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Chapitre VIII : 7 years - Lukas Graham

« Je revois les yeux tempétueux d'Eden lors de notre dispute. J'ignore ce qui dominait son cœur. La colère ou le chagrin. Moi, je ne ressens plus rien. Mes émotions ont été anesthésiés par le dilitírio. Un mal pour un bien. Je veux juste venger ma sœur. »

Extrait du journal d'Enola sous dilitírio

Je suis aussi lasse que fatiguée. Cela fait trois heures que ma sœur me traîne dans le parc animalier de Lacrymosa. Je pourrais être en train de travailler plutôt que de l'entendre s'exalter devant des singes et des girafes. Si mes parents n'avaient pas tant insisté, je serais restée à la maison. Tout ça sous prétexte que cela fait plaisir à Laurie. Je donne un coup de pied rageur dans une pierre.

— Enola, tu viens ? On va voir les zèbres ! m'acclame la démone qui me sert de petite sœur.

Je me retiens de lever les yeux au ciel. À quatorze ans, elle se comporte encore comme si elle en avait cinq. Et si cela fait rire la famille, moi, ça m'agace plus qu'autre chose à présent.

— C'est ça... Pars devant, je te rejoins ! je lui promets dans un sourire crispé.

Elle part en sautillant sans tenir compte de mon regard peu amène. Je fais mine de la suivre mais oblique à la première bifurcation et pénètre dans un petit bâtiment plus sombre. Et surtout plus calme. Je soupire de soulagement. Je jette à peine un coup d'œil au vivarium face à moi, préférant m'asseoir sur un banc dans un coin et fermer les yeux. Je lève les mains devant moi. Concentration... Avant toi de Slimane, Enola. Les partitions défilent dans ma tête au même rythme que mes doigts frappent les touches imaginaires.

— Toi aussi tu viens ici pour profiter du calme ?

Je soupire d'agacement sans retenue. Un mec de mon âge me sourit à travers la vitre de l'énorme vivarium. Je vais refermer les yeux en l'ignorant, mais il contourne l'enclos de verre et vient se poster face à moi.

— Tu aimes les reptiles ?

Je ne réponds pas. Si je l'ignore, il va bien finir par comprendre le message et se barrer. Je retourne donc à mon piano imaginaire. Je dois être prête dans six mois à jouer pas moins de dix morceaux devant un jury qui peut m'ouvrir la porte d'un grand conservateur. Si je réussis ce test, un avenir brillant m'y attend. C'est mon rêve, si les autres ne sont pas capables de comprendre, tant pis. Car ce n'est pas en donnant des cacahuètes à des éléphants ou en discutant des pythons que je vais y arriver. Je continue alors mes répétitions en tentant d'ignorer son regard. Au bout de dix minutes, une voix stridente résonne dans le bâtiment.

— Enolaaa ?

Je me lève d'un bond. Une issue, vite ! Je cherche une cachette, un moyen de faire diversion et mes yeux tombent sur le gars appuyé contre le mur à deux pas, en train d'observer le vivarium, une feuille dans les mains. Je me mords la lèvre. Bonne idée ? Non. Mais c'est la seule que j'ai. Et je sais que si je retourne maintenant avec ma sœur, je vais balancer des mots que je regretterai. Je m'avance vers le mec d'un pas rapide. Il redresse la tête de son dessin et ses traits expriment son étonnement. Je ne lui laisse pas le temps de parler et me jette à son cou, l'enlaçant, mon visage dans son sweat à capuche.

— Je t'en prie, joue le jeu, chuchoté-je, implorante à son oreille.

— Enola ? appelle de nouveau ma sœur plus proche.

Je me raidis. Ça y est. Ma paix touche déjà à sa fin. Et soudain, un ange passe. Le mec me rend mon étreinte et d'un mouvement m'oblige à tourner. Je me retrouve alors entre lui et le mur. Mon cœur s'affole, mais je ne bouge pas. Est-ce que je viens de me précipiter seule dans les bras d'un psychopathe ? Il serait peut-être temps d'y penser ma grande... Nous restons ainsi sans bouger un long instant alors que j'entends les pas de ma sœur tourner dans les allées. Je n'ose pas me dégager. La seule chose me rassurant est son étreinte loin d'être étouffante. Je pourrais aisément m'en défaire. Le silence revient alors dans le bâtiment des reptiles.

