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Chapitre I : Black sea - Natasha Blume

« Le dilitírio n'est pas une simple drogue. C'est un enfer qui ne prend jamais fin. »

Extrait du journal d'expérimentation d'Enola sous dilitírio

L'odeur de la miction chauffée envahit le laboratoire et me monte aux narines. Je prends le temps de décomposer la senteur. Épicées, les effluves de hokiya sont bien prédominantes comme je l'espérais. Suivent les fragrances de jarowa et celles de laurier cerise. Parfait. Je baisse la température du réchaud et augmente la vitesse d'agitation du barreau aimanté. Deux secondes plus tard, pas de changements niveau odeur, pas d'ébullition. Jusque-là, tout se déroule correctement. Il y a deux ans, je me serais senti pousser des ailes, sûre de notre réussite. Les centaines d'essais infructueux que nous avons essuyés dans les deux sens du terme ont tempéré mes espoirs.

— Le mélange est bien rouge carmin ? vérifié-je tout de même auprès de Juline. Pas de trace d'émulsion orangée ni jaunâtre ?

Je me décale pour libérer le mur blanc dans mon dos et lui permettre d'apprécier l'homogénéité du mélange. Je reste à l'affût de ses mouvements, prête à la pousser si l'imprudente s'approche trop près de l'erlenmeyer en chauffe. Si ses connaissances en chimie théorique et sur les drogues sont d'une précision redoutable, leur maniement est plus hasardeux. J'ai beau lui répéter, depuis deux ans qu'elle travaille avec moi, les consignes de sécurité ont du mal à lui rentrer dans le crâne. En temps normal, je l'aurais laissée se brûler une fois, pour qu'elle saisisse enfin l'importance de ses règles. Mais le problème est qu'avec ces expériences, je n'ai aucune idée des conséquences que pourrait avoir une erreur. Une brûlure temporaire ? Ou la perte d'un membre ? Nous naviguons en terre inconnue avec des substances dangereuses. La faute n'a pas sa place dans un laboratoire clandestin.

Je tends l'oreille à l'affût de sa respiration et surtout de ses faits et gestes. J'occulte au maximum le grésillement intermittent émis par les plaques diffusant la lumière du plafond. Il faut vraiment que je change celle de gauche avant qu'elle ne me rende folle. Voire même que je change les néons tout court, car selon Juline, la luminosité est plus que moyenne.

— Ça dépend... C'est quoi rouge carmin pour toi ? m'interroge ma coéquipière.

Je soupire. J'aurais dû m'en douter...

— Rouge sang, Juline.

Un instant de silence s'écoule durant lequel je l'imagine en train d'observer avec attention le liquide à travers la vitre de verre. Un instant interminable pour moi qui trépigne. Nous travaillons sur cette étape depuis deux semaines et nous pensons enfin avoir trouvé la bonne dose de mauriajo et de hokiya à mêler.

— Oui, je pense.

Je me pince le nez. Je pense... Je déteste les incertitudes, mais j'imagine que je vais devoir m'en contenter. Elle est mon seul regard sur nos expériences. Je me tourne et tâtonne avec précaution pour trouver les bocaux en verre exposés sur les étagères. Mes doigts caressent la paroi des contenants à la recherche des symboles incrustés dans le verre. Je passe sur plusieurs jusqu'à sentir celui qu'il me faut. Le mauriajo. Et son sublime serpent en totem. Je le saisis entre mes deux mains en prenant bien garde à ne pas le lâcher. Je tends le flacon à Juline.

— Pose-le sur la table, délicatement.

Elle obéit. Je grimace en entendant tout de même le verre cogner le bois de notre surface de travail. Je ravale mon exaspération. Inspire, Enola... Je m'approche, tatillonne et ouvre le couvercle avec la plus grande des précautions. Avec un autre produit, j'aurais sans doute laissé faire Juline. Mais celui-là est trop imprévisible pour que je l'abandonne entre ses mains maladroites. D'ailleurs, elle ne me le demande même pas. Je saisis la pipette jaugée et la poire qu'elle me tend en silence. Je la plonge avec attention dans le liquide vicieux, la coinçant entre mon majeur et mon index pour être sûre qu'elle ne bouge pas. La jeune femme fait un pas en avant, faisant craquer à la fois sa cheville et la latte sous son pied. Je tique sans rien dire.

