en position favorable alors je m'écrase et colle Ethan qui semble être un habitué des lieux. Il ouvre soudain une porte de bureau et la referme derrière nous après m'avoir poussé à l'intérieur.

— Ethan ? l'interpelle une voix masculine surprise.

Cette intonation appartient sans conteste à un homme d'une quarantaine d'années non fumeur.

— Salut Will.

Le dit Will se lève, son arme de service cogne sa jambe. Il a des difficultés à contourner son bureau pour serrer mon guide dans ses bras.

— Tu ne devrais pas être ici, Ethan, pas pendant ton... lui murmurre le flic d'un ton presque paternel.

— Je sais, le coupe l'emmerdeur de service. Je ne serais pas ici si ce n'était pas une urgence. Je te présente...

— Juliette, le devancé-je en tendant la main.

Une poigne moite et forte me répond. Je camoufle ma grimace derrière un sourire de connivence.

— Enola... me salue-t-il en appuyant sur mon prénom.

Mon sourire se flétrit alors que mon bras retombe. Adieu la discrétion.

— Je vois que je suis connue des services, me forcé-je à ironiser en m'asseyant.

Je croise bras et jambes pour dissimuler mon embarras. Pourquoi me connait-il ? Suis-je déjà sur leur liste ? Me surveille-t-on à mon insu ? Non, Jo m'en aurait touché un mot.

— Pardonnez mon impolitesse, vous ne m'avez pas reconnu mais je suis celui qui a mené l'enquête sur votre agression...

Ah. Je serre les dents. C'était il y a huit ans. Il va me faire croire qu'il a retenu tous les cas qu'il a résolu – ou non résolu en l'occurrence – ces dix dernières années ? Respire Enola, tu es la compagne d'un des leurs, c'est normal qu'il se souvienne...

— Votre agression ? répète Ethan.

— Une triste affaire, lui rétorqué-je froidement. Toujours un cold case, n'est-ce pas ?

Personne n'a jamais été foutu de retrouver le bâtard qui m'a poignardée et laissée pour morte devant chez mes parents cette nuit de décembre il y a huit ans. Je venais de quitter les Naufrageurs après de dures négociations. J'ai longtemps pensé que l'on m'avait envoyé un ultime avertissement. Mais je dois me rendre à l'évidence. Sous l'emprise du dilitírio, impossible que quelqu'un ait été assez précis pour me poignarder de manière à me paralyser une jambe sans me tuer. La soif de sang est trop aveuglante. Force est de conclure que je me suis peut-être simplement retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. Mais c'est on ne peut plus frustrant de me dire que j'ai réussi à quitter une des plus grandes organisations criminelle et que je me suis faite planter par un vulgaire délinquant. Surtout que je suis incapable de me remémorer ce que je fichais dehors. Amnésie post-traumatique qu'ils disent les toubibs... D'après Jo, j'avais voulu m'isoler un moment et j'étais sortie sans jamais revenir... Toujours est-il que ma vie s'est littéralement joué à deux centimètres ce soir là...

— Je suis désolé, Enola, mais nous ne faisons pas de miracle, me dit doucement le flic.

Moi non plus. Et pourtant je m'y efforce.

— Nous ne sommes pas là pour vous rappeler votre incompétence, rassurez-vous... changé-je de sujets.

Enfin si mais... Ouais, si en fait.

— Que me voulez-vous ? Je vais juste vous demander de jeter votre cigarette, je vous rappelle que c'est interdit dans les lieux publics et vous risquez de vous faire rappeler à l'ordre par la grande cheffe si elle vous voit.

Mon rictus se teinte de moquerie.

— Oh je connais les lois, mais il me semble que c'est l'action de fumer qui est prohibée. Pas la cigarette en elle-même.

Je sens Ethan se crisper à côté de moi alors que son ami émet un rire bref.

— Bien répondu. Je m'incline, mais cela a intérêt à être urgent. Je ne comprends même pas que tu aies pu arriver jusqu'à mon bureau, Ethan.