Je rouvre les yeux et décolle mon visage de son vêtement pour jeter un coup d'œil par-dessus son épaule. Personne. Le mec se recule doucement, restaurant une distance convenable entre nous. Je pince les lèvres, les yeux sur mes bottines, partagée entre la honte et... la honte en fait. L'immensité de ce que j'ai fait me frappe de plein fouet. Je viens de me jeter dans les bras d'un inconnu pour échapper à ma petite sœur... Lorsque j'ose relever le regard vers le mec, je suis soulagée et mortifiée de l'amusement presque narquois qui illumine son visage.

— Dure la vie de famille hein ? se moque-t-il gentiment.

— Je ne te le fais pas dire... marmonné-je en me frottant les yeux.

Il a l'air de plutôt bien prendre les évènements, j'ai de la chance... Il faut vraiment que j'apprenne à réfléchir avant d'agir. Un jour, je finirai par me jeter seule dans la gueule d'un loup...

— Merci, et je suis désolée de t'avoir agressé comme ça, m'excusé-je du bout des lèvres.

Il rit.

— J'ai connu pire comme agression, ne t'inquiète pas ! C'est ta petit sœur ?

— Non, un démon des enfers... maugréé-je.

— Je vois...

Son ton léger exprime une réelle compassion qui me fait sourire. Je remarque alors le carnet qu'il tient entre ses mains. Un portrait du serpent vert face à nous prend vie sur sa feuille. Il a un sacré coup de crayon ! La précision des écailles et des plantes est impressionnante. Pour un peu, j'aurais presque peur qu'il ne se jette sur moi. Le serpent, j'entends, pas le mec.

— Si tu me dis que tu dessines en plus d'être musicienne, je t'épouse sur le champ, plaisante-t-il.

Je souris.

— Non, je ne dessine pas, désolé !

— Quelle tristesse ! se lamente-t-il. Vu ton engouement pour m'enlacer, je suis sûr que tu aurais accepté ma demande...

Cette fois, c'est un rire qui franchit mes lèvres.

— C'est un python arboricole, m'expose-t-il. Il vient de l'ancienne Australie. Ça doit être deux des derniers spécimens qu'il existe. Autrefois, il était chassé par des égoïstes qui souhaitaient les avoir dans des terrariums. Je ne comprendrai jamais cette folie qu'a l'homme à vouloir enfermer des telle créatures dont la beauté est faite de liberté.

Un poète donc en plus d'un artiste. Je suis son doigt désignant le vivarium face à nous. Le reptile se meut lentement entre les branches de son arbre. Ses yeux d'un vert un peu plus laiteux que son corps nous fixent. Autant le regard de certains animaux peut contenir un panel d'émotions incroyables, autant celui des serpents est d'une neutralité déconcertante. Pourtant, je jurerais qu'il vient d'acquiescer les propos de mon voisin.

— Son voisin est un Agkistrodon piscivorus, plus connu sous le nom de mocassin d'eau douce, continue-t-il. Littéralement, cela donne le mangeur de poisson aux dents de crochet. Ce coquin est un très bon nageur. Il donne un peu l'impression de ramper sur l'eau. Il arrivait même de les retrouver dans des piscines résidentielles ! Tu imagines la tête des gens qui découvraient cette beauté dans leur piscine un beau matin ? Surtout que sa morsure est très douloureuse et peut être dangereuse. Viens, je vais te montrer mon bébé !

Il bondit sur ses pieds pour s'approcher de la vitre à pas bien mesurés comparés à l'excitation qui brille dans ces yeux caramel. J'hésite un instant. Je ne suis pas venue ici pour écouter un mec me réciter la fiche wikipedia de tous les animaux. Mais bon vu le service qu'il vient de me rendre, je lui dois bien ça ! De plus sa passion est belle, aussi belle à entendre qu'à voir. Je m'approche à mon tour du vivarium à la recherche du serpent qui semble tant l'émerveiller. Je parcours du regard la belle mare d'eau quelque peu trouble. Rien.

— Il est là ! chuchote-t-il avec passion.

Je tente de suivre son geste mais ne vois qu'un tapis de feuilles et de terre.

— Au niveau de la souche, près des racines de l'arbre. On voit juste sa tête brune qui dépasse.

