Chapitre IX : Enemy - Imagine Dragons & JID
« Je suis on ne peut plus heureuse de subir une version moins violente du dilitírio que les autres Naufrageurs. Je conserve mon libre arbitre même si mon cœur a été anesthésié. Alfrina a besoin de mes connaissances et de mon esprit, elle ne peut pas se permettre que je sois aussi instable que leurs sbires. Sinon, je serais dans le même état que ces pantins sans aucune volonté qui viennent me réclamer les poisons pour leur mission de la nuit. Leurs yeux sont vides. Leurs âmes dépourvues de couleur. »
Extrait du journal d'expérimentation d'Enola sous dilitírio
Une fois que le dernier client quitte la boutique, je claudique vers la porte pour la verrouiller. Et cette fois, que Dieu m'en garde, il peut tambouriner lui-même ce battant, je ne l'ouvrirai pas avant l'horaire indiqué.
— Tu es bien taciturne aujourd'hui, lâche Juline lorsque je reviens dans la laboratoire.
Je fais claquer la fiole sur la table.
— Toi, tu es taciturne tous les matins à cause de l'alcool dans lequel tu te noies et pourtant tu ne m'entends pas te le rappeler, craché-je.
Son souffle tressaute et je la vois presque marquer son mouvement de recul. Je me mords la lèvre, honteuse. Mes propos ont largement dépassé ma pensée.
— Désolée, Ju... J'ai passé une mauvaise nuit.
Elle ne dit rien et se remet au travail en silence. Je l'ai mérité... Je sais très bien pourquoi Juline veut tant faire le bien. Car elle culpabilise de son addiction. Qui lui a valu de perdre sa bourse pour la fac et le respect de sa famille. Elle espère qu'en m'aidant dans cette mission, une fois qu'elle pourra se dire j'ai sauvé des gens, elle regagnera son amour propre perdu. Au final, nous avons le même but. Rattraper nos actions passées par une bonne. Nous essayons de cacher la misère derrière une bonne couche de maquillage.
Je me penche sur la préparation sur laquelle je suis en train de travailler. Les effluves de hokiya, de jarowa et de laurier cerise me piquent le nez. J'ai besoin de l'aide de Juline pour préparer une dose différente de mauriajo. Nous devons trouver ce fichu mélange afin de passer à l'étape suivante.
— Tu ne veux pas m'aider avec le mauriajo s'il te plait ?
La jeune femme finit d'ajouter son acide avant de me répondre. Je renifle rapidement dans sa direction, elle doit être en train de préparer la commande de kiros et d'orgi pour mardi prochain.
— Je t'ai préparé dix doses différentes dans le frigo.
Je me fige. Elle a quoi ?
— Ça va, ne crie pas... anticipe-t-elle. Tu avais l'air tellement dépitée la dernière fois que j'ai refait des calculs et je suis parvenue à une autre fourchette. Quelle que soit notre solution, elle se trouve forcément dans ces flacons.
J'ouvre la bouche puis la referme. Je lui ai toujours explicitement ordonné de ne pas toucher à certaines substances. Je ne tiens pas à trouver son cadavre dans mon laboratoire – ni nul part ailleurs. Elle prend les règles de sécurité bien trop à la légère. Mais elle est toujours en vie et force est de constater qu'elle nous a drôlement avancées. Je ravale donc mes sermons.
— Merci. Mais la prochaine fois, attends au moins que je sois présente pour le faire s'il te plaît. Si tu fais une erreur, il faut qu'il y ait quelqu'un pour réagir.
Juline laisse échapper un petit rire.
— Si tu avais été là, tu ne m'aurais pas laissé poser la main dessus.
— Pas faux, avoué-je.
Je soupire légèrement, contente que l'ambiance se soit déridée. Juline s'approche et pose un ensemble de tubes à essaie avec leur support. Les fioles cognent les unes contre les autres me tirant de mes pensées. Je redresse brusquement la tête, à l'affût d'une fuite d'odeur qui témoignerait d'une fêlure. Voilà pourquoi je ne laisse pas Juline toucher les produits sensibles.
— Désolée, souffle-t-elle avant de reculer et de retourner à ses tâches.
— Attends ! l'interpellé-je. Tu peux m'aider à répartir cette solution ? On va gagner du temps...
Étant donné que préparer cet erlen' demande un jour de repos pour qu'il soit fin prêt, si nous pouvons éviter de perdre à nouveau ce temps précieux... Juline accepte et se change rapidement pendant que je prépare la paillasse.
— Et je ne suis pas taciturne, je suis silencieuse, nuancé-je.
— C'est ça, à d'autres, Enola. Tu as une tête de dix pieds de long, tu as dormi cette nuit ?