— Vous aussi, il vous a harcelé et menacé ? raillé-je en jouant de mes lèvres avec la cigarette éteinte.

Je me prends un léger coup de pied de mon acolyte forcé. Will ricane à nouveau.

— Vous faites un bien désarçonnant duo. Comment un épris de justice et de règle comme toi a pu tomber sur la route d'une rebelle ? Sans vous offenser.

Si vous saviez tout ce que j'ai entendu... Rebelle est un joli compliment.

— Il m'a eu à l'usure... Et à la menace.

— J'aurais un service à te demander, Will, m'interrompt Ethan avec un coup de pied.

L'homme face à nous cesse de rire et se redresse dans son siège qui grince.

— Je n'aime pas ton expression... Tu sais bien que j'ai déjà fait mon maximum, Ethan, je comprends que ça soit difficile à accepter...

— Je ne vais pas te demander d'enquêter encore une fois, le coupe à nouveau mon compagnon infernal avant d'ajouter d'un ton plus dur. Tu as déjà rendu ton jugement.

L'homme soupire et se trémousse légèrement comme mal à l'aise. Je suis l'échange avec attention. J'en déduis que Will ici présent a dû être en charge de l'enquête et conclure à la culpabilité de Morgane Thierness. Et on ne peut l'en blâmer. Je devine aussi que l'enquiquineur ici présent également a dû le harceler pour rouvrir l'enquête.

— Ethan...

— J'ai besoin du rapport toxicologique. Est-ce que tu pourrais me le transmettre s'il te plait ?

L'homme lâche un nouveau soupir.

— Je t'ai déjà transmis tout ce dont j'avais accès, Ethan... dit-il, un ton plus bas. Le dossier est limpide, tu ne peux pas...

— Il me manque le rapport toxico. Je sais que tu peux me l'avoir si tu le veux vraiment. Tu as assez de contact pour ça.

— Je ne peux pas, Ethan, conclut l'homme d'une voix sans appel bien que douce. Je suis désolé. Prends du repos, éloigne-toi d'ici...

Je soupire, désintéressée. Si on commence à rentrer dans de la psychologie, c'est signe que je dois intervenir. Ethan me le confirme d'un coup de pied dans le tibia. Je tourne vers lui une expression narquoise avant de caler correctement ma cigarette entre mes lèvres et de l'allumer grâce à mon briquet. Je tire dessus un bon coup, attirant l'attention de celui devenu donneur de leçons ennuyant.

— Il me semble que votre cigarette est maintenant allumée, raille-t-il.

Je me penche et lui souffle la fumée au visage. Ethan pousse un cri outré et me force à me rasseoir. Je le repousse plus durement avant que le poison ne me fasse réagir avec violence. Il est suicidaire ou quoi ?

— Ne me touchez pas, sifflé-je d'un ton menaçant.

— Vous êtes folle, ma parole ! tousse Will.

Tiens, intéressant comme je viens de passer de rebelle à folle en une fraction de seconde. Tant pis, je m'en contenterais... J'écrase l'embout de la cigarette sur le bois du bureau et emballe le mégot éteint dans le mouchoir que je mets dans ma poche.

— Vous avez perdu la tête ?! me crie à voix basse Ethan.

Je fais la moue, blasée. Au sens figuré, pas encore totalement heureusement. Quant au sens propre, j'aimerais autant qu'elle reste sur mes épaules encore un temps.

— Regardez et apprenez, lui chuchoté-je avant de me tourner vers le policier. Will ? Vous m'entendez ?

J'attends qu'il finisse de cracher ses poumons avant de répéter ma question. Les herbes que je lui ai administrées par voies aériennes ont un effet très rapide mais également très bref. Nous n'avons pas le temps pour une leçon de morale ou des explications.

— Bien sûr que je vous entends, je ne suis pas sourd ! Qu'est-ce que vous m'avez fait ?

— Rien de bien méchant, ne vous inquiétez pas, dans deux minutes, vous aurez oublié. Nous en étions à ce fameux rapport toxicologique, pouvez-vous faire en sorte qu'il soit transmis à Ethan s'il vous plaît ?