Je finis par le repérer grâce à un discret mouvement de sa langue. Je suis trop loin pour voir ses yeux, mais je devine la forme de sa tête. Je laisse mon regard dériver sur le micro-écosystème recréé dans ce vivarium. Des arbres hauts de deux mètres, une gigantesque mare de plusieurs pieds de longs, des souches, des buissons, une lumière qui doit réguler aussi la température. Et je crois même voir bouger quelques souris qui tentent d'échapper au prédateur tapi. Il y a bien des années que la biodiversité s'est réduite comme peau de chagrin. Pour diverses raisons, le réchauffement climatique et... le réchauffement climatique. Dans toutes ses formes, il a causé l'extinction de milliers d'espèces, la chute d'écosystèmes, de merveilles de la nature. Et ce « il » désignant la catastrophe climatique n'est qu'un masque derrière lequel se cache l'être humain. C'est lui, la véritable cause de ce désastre. Et pourtant comme de la vermine, il est le seul à s'en sortir indemne. Mais pour combien de temps ? Les rats ont beau être nombreux, ont beau mordre, ils sont loin d'être immortels. La nature n'a juste pas encore trouvé le bon ratifiant pour nous éliminer.

Je tourne la tête vers le mec pour l'observer alors que lui, n'a d'yeux que pour son serpent. Ses boucles blondes sont légèrement en bataille et ne camouflent guère ses racines plus sombres. Il a des sourcils épais, un début de barbe sur les joues. Ses iris caramel pétillent de bonne humeur. Il n'a rien d'un dragueur ou d'un de ces enfoirés qui traînent dans les rues du centre. Sa passion le rend innocent, frétillant.

— Pour répondre à ta première question, non. Je n'aime pas spécialement les serpents. Je venais chercher le calme et la tranquillité pour m'entraîner.

Son regard se tourne vers moi.

— Tu participes aux concours d'entrée du conservatoire Ilpleure ?

J'acquiesce, stupéfaite qu'il connaisse. Ce n'est pourtant pas l'examen qui fait la une des journaux. D'ordinaire, seuls les initiés sont informés.

— Le père de mon meilleur ami est prof là-bas, s'explique-t-il.

Je comprends mieux.

— La dernière épreuve n'est pas des plus faciles. Tu comptes présenter quoi comme morceaux ?

— De la vieille chanson française.

— Je n'y connais pas grand-chose, mais c'est un pari risqué, non ? Pourquoi ce choix ?

Je détaille son visage à la recherche de jugement ou de quoi que ce soit d'autre, mais je ne lis qu'un sincère intérêt. Alors, je poursuis.

— Je refuse de me plier encore une fois à des classiques qu'on me rabâche depuis des années. Mozart, Beethoven, leurs morceaux sont incroyables, je ne dis pas le contraire. Mais qui a décidé qu'eux seuls devraient marquer l'histoire de la musique ? Pourquoi seraient-ils ceux qu'on n'oublie pas ?

— Tout le monde se souvient des premiers mais que seraient-ils si personne ne les avait suivis ? acquiesce-t-il. Des échecs, des parias. Ceux qui ont tenté et qui ont gâché leur vie pour rien.

— Exactement... soufflé-je. Je ne veux pas que l'on se souvienne de moi. Mon but n'est pas de composer de grands morceaux dont les partitions deviendront des reliques. Je veux qu'on se souvienne d'eux. Je veux acquérir assez de notoriété pour permettre à ces magnifiques chansons de ne pas sombrer dans la désuétude. Je ne compose pas, je transmets.

Un instant de flottement suit ce moment de philosophie. Les mots ont glissé hors de mes lèvres avec autant de facilité que les notes d'un piano. J'en suis la première étonnée. Je ne pensais pas me confier autant. D'ordinaire, je préfère écouter que parler. Je me mords la langue. Intégrée naturellement dans la conversation, j'en suis venue à confier mes rêves à un mec que je connais depuis dix minutes à peine. Il laisse échapper un sifflement. Encore une fois, ses yeux n'expriment aucune critique, rien que du respect et de l'admiration.

— Et toi ? De quoi rêves-tu ? l'interrogé-je.

— Moi ? Rien d'aussi excitant. Je veux m'asseoir sur un banc devant un fleuve, en pleine nature. Avec de l'eau claire, pas polluée par l'espèce humaine, en écoutant les criquets et les oiseaux. En attendant de voir le cadavre de mes ennemis passer.

Je plisse les yeux à la recherche de sarcasme, mais son ton est on ne peut plus sérieux. Le début de ses propos était magnifique, la fin a jeté un autre type d'ambiance. Cela dit, cela témoigne d'une certaine résilience. Je ne sais pas si je serais capable d'en faire autant. Le regard des autres a toujours été un obstacle pour moi. Je revois le regard des pianistes des cycles supérieurs lorsque j'ai joué mes morceaux au spectacle il y a quelques années. Ce dédain m'a longtemps empêchée de dormir et il apparaît à chaque moment de doute.