Je me raidis. Non, je n'ai presque pas dormi. J'ai déjà eu du mal à me traîner jusqu'à mon lit après mon évanouissement. Et bien qu'en apparence, j'ai passé une belle nuit de huit heures, je n'ai en réalité fait que revivre en boucle la scène de notre rencontre jusqu'à ce que mon esprit s'épuise. J'ignore si je regrette ou non. C'était une période de ma vie où j'étais heureuse. Je n'avais pas encore assez souffert pour m'en rendre compte, mais j'étais heureuse. Alors que j'aimerais le détester, Eden m'a tant apporté... Retourner dans ces bons souvenirs m'a fait du bien, mais le réveil n'a été que plus difficile.
— J'ai réfléchi à l'affaire et écouté ton message, je mens à moitié. Et quelque chose cloche... Quelque chose n'y est pas comme d'habitude... Je ne le sens pas...
Je laisse ma phrase en suspens.
— Il nous faut l'antidote, me rappelle Juline. Cela ne sert à rien de se mettre la rate au court bouillon, si on ne l'a pas, tu n'iras pas loin de toute façon. Chaque chose en son temps. On y est presque, alors ne lésinons pas !
Son optimiste me donne un regain de motivation – non pas pour l'affaire, mais pour nos travaux. Elle a déjà préparé ce matin les commandes de drogues de la semaine pendant que je gérais la boutique. Une fois la partie pratique achevée, nous nous attelons à la théorie. Entre calculs et essais, une heure passe plus vite que le soleil ne se lève.
Des tocs brefs sur la porte me font soudain sursauter. Mes épaules s'affaissent. Je l'avais oublié celui-là. Ou du moins, je souhaitais qu'il m'ait oubliée. Je fais signe à Juline de se taire et je me rends dans la boutique. Je glisse l'antidote au poison d'Ethan dans ma poche et romps ma promesse plus mal gré que bon gré en ouvrant la maudite porte. L'impertinent entre sans un mot. L'odeur du poison avec lequel je l'ai contaminé m'agresse aussitôt les sens. Il a peu progressé depuis la veille, signe qu'il a bien dû respecter les délais d'administration de l'antidote. Dommage.
— On ne vous apprend pas la politesse chez vous, les gosses de riches ? maugréé-je.
Son souffle s'accélère comme outré. Mais il ne relève pas. Il trépigne. Son agitation m'insupporte déjà et empire ma mauvaise humeur.
— Vous l'avez trouvé ?
J'arque mon seul sourcil à la recherche de plaisanterie dans sa voix enrouée. Mais il est on ne peut plus sérieux. C'est une blague ? C'est pour ça qu'il est si excité ? Parce qu'il pense que j'ai trouvé son assassin en une nuit ?
— Bien sûr, il vous attend dans la réserve, répliqué-je avec le même pince-sans-rire.
J'entends ses cervicales craquer comme s'il avait tourné d'un coup la tête. Dites moi que je rêve...
— Vous me prenez pour qui ? Une magicienne ? Je ne fais pas apparaître les gens de mon chapeau, désolée de vous décevoir.
Un long soupir de lassitude lui échappe. Je profite de son calme et lui envoie le flacon salvateur qu'il réceptionne d'un réflexe agile. Le plop du bouchon ôté résonne dans le silence et l'odeur un peu poivrée contraste avec celle plus douce du poison. Elle m'agresse les narines car j'en connais la dangerosité mais pour être honnête, c'est loin d'être une senteur désagréable. Là est d'ailleurs le piège.
— J'avais espoir.
— L'espoir est mauvais, répliqué-je. Partez du principe que votre mère sera exécutée. Comme ça si non, vous serez heureux et dans le cas contraire, vous ne pourrez pas tomber de plus haut encore.
Je prends bien garde à mes mots. Je suis la pire menteuse que la terre ait portée. N'importe qui est capable de voir que je mens même quelqu'un qui ne me connaît pas. Alors je m'en tiens aux faits. Ses dents grincent. Pourtant, il ne répond pas à mon ton amer. Je l'entends inspirer plusieurs fois par le nez et compter jusqu'à dix dans sa barbe comme pour s'empêcher de rétorquer. Je me fiche de ses états d'âme. Je ne suis pas là pour lui dire les mots qu'il veut entendre. S'il voulait un psy, il a frappé à la mauvaise porte.
— J'ai besoin du rapport toxicologique, enchaîné-je, désireuse d'achever au plus vite cette entrevue désagréable. C'est le seul papier qui manque dans le dossier que vous m'avez donné.
Il se pince l'arrête du nez en soupirant à nouveau. Je grimace en entendant le bruit de la morve remuée par ses parois nasales. C'est dégoûtant.
— Les mouchoirs sont à votre droite, lâché-je du bout des lèvres.