— Juline, tu me dis stop lorsque je dépasse le trait.

J'attends qu'elle s'avance encore un peu et commence à appuyer sur la poire pour aspirer le venin.

— Stop !

Je cesse d'appuyer puis me décale sans ôter mes mains du flacon. La manipulation est délicate, peu pratique pour nous deux, mais je ne la laisserai pas y toucher. Il s'agit d'une substance que je connais bien, je sais comment elle réagit et je sais surtout qu'elle n'aura pas autant d'effets sur moi que sur toute autre personne. Un des seuls avantages à la drogue qui dévaste mon organisme.

— Ok, à toi.

Elle presse le haut de la poire pour vider le surplus et que le liquide soit pile au niveau du trait de jauge. Puis je la laisse s'écarter avant d'ôter la main qui stabilisait la pipette. Je sors entièrement cette dernière du flacon d'un geste lent et sûr. Une seule goutte sur la peau et c'est la paralysie respiratoire en quelques secondes. Gants ou non. J'attends quelques instants au-dessus de l'ouverture pour laisser le surplus de liquide visqueux retomber dans le flacon. Lorsque je suis certaine de ne plus entendre le ploc des gouttes, je m'éloigne vers l'erlenmeyer toujours en chauffe.

— Précision, Juline... lui rappelé-je. Pas un millilitre de plus ou de moins.

— Chef, oui, chef !

Je la laisse de nouveau appuyer sur la poire pour ajouter le mauriajo à notre expérience en cours. Aucun bruit. Par contre, l'odeur devient tout de suite plus âcre. Je grimace, dérangée par les petites brûlures qu'elle provoque dans mon nez sensible.

— Ne te penche surtout pas au-dessus, ordonné-je à Juline. Il est de quelle couleur maintenant ?

— Toujours rouge. Un poil plus foncé, je dirais.

Je serre les dents.

— Ju, j'ai besoin de précision. Plus foncé, oui ou non ?

Nouvel instant de flottement.

— Oui.

Bien...

— Plus foncé vers quelle couleur ?

Je croise les doigts, trépigne alors qu'elle ne répond pas. Si le mélange tourne sur du rouge bordeaux comme un verre de vin, cette étape est une réussite. Sinon, c'est que les doses ne sont toujours pas bonnes. Le clic du barreau aimanté rythme les battements de mon cœur enthousiaste. Lui a encore espoir. J'ai beau tenter de l'enterrer pour ne pas me faire mal en chutant, à chaque réussite même minime, il prend en importance.

— Marron.

Mes épaules retombent et je soupire. Évidemment. Nous ne pouvions pas trouver au bout du dixième essai. Cela serait trop simple. Juline doit lire la déception sur mon visage, car elle tente de me consoler.

— On a jamais été aussi près ! C'est juste une histoire de dose, on devrait l'avoir d'ici quelques jours...

Oui, on devrait avoir cette étape d'ici quelques jours en effet... Il ne nous en restera que cinq ou six ensuite. Voilà deux ans que nous travaillons sur ce mélange après plus de cinq ans à étudier les ingrédients, nous ne sommes plus à quelques jours de plus par-ci par-là. Du moins, je l'espère... Après avoir ôté les gans, je passe mes mains sur mon visage, évitant mes yeux, pour en gommer les émotions. La fatigue devient soudain un lourd fardeau à porter. La tête me tourne si bien que je décide de m'asseoir quelques secondes.

— Il est quelle heure ? marmonné-je.

— Dix-neuf heures...

Je retiens un juron avec peine — aucune envie de déposer un ádo dans le bac à grossièreté en arrivant à la maison. Je ne pensais pas qu'il serait si tard. Je dois fermer la boutique si je veux avoir le dernier bus pour regagner mes quartiers. Juline lâche un rire.

— Quoi ? maugrée-je en ramassant le matériel en verre pour le mettre dans l'évier avec précaution.

— Rien. C'est juste que rien que pour ça, je ne suis pas prête à devenir maman.