L'homme hésite, se dandine à nouveau faisant gémir son fauteuil. Il lutte visiblement contre les effets de la drogue suggestive. Fichue morale...

— Ce n'est pas bon... Il faut qu'il se détache de cette affaire même si c'est très dur ou ça va le tuer à petits feux...

— S'il vous plaît, nous en avons besoin. Envoyez-nous le rapport toxicologique de Pierre Thierness, insisté-je plus durement.

Ses doigts tapotent le bois de son bureau. Il laisse échapper un sifflement de dépit... puis se penche vers nous.

— Je te le fais transmettre, Ethan. Mais tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenu. Et tu ne pourras pas non plus faire changer la décision du juge...

— Merci beaucoup... le coupé-je en me levant. Une belle journée à vous !

Je me dirige vers la porte du bureau. Le monsieur bondit de sa chaise à son tour et attrape, j'imagine, la main d'Ethan avant qu'il ne me suive.

— Ne plonge pas Ethan, je t'en prie... Tu es en train de te détruire seul...

Mon coéquipier reniflant se dégage d'un geste.

— C'est l'injustice qui me détruit. Je ne vous laisserai pas tuer ma mère...

— C'est toi qui vas te faire tuer, Ethan...

Je n'écoute pas la suite et commence à zigzaguer dans les bureaux pour quitter cette cacophonie qui me donne le vertige. Ma canne cogne contre les bureaux, les policiers déambulant me laissent passer, voire même me dégagent le passage des potentiels obstacles. Ironique quand on y pense. Des policiers qui m'aide à quitter un commissariat. Moi, l'ancienne Naufrageuse. Je suis proche de la sortie quand une voix familière m'interpelle. Mon sang se glace.

— Enola !

Mon cœur loupe un battement. Je délie mes doigts en inspirant un grand coup. Merde... Comment ai-je pu être aussi sotte ? Comment ai-je pu l'oublier ? Je me tourne lentement vers...

— Jo, le salué-je en grimaçant.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Tu n'es pas chez tes parents ?

Je me baladais, j'ai vu de la lumière et je suis entrée. Je pince les lèvres en cherchant un mensonge cohérent et crédible. Mais rien ne me vient. Je suis la pire menteuse que la Terre n'ait jamais porté.

— Je... je suis venu signer une déposition car... j'ai été témoin d'un accrochage dans la rue du laboratoire.

C'est nul, Enola. Il est flic, il verra très bien qu'il n'y a jamais eu d'accrochages et en plus, tu es aveugle. Tu n'es certainement pas le témoin le plus important pour savoir qui était en tort... Je joue avec mon collier dans un tic nerveux que je me force à interrompre. J'ouvre la bouche pour m'enfoncer dans mon mensonge quand quelqu'un vient se poster près de moi.

— Joeffrey, le salue froidement Ethan d'une voix plus claire.

Je perçois parfaitement la crispation de mon compagnon de vie.

— Tu ne devrais pas être ici, Ethan, le tance-t-il.

Décidément, il a vraiment dû les harceler pour que même Jo si calme soit si glacial avec lui. Quelque chose me dit qu'il a plus que dépassé les bornes...

— Et toi non plus, lui répond Ethan. Ce ne sont pas tes heures aux dernières nouvelles...

Il est suicidaire ou quoi ? Le tutoyer et le rembarrer alors qu'il est en tort...

— J'ai eu un accrochage près du laboratoire, poursuit-il. Je ramène ta femme, elle vient de signer sa déposition.

Si je suis tentée de le bénir pour m'avoir suivi dans mon piètre mensonge, l'animosité dans sa voix enrouée me fait presque reculer. C'était quoi ça ? J'ignore ce qu'il s'est passé entre eux, mais la tension qui plane dans l'air me donne des crampes au ventre.

— Je vous ramène... annonce Ethan d'un ton sec.

Je sens une pression sur mon bras. Je me dégage et attrape la main de Jo. Je l'attire à moi dans une étreinte vraisemblablement amoureuse. Pour une fois, je suis contente de sentir l'odeur de sa transpiration m'emplir les narines. J'enfouis mon visage dans son cou alors qu'il me serre contre lui et souffle au creux de son oreille :

— Help...