Il marque un temps d'arrêt avant de souffler visiblement amusé et de prendre un mouchoir. Je serre des lèvres lorsqu'il se mouche. Avoir une ouïe très développée a bien des avantages, je ne m'en plains pas surtout en tant qu'aveugle. Mais il y a vraiment des bruits dont je me passerais. Et celui-ci n'arrive clairement pas en dernière position. Ce n'est de même pas pour rien que j'ai placé les toilettes à l'extrémité la plus totale du labo et du comptoir...
— Il doit faire partie des documents les plus confidentiels, répond Ethan en jetant son mouchoir dans la poubelle. Vous en avez vraiment besoin ?
— Et vous, vous avez besoin de votre langue pour déblatérer vos stupidités ? raillé-je.
J'imagine sans peine son regard noir à son reniflement, cette fois, agacé.
— Tu... Vous êtes obligée d'être aussi ironique ?
— Vous êtes obligé de poser des questions stupides ?
— Ce ne sont pas des questions stupides, je...
— Juste du manque de connaissance qui nous fait perdre du temps à vous comme à moi, l'interromps-je. Vous pouvez me l'avoir, oui ou non ?
Un instant de flottement. J'ignore s'il réfléchit à sa réponse ou se demande juste à quoi je fais référence, mais je trépigne. Non seulement, Ethan me tape sur le système par son comportement, et le fait qu'il ait osé me menacer ne me décide en rien à faciliter nos échanges. Il devra composer avec mon caractère. Si ça ne lui plaît pas, il est libre de partir.
— Ça me parait compliqué, mais je vais essayer, finit-il par lâcher. Pourquoi en avez-vous besoin ?
— Pour retrouver le Naufrageur qui a potentiellement tué votre père...
— Mais encore ? insiste-t-il.
Je croise les bras sur ma poitrine. Il croit vraiment que je vais lui révéler tous les secrets et méandres de ma vie pour qu'il puisse les retourner contre moi plus tard ? Comme il est mignon... Un nouveau soupir franchit la barrière de ses lèvres.
— Enola, si je veux pouvoir ensuite étayer des preuves contre le Naufrageur sans vous dénoncer, je dois comprendre certaines choses.
Je serre les dents. Je mourrais plutôt que de l'avouer mais il n'a pas tort. Après tout, certaines choses sont de notoriété publique. Il faut juste que je fasse la part des choses entre ce que les gens savent et ce que je sais. À cet instant, je me maudis de ne pas regarder plus la télé. Si j'écoutais plus souvent les infos, je saurais ce qui se dit sur les Naufrageurs.
— Les Naufrageurs tuent avec des poisons. J'ai besoin du rapport toxicologique pour savoir lequel a été utilisé et ainsi remonter à son utilisateur.
— C'est si simple ? s'étonne-t-il.
Non, entre, je dois calculer en fonction de la dose de poison le jour exact de la mort puis pénétrer dans le QG des Naufrageurs par effraction – cela sous-entend le trouver avant -, et alors j'aurais le nom. Mais je vais lui épargner les détails. Je hausse les épaules.
— Après on peut dire qu'entre les deux, je dois faire l'aller-retour au Palpitam si vous trouvez ça trop simple.
Il ne réagit pas et semble réfléchir.
— Quand pensez-vous avoir le nom ?
— Quand pensez-vous m'avoir le rapport toxicologique ?
Nouveau soupir.
— Ça va être vraiment compliqué...
Je me retiens de lui répliquer que son compliqué à lui ne vaudra jamais mon compliqué à moi. On ne va pas commencer à comparer nos malheurs.
— Pas de rapport toxico, pas de nom.
Ses dents grincent et je grimace.
— C'est pas vrai, c'est une manie chez vous de toujours soupirer ou grincer des dents ? m'agacé-je. C'est super désagréable !
Il m'ignore en beauté, ou du moins, je ne perçois pas de réaction.
— Il n'y a vraiment aucun autre moyen ?
— Si, si, mais ça m'amuse de vous voir galérer.
Ethan doit comprendre l'ironie car il soupire. Je retiens la réflexion qui bute sur la barrière de mes lèvres. Le sarcasme fait beau sur le papier, mais il ne fait pas vraiment avancer la discussion. Or plus vite elle est achevée, plus vite il quitte la boutique !
— Je peux essayer de vous l'avoir dans trois jours.
Cette fois, c'est moi qui manque de soupirer. C'est long et en même temps infiniment court ! Je ne peux m'empêcher de ruminer à l'idée de supporter encore cet étau pendant trois jours. Et pourtant, je sais pertinemment que soixante douze heures pour confectionner un antidote, c'est très court. Trop court...
— Très bien... On va faire avec...
Nouveau silence.
— J'en ai pour combien de temps ? m'interroge-t-il en secouant la fiole d'antidote.
— Une journée. Enfin sauf si vous la fracassez au sol et à ce moment-là, vous n'en aurez plus pour longtemps.
— Bien. À demain dans ce cas.