Je souffle en ouvrant l'eau chaude pour tout faire tremper. Si elle savait... Arrêter les gros mots est un moindre mal comparé à toutes les concessions que demande un enfant. Finies les soirées du samedi soir, l'alcool dans les placards, les mcdos à tous les repas, les nuits de cavale à n'en plus finir. J'ai beau regretter certains aspects de mon ancienne vie, Lilou m'a obligée à sortir de la débauche. Elle a été le coup de pied dont j'avais besoin pour prendre conscience de l'obscurité dans laquelle j'évoluais. Je l'ai haïe sur l'instant autant que je l'ai aimée par la suite.

Une sonnette dans la boutique me tire de mes pensées. J'éteins le réchaud sans toucher à l'erlenmeyer. Il faut toujours qu'on ait un client de dernière minute...

— Je te laisse poser les derniers arrivages dans l'arrière-boutique, je vais prendre la commande et ranger le labo, décrété-je. Dès que tu as fini, tu peux partir.

— Chef, oui, chef.

Je lui adresse un sourire bref, l'imaginant sans peine au garde-à-vous. Je renifle rapidement en direction de notre échec fumant. Pas d'évolution niveau odeur. Pas de bruit particulier. Je pense que je peux le laisser sans surveillance le temps de servir le client. Je saisis ma canne appuyée contre le mur et commence à me déplacer en boitant entre ses meubles que je connais maintenant par cœur. La main sur la poignée, je lance par-dessus mon épaule :

— Tu n'y touches pas, Juline, je ne plaisante pas.

Je l'entends marmonner dans sa barbe qu'elle n'est pas débile alors que je quitte le laboratoire. Mieux vaut prévenir que guérir. Une senteur de pin musquée me parvient aussitôt. Un homme. Et un client des plus normaux au vu des effluves qu'il dégage. Le désodorisant pour voiture, un parfum masculin des plus épicés. Il empeste l'innocence. Dommage. Je n'aurais pas été contre une petite confrontation corsée...

Si Juline m'aide dans la confection de tous mes produits, je ne la laisse jamais accueillir les clients. Pour la bonne et simple raison que je ne la vois pas faire face à un camé en manque ou à un dealer peu amène.

Le bout de ma canne cogne contre le comptoir et je perçois un mouvement surpris de l'homme au bruissement de tissu. Il devait être en train de regarder les produits exposés sous vitrine. Son souffle s'accélère légèrement, d'étonnement sans doute. Un nouveau qui ne m'a jamais vue donc.

— Bonjour, en quoi puis-je vous aider ?

— Oui, excusez-moi de passer si tard, je cherche un relaxant pour dormir et mon médecin m'a dit de passer chez vous. Selon lui, vos produits sont plus efficaces et moins toxiques que les somnifères des pharmacies.

Pas de mots-clés. L'hypothèse du nouveau client des plus normaux se confirme. À mon grand désespoir.

— Qui est votre médecin ? l'interrogé-je tout de même d'un ton léger.

— Docteur Partouz.

Effectivement, pas du genre à m'envoyer des toxicos.

— Je vais vous donner ça. Pas d'allergies particulières ?

— Non.

Je contourne le bureau avant de poser la main sur les étagères en bois où sont de nouveau gravés des symboles. De nouvelles odeurs viennent me coller à la peau quand il se met en mouvement. Celles de l'essence, de la peinture et de l'encre. Quelqu'un qui doit travailler dans un bureau où la peinture vient d'être refaite et qui a été faire le plein vu l'intensité de chaque senteur.

Le Monsieur me suit de près, comme s'il s'attendait à me voir trébucher à tout moment. Il croit quoi ? Que je ne connais pas un minimum l'endroit dans lequel je travaille ? J'ai beau ne pas voir, je saurais réciter la disposition de ces pièces avec plus de précision qu'un voyant. Je chasse mon agacement et me concentre pour trouver la lune gravée dans le pin. L'homme ne cesse de tourner la tête, regardant certainement les lieux pour le moins atypiques. Les murs en pierre, les meubles en bois foncé, localisation exilée des quartiers aisés. En réalité, je n'ai pas repris cette petite boutique pour l'ambiance, bien qu'elle ne me déplaise pas. Je l'ai achetée, car elle était assez proche du centre pour que mon ouïe délicate ne soit pas sans cesse harcelée par le capharnaüm de la capitale. Et aussi, j'avoue, parce qu'elle me permettait d'être à l'abri des regards. La police rôde rarement par ici, elle préfère se tenir à distance des dealers et de leur mauvaise humeur. Même à présent que mes activités ne me vaudraient plus la peine de mort, je ne me vois pas déménager. Je me suis construite une routine, une clientèle pour le moins particulière.