L'effet est immédiat. Jo se raidit. Il maintient son étreinte quelques secondes pour donner le change puis me repousse doucement sans lâcher ma main. Sa posture a changé. Il est plus droit, plus alerte et fait même un pas en avant pour se placer entre moi et Ethan.

— Ne te dérange pas, réplique-t-il d'un ton sans appel. Je finis dans dix minutes, je peux la ramener.

Ethan Thierness a l'intelligence de ne pas insister. Il doit sentir qu'il n'est pas en position de force.

— Merci de votre proposition, le salué-je.

Je lui offre un sourire hypocrite que je paierais certainement. Mais il est si libérateur que je ne le regrette pas.

— C'est la moindre des choses, articule mon ennemi. Merci de votre témoignage. Je vous recontacterai pour vous tenir au courant.

Je pince les lèvres à cette promesse. Puis après un instant de flottement, il se détourne et la porte du commissariat claque derrière lui. Je m'autorise enfin à souffler. J'adresse un bref hochement de tête à Jo.

— Merci...

— De rien... Je range mes affaires et on y va ? Tu me raconteras ce que tu faisais avec Ethan Thierness dans la voiture...

J'acquiesce sans un mot et m'appuie contre le mur le plus proche.

— Il est bien loin l'homme suppliant qui est venu te trouver hier à la boutique, déclare ma sœur en s'installant à côté de moi.

Je dodeline la tête en soupirant. Je suis on ne peut plus d'accord. Maintenant qu'Ethan va avoir le dossier toxicologique, je n'aurais rien à lui opposer quand il me demandera d'aller chercher son maudit nom.

— Tu mentiras.

Je m'esclaffe sans joie.

— Tu m'as déjà vu mentir correctement une seule fois ?

— Non, c'est vrai... rit Laurie. Plutôt ironique pour quelqu'un qui a tant de secrets...

— Ne m'en parle pas, marmonné-je en me frottant l'arrête du nez. Plus qu'ironique, c'est dangereux.

Des pas viennent à moi et je connais la démarche de Jo.

— À qui tu parles ?

Je me mords la lèvre alors que ma traîtresse de sœur explose de rire à côté de moi. Je ne me suis même pas rendue compte que je m'exprimais à voix haute. J'étais déjà dans la case monstre de par mon visage meurtrie, on peut maintenant m'ajouter l'étiquette timbrée... Soudain mon sang se glace.

— Manque stade quatre, me souffle Eden à l'oreille.

— À personne, grommelé-je en le tirant par le bras. Viens on s'en va.

Jo me suit sans me poser de questions et me guide jusqu'à sa voiture. Je m'installe et savoure l'absence de tension quand mon compagnon démarre et quitte le parking.

— Alors tu m'expliques ce que tu faisais avec Ethan Thierness ?

Mal mentir ou dire la vérité ? Si Jo n'ignore rien de mon passé, j'aimerais autant éviter de le mêler à ça. Mais d'un autre côté, Ethan vient de menacer sa vie. Il serait plus prudent qu'il en soit au courant. J'aurais peut-être dû songer à une stratégie au lieu de discuter avec ma sœur décédée... Seulement avant que je ne puisse prendre de décision, il me coupe.

— Laisse-moi deviner, il t'a convaincue de l'aider à prouver l'innocence de sa mère ?

Je me fige. Comment l'a-t-il deviné ?

— Il nous a tous harcelés pour rouvrir l'enquête, avec de soi-disant preuves. Il n'arrive pas à accepter la vérité.

— Sa mère est innocente, lâché-je malgré moi.

Jo tourne la tête vers moi durant un bref instant avant de se concentrer à nouveau sur la route. Il ne dit rien pendant un moment, le temps certainement de digérer l'information.

— Tu en es sûre ? finit-il par me demander.

J'acquiesce.

— Aucun Naufrageur ne s'est jamais fait prendre.