— Au déplaisir de vous revoir.
Il semble sur le point d'ajouter quelque chose, mais se ravise et prend le chemin de la porte. Il m'interpelle au moment où son pied touche la latte précédant la sortie.
— Et est-ce que vous pouvez également me trouver le commanditaire ? croasse-t-il d'un ton plus dur.
Je me force à rester de marbre.
— Pourquoi ?
— Parce que ça me parait utile de savoir qui nous déteste assez pour tenter d'assassiner mes parents, ironise-t-il.
Je suis surprise par son sarcasme. Comme quoi, il en est capable quand il veut ! Mais visiblement, il a la maturité de ne pas en user pour aller droit au but.
— Je sais que cela a un rapport avec l'eau, ajoute-t-il, d'un ton dur. Mais c'est trop vague pour n'en sortir qu'une personne.
— Je n'ai jamais eu accès à ces données, avoué-je sans mentir. Je ne pourrais rien faire de ce côté-ci, je vous laisse mener votre cluedo.
— Dommage...
L'obscurité qui teinte sa voix malgré sa bronchite me donne presque un frisson de frayeur. Je plisse les lèvres, comprenant que je ne dois pas perdre de vue ce côté de lui. Il a beau m'avoir donné une piètre image en me suppliant, morveux et crachotant, il cache une facette bien plus sombre. Je suis sur un fil de rasoir. Le moindre tressaillement et je bascule.
— Je me contenterai de ce déchet humain qui a tué mon père...
Je me crispe malgré moi.
— Les Naufrageurs ne sont pas des déchets, craché-je avec véhémence. Ils ne tuent pas des innocents. Ce sont des vengeurs. Et qui dit vengeurs, dit vengés. Blâmez le véritable responsable.
Sa mâchoire émet un vif craquement lorsqu'il la serre d'un coup.
— Vous les défendez encore, siffle-t-il, haineux.
Je pince des lèvres.
— Vous ne connaissez rien d'eux. Vous ne savez qu'accuser. Vous lapidez les Naufrageurs car ils sont partie émergée de l'iceberg. Celle qui fissure les coques est bien plus profonde. Lors d'un assassinat, on blâme l'assassin, pas l'arme du crime. Et bien c'est la même chose. Si personne ne les manie, Les Naufrageurs sont inoffensifs.
Pourquoi est-ce que je m'engage dans ces plaidoiries ? Cela ne changera rien. Pour lui, les Naufrageurs ont tué son père et menacent de faire tuer sa mère. Je suis certaine que comme tous, il pense que si les Naufrageurs n'existaient pas, personne ne pourrait les utiliser. Peu importe que la décision ne vienne pas d'eux, qu'ils n'avaient pas conscience de la profondeur du bourbier quand ils y ont plongé, ils n'ont qu'à se souvenir, désobéir, se dégager, doit-il se dire. Il n'a aucune idée de la perversité du système, du pouvoir surpuissant qu'une dépendance peut avoir sur un esprit, de l'amnésie qui en découle. Je ne dis pas que nous sommes des innocents. Nous sommes tous arrivés avec des envies de meurtres. Mais entre le penser et passer à l'acte il y a un fossé que peu de personnes peuvent franchir. Le dilitírio a créé une autoroute pour rendre la transition facile.
Ethan lâche un ricanement dans lequel se battent le dégoût, l'acidité et la colère.
— Responsables mais pas coupables, c'est ça ? Exactement comme les soldats nazis qui ont assassiné des familles complètes sous prétexte que c'était les ordres.
Un coup de poing dans l'estomac. La porte claque avec virulence derrière lui. Une boule se forme dans ma gorge.
— Outch, ça, ça fait mal... commente ma frangine.
Mes poumons sont pris dans une petite boîte qui se referme de plus en plus. Non, non, non ! Je ne dois pas craquer ! Des vertiges me saisissent. Le manque de fatigue, ma faiblesse physique récurrente ces derniers temps, tout ça a fragilisé l'armure que j'avais érigée contre la culpabilité. Les mots d'Ethan l'ont perforée net. Des images flous, des personnages à l'agonie sous l'effet de poisons que j'ai inventés de A à Z. Des corps noyés, brûlés de l'intérieur. Des hémorragies à ne plus finir. Et leurs cris... Leurs hurlements de souffrance sans fin résonnent dans mon esprit. Lilou, pense à Lilou. Son parfum jasmin. Ses boucles brunes, ses yeux caramel plein de candeur comme je les imagine. J'ai tout abandonné pour elle. L'épée qui me perforait le corps ralentit ses coups. Pense à Lilou, pense à tous ces Naufrageurs que ton antidote peut réveiller. Mes bronches s'ouvrent et je reprends une longue goulée d'air. Je ne pourrai jamais effacer mes erreurs passées. Mais je peux faire en sorte que personne d'autre ne les commette.
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