Je saisis un échantillon, ôte le bouchon et le remue pour vérifier qu'il s'agit bien du bon produit. Les effluves de pierniati me parviennent. J'en prends donc une fiole neuve que je tends à l'homme.

— Voilà pour vous. Vous mettez le flacon ouvert sous votre nez une demi-heure avant de dormir et vous respirez profondément par le nez pendant cinq secondes. Faites bien attention à refermer correctement la fiole sinon elle ne durera pas les deux mois qu'elle peut faire.

— Merci, je vous dois combien ?

Je lui indique le comptoir. J'y retourne, traînant ma patte folle derrière moi, en respectant le même schéma qu'à l'aller. J'effleure le clavier de ma machine à carte pour sentir les chiffres écrits en braille. J'entre la somme et tends le boîtier au Monsieur. Le bip résonne dans la pièce.

— En vous souhaitant une bonne soirée, lui souris-je.

— Vous de même.

Je le remercie d'un hochement de tête, attends que la porte claque à nouveau pour retourner dans le laboratoire. L'odeur des produits mêlés me frappe. Je range d'abord les quelques bocaux traînant sur les tables réservés aux produits licites. Alors que je m'approche des pots contenant les herbes séchées, un effluve piquant vient déranger mes narines. Jokli. J'avance les mains vers le bocal concerné qui comme je m'y attendais n'est pas complètement refermé. Juline... J'en resserre bien le couvercle avant de m'attaquer aux paillasses de drogues. Tout y a déjà été rangé. Parfait. J'effleure ma montre du bout des doigts.

— Dix-neuf heures trente-six, déclare une voix robotique.

J'ai tout juste le temps de finir avant de prendre le bus. Je me dirige vers l'erlenmeyer toujours en place. Je pose ma canne et cherche le réfrigérateur de la main. Son grésillement si caractéristique et la fraîcheur qu'il dégage ne peut me tromper. J'en tire la poignée et saisis l'unique fiole dans la porte.

Me guidant à l'odeur, je m'approche de l'erlenmeyer dans lequel repose notre énième tentative infructueuse. J'avance la paume pour en mesurer la température et la proximité. Je peux poser les doigts dessus sans me brûler. Je le décroche et le pose sur la table. J'inspire profondément. La prochaine étape doit se faire on ne peut plus rapidement. Je retiens ma respiration puis d'une main, je dévisse le bouchon de ma fiole. J'appuie sur la pipette pour prélever du liquide. En m'aidant de ma deuxième main posée sur l'erlen', je laisse tomber une goutte dans notre expérience ratée. Je referme avec empressement la fiole que je replace au frigo. Je reprends alors une profonde goulée d'air. Une légère vapeur vient titiller mon odorat. Je me crispe en sentant l'appel qu'elle fait résonner en moi. Mais cette attraction est comme une mouche que je n'hésite pas à chasser d'un mouvement de main. Rien à voir avec l'essaim de frelons qui m'a déjà ensevelie par le passé.

Je recule en boitant pour m'éloigner alors qu'un bruit d'ébullition martyrise mes oreilles. Deux semaines d'effort qui partent en fumée. D'ici demain, le dilitírio aura dévoré intégralement toutes les substances et il ne restera plus que l'eau de mer dont nous nous sommes servi comme solvant.

Je rouvre le frigo et sors une seringue pleine. Je fais sortir les bulles d'air avec précaution et remonte ma manche. Le pansement qui couvre le creux de mon coude ôté, je m'injecte l'antidote temporaire. Je sais que cela est à présent inutile. Mon corps et la drogue qui y sévit depuis huit ans se sont adaptés et ce qui est censé retarder les effets du poison ne fonctionne plus depuis peu. Mais arrêter la dose hebdomadaire reviendrait à abdiquer. Je secoue la tête. Allez, Enola, on bouge.

Je saisis mon manteau, ma canne et sors du laboratoire. En passant au niveau de la porte, j'appuie sur le bouton pour éteindre les plaques lumineuses. Le grésillement s'arrête, soulageant en partie mes tympans en supplice. Il faut vraiment que j'appelle quelqu'un pour changer ça.

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