— Il y a un début à tout...

Je secoue la tête. J'aurais préféré...

— Non, c'est impossible, c'est beaucoup trop gros. Tu as jeté un œil au dossier ? Il pue la manipulation.

— Mais ils auraient attendu huit ans que quelqu'un tombe sur ces journaux intimes ? Ça n'a pas de sens... proteste-t-il.

— Je sais...

Et c'est bien ce que je ne comprends pas...

— Et ton rôle à toi dans cette histoire ? me questionne Jo.

Je le soupçonne de déjà connaître la réponse. Il veut l'entendre de ma bouche. Il veut que je lui avoue.

— Il sait... dis-je simplement.

Mon compagnon ne dit rien. Mais j'entends ses mains se serrer sur le volant et sa respiration s'approfondir comme s'il se forçait à la maîtriser.

— Ok... Et c'est quoi ton plan ?

Je pince les lèvres mais ne réponds rien.

— Tu as un plan, rassure-moi ? me redemande Jo.

— C'est compliqué...

Mon compagnon donne un brusque coup de volant sur la droite. Je pousse un cri de surprise en m'affalant contre la vitre. Un klaxon l'injure en nous dépassant alors que Jo coupe le moteur et se tourne complètement vers moi.

— Non, Enola ! Ça ne l'est pas ! S'il te demande un nom de Naufrageur, tu dois lui donner ! Pense à Lilou ! S'il te dénonce, tu seras exécutée et tu le sais aussi bien que moi !

L'émotion qui rend sa voix rauque me force à détourner la tête.

— Je ne peux pas... murmuré-je. Je ne peux pas risquer de me les mettre à dos maintenant.

Maigre défense...

— Ethan n'est pas n'importe qui, Enola ! Il a de l'influence et il est loin d'être stupide. N'essaie pas de le rouler, je t'en conjure. Je le connais bien et je peux t'assurer qu'il n'hésitera pas, me prévient Joeffrey, d'une voix plus que sérieuse. Ce n'est pas quelqu'un qu'il faut se mettre à dos.

— Tu le connais bien ? répété-je.

Jo souffle.

— Pas au point-là de connaître ses points faibles. Mais ce mec traque les Naufrageurs depuis huit ans, Enola. Il est entré dans la police pour ça. Son arrivée a causé un vrai remue-ménage. Je suis même étonné qu'il ne t'ait pas dénoncée dès le moment où il a su. On lui doit tout ce qu'on sait sur la confrérie. Il ne reculera devant rien pour retrouver celui qui a fait ça à sa mère.

Je fronce les sourcils. Il traque les Naufrageurs depuis huit ans ? C'est à lui qu'on doit tout ce qu'on sait sur la confrérie ? Attends une minute... Ethan est flic ? Il avait oublié de le préciser... Voilà pourquoi personne ne nous a arrêtés dans le commissariat... Un horrible pensée se distille dans mon esprit alors que des rouages se mettent en marche. Et si la cible n'était ni Pierre, ni Morgane Thierness... Et si c'était bien plus tordu que ça... Et si cette manipulation n'avait que pour but d'atteindre Ethan ? Et si c'était un message qui lui était entièrement destiné ? Du genre Nous pouvons faire ce que nous voulons de toi, de tes proches ? Cela serait entièrement le style d'Alfrina et des deux autres...

— Jo... Juste avant que l'on retrouve les journaux dans le grenier, il était sur quoi, Ethan ?

Il marque un temps d'arrêt puis doit comprendre où je veux en venir car il se frotte la barbe en réfléchissant.

— J'en ai aucune idée...

— Tu penses que tu peux te renseigner pour moi ?

Il acquiesce. Très bien. Car je viens d'avoir un plan. Un plan risqué. Mais il me parait plus envisageable que mes précédents.

— Tu comptes faire quoi ?

Je me mords la lèvre. Après son petit discours, il ne va pas apprécier ce que je vais lui dire, tout comme je n'aime pas ce que cela signifie mais tant pis...

— Je vais faire une alliance avec Ethan Thierness.

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