— J'aimerais en être capable. Mais dans mon milieu, le regard des autres est la clé. Plaire est mon ticket d'entrée pour le reste.

— Chez moi aussi, je te rassure, soupire-t-il.

Je vais lui demander des précisions, mais devant son sourire figé, je n'insiste pas. Nous ne nous connaissons pas. S'il ne se livre pas, c'est son choix. Un nouvel instant de silence s'empare de nous. Mais il n'a rien de pesant. Au contraire, il clôture naturellement cette discussion.

— Et bien, Mademoiselle La Passeuse de Notes... Je vous propose de retourner à vos révisions qui je vous le souhaite vous permettront de réaliser vos rêves. Mon crayon et moi pouvons-nous vous tenir silencieusement compagnie ?

Je ris franchement cette fois devant sa moue pleine de déférence feinte. Sa bonne humeur semble être revenue et avec elle, son excitation, car il retourne vers le banc en sautillant. Je me rassois sur ce qu'était mon havre de solitude et qui est à présent peuplé d'une présence qui ne me dérange pas. J'inspire profondément et tente de me concentrer à nouveau. Le bruit de sa mine sur sa feuille finit tant bien que mal par disparaître. Les notes reviennent hanter mon esprit alors que je les tape dans le vide.

— Enolaaaaaaaaaaaa ! crie une voix féminine nasillarde.

Je laisse tomber mes mains et mon piano s'envole avec ma concentration. Mon compagnon de banc s'arrête de dessiner et je croise son regard amusé.

La tornade qui me sert de sœur déboule à nouveau dans le bâtiment et tourne frénétiquement la tête à ma recherche. Par instinct de survie, je mets ma capuche et me colle au mec de manière à ce que Laurie ne puisse me voir de là où elle est. Je ferme les yeux et prie pour qu'elle s'en aille.

— Elle est partie, déclare mon complice forcé d'un ton amusé presque narquois. Mais tu sais, le bâtiment n'est pas très grand, elle va finir par arriver de l'autre côté. Et je doute qu'elle tombe trois fois dans le panneau.

Je me frotte les yeux, lasse. Je le sais bien. Je regarde ma montre. J'espère qu'elle vient me chercher pour m'annoncer qu'on rentre à la maison, mais j'en doute fort vu l'intonation joyeuse avec laquelle elle a prononcé mon prénom. J'ai sous-estimé sa détermination. Elle ne me lâchera pas tant que je n'aurais pas donné ces fichus cacahuètes à ces fichus éléphants.

— J'imagine que c'est ici que nos chemins se séparent, soupiré-je.

Je me lève avec regret et m'étire. Un bruit de feuille arrachée me fait rouvrir les yeux. Il me tend son dessin proprement roulé sur lui-même.

— Et j'espère qu'ils se recroiseront, conclut-il dans un sourire sincère. Bonne chance pour ton épreuve.

— Merci.

Je veux ouvrir la bouche pour lui demander son nom mais...

— Ah tu es là ! Ça fait des heures qu'on te cherche !

— J'ai disparu depuis à peine une demi-heure, Laurie, n'abuse pas !

Je me retourne pour faire face au visage diabolique de ma frangine. J'entends un rire dans mon dos. Ma sœur l'avise à son tour. La peine et la colère traversent son regard aussi lagon que le mien.

— Dépêche-toi, papa et maman te cherchent aussi, crache-t-elle avec ressentiment avant de lever l'ancre sans un mot de plus.

Je soupire. Calme, Enola. Je sens que le retour en voiture va être long et que je vais amèrement regretter cette petite escapade.

— Je crois que tu devrais y aller, me conseille gentiment mon sauveur.

— Effectivement. Merci encore pour tout.

Je me retourne pour lui adresser un signe de main et me dirige à pas lent vers la sortie. Mes parents doivent...

— Au fait, je m'appelle Eden ! Si tu veux m'écrire...

Je me fige au moment où la porte se referme derrière moi. Lui écrire ? Je baisse les yeux vers le dessin. Il n'aurait pas... Je le déplie avec empressement. Et effectivement dans le dos...

Au cas où tu veuilles à nouveau fuir ta démone de sœur, j'ai un piano chez moi ;)

59 rue Alfred Nobel, Lacrymosa.

Un sourire idiot s'invite sur mes lèvres et je repars le cœur bêtement plus léger